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Le Bolchévik nº 210

Décembre 2014

Manifestations à Hongkong : fer de lance pour la contre-révolution apitaliste

Expropriez les magnats capitalistes de Hongkong !

Pour la révolution politique prolétarienne en Chine !

13 octobre – Des militants pour la « démocratie » bloquent toujours depuis fin septembre les rues dans plusieurs quartiers de Hongkong. Ces militants, soutenus par les impérialistes, cherchent à mettre fin au contrôle qu’exerce le Parti communiste chinois (PCC) sur cette enclave capitaliste. Ce mouvement, dit des parapluies, met en avant la revendication du suffrage universel pour ouvrir la voie à l’exercice direct du pouvoir politique par les partis capitalistes de Hongkong. Il est dans l’intérêt des travailleurs du monde entier de s’opposer à ces manifestations. Si le pouvoir politique tombait dans les mains de la bourgeoisie à Hongkong, cela servirait de fer de lance pour écraser l’Etat ouvrier bureaucratiquement déformé chinois et pour livrer la Chine continentale à une exploitation capitaliste sans entraves.

Toute une série de forces réactionnaires soutiennent les revendications du « Mouvement des parapluies », depuis la Maison Blanche jusqu’au Vatican en passant par la chaîne de télévision Fox News. John Kerry, le ministre des Affaires étrangères (secrétaire d’Etat) américain, a réaffirmé que Washington est favorable à des « élections libres » à Hongkong lors d’une rencontre avec son homologue chinois Wang Yi le 1er octobre dernier. Ont également apporté leur soutien à ce mouvement les impérialistes britanniques, anciens maîtres coloniaux de Hongkong, qui avaient régné sur ce territoire pendant un siècle et demi sans la moindre fioriture démocratique : Nick Clegg, le vice-premier ministre britannique, a convoqué l’ambassadeur de Chine pour lui faire part de sa « consternation » et de son « inquiétude » par rapport au fait que Pékin refuse de « donner au peuple de Hongkong ce qu’il est parfaitement en droit d’attendre ». Cela fait longtemps que la « démocratie » est le prétexte favori des machinations impérialistes, notamment pendant la guerre froide contre l’Union soviétique. Mais dans le cas des manifestations de Hongkong, les impérialistes affichent une certaine retenue, pour éviter de porter atteinte à leurs relations commerciales avec la Chine.

La Chine n’est pas un pays capitaliste, même si les « réformes de marché » ont ouvert la porte à des investissements à grande échelle de la part des grandes entreprises impérialistes, et qu’elles ont conduit à l’émergence d’une couche de capitalistes en Chine continentale. L’économie chinoise est étroitement contrôlée par le régime du PCC ; les principaux secteurs de l’industrie sont collectivisés et propriétés de l’Etat. Les impérialistes veulent en finir avec le contrôle étatique au moyen d’une contre-révolution capitaliste. Pour ce faire, ils poursuivent la pénétration capitaliste en Chine même et encouragent des forces contre-révolutionnaires internes comme le Mouvement des parapluies. Leur stratégie a un autre volet : les Etats-Unis, le Japon et d’autres alliés des Etats-Unis exercent une pression militaire, comme on a pu le voir récemment avec une série de provocations dans le Sud et l’Est de la mer de Chine, sans compter le survol de la côte orientale de la Chine par des avions-espions. La réaction de la Chine a été particulièrement mesurée. On peut imaginer l’hystérie du gouvernement américain si des navires de guerre chinois étaient signalés à 100 kilomètres des côtes de Californie !

