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Le Bolchévik nº 209

Septembre 2014

Défense des Palestiniens ! Pour une fédération socialiste du Proche-Orient !

La campagne pour le « boycott d’Israël » et les illusions dans l’impérialisme démocratique

Cet article a été traduit du journal de nos camarades américains Workers Vanguard (n° 1045, 2 mai).

* * *

La campagne pro-palestinienne « Boycott Désinvestissement Sanctions » (BDS) prend pied ces derniers temps un peu partout dans les universités en Europe et aux Etats-Unis, ainsi que dans certains secteurs restreints de la bourgeoisie en Europe. Ce mouvement libéral appelle « les organisations de la société civile et les citoyens de conscience du monde entier » à organiser des campagnes pour le boycott d’Israël et le retrait des investissements dans ce pays, une puissance capitaliste régionale qui domine brutalement le peuple palestinien depuis plus de soixante ans. Il appelle aussi ses partisans à faire pression sur leur gouvernement pour imposer des embargos et des sanctions contre Israël. Le but déclaré de cette campagne est de forcer Israël à appliquer le « droit international » et à reconnaître le droit des Palestiniens à l’autodétermination.

L’American Studies Association (ASA) a fait la une de l’actualité aux Etats-Unis quand elle a adhéré à la campagne BDS en décembre 2013. Plus de mille professeurs et universitaires aux Etats-Unis ont adhéré à la « Campagne américaine pour le boycott universitaire et culturel d’Israël ». Dans plusieurs universités, le bureau des élèves a symboliquement voté de cesser tout investissement en Israël. A l’Université Loyola de Chicago et à l’Université de Californie (UC) à Berkeley, Irvine et San Diego, le bureau des élèves a voté de cesser les investissements de l’université dans des sociétés comme Caterpillar, Hewlett-Packard, General Electric et Boeing parce qu’elles font des affaires avec Israël. Les campagnes de désinvestissement font des remous à l’Université du Michigan, à l’Université d’Etat de l’Arizona, à la New York University et à l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT).

La campagne BDS fait débat ailleurs également dans le monde. Des fonds de pension européens ont retiré certains des investissements qu’ils avaient dans des banques israéliennes, et des sociétés européennes ont annulé certains de leurs contrats. La controverse la plus notoire concerne l’actrice Scarlett Johansson, qui a renoncé à son titre d’ambassadrice de l’association humanitaire britannique Oxfam pour conserver son contrat avec la compagnie israélienne SodaStream, dont une usine est implantée dans une colonie de Cisjordanie.

Comme on pouvait s’y attendre, les sionistes ont lancé une grande campagne de calomnies et de répression contre tous les défenseurs de BDS. A l’occasion d’une conférence de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) en mars dernier, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a donné ses instructions aux sionistes américains : « Il faut traiter ceux qui portent l’étiquette BDS de la même façon que l’on traite n’importe quel antisémite ou fanatique. Il faut les dénoncer et les condamner. Il faut boycotter les boycotteurs. » D’après le Times de Londres du 11 février, le gouvernement israélien a lancé une campagne médiatique visant à établir publiquement un lien entre les partisans de BDS et des « terroristes » et des « Etats ennemis ».

La principale tactique de la machine bien huilée de la propagande sioniste est de dénoncer comme du fanatisme antijuif toute critique de l’Etat raciste et semi-théocratique d’Israël, qui jouit du soutien total du gouvernement américain. Ses attaques contre quiconque veut défendre les Palestiniens vont bien plus loin que les calomnies et les atteintes à la liberté d’expression des étudiants. La cabale pro-Israël est très organisée et richement dotée ; elle œuvre sans discontinuer pour obtenir la suspension des militants de leur établissement scolaire, pour que les parlements des Etats coupent les subventions aux universités qui soutiennent le boycott, ou pour interdire toute critique d’Israël en vertu des lois contre l’incitation à la haine.

