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Le Bolchévik nº 193

Septembre 2010

Défendons la Corée du Nord contre l’impérialisme US !

L’article ci-dessous a été publié dans le n° 960 (4 juin) de Workers Vanguard, le journal de nos camarades de la Spartacist League/U.S., section américaine de la LCI.

* * *

31 mai – Le gouvernement de Barack Obama et les partenaires subordonnés de l’impérialisme US à Séoul ont utilisé le naufrage d’un navire de guerre sud-coréen, le Cheonan, au large de la côte ouest de la Corée du Nord le 26 mars, pour intensifier leurs menaces et leurs provocations contre ce pays. La secrétaire d’Etat Hillary Clinton, en tournée dans les capitales asiatiques, a qualifié cet incident de « provocation inacceptable » de la part du Nord. Le président de droite sud-coréen, Lee Myung-bak, a annoncé que son gouvernement suspendait tous les échanges commerciaux avec le Nord et a réclamé une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui pourrait déboucher sur de nouvelles sanctions. Les Etats-Unis et la Corée du Sud ont annoncé qu’ils procèderont en juin à des manœuvres navales conjointes, avec notamment des exercices pour s’entraîner à intercepter des navires marchands nord-coréens accusés de transporter des « cargaisons illicites ».

En tant que marxistes, notre attitude vis-à-vis de cette affaire est déterminée non pas par les accusations et les dénégations sur qui était responsable de ce naufrage, dont la cause est entourée de mystère, mais par des considérations de classe : bien qu’elle soit sous la botte d’une bureaucratie stalinienne nationaliste, la Corée du Nord est un Etat ouvrier basé sur le renversement de la domination capitaliste. Il est de l’intérêt vital du prolétariat international de prendre position pour la défense militaire inconditionnelle de la Corée du Nord contre le Sud capitaliste, l’impérialisme américain et japonais, et aussi contre la contre-révolution capitaliste intérieure. Ceci signifie aussi défendre le développement par la Corée du Nord de sa capacité à se doter d’armes nucléaires.

Les impérialistes américains s’acharnent à écraser la Corée du Nord depuis que le pouvoir des capitalistes et des propriétaires fonciers y a été renversé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. A l’époque, la péninsule coréenne était secouée par de formidables soulèvements sociaux, facilités au Nord par la présence de l’armée soviétique. Ceci a conduit à la libération de cette partie du pays de la domination impérialiste et à l’instauration de rapports de propriété prolétariens et collectivisés.

Sous l’égide de l’ONU, les Etats-Unis et leurs alliés impérialistes ont dévasté la péninsule pendant la Guerre de Corée (1950-1953) et tué quelque trois millions de personnes pour essayer d’écraser non seulement la révolution sociale en Corée mais aussi la Révolution chinoise de 1949. Après une intervention chinoise massive au côté du Nord, la guerre s’est terminée sans vainqueur ni vaincu, avec un front stabilisé autour du 38e parallèle. Depuis, l’impérialisme US maintient une forte présence militaire au Sud, où pendant plus de 30 ans il a soutenu une série de régimes militaires meurtriers. Plus récemment, du fait de son développement économique, la Corée du Sud a pu moderniser sa propre armée, ce qui a permis aux Etats-Unis de réduire leur contingent. Cependant, environ 26 000 soldats américains restent stationnés en Corée du Sud, où ils constituent une menace à la fois pour la classe ouvrière combative du Sud et pour l’Etat ouvrier bureaucratiquement déformé du Nord, dont l’existence même rappelle à Washington qu’il n’a pas réussi à « refouler le communisme » en Extrême-Orient. Soldats US hors de Corée, immédiatement !

Quoi qu’il ait pu se passer dans la nuit du 26 mars, il est clair que la version « officielle » pue. Après avoir d’abord minimisé l’implication de la Corée du Nord, puis avoir expliqué que le navire avait peut-être été coulé par une mine datant de la guerre de Corée, les responsables américains et sud-coréens ont mis près de deux mois à sortir un rapport (non encore rendu public) qui prétend que le naufrage avait été provoqué par une torpille nord-coréenne. Lorsqu’un membre de la commission d’enquête a affirmé qu’il apparaissait que le naufrage du Cheonan était un accident, et que les preuves censées démontrer l’implication du Nord avaient été manipulées, il a été convoqué par la justice pour interrogatoire, et le ministère de la Défense a exigé que l’Assemblée nationale l’éjecte de l’enquête parce qu’il avait « suscité la méfiance du public » (Bloomberg Businessweek, 29 mai).