L’enclave capitaliste de Hongkong offre une occasion en or aux puissances impérialistes pour promouvoir un « changement de régime ». Et elles le font avec zèle : Washington dépense chaque année des centaines de milliers de dollars, sous forme de bourses du Département d’Etat, pour encourager le développement d’« institutions démocratiques » et pour former des jeunes comme militants politiques dans l’enclave. Les impérialistes ont aussi mis en place des opérations d’espionnage à Hongkong ; Edward Snowden a ainsi révélé que des hackers de la NSA avaient pénétré les réseaux de téléphones portables chinois. Le Mouvement des parapluies n’est que le dernier en date des mouvements de protestation anticommunistes pour la « démocratie », soutenus par les impérialistes, qui se sont succédé depuis plus de dix ans. La revendication actuelle pour des « élections libres » est la riposte à un projet de Pékin consistant à faire élire le chef de l’exécutif de Hongkong sur la base d’une liste approuvée par un comité dominé par le PCC.

Hongkong, qui était jusqu’alors sous tutelle britannique, a été rétrocédée à la Chine en 1997. Le PCC s’était alors engagé à maintenir une économie capitaliste à Hongkong, conformément à la formule « un pays, deux systèmes », qui donnait aussi aux capitalistes locaux voix au chapitre pour le choix du gouvernement local. Pour les bureaucrates staliniens de Pékin, cet arrangement devait servir à promouvoir les investissements étrangers en Chine continentale en faisant voir aux capitalistes d’outremer que faire des affaires en Chine était sans risques. A l’époque de cette rétrocession, la Ligue communiste internationale s’était « jointe aux vivats lorsque l’empire britannique a finalement perdu sa dernière possession coloniale majeure », mais nous avions lancé cette mise en garde : le maintien du capitalisme à Hongkong « est une épée de Damoclès menaçant les acquis restants de la Révolution chinoise de 1949 » (Workers Vanguard n° 671, 11 juillet 1997). Contrairement aux capitalistes en Chine continentale, qui sont dispersés, la bourgeoisie de Hongkong est politiquement organisée : elle a des partis qui représentent ses intérêts de classe, et elle a à sa disposition toute une gamme de journaux et autres médias.

Si nous nous opposons au Mouvement des parapluies, c’est parce que nous sommes pour la défense militaire inconditionnelle de l’Etat ouvrier chinois contre l’impérialisme et la contre-révolution intérieure. Nous appelons à l’expropriation des magnats capitalistes de Hongkong, y compris leurs possessions en Chine continentale. De même, il faut exproprier en Chine les nouveaux entrepreneurs capitalistes chinois et renégocier dans l’intérêt des travailleurs les accords qui régissent les investissements étrangers. Mais pour mener à bien ces tâches, il faut une révolution politique ouvrière pour chasser la bureaucratie vénale de Pékin ; comme un cancer rongeant l’Etat ouvrier, elle encourage par sa politique les forces de la restauration capitaliste en Chine.

Cela fait longtemps que les staliniens de Pékin cherchent à réunifier Taïwan avec la Chine sous la formule « un pays, deux systèmes » en vigueur à Hongkong. La bourgeoisie de Taïwan, qui règne sur cette île depuis qu’elle a dû fuir les forces du PCC de Mao Zedong, opère sous la protection militaire directe de l’impérialisme américain. Bien qu’improbable, une telle réunification renforcerait considérablement les forces de la contre-révolution capitaliste sur le continent. Nous sommes pour une réunification révolutionnaire : la révolution politique prolétarienne en République populaire de Chine, et la révolution socialiste prolétarienne conduisant à l’expropriation de la bourgeoisie à Taïwan.

Qui paie les violons choisit la musique

Des révélations fort utiles sur le Mouvement des parapluies ont été publiées dans la revue New Eastern Outlook (1er octobre) sous la plume de Tony Cartalucci : « Quand on identifie les dirigeants, qu’on suit l’argent à la trace et qu’on examine la couverture occidentale de ces événements, on peut voir avec certitude qu’une fois encore Washington et Wall Street sont à l’œuvre pour rendre Hongkong aussi difficile que possible à gouverner pour Pékin. » Cartalucci expose notamment en détail le rôle de la National Endowment for Democracy (NED – Fondation nationale pour la démocratie), une officine du Département d’Etat américain (qui était mouillée jusqu’au cou dans le coup d’Etat truffé de fascistes qui a eu lieu en Ukraine début 2014) et du National Democracy Institute (NDI – Institut national pour la démocratie), une succursale du NED. Les églises chrétiennes, qui ont un lourd passé pour ce qui est d’aider les dissidents anticommunistes à s’organiser dans les Etats ouvriers déformés, sont elles aussi en pointe dans le mouvement. A Hongkong, il y a des églises presque à chaque coin de rue, un héritage du colonialisme ; elles constituent une puissante force au service de la réaction sociale.