David Greenfield, conseiller municipal démocrate de New York, avait lancé l’année dernière une attaque calomnieuse contre la campagne BDS en la décrivant comme « un mouvement haineux, antisémite et pro-terroriste » à la veille d’un meeting organisé au Brooklyn College de New York auquel devaient participer Omar Barghouti, porte-parole de BDS, et l’universitaire libérale Judith Butler (voir notre article « Des partisans d’Israël provoquent un scandale au Brooklyn College », Workers Vanguard n° 1018, 22 février 2013). Le Spartacus Youth Club de New York a défendu les partisans de BDS en protestant devant l’université avec des pancartes qui disaient « A bas la chasse aux sorcières sioniste au Brooklyn College ! Défense des Palestiniens ! »

Un certain nombre de groupes universitaires défendant les droits des Palestiniens se sont fait censurer ou intimider aux Etats-Unis ces derniers mois. C’est le cas notamment à l’Université Northeastern de Boston, où l’organisation Etudiants pour la justice en Palestine (SJP) a vu plusieurs de ses membres suspendus par l’administration en mars dernier, et ce jusqu’en 2015, pour avoir distribué dans la résidence universitaire de faux avis d’expulsion pendant la « Semaine contre l’apartheid israélien ». Cette action simulait la distribution d’avis d’expulsion par les occupants israéliens avant la destruction de maisons palestiniennes. Le groupe a été réautorisé récemment sur l’université, à titre probatoire, pour le semestre d’automne sous la pression de rassemblements étudiants et la menace de poursuites judiciaires contre l’université pour violation de la liberté d’expression. Pendant cette suspension, l’administration a ordonné que les représentants du groupe suivent une formation dûment approuvée par l’université s’ils voulaient faire partie d’une autre organisation étudiante. Deux des étudiants qui avaient pris part à la simulation d’expulsion ont été initialement menacés de renvoi, et Max Geller, un porte-parole juif du groupe, a reçu des menaces de mort. Nous exigeons la réintégration du SJP de Northeastern en tant qu’organisation étudiante de plein droit ! A bas la chasse aux sorcières sioniste !

Cette attaque contre le SJP de Northeastern a été orchestrée par les mal nommés « Américains pour la paix et la tolérance ». Plusieurs professeurs de l’université ont été victimes de diffamation de la part de ce groupe sioniste. Denis Sullivan, co-directeur du Centre du Proche-Orient, s’est ainsi fait vilipender pour tout et n’importe quoi, que ce soit pour avoir défendu Norman Finkelstein, historien juif et opposant de la terreur sioniste, ou simplement pour avoir déclaré que le Hamas fournit des soins dans la bande de Gaza. Lors d’un voyage dans les territoires palestiniens organisé par l’Université de Californie en 2012, les étudiants se sont fait espionner par l’organisation sioniste Initiative AMCHA. L’ASA a vite été marginalisée dans le milieu universitaire : plus de 80 présidents d’université ont condamné son soutien au BDS, et plusieurs d’entre eux ont quitté l’association. Pendant ce temps, un projet de loi a été déposé à la Chambre des représentants des Etats-Unis qui prévoit de supprimer les subventions aux universités boycottant les institutions universitaires ou les chercheurs israéliens.

Les Spartacus Youth Clubs (SYCs) sont fondamentalement en désaccord avec la politique libérale de BDS, mais ils s’opposent vigoureusement à toute tentative de l’Etat pour limiter le droit de ses partisans à exprimer leurs vues. Bas les pattes devant les partisans de BDS !

BDS : Un obstacle à la libération des Palestiniens

Les SYCs sont pour la défense des Palestiniens contre la terreur d’Etat sioniste. Nous sommes opposés à toute aide américaine à Israël ; nous exigeons le retrait des troupes israéliennes et des colons des Territoires occupés, et nous sommes pour le droit au retour des réfugiés palestiniens et de leurs descendants. Nous partons du principe qu’il ne peut pas y avoir de solution juste au conflit israélo-palestinien dans le cadre du capitalisme. Sous le capitalisme, quand deux populations nationales revendiquent le même territoire, l’autodétermination de l’une ne peut s’exercer qu’au détriment de l’autre. C’est seulement dans le cadre d’une fédération socialiste du Proche-Orient que pourront être satisfaites de façon équitable les revendications nationales des Palestiniens et des nombreux autres peuples opprimés de la région. En clair, les peuples du Proche-Orient ne connaîtront la justice, la paix et la prospérité que quand la domination bourgeoise aura été renversée dans toute la région par une série de révolutions ouvrières.

