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Le Bolchévik nº 211

Mars 2015

Bas les pattes devant le délégué SUD Karim Khatabi !

« Opération Charlie » chez Bombardier contre un militant syndical

La procédure de licenciement contre Karim Khatabi, du syndicat SUD à l’usine Bombardier Transport de Crespin (Nord-Pas-de-Calais), est un exemple particulièrement grotesque de comment les patrons utilisent les attentats terroristes de janvier pour attaquer les syndicats.

Karim Khatabi est délégué CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) pour SUD, le principal syndicat dans cette usine de 2 000 ouvriers depuis les élections il y a un an où la CGT avait perdu sa majorité. Sous la direction de Khatabi, SUD a porté plainte en janvier contre Bombardier parce que ce dernier refuse de respecter les normes françaises de sécurité dans les cabines de peinture. Des tests médicaux montrent que les travailleurs ont été surexposés à certains produits toxiques qui représenteraient un danger pour le système reproductif et qui ont causé des problèmes d’eczéma et de démangeaisons. Rodrigue Louadoudi, délégué syndical SUD, a comparé ce cas au scandale de l’amiante. Le syndicat a fait fermer les cabines de peinture dans l’usine et il a posé comme conditions à leur réouverture que l’on fournisse aux ouvriers des vêtements de protection adaptés, et d’autres mesures de sécurité comme des filtres à air.

C’est dans ce contexte que les patrons ont accusé Khatabi d’avoir proféré des « propos inacceptables » le lendemain de l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo. La déclaration de SUD montre que les « propos inacceptables » venaient en fait de certains collègues racistes : « Certain-e-s ont fait l’amalgame entre l’origine (réelle ou supposée) de notre délégué syndical, sa religion (réelle ou supposée), les attentats horribles commis contre Charlie Hebdo, et le fait qu’il n’était pas ici dans son pays. Notre délégué syndical a réagi vivement et avec raison à de tels propos, dénonçant les amalgames et discutant, comme il est d’usage de le faire dans les ateliers, en toute franchise et spontanéité. » Karim Khatabi a répondu : « Je suis musulman, mais si je fais le ramadan, je ne vais pas à la mosquée. Me traiter de fondamentaliste, c’est surfer sur la vague de l’islamophobie. Je suis avant tout l’homme à abattre. » Nous exigeons sa réintégration immédiate. Bas les pattes devant Karim Khatabi !

De façon répugnante, les dirigeants de la CGT et de la CFDT ont voté avec les patrons le licenciement du délégué SUD et ils ont boycotté la grève appelée par SUD pour le défendre le 30 janvier. Concernant la question de la sécurité, la CGT a déclaré : « Nous, nous sommes là pour sauver des emplois. Quand on ferme une cabine de peinture, ça peut avoir des incidences sur l’emploi ici et la direction peut aussi aller faire peindre dans d’autres usines du groupe [...]. »

Là-derrière il y a la tentative de la CGT de regagner la majorité syndicale. Jean-Pierre Delannoy, ex-secrétaire de la CGT dans l’usine et bureaucrate syndical régional, a traité de « racistes » les propos de Khatabi sur l’affaire Charlie Hebdo, et il a déclaré au Figaro : « C’est exceptionnel, par principe, la CGT n’a jamais voté pour un licenciement. » Delannoy avait été célébré par la gauche réformiste comme le candidat pour diriger une « CGT lutte de classe » lorsqu’il s’était présenté au secrétariat général de la CGT contre Bernard Thibault lors du congrès de 2009.

Nous ne savons pas ce que Karim Khatabi a dit ou pas dit à propos de l’attentat contre Charlie Hebdo, mais il est clair que la chasse aux sorcières des patrons contre lui et SUD est directement liée à la lutte sur la question de la sécurité. C’est la vraie raison pour son licenciement. Si les patrons réussissent à le licencier, c’est tous les travailleurs de l’usine qui vont payer. Cette attaque se déroule dans un contexte de répression antisyndicale de plus en plus intense dans tout le pays. Tout le mouvement ouvrier est concerné ; il devrait se mobiliser pour défendre Karim Khatabi et toutes les victimes de l’offensive antisyndicale des patrons !

Il faut une lutte politique pour remplacer les dirigeants traîtres actuels par une direction vraiment lutte de classe qui s’oppose aux manœuvres racistes des patrons pour diviser et mieux régner. Une telle direction chercherait à mobiliser la puissance sociale de la classe ouvrière multiethnique pour stopper la menace croissante des fascistes. Elle lutterait pour syndiquer les non-syndiqués, embaucher les jeunes travailleurs en CDI et partager le travail entre toutes les mains sans perte de salaire.

Elle défendrait les jeunes des minorités contre la répression policière, y compris les dizaines de jeunes qui sont poursuivis aujourd’hui pour « apologie du terrorisme ». La division des syndicats selon les affinités politiques et selon la profession, en France et ailleurs, fait le jeu des patrons. On le voit très bien chez Bombardier où les patrons cherchent à jouer divers syndicats contre un autre afin de mieux piétiner les intérêts des travailleurs et défendre leur taux de profit. Notre perspective, c’est un seul syndicat dans chaque industrie.

Il faut baser la lutte sur un programme plus large pour balayer le système capitaliste de profit et pour la révolution socialiste. Le cas de Karim Khatabi montre que malgré la discrimination raciste systématique à l’embauche en France, une composante stratégique de la classe ouvrière (y compris organisée dans les syndicats) est d’origine immigrée. La bourgeoisie le sait très bien et c’est précisément pourquoi elle a sauté sur l’occasion offerte par l’affaire Charlie pour alimenter la division raciste. Cette couche de travailleurs issus des minorités, du fait même qu’elle figure parmi les plus opprimés et qu’elle a moins d’illusions dans le capitalisme français raciste, a le potentiel pour jouer un rôle crucial dans le renversement de ce système capitaliste. Nous luttons pour construire un parti d’avant-garde révolutionnaire multiracial pour se battre dans ce but !

 

Le Bolchévik nº 211

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