Le Mouvement des parapluies est issu d’une grève étudiante qui avait été appelée le 22 septembre par la Fédération étudiante hongkongaise et par une organisation de collégiens et lycéens du nom de « Scholarism ». Cette fédération étudiante est une composante de poids des manifestations organisées tous les 1er juillet contre la rétrocession de cette ancienne colonie britannique à la Chine. Scholarism est pour l’essentiel la création de Joshua Wong, un jeune de 18 ans qui est devenu un militant politique sous l’influence du prosélytisme de ses parents. (Son père, membre du conseil de l’Eglise luthérienne, est un opposant déclaré aux droits des homosexuels.) Wong a fait ses premières armes en organisant une campagne contre un programme scolaire pro-Pékin qu’il qualifiait de « lavage de cerveau » – une position saluée par le NDI.

Parmi les forces impliquées dans les manifestations pour la « démocratie » capitaliste figure la direction d’Occupy Central, qui entretient depuis longtemps des liens étroits avec les impérialistes. Le fondateur d’Occupy le plus médiatique, le professeur de droit Benny Tai, est un des orateurs habituels des conférences organisées par le NED. Parmi les autres dirigeants figure également Chu Yiu-Ming, un pasteur baptiste qui avait fait passer aux Etats-Unis des dissidents procapitalistes après les manifestations de 1989 sur la place Tiananmen à Pékin. Il y a aussi Martin Lee, président-fondateur du Parti démocrate, un parti capitaliste de Hongkong, et lauréat en 1997 du Prix pour la démocratie décerné par le NED. Lee et Anson Chan (une autre dirigeante d’Occupy) ont fait en avril 2014 un voyage à Washington, où ils ont rencontré le vice-président Joe Biden ainsi que Nancy Pelosi (alors présidente démocrate de la Chambre des représentants). Une autre personnalité d’Occupy, le magnat des médias Jimmy Lai, a nié avoir conspiré avec les Etats-Unis après avoir rencontré pendant cinq heures sur son yacht privé son « cher ami » le néoconservateur Paul Wolfowitz, ex-vice-ministre de la Défense américain (Standard de Hongkong, 20 juin).

Fin septembre, la Confédération syndicale de Hongkong (CTU) a appelé à une grève générale de 24 heures après que la police eut fait usage de gaz lacrymogène et de spray au poivre pour essayer de disperser les étudiants qui bloquaient le quartier où sont situés les bureaux du gouvernement. La CTU représente surtout des cols blancs et des enseignants ; elle s’inscrit dans la tradition des « syndicats libres » soutenus par les impérialistes, contrairement à la Fédération syndicale de Hongkong, qui est pro-Pékin. Certains patrons ont soutenu la grève de la CTU, notamment à l’agence de publicité McCann Worldgroup Hong Kong, qui a envoyé à son personnel le message suivant : « L’agence ne sanctionnera aucune personne qui soutient une chose plus importante que le travail » (South China Morning Post, 30 septembre).

Il n’y a aucun doute sur la nature réactionnaire des manifestations pour la « démocratie », qui sont dominées par les étudiants et d’autres couches petites-bourgeoises. Un manifestant déclarait qu’il préférait « être dirigé par un pays démocratique », ce qu’il explicitait en arborant sur son T-shirt l’Union Jack, le drapeau taché de sang des anciens maîtres coloniaux de Hongkong. Beaucoup de manifestants affichent à la fois un anticommunisme avoué et un mépris hautain pour les Chinois du continent, qu’ils désignent du terme péjoratif de « sauterelles ».