BDS a au contraire pour stratégie d’exercer une pression morale sur les administrations des universités ou sur les grandes entreprises américaines pour qu’elles laissent tomber Israël et placent leur argent dans des investissements soi-disant plus éthiques. Les universitaires, les étudiants et les « travailleurs de la culture » sont appelés à « manifester leur solidarité » avec les Palestiniens en refusant par exemple de participer à des activités universitaires ou culturelles israéliennes. Le caractère idéaliste et libéral de cette perspective apparaît clairement dans la déclaration suivante de Barghouti, porte-parole de BDS :

« On retrouve le paradigme classique de la force contre le droit, le droit étant reconnu par tous ceux qui, partout dans le monde, sont de moins en moins disposés à supporter les crimes d’Israël et leur impunité et comprennent que le lent génocide dont il est responsable leur impose d’agir, d’agir vite, d’agir avec efficacité, avec nuance et finesse politique, et surtout avec une rigueur morale constante et incontestable. »

L’essor de la campagne BDS a pour toile de fond la situation de plus en plus désespérée des masses palestiniennes dans les Territoires occupés. Gaza est essentiellement un camp de concentration misérable, régulièrement bombardé en toute impunité par Israël, et cerné par une clôture électrifiée, une frontière hermétiquement fermée avec l’Egypte et la Méditerranée. Sa survie dépend de l’aide de l’ONU que le régime israélien consent à laisser entrer. La population palestinienne en Cisjordanie est bouclée par un mur de l’apartheid et soumise à une occupation militaire israélienne meurtrière. Les Palestiniens y sont séparés par des colonies comptant au total plus de 600 000 sionistes, appuyés par des milliers de militaires. Il y a partout d’humiliants postes de contrôle militaire et les communications entre les villes palestiniennes sont pratiquement impossibles, les routes étant « réservées aux Israéliens ».

Dans une pareille situation, le soi-disant « succès » du mouvement ne se mesure pas à un quelconque changement réel dans les conditions matérielles des Palestiniens, mais seulement à l’attention portée par les médias. Ali Abunimah, l’un des dirigeants de BDS, l’a exprimé sans ambiguïté lors d’une interview avec les réformistes de l’International Socialist Organization (ISO) publiée sous le titre « Nous commençons à gagner » (avanti4.be, 14 avril). Après avoir décrit le retour de bâton sioniste contre BDS comme un indicateur du succès de la campagne, Abunimah y déclarait : « C’est assez remarquable. Un autre signe de la réussite et de la croissance de BDS est le fait que des représentants politiques américains comme Samantha Power, l’ambassadrice US aux Nations Unies, se prononcent contre BDS. Cela montre qu’ils sont en train de sortir tous les gros canons. »

En réalité, BDS a pour stratégie d’en appeler à ces mêmes forces impérialistes qui ont historiquement occupé, colonisé et opprimé le Proche-Orient. De son côté, l’ISO a eu un rare moment de sincérité en décrivant succinctement comme suit le but de BDS : « exercer suffisamment de pression pour “obliger les sionistes à changer leurs calculs stratégiques” de façon à rendre acceptable l’option d’un Etat démocratique » (socialistworker.org, 13 mars). Chercher à faire pression sur les impérialistes pour qu’ils investissent de manière plus « socialement responsable » ou « éthique » laisse entendre que ceux-ci seraient d’une certaine façon meilleurs qu’Israël ; c’est créer de dangereuses illusions dans la nature soi-disant bienveillante des impérialistes, dont les intérêts de classe sont fondamentalement opposés à ceux des ouvriers et des opprimés du monde entier. Ce n’est pas un hasard si les partisans du boycott des régimes « immoraux » comme Israël ne proposent pas de boycotter les produits américains : ils croient qu’il est possible de faire pression sur des démocraties bourgeoises comme les Etats-Unis pour en faire une force œuvrant pour le bien dans le monde. Mais c’est la force économique et militaire des Etats-Unis et des autres puissances impérialistes qui maintient tout le système capitaliste mondial en place.