Entre-temps, selon une dépêche de l’agence de presse nord-coréenne KCNA (28 mai), un porte-parole de l’armée du régime de Pyongyang déclarait que l’incident était « une machination et une comédie orchestrées par les autorités fantoches de Corée du Sud ». De fait, l’« enquête » sud-coréenne est à peu près aussi crédible que les déclarations de Washington après l’incident du golfe du Tonkin en 1964, inventé de toutes pièces pour provoquer une escalade dans la sale guerre des Etats-Unis contre les ouvriers et les paysans vietnamiens. Et comment oublier les accusations américaines bidon selon lesquelles l’Irak de Saddam Hussein possédait des « armes de destruction massive », accusations qui avaient servi de prétexte pour l’invasion de 2003, sous la direction des Etats-Unis. Mais même si la marine nord-coréenne avait coulé le Cheonan, cela aurait constitué un acte de défense contre des provocations répétées de la part des Etats-Unis et de la Corée du Sud.

Le lieu du naufrage, un peu à l’ouest de l’île de Baengnyeong, est une zone qui est depuis plusieurs années le théâtre de provocations sud-coréennes contre le Nord. Située à moins de 20 kilomètres de la côte ouest de la Corée du Nord, l’île de Baengnyeong est plus proche de Pyongyang, la capitale nord-coréenne, que toute autre portion du territoire de la Corée du Sud. Les eaux qui l’entourent ont été séparées de la Corée du Nord par la « ligne de démarcation nord », une « frontière » totalement artificielle tracée de façon unilatérale par les occupants américains après la guerre de Corée, et qui n’a jamais été reconnue par le Nord. Cette manœuvre impérialiste a eu les conséquences désirées. En 1999, un navire nord-coréen a coulé après avoir été touché par des tirs sud-coréens, entraînant la mort de 20 marins. En 2002, au moins 30 Nord-Coréens ont été tués après un échange de tir avec des navires de guerre du Sud. Et en novembre dernier, un patrouilleur nord-coréen a été gravement endommagé, et au moins un marin a été tué, après le tir de plusieurs milliers d’obus par des navires sud-coréens. Il est à noter que l’incident du Cheonan avait été précédé de manœuvres auxquelles participaient environ 26 000 soldats américains et sud-coréens juste au sud de cette zone maritime.

Le Japon, puissance impérialiste qui a occupé de façon particulièrement cruelle pendant 40 ans la Corée, occupation qui a pris fin avec la défaite de 1945, a apporté son soutien sans réserve aux provocations contre la Corée du Nord. Les médias japonais ont multiplié les appels à des manœuvres conjointes entre les Etats-Unis et la Corée du Sud, avec l’argument que cela contraindrait le Nord à être « constamment en préparation à la guerre », aggravant ainsi l’état désastreux de l’économie. Le Parti social-démocrate (SDP) et les sociaux-patriotes du Parti communiste japonais (JCP) se sont joints à ce chœur réactionnaire ; le JCP dénonce ainsi « l’action militaire illégale et violente » de la Corée du Nord (Akahata, 22 mai).

Le Premier ministre japonais Yukio Hatoyama qui avait promis, pendant sa campagne électorale, la fermeture de la base militaire américaine d’Okinawa, a invoqué la semaine dernière « la situation dans la péninsule coréenne » et la nécessité d’une « force de dissuasion » comme la raison qui l’avait conduit à accepter le maintien de cette base. Cette décision a provoqué un tollé au Japon, qui a connu des manifestations à répétition par des milliers de personnes contre la présence américaine à Okinawa et elle a contraint le SDP à quitter le gouvernement de coalition. En tant que révolutionnaires qui s’opposent à l’impérialisme américain, nous exigeons la fermeture de toutes les bases américaines et le départ de tous les soldats américains au Japon, qui représentent une menace particulière pour les Etats ouvriers déformés nord-coréen et chinois. La Spartacist League/U.S. joint sa voix à celle de nos camarades du Groupe spartaciste du Japon : écrasons l’alliance contre-révolutionnaire entre les impérialismes américain et japonais par la révolution ouvrière sur les deux rives du Pacifique ! Pas un sou, pas un homme pour l’armée bourgeoise !