Hongkong est un sweat-shop pour cols blancs

La Révolution chinoise de 1949 a eu une importance historique pour le monde entier. Des centaines de millions de paysans s’étaient soulevés et avaient saisi la terre sur laquelle leurs ancêtres étaient exploités depuis des temps immémoriaux. La révolution conduisit à la création d’une économie collectivisée et planifiée de façon centralisée, qui jeta les bases d’un gigantesque progrès social. La révolution fut un pas de géant pour émanciper les femmes d’un statut social misérable, enraciné dans des pratiques confucéennes comme le mariage forcé. Une nation autrefois ravagée et divisée par des puissances étrangères fut unifiée (à l’exception de Hongkong, Taïwan et Macao) et libérée du joug impérialiste.

Mais la révolution était déformée dès le départ sous le régime du PCC de Mao Zedong : une caste bureaucratique régnait au sommet de l’Etat ouvrier. La Révolution chinoise de 1949 fut le résultat d’une guérilla paysanne dirigée par les forces nationalistes-staliniennes de Mao, contrairement à la Révolution russe d’octobre 1917 qui avait été menée par un prolétariat conscient guidé par l’internationalisme bolchévique de Lénine et Trotsky. Le régime de Mao et celui de ses successeurs, y compris Xi Jinping aujourd’hui, prend pour modèle la bureaucratie stalinienne qui avait usurpé le pouvoir politique en Union soviétique en 1923-1924 ; les staliniens chinois prêchent l’idée profondément antimarxiste que le socialisme, c’est-à-dire une société égalitaire sans classes reposant sur l’abondance matérielle, pourrait se construire dans un seul pays. Le « socialisme dans un seul pays » est aux antipodes de la perspective de la révolution ouvrière internationale ; il a toujours eu pour corollaire une politique de conciliation de l’impérialisme mondial.

On le voit notamment à l’attitude du PCC concernant la domination britannique sur Hongkong. Pendant la guerre civile qui avait abouti à la Révolution de 1949, Mao ordonna aux forces du PCC de s’arrêter juste avant le fleuve Shenzhen qui sépare Hongkong de la Chine continentale. En échange, la Grande-Bretagne fut l’un des premiers pays à reconnaître la République populaire de Chine. Mao déclarait en 1959 : « Il vaut mieux garder Hongkong en l’état […]. Son statut actuel nous est encore utile. » En 1967, des communistes et des dirigeants syndicaux de Hongkong organisèrent un mouvement de protestation contre le pouvoir britannique, avec y compris des grèves de masse. Ce mouvement dura plus de huit mois. Le régime maoïste trahit cette lutte, car il préférait garder des relations amicales avec les colonisateurs impérialistes.

Pékin maintient Hongkong comme plaque tournante du capital financier, et dans ce cadre il accorde à la population certaines libertés politiques dont est privée la population en Chine continentale. Ces libertés politiques vont de pair avec la réputation qu’a Hongkong d’être un sweat-shop pour cols blancs, où les employés travaillent couramment douze heures payées huit. Avant 1997, l’économie de Hongkong reposait à la fois sur le commerce et sur l’industrie légère, où les travailleurs étaient brutalement exploités ; ils étaient contraints de vivre dans des conditions horribles et ils étaient privés des droits les plus élémentaires. Depuis le début des années 1990, 80 % des emplois manufacturiers ont disparu quand les capitalistes de Hongkong ont transféré progressivement leurs affaires sur le continent. Hongkong est aujourd’hui l’une des villes les plus chères du monde ; elle regorge de boutiques de marque et d’hôtels de luxe, alors qu’un cinquième de la population vit sous le seuil de pauvreté officiel. Il n’y a guère de perspectives d’avenir pour la plupart des jeunes. Pendant ce temps, de nombreux dirigeants corrompus du PCC continuent à s’enrichir grâce à leurs liens avec les financiers de Hongkong.