Même si les crimes sionistes contre les Palestiniens sont abominables, ils ne souffrent pas la comparaison avec ceux du principal soutien impérialiste d’Israël : les Etats-Unis, responsables depuis plus d’un siècle de massacres, de torture et de génocides à l’échelle mondiale. De la brutale occupation des Philippines après la guerre hispano-américaine de 1898 à l’invasion et l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan, en passant par la guerre contre-révolutionnaire contre les ouvriers et les paysans vietnamiens, les impérialistes américains ont torturé et massacré tout ce qui se trouvait en travers de leur chemin vers la suprématie mondiale.

La classe dirigeante impérialiste américaine défendra ses intérêts aussi impitoyablement qu’il le faudra, en dépit des objections des « citoyens de conscience ». Les Etats-Unis soutiennent Israël sans réserve parce qu’Israël a servi et continue de servir les intérêts de l’impérialisme américain dans la région. La seule voie vers la libération des victimes sans nombre de l’impérialisme américain, c’est la révolution socialiste dirigée par la classe ouvrière internationale, pour écraser les impérialistes et autres classes dirigeantes capitalistes dans le monde entier et jeter les bases pour le développement d’une société socialiste égalitaire.

La campagne de désinvestissement contre l’Afrique du Sud

Les partisans de la campagne BDS font le parallèle entre leur lutte contre l’« apartheid israélien » et la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Dans un éditorial de Socialist Worker du 27 février, l’ISO déclarait : « C’est précisément quand le régime sud-africain n’était plus en mesure de défendre sa légitimité qu’il est devenu clair que les jours de l’apartheid étaient comptés. Le mouvement BDS est en train de précipiter la venue de ces jours-là pour les Palestiniens, qui sont impatients de vivre en tant que citoyens égaux sur leur terre d’origine. » D’anciens porte-parole de la campagne de désinvestissement contre l’Afrique du Sud, comme l’archevêque Desmond Tutu, soutiennent aujourd’hui la campagne BDS.

Outre le fait (sur lequel nous reviendrons) que la fin du système légal de l’apartheid n’a pas éliminé l’oppression des masses noires d’Afrique du Sud, la campagne de BDS, avec l’ISO à sa traîne, colporte la fiction libérale que les désinvestissements ont mis fin à l’apartheid en Afrique du Sud. Ils enterrent les luttes sociales de masse des travailleurs noirs et de couleur, centrées sur une puissante classe ouvrière, qui ont mis un terme au régime de la domination blanche directe en Afrique du Sud. Dès avant la chute de l’apartheid, les augmentations de salaire significatives arrachées par la lutte de classe des Noirs et l’instabilité provoquée par la multiplication des grèves avaient dissuadé les investissements. Elles menaçaient directement les profits de l’impérialisme américain, qui commençait à voir le régime sud-africain comme un boulet.

Dès le début des années 1990, les impérialistes et une partie de la classe dirigeante sud-africaine avaient décidé de miser sur un accord de « partage du pouvoir » avec le Congrès national africain (ANC). Un facteur clé a joué : la destruction contre-révolutionnaire en 1991-1992 de l’Union soviétique, qui pendant des décennies avait apporté un soutien matériel et diplomatique à l’ANC. Alors que le régime stalinien de Moscou se désintégrait, mettant ainsi fin à la soi-disant « menace communiste », les dirigeants sud-africains se sont rapprochés de Nelson Mandela et de l’ANC.

Le désinvestissement en Afrique du Sud a dans une large mesure pris la forme suivante : des sociétés étrangères ont confié leurs intérêts à des filiales locales, qui bien souvent traitaient leurs travailleurs encore plus brutalement. En fait, le désinvestissement allait à l’encontre des intérêts de la classe ouvrière sud-africaine. On l’a vu en 1989 avec les grèves contre Mobil Oil et Goodyear qui avaient l’intention de retirer leurs investissements de l’économie sud-africaine dans le cadre de la campagne de désinvestissement. Si les travailleurs de Mobil Oil ont reçu une petite indemnité en échange, les 1 200 ouvriers de Goodyear, représentés par le Syndicat national des métallurgistes, se sont fait licencier en masse.

