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Le Bolchévik nº 229 |
Septembre 2019 |
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LAlgérie championne dAfrique
Répression policière et hystérie raciste en France
14 juillet 2019, demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football au stade international du Caire en Égypte. On est à 1 partout entre l’Algérie et le Nigéria quand, à la dernière seconde des arrêts de jeu de la deuxième mi-temps, Ryad Mahrez, joueur vedette de l’équipe nationale d’Algérie (et de Manchester City), s’apprête à tirer le coup franc accordé par l’arbitre. Mahrez pose son ballon, prend son élan et place une élégante frappe qui contourne le mur nigérian et ne laisse aucune chance au gardien. Vingt-neuf ans après son premier titre de champion d’Afrique, l’Algérie est à nouveau en finale de la CAN, qu’elle remportera le 19 juillet face au Sénégal.
Des rues du Caire jusqu’en Algérie en passant par le lointain Québec, explosion de joie des supporters des « fennecs ». Un peu partout en France, des rassemblements regroupant parfois plusieurs dizaines de milliers de personnes ont eu lieu pour fêter les exploits successifs de l’équipe d’Algérie dans plusieurs villes comptant d’importantes communautés algériennes, comme Marseille, Lyon, Paris, Lille, Strasbourg, etc. Pour nous, internationalistes prolétariens qui faisons la différence entre le nationalisme des opprimés et celui des oppresseurs, c’était une bouffée d’air frais de voir que, particulièrement la nuit du 14 juillet – normalement l’occasion d’un déchaînement de chauvinisme français – ce n’était pas le bleu-blanc-rouge de « notre » impérialisme, mais le drapeau algérien qui flottait sur les Champs-Élysées.
La bourgeoisie française voit d’un œil raciste ces rassemblements de jeunes immigrés ou franco-algériens brandissant des drapeaux algériens ou berbères sur son territoire : la défaite qu’elle a subie il y a 57 ans en Algérie lui reste toujours en travers de la gorge. Les racistes fascisants du Rassemblement national (RN), bras dessus, bras dessous avec d’autres politiciens bourgeois comme Les Républicains et compagnie, ont été très explicites. Ainsi Jordan Bardella, vice-président du RN, déclarait le 12 juillet : « Loin de n’être que des manifestations de joie de simples amateurs de football comme le décrivent la plupart des commentateurs, il s’agit de véritables démonstrations de force dont l’objectif est de signifier ostensiblement une présence massive et un rejet de la France. » Bardella demandera aussi au ministre de l’Intérieur Castaner d’appliquer aux supporters algériens la même répression qu’il fait subir aux gilets jaunes, et d’interdire le drapeau algérien.
Et c’est bien ce que le gouvernement Macron a fait en interdisant en pratique rassemblements et drapeaux avec sa campagne anti-« casseurs », mot de code raciste et puant l’arrogance de classe pour justifier la répression : 282 personnes interpellées, dont 249 placées en garde à vue le 14 juillet. Il y a eu 198 personnes interpellées et 177 placements en garde à vue le 19 juillet lors des rassemblements pour fêter la victoire de l’Algérie à la CAN, et un jeune homme de 20 ans a perdu un œil à Lyon à la suite d’un tir de LBD des forces de l’ordre. Levée des inculpations pour toutes les personnes interpellées et libération immédiate de toutes celles qui ont été emprisonnées !
Il est dans l’intérêt direct du mouvement ouvrier de défendre les jeunes des minorités. Sous couvert de son interminable « guerre contre le terrorisme » antimusulmane, la bourgeoisie française cherche à diviser la classe ouvrière et vise au bout du compte ses organisations en renforçant son appareil policier et militaire. Macron a intensifié la répression policière contre les gilets jaunes, les syndicats et même contre des jeunes qui veulent juste célébrer la fête de la musique : c’est ainsi qu’à Nantes, Steve Maia Caniço a trouvé la mort à la suite d’une intervention des flics au cours de laquelle plusieurs fêtards sont tombés dans la Loire. Tout ceci a été préparé par de longues années de violences policières contre les jeunes d’origine maghrébine et africaine, notamment dans les quartiers pauvres. Depuis le début de cette offensive qui ne date pas d’hier, les sociaux-démocrates du PS et du PCF ont joué, eux aussi, un rôle dirigeant à la tête de l’État capitaliste. Les flics, avec l’armée, les matons et les juges, sont le cœur de l’État bourgeois, c’est-à-dire de l’appareil de répression nécessaire à la bourgeoisie pour écraser la classe ouvrière et les opprimés afin de maintenir son système d’exploitation capitaliste raciste. À bas Vigipirate et Sentinelle ! Le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes de banlieue et exiger les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés qui sont ici !
Dans ce climat d’hystérie raciste, des groupes fascistes ont ainsi attaqué physiquement des supporters algériens pendant la nuit du 19 au 20 juillet à Lyon, en vociférant des insultes racistes. Comme nous l’expliquons dans notre article « Macron vise travailleurs, minorités et services publics » (Le Bolchévik n° 227, mars) : « Les fascistes sont des bandes de nervis à la solde du capital ; leur programme, c’est le pogrome raciste et l’annihilation du mouvement ouvrier organisé. » De même, dans notre tract « Gilets jaunes : Le prolétariat doit prendre la tête de la lutte ! » (reproduit dans le même numéro du Bolchévik), nous insistions que « la classe ouvrière doit se mobiliser, à la tête de toutes les victimes désignées des fascistes, pour faire rentrer cette peste brune dans son trou avant qu’elle ne puisse se développer ».
L’équipe algérienne championne de la CAN 2019 était composée pour moitié de binationaux nés en France. Pour cette raison, de nombreux jeunes ici se sont sans doute encore plus identifiés à cette équipe. Le capitaine de l’équipe d’Algérie Ryad Mahrez est ainsi né à Sarcelles (95). De plus, les immigrés et leurs descendants ont toujours joué un rôle capital dans le football français, ainsi que dans ses récents succès. Surtout, ils constituent une couche stratégique et combative de la classe ouvrière, la seule classe ayant le pouvoir social et l’intérêt historique pour renverser le capitalisme, auquel l’oppression raciste est inhérente. Pour en finir avec ce système d’oppression et d’exploitation, il faut forger un parti ouvrier d’avant-garde multiethnique et multiracial. En France, des militants issus de l’immigration, du Maghreb à l’Afrique de l’Ouest, ou des colonies, constitueront nécessairement une composante essentielle de ce parti. Dans la lutte pour le construire, notre modèle est le Parti bolchévique de Lénine et Trotsky, qui a dirigé victorieusement la Révolution d’octobre 1917 en Russie.
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