Le sort réservé aux employés de maison de Hongkong (ils sont 300 000, dont 97 % venant d’Indonésie et des Philippines) jette une lumière particulièrement crue sur les divisions de classe dans l’île. D’autres immigrés vivant à Hongkong depuis sept ans obtiennent le droit de vote. Mais pas les employés de maison. Ils n’ont aucun recours contre des employeurs violents ou pratiquant d’autres abus ; s’ils sont licenciés, ils doivent avoir quitté le pays dans les 15 jours. Comme le faisait remarquer un article paru dans Al-Jazira (30 septembre), « les manifestants de Hongkong réclament la démocratie, mais pas pour ses employés de maison ». Nous exigeons l’expropriation des magnats capitalistes de Hongkong, ce qui nous sépare par une ligne de classe des manifestants pro-impérialistes ; ce mot d’ordre est l’expression concrète de notre appel à défendre et à étendre les acquis de la Révolution de 1949.

Pour la démocratie ouvrière, pas la contre-révolution capitaliste !

La démocratie capitaliste est en réalité une forme politique de la dictature de la bourgeoisie. Dans ce système, la classe ouvrière est réduite politiquement à une juxtaposition d’individus isolés. La bourgeoisie peut efficacement manipuler l’électorat grâce à son contrôle sur les médias, le système d’enseignement et autres institutions qui forment l’opinion publique. Dans toutes les démocraties capitalistes, les responsables gouvernementaux, qu’ils soient élus ou non, sont au fond achetés et payés par les banques et les grandes entreprises.

La démocratie parlementaire, qui est surtout un privilège exclusif des pays riches impérialistes, donne à la masse de la population le droit de décider toutes les quelques années quel représentant de la bourgeoisie les réprimera. Comme l’expliquait Lénine dans sa polémique de 1918 la Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky :

« Mille barrières s’opposent à la participation des masses travailleuses au parlement bourgeois (lequel, dans une démocratie bourgeoise, ne résout jamais les questions majeures ; celles-ci sont tranchées par la Bourse, par les banques). Et les ouvriers savent et sentent, voient et saisissent à merveille que le parlement bourgeois est pour eux un organisme étranger, un instrument d’oppression des prolétaires par la bourgeoisie, l’organisme d’une classe hostile, d’une minorité d’exploiteurs. »

Lénine soulignait également : « Il n’est point d’Etat, même le plus démocratique, qui n’ait dans sa Constitution des biais ou restrictions permettant à la bourgeoisie de lancer la troupe contre les ouvriers, de proclamer la loi martiale, etc., “en cas de violation de l’ordre”, mais, en fait, au cas où la classe exploitée “violait” son état d’asservissement et si elle avait la velléité de ne pas se conduire en esclave. »

Dans leurs efforts pour détruire l’Etat ouvrier dégénéré soviétique et ses alliés d’Europe de l’Est, les impérialistes ont encouragé toutes sortes de forces contre-révolutionnaires qui agitaient le drapeau de la « démocratie » contre le « totalitarisme » stalinien. Le but était de détruire les régimes communistes par un moyen ou un autre, y compris grâce à des élections libres où les paysans et autres couches de petits-bourgeois ainsi que les ouvriers politiquement arriérés seraient mobilisés contre l’Etat ouvrier. Alors que les régimes staliniens arrivaient au bord de l’effondrement final, une élection en Pologne en 1989 porta au pouvoir un gouvernement contre-révolutionnaire dirigé par Solidarność. La consolidation de ce gouvernement marqua la restauration du pouvoir capitaliste. Lors de la réunification capitaliste de l’Allemagne, au printemps 1990, un événement clé fut la victoire électorale de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le parti qui tenait les rênes du gouvernement de l’impérialisme allemand.