Nous soutiendrions des actions syndicales ponctuelles contre l’Etat israélien, comme par exemple en réponse à une atrocité particulière perpétrée par Israël. Mais nous sommes politiquement opposés aux mouvements permanents de boycott, de désinvestissement et de sanctions. Si elles étaient suivies d’effets, les campagnes de boycott porteraient préjudice à la classe ouvrière d’Israël – juive, arabe et immigrée – en provoquant des licenciements en masse ; cela affaiblirait sa puissance sociale, qui doit être mobilisée pour écraser l’Etat sioniste par une révolution socialiste. Comme nous le disions dans le cas de la lutte contre l’apartheid, « la seule forme de “désinvestissement” qui profitera aux exploités et aux opprimés, ce sera la révolution prolétarienne et l’expropriation de ces richesses par un gouvernement ouvrier centré sur les Noirs, partie intégrante d’une fédération socialiste de l’Afrique australe » (« Les ouvriers noirs en grève contre les attaques antisyndicales du “désinvestissement” », Workers Vanguard n° 486, 29 septembre 1989).

Par ailleurs, le mouvement BDS enjolive l’horrible pauvreté et la paupérisation qui sévissent toujours autant aujourd’hui dans l’Afrique du Sud du néo-apartheid. Même si la ségrégation raciale légale de l’apartheid n’a plus cours, les fondements économiques et sociaux de la suprématie blanche, basée sur la surexploitation des travailleurs majoritairement noirs, restent intacts. L’Afrique du Sud est actuellement dirigée par la même classe capitaliste blanche, avec un saupoudrage de quelques visages noirs. L’ANC, qui avait été la direction du mouvement de désinvestissement contre l’Afrique du Sud, gère aujourd’hui cet ordre capitaliste de néo-apartheid par l’intermédiaire du gouvernement d’Alliance tripartite – ordre capitaliste qui opprime brutalement la classe ouvrière sud-africaine, comme l’a montré le massacre de 34 mineurs grévistes en août 2012.

L’analogie est également fausse à un autre niveau. Le capitalisme sud-africain, aussi bien sous le régime de l’apartheid qu’aujourd’hui, est basé sur l’exploitation brutale des travailleurs noirs dans les mines et les usines. Le prolétariat sud-africain noir, grâce à sa taille et au rôle central qu’il joue dans la production, a un énorme pouvoir social. En revanche, l’Etat sioniste d’Israël repose sur la main d’œuvre juive, et il a toujours marginalisé autant que possible les travailleurs palestiniens. Aujourd’hui, les Palestiniens qui vivent dans les Territoires occupés sont pratiquement exclus de l’économie israélienne. Depuis les accords d’Oslo de 1993 (qui avaient été concoctés par les Etats-Unis), la bourgeoisie sioniste a remplacé des centaines de milliers de travailleurs palestiniens par des ouvriers venus d’Asie, d’Afrique et d’Europe de l’Est, qui sont eux-mêmes profondément exploités et opprimés. Ceci souligne le fait que la libération nationale et sociale des Palestiniens ne peut s’obtenir que par une lutte de classe conjointe contre la classe dirigeante d’Israël et celles des pays arabes de la région, qui sont tout autant des oppresseurs des Palestiniens.

« Un seul Etat » ou « deux Etats » : une question chimérique

La campagne BDS prenant de l’ampleur, un débat s’est engagé au sein du mouvement pro-palestinien. Il y a d’un côté les partisans de la solution d’un seul Etat : les Israéliens et les Palestiniens vivraient dans un Etat laïque et démocratique bourgeois. De l’autre, il y a les partisans d’une solution prévoyant deux Etats, où les Israéliens auraient leur propre Etat et les Palestiniens le leur. Norman Finkelstein, longtemps chouchou du mouvement pro-palestinien, a provoqué un tollé en 2012 en déclarant que le BDS était une « secte » et que son programme visait à « détruire Israël ».

