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Spartacist, édition française,
numéro 38 |
été 2008 |
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La question américaine
La déclaration suivante, soumise par James P. Cannon au Quatrième Congrès de l’Internationale communiste, est celle à laquelle il fait allusion dans son intervention reproduite ci-dessus. Les signataires de ce document sont notamment les délégués Cannon (Cook), Max Bedacht (Lansing) et Arne Swabeck (Marshall). Les autres n’ont pas été identifiés, mais l’un des délégués de la Young Communist League (Ligue des jeunes communistes) est probablement Martin Abern. Cette traduction a été établie à partir du document original en anglais qui était joint à l’intervention de Cannon.
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La situation objective en Amérique n’est pas révolutionnaire, et les ouvriers américains n’ont pas de conscience de classe, y compris en ce qui concerne l’action politique.
Il y a toutefois une révolte croissante dans le mouvement syndical contre la bureaucratie officielle et, en rapport avec cela, un intérêt de plus en plus grand pour un parti des travailleurs. Notre tâche principale est de cristalliser et d’organiser cette révolte, et de développer cet intérêt, en manuvrant de façon à devenir partie intégrante du parti des travailleurs quand il se constituera.
L’illégalité du CPA [Parti communiste d’Amérique] est un grand handicap pour son travail. De plus, les ouvriers américains ont encore des illusions dans la démocratie, et ne comprennent pas pourquoi nous avons une organisation illégale, conspiratrice. Nous devons par conséquent mener un combat déterminé pour un parti communiste non clandestin. Une grande partie du mouvement ouvrier organisé soutiendra ce combat. Si nous l’emportons, le parti jouira, du moins pour un temps, de l’immense avantage d’une existence légale. Si nous perdons, le fait même que nous ayons perdu contribuera largement à dissiper les illusions démocratiques des masses ; il leur fera aussi comprendre pourquoi nous sommes clandestins.
C’est avec le parti légal qui a déjà été constitué que ce combat doit être mené. Toutes les fonctions qui peuvent être accomplies de façon non clandestine doivent y être transférées, son programme doit être progressivement clarifié et renforcé, les obligations de ses militants augmentées et leur discipline affermie, et cela dans le but d’en faire un parti communiste au plein sens du terme.
Ce qui nous empêche d’accomplir cette tâche, c’est le fait que l’immense majorité des militants du parti sont des camarades nés à l’étranger, principalement d’origine russe, dont une grande partie ne pensent et n’agissent pas du point de vue de la situation objective en Amérique, mais selon des conceptions subjectives qui sont entièrement basées sur ce qui se passe en Europe. C’est pour cette raison qu’ils s’opposent à toute tentative d’application réaliste de la politique du Comintern à la situation américaine.
La coexistence de ces deux éléments inconciliables dans le parti est la raison fondamentale du manque de succès et de la stagnation du mouvement américain. Les féroces controverses et les scissions qui surviennent sur chaque question d’aujourd’hui ne sont que les symptômes de cette maladie fondamentale du parti. L’unité imposée par le Comintern n’a pas résolu les problèmes en Amérique, elle les a au contraire aggravés.
Nous demandons de la part du Comintern une prise de position claire quant à sa politique sur les points évoqués ci-dessus, et nous demandons que si, en menant cette politique de façon réaliste en Amérique, une autre scission se produit, le Comintern ne cherche pas à imposer une formule mécanique d’unité.
Signataires :
Marshall, Cook et Lansing La minorité de la délégation au Comintern
Approuvé et soutenu par :
Starr et Marlow, délégués de la Young Communist League of America au congrès de l’Internationale de la jeunesse communiste
Godfrey, Brooks et Knowles, délégués de la Trade Union Education League au congrès du Profintern [Internationale syndicale rouge]
Harrow, organisateur du Parti communiste d’Amérique pour le travail agraire
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