Les bureaucraties staliniennes s’effondrèrent sous l’assaut capitaliste, montrant par là qu’elles n’étaient pas une classe possédante mais une caste fragile et contradictoire installée au sommet des Etats ouvriers. Si la contre-révolution a vaincu en Europe centrale, en Europe de l’Est et en Union soviétique même en 1991-1992, c’est notamment dû au fait que la classe ouvrière avait été complètement désorganisée et démoralisée par des décennies de mauvaise gestion stalinienne, et que de ce fait elle n’est pas entrée en action pour stopper les forces de la contre-révolution capitaliste et pour saisir le pouvoir politique en son propre nom. Ces contre-révolutions ont représenté une défaite historique pour les travailleurs du monde entier. Dans les ex-Etats ouvriers, des millions d’ouvriers ont perdu leur emploi et leur protection sociale, les droits des femmes ont été laminés (l’avortement a par exemple été interdit en Pologne), et les peuples de l’ex-Union soviétique et de l’ex-Yougoslavie ont été déchirés par d’horribles bains de sang nationalistes. Dans le même temps, les Etats-Unis et les autres puissances impérialistes se sont sentis les coudées franches pour perpétrer leurs exactions aux quatre coins du monde et contre leur propre classe ouvrière chez eux.

En Chine, une contre-révolution capitaliste signifierait un retour à l’esclavage impérialiste et la destruction d’acquis sociaux historiques. Pour répondre aux aspirations des travailleurs à des droits démocratiques et à un gouvernement représentant leurs intérêts, à Hongkong comme en Chine continentale, les trotskystes ont pour modèle l’Etat ouvrier soviétique des premières années. Comme l’expliquait Lénine dans une polémique contre Kautsky, un opposant acharné de la révolution d’Octobre : « Le premier au monde (rigoureusement parlant le deuxième, puisque la Commune de Paris avait commencé la même chose), le pouvoir des Soviets appelle au gouvernement les masses, notamment les masses exploitées. »

Une révolution politique ouvrière en Chine placerait entre les mains de conseils ouvriers et paysans élus les décisions à prendre concernant la direction de l’économie et l’organisation de la société ; elle mettrait fin ce faisant à la mauvaise gestion et à la corruption. Sous la direction de la puissante classe ouvrière chinoise, les couches non prolétariennes comme la paysannerie auraient en fait bien davantage leur mot à dire, grâce à leurs représentants dans ces conseils, que dans n’importe quelle république capitaliste. La Chine a réalisé ces dernières décennies de gigantesques avancées sur la voie de l’industrialisation et de l’urbanisation, tout en accumulant aussi d’énormes réserves financières. Mais pour un développement harmonieux, notamment de son agriculture qui est aujourd’hui arriérée, la Chine dépend de façon décisive de la révolution prolétarienne dans les pays capitalistes avancés, qui ouvrira la voie à une économie planifiée mondiale sur la base du niveau le plus élevé de technologie et d’industrie. Cette perspective trotskyste a pour point de départ la défense inconditionnelle de l’Etat ouvrier chinois contre ses ennemis de classe, qu’ils soient impérialistes ou de l’intérieur. Elle n’a rien de commun avec le programme de contre-révolution « démocratique » du camp pro-impérialiste.

Les lèche-bottes des démocrates capitalistes

Parmi ceux qui, à Hongkong, viennent en aide à la cause de la bourgeoisie, on peut citer tout particulièrement Socialist Action. Ce groupe est affilié au CIO, le Comité pour une internationale ouvrière de Peter Taaffe, dont la section américaine s’appelle Socialist Alternative [et la section française la Gauche révolutionnaire]. La politique du CIO est une version totalement contrefaite du trotskysme ; en fait, il a une longue et peu recommandable histoire de soutien à la contre-révolution capitaliste sous couvert d’opposition à la dictature. En Union soviétique, les prédécesseurs du CIO, qui formaient alors la tendance Militant, se sont retrouvés en août-septembre 1991 à Moscou sur les barricades de Boris Eltsine, aux côtés des forces favorables à la restauration capitaliste. Notre internationale trotskyste avait au contraire distribué des dizaines de milliers de tracts appelant les ouvriers soviétiques à écraser les forces contre-révolutionnaires dirigées par Eltsine et soutenues par la Maison Blanche de George Bush (père).