Les Palestiniens ne pourront pas réellement décider de leur sort tant qu’existera l’Etat capitaliste raciste d’Israël, qui par nature opprime les Palestiniens. Un « Etat » palestinien dans des frontières comme celles de 1967, avec la bande de Gaza et la Cisjordanie, serait dans le meilleur des cas une expression profondément partielle et déformée de l’autodétermination des Palestiniens. Ce serait un mini-Etat, un ghetto étranglé par Israël et les régimes arabes bourgeois environnants, qui pourraient y déverser leur population palestinienne indésirable (laquelle s’élève à plus de trois millions de personnes en Jordanie, 1,7 million en Israël et un million au Liban et en Syrie).

Bien que l’Appel de BDS ne prenne pas position sur la question d’un seul Etat ou de deux Etats séparés, et que les opinions de ses partisans à cet égard soient diverses, plusieurs figures de premier plan de la campagne BDS soutiennent la solution d’un seul Etat. Barghouti, dirigeant de BDS qui appelle souvent les Juifs israéliens la « communauté oppressive », défend la solution d’un « Etat démocratique et laïque » qui soi-disant garantirait à la fois les droits des Juifs et ceux des Palestiniens.

En réalité, cette Palestine « démocratique et laïque » exclurait les millions de Palestiniens vivant en Jordanie, un pays majoritairement palestinien. Plus fondamentalement, cette position nie à tort le fait que les Juifs israéliens constituent une nation ayant aussi le droit à l’autodétermination. Le dirigeant de BDS Haidar Eid l’a exprimé clairement :

« Un Etat binational est par définition un Etat composé de deux nations. Ces deux nations ont du point de vue historique des droits sur le territoire. Mais les Juifs ne constituent pas une nation. Les Juifs israéliens constituent une communauté de colons-colonialistes, comparables aux Blancs d’Afrique du Sud et aux Français en Algérie. Les colons colonialistes n’ont pas le droit à l’autodétermination. »

– socialistworker.org, 16 décembre 2013

La doctrine selon laquelle une nation oppressive perd le droit à l’autodétermination est l’idéologie de l’irrédentisme génocidaire. L’Etat sioniste a été créé en foulant aux pieds les droits nationaux des Palestiniens. Mais garantir la justice nationale pour les Palestiniens ne doit pas impliquer un renversement des termes de l’oppression en déniant aux Juifs israéliens leurs droits nationaux. Notre position léniniste part du principe que toutes les nations ont le droit à l’autodétermination.

De plus, prétendre que les Juifs israéliens n’ont pas de droits les pousse davantage encore dans les bras du pouvoir sioniste. Avec leur perspective, Eid, Barghouti etc. rejettent toute possibilité de jamais gagner la classe ouvrière juive israélienne à un programme pour l’unité de classe avec ses frères et sœurs arabes, contre tous les exploiteurs et oppresseurs de la région. Mais si l’on ne se tourne pas vers le prolétariat pour faire avancer sa cause, il n’y a qu’une seule autre force sociale à laquelle recourir : les puissances impérialistes capitalistes, leurs politiciens et leurs institutions. Finkelstein fulmine contre le refus supposé de BDS d’opérer dans le cadre des Nations Unies. Mais en fait la campagne BDS, tout comme Finkelstein, en appelle à l’ONU pour faire appliquer le « droit international ». Les opposants à la terreur sioniste ne doivent avoir aucune confiance dans ce nid de brigands impérialistes et de leurs victimes ! L’ONU n’a cessé d’agir pour renforcer l’oppression des Palestiniens. Elle a supervisé la partition de la Palestine en 1947, et ses forces de « maintien de la paix » ont désarmé les combattants palestiniens au Liban en 1982, préparant le terrain pour le massacre des réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila par des forces agissant pour le compte de l’armée israélienne.