La menace la plus grave pour les travailleurs et les opprimés du monde entier, c’est l’impérialisme US, dont les dirigeants ne se sont pas contentés de se doter des moyens de détruire plusieurs fois le monde ; ils ont perpétré un holocauste nucléaire en anéantissant 200 000 Japonais avec le bombardement atomique d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945. La « Revue de posture nucléaire » récemment rendue publique par Obama continue à prendre pour cible d’une frappe nucléaire la Corée du Nord, accusée de violer le Traité de non-prolifération nucléaire. Face à ces menaces, il est non seulement rationnel mais aussi nécessaire que la Corée du Nord poursuive le développement d’armes nucléaires et de vecteurs adéquats, comme moyens de dissuasion contre une attaque nucléaire impérialiste.

La défense de la Corée du Nord et des autres Etats ouvriers déformés est sapée par les bureaucraties staliniennes au pouvoir dans ces pays, dont la politique est résumée par le dogme de la « construction du socialisme dans un seul pays ». Opposées à la lutte pour la révolution prolétarienne internationale, les bureaucraties privilégiées sont au contraire engagées dans la quête futile d’une « coexistence pacifique » avec l’impérialisme. Jusqu’ici, malgré d’intenses pressions américaines, le Premier ministre chinois Wen Jiabao refuse de condamner la Corée du Nord pour le naufrage du Cheonan. Mais en 2006 et à nouveau en 2009, le régime stalinien chinois a criminellement voté pour des sanctions contre la Corée du Nord au Conseil de sécurité de l’ONU, après des tirs d’essai de missiles par Pyongyang. Les sanctions de 2009 encourageaient les Etats membres de l’ONU à inspecter les cargos et les avions nord-coréens « soupçonnés » de transporter du matériel militaire.

De même, Pékin a perfidement cherché à faire pression sur Pyongyang pour l’obliger à reprendre les « pourparlers à six » – entre les Etats-Unis, la Chine, le Japon, la Russie et les deux Corées – avec comme objectif le désarmement de la Corée du Nord. La politique servilement conciliatrice de Pékin envers l’impérialisme ne met pas seulement en danger la Corée du Nord, mais elle sape aussi la défense de la Chine elle-même – la cible principale de la campagne impérialiste pour pousser à la contre-révolution capitaliste.

L’extrême nationalisme du régime népotiste de Kim Jong Il sape également la défense de la Corée du Nord. Les staliniens de Pyongyang appellent depuis longtemps de leurs vœux une « réunification pacifique » avec le Sud – une recette pour la réunification de la Corée sur une base capitaliste. Beaucoup de Sud-Coréens éprouvent envers le Nord une solidarité basée sur de forts sentiments nationalistes, nourris par un siècle de joug impérialiste japonais et américain. D’ailleurs le quart de la population n’approuverait pas la ligne de Séoul sur le Cheonan. Mais la Corée est divisée suivant une ligne de classe. Le nationalisme coréen, encouragé à la fois par la bureaucratie nord-coréenne et par la gauche sud-coréenne, contribue à enchaîner le puissant et combatif prolétariat sud-coréen à sa propre classe dirigeante. Nous luttons pour la réunification révolutionnaire de la Corée, ce qui passera par une révolution socialiste au Sud et une révolution politique prolétarienne au Nord.

La défense de la Chine et de la Corée du Nord, ainsi que des Etats ouvriers déformés vietnamien et cubain, est inséparable de la lutte pour des révolutions socialistes dans les sociétés capitalistes avancées, particulièrement, pour ce qui est de l’Asie, dans le bastion industriel qu’est le Japon, et dans le ventre de la bête impérialiste américaine. La Ligue communiste internationale s’est donné pour but de forger les partis d’avant-garde prolétariens qui sont nécessaires pour mener à bien cette tâche.

 

Le Bolchévik nº 193

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