Le CIO a tiré une croix sur la Chine, qu’il qualifie d’autoritaire et capitaliste, et il compte parmi les partisans les plus enthousiastes du Mouvement des parapluies. Dans un article publié le 30 septembre dans son journal China Worker, le CIO s’enthousiasme de la possibilité que « la lutte pour la démocratie s’étende à toute la Chine – l’étincelle initiale viendra très probablement du mouvement de protestation à Hongkong ». Le CIO désire ardemment que le mouvement pour la « démocratie » devienne un instrument dirigé contre la « dictature du PCC » en Chine continentale, ce qui est exactement l’espoir du Département d’Etat !

Le CIO laisse entendre que le Mouvement des parapluies pourrait constituer un nouveau Tiananmen ; il fait ici référence au soulèvement qui avait secoué la Chine continentale en mai-juin 1989. Les partisans de la « démocratie » à Hongkong organisent chaque année au mois de juin d’énormes commémorations du soulèvement de Tiananmen, qu’ils présentent comme un mouvement de protestation estudiantin pour la démocratie capitaliste contre le méchant régime communiste. Rien n’est plus étranger à la réalité.

Les événements de 1989, centrés sur la place Tiananmen, avaient débuté par des revendications étudiantes pour davantage de libertés politiques et contre la corruption des bureaucrates de haut rang. Dans un premier temps, des travailleurs isolés se joignirent au mouvement, puis ce furent des groupes venus d’usines et autres lieux de travail ; les travailleurs étaient poussés à agir par une forte inflation et par la croissance des inégalités accompagnant le programme de la bureaucratie pour construire le « socialisme » avec des réformes de marché. Peut-être que certains jeunes se tournaient vers la démocratie capitaliste occidentale, mais les protestations étaient dominées par le chant de l’Internationale – l’hymne international des ouvriers – et d’autres expressions d’une conscience prosocialiste.

Un certain nombre d’organisations ouvrières apparues pendant les manifestations présentaient un caractère d’organes embryonnaires de pouvoir ouvrier. Des « corps de piquets ouvriers » et des groupes d’ouvriers d’usine « prêts à mourir », organisés pour protéger les manifestants étudiants contre la répression, défièrent le régime de Deng Xiaoping, qui avait décrété la loi martiale. Des groupes ouvriers commençaient à se charger de la sécurité publique après que le gouvernement de Pékin s’était évanoui dans la nature et que la police avait disparu des rues. C’est l’entrée en lice du prolétariat chinois, dans les manifestations de Pékin et ailleurs dans le pays, qui marqua le début d’une révolution politique. Après des semaines de paralysie, le régime du PCC lança une répression sanglante à Pékin les 3 et 4 juin.

Les ouvriers firent preuve d’une immense capacité de lutte, et ils forgèrent des liens avec les soldats, dont certains refusèrent de tirer sur les manifestants. Mais par eux-mêmes ils ne parvinrent pas à comprendre qu’il fallait une révolution politique pour renverser le régime déformant de la bureaucratie du PCC. Pour inculquer cette conception à la classe ouvrière, il faut l’intervention d’un parti marxiste révolutionnaire.

Les impérialistes ne relâcheront pas leurs efforts tant qu’ils n’auront pas écrasé l’Etat ouvrier déformé chinois et n’auront pas à nouveau toute latitude pour piller à volonté le pays. L’ordre capitaliste mondial, dominé par les impérialistes, s’accompagne inévitablement de la lutte pour contrôler les marchés, réduire les salaires des ouvriers et aggraver leurs conditions de travail ; il est incompatible avec un développement vers le socialisme. Pour ouvrir cette voie, il faut des révolutions ouvrières au Japon, aux Etats-Unis et dans d’autres pays capitalistes avancés. Nous nous battons pour ce programme, et nous cherchons pour cela à faire le lien entre les luttes des travailleurs dans les centres impérialistes et la défense des acquis déjà obtenus, y compris ceux de la Révolution chinoise de 1949.

Adapté de Workers Vanguard n° 1054, 17 octobre

 

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