Le programme qu’avancent les dirigeants de BDS n’a vraiment rien de nouveau. La solution d’un seul Etat est une resucée de la formule mise en avant par l’OLP en 1969, et celle des deux Etats rappelle la perspective de créer un mini-Etat en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (que l’OLP a adoptée en 1974). Ces perspectives avaient toutes deux pour prémisse fondamentale d’implorer les régimes bourgeois arabes de la région et/ou les impérialistes pour qu’ils fassent pression sur Israël pour que ce dernier négocie. Résultat : l’intensification de l’oppression des Palestiniens, l’Autorité palestinienne jouant maintenant le rôle de gendarme pour le compte d’Israël en Cisjordanie. La faillite totale du mouvement nationaliste palestinien a en retour alimenté l’essor de l’organisation réactionnaire, anti-femmes, antijuive et antichrétienne qu’est le Hamas, non seulement à Gaza où il détient le pouvoir mais même parmi la population palestinienne historiquement cosmopolite de Cisjordanie.

Pour une fédération socialiste du Proche-Orient !

Si on la regarde à travers le prisme étroit de la bande de terre minuscule appelée Israël/Palestine, la situation des Palestiniens paraît en effet insoluble. Seule la classe ouvrière d’Israël peut détruire de l’intérieur la citadelle sioniste par la révolution socialiste. Mais ces dernières décennies la société israélienne a nettement évolué vers la droite, et l’emprise du sionisme sur la classe ouvrière juive n’a fait que s’accentuer. Il est fort probable qu’il faudra un événement cataclysmique, comme la prise du pouvoir par la classe ouvrière dans l’un des principaux pays de la région, pour changer de manière fondamentale la conscience politique de la classe ouvrière israélienne.

La solution à la question de la libération des masses palestiniennes se trouve non pas dans le cadre du nationalisme palestinien, qui prêche l’unité des opprimés avec leurs « propres » exploiteurs et aspirants exploiteurs, mais dans une perspective internationaliste de classe axée sur le renversement de l’ordre bourgeois par des révolutions socialistes dans toute la région. Mais BDS et les autres organisations du même genre ne sortent pas du cadre capitaliste ; ils cherchent à faire pression sur telle ou telle force capitaliste. Mais c’est précisément cette perspective politique libérale bourgeoise qui a empêché que l’ordre capitaliste ne soit remis en cause un seul instant lors des soulèvements comme celui de début 2011 en Egypte, au milieu d’une vague de grèves massives. On l’a vu on ne peut plus clairement avec le groupe mal nommé des Socialistes Révolutionnaires en Egypte, lié fraternellement avec l’ISO. Ils avaient appelé en 2012 à voter pour les Frères musulmans réactionnaires avant de soutenir un an plus tard le coup d’Etat militaire. Le seul programme que l’ISO et ses semblables ne défendront jamais, c’est celui de l’indépendance de classe du prolétariat et de la lutte pour la révolution ouvrière.

Le point de vue nationaliste arabe selon lequel Israël n’est qu’une masse homogène de colons rapaces nie le fait qu’Israël est en réalité une société divisée en classes, avec une classe dirigeante capitaliste et un prolétariat exploité. Mais pour que la classe ouvrière juive puisse lutter pour sa propre libération, elle doit prendre fait et cause pour les droits nationaux des Palestiniens. Quant aux ouvriers arabes, on ne peut les gagner à la perspective de la révolution prolétarienne si on ne les arrache pas à l’emprise du nationalisme, du fondamentalisme religieux et des préjugés antijuifs. Et ceci ne pourra se produire que si le prolétariat arabe reconnaît le droit des Juifs israéliens (ainsi que celui des Kurdes et d’autres peuples) à une existence nationale. Bref, BDS rejette le seul programme réaliste pour la libération sociale et nationale dans la région : une fédération socialiste du Proche-Orient.

Dans la sombre situation actuelle il faut bien voir qu’il n’y a pas de chemin facile vers la libération du peuple palestinien : elle nécessite le renversement révolutionnaire de l’ordre capitaliste en Israël, une puissance nucléaire, et dans les Etats arabes environnants. Dans cette perspective, il faut forger des partis marxistes révolutionnaires qui lutteront pour la prise du pouvoir par le prolétariat, des partis trempés dans la lutte la plus intransigeante contre toutes les formes de nationalisme et de réaction religieuse. Il n’y a pas d’autre voie.

 

Le Bolchévik nº 209

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