|
Le Bolchévik nº 228 |
Juin 2019 |
|
|
Pour des États-Unis socialistes dEurope, unis de leur plein gré ! À bas lUnion européene ! Aucune participation à son pseudo-parlement ! Déclaration de la LCI La déclaration suivante du Comité exécutif international de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste), datée du 21 avril, a été diffusée en français d’abord sous forme de tract, notamment le Premier Mai.
Les sociaux-démocrates et autres réformistes battent le rappel pour l’Union européenne (UE) dans les prochaines élections au Parlement européen. Typiquement, le Parti social-démocrate allemand (SPD) prêche que « l’Europe est la solution ». Le fait même de faire campagne pour le Parlement européen et d’y participer est une trahison des intérêts de la classe ouvrière. Ce « parlement » n’est pas un parlement mais un forum diplomatique. Les impérialistes s’en servent pour présenter frauduleusement leur consortium comme une union « libre » et « démocratique » des peuples, transcendant l’État-nation.
Notre tendance internationale s’oppose depuis toujours à l’UE et à l’organisation qui la précédait, la Communauté économique européenne (CEE). Elles avaient été à l’origine mises sur pied comme appendice économique de l’OTAN, l’alliance militaire dirigée par les États-Unis contre l’État ouvrier dégénéré soviétique. L’UE est aujourd’hui dominée par l’impérialisme allemand, et secondairement par la France. C’est un consortium d’États capitalistes ayant pour but d’exploiter au maximum la classe ouvrière de chacun des pays membres et d’imposer la domination et l’asservissement économique par les puissances impérialistes, y compris via son instrument financier, l’euro, des pays plus pauvres tels que la Grèce, l’Irlande, le Portugal et les États membres d’Europe de l’Est. L’UE est conçue aussi pour accroître la compétitivité des impérialistes européens contre leurs rivaux aux États-Unis et au Japon.
L’UE n’est pas un super-État mais une série de traités conclus par des États. Dans son livre L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), Lénine a démasqué l’idée utopique et réactionnaire de l’« ultra-impérialisme » avancée par le social-démocrate Karl Kautsky, selon laquelle les puissances capitalistes pouvaient soi-disant dépasser leurs rivalités mutuelles en exploitant le monde en commun. Le capitalisme étant organisé sur la base d’États nationaux distincts, c’est du pur kautskysme que d’imaginer un État bourgeois paneuropéen ou une monnaie commune stable. L’UE est soumise à des tensions permanentes provoquées par la divergence des intérêts nationaux des impérialistes européens. Elles menacent constamment de déchirer l’UE, qui peut être brisée par la lutte des classes.
Participer au Parlement européen est contraire aux principes marxistes. Jusqu’en 1979, les délégués étaient nommés par les gouvernements de la CEE. L’élection directe des délégués, après 1979, n’a pas changé son caractère essentiellement diplomatique. Comme nous l’écrivions il y a 40 ans à propos de la participation des pseudo-trotskystes du Secrétariat unifié (SU) aux élections à l’europarlement, « Que ferait [le SU] si le conseil nord-atlantique de l’OTAN était nommé par élections directes, ou si le Commonwealth britannique colonialiste avait un pseudo-parlement : le SU essaierait-il d’être représenté dans ces alliances impérialistes ? On ne peut que supposer qu’il le ferait ! » (Le Bolchévik n° 12, mai-juin 1979).
La Ligue communiste internationale ne cherche pas à renégocier les termes et dispositions spécifiques de l’UE ; ce serait renforcer l’illusion que l’UE pourrait être réformée dans l’intérêt de la classe ouvrière. Les dirigeants traîtres de la classe ouvrière propagent le mensonge d’une « Europe sociale », l’idée fausse que l’UE peut être un instrument de progrès social pour les travailleurs et les opprimés. Notre attitude face à l’UE, c’est l’opposition la plus intransigeante : nous cherchons à la détruire par une lutte internationaliste prolétarienne. Nous nous battons pour des révolutions ouvrières sur tout le continent qui mèneront à des États-Unis socialistes d’Europe, unis de façon librement consentie.
Les institutions de l’UE, y compris son « parlement », ne sont rien de plus que des organes pour réguler les termes de l’exploitation et de l’oppression de l’ordre capitaliste en Europe sous la direction de l’Allemagne. Les traités régulant l’UE représentent le rapport de force entre les impérialistes eux-mêmes et entre les impérialistes et les pays dépendants opprimés. Le Parlement européen est un organe consultatif impotent qui bidouille les traités négociés par les chefs des États membres de l’UE. Quel que soit le programme sur lequel est élu tel ou tel membre de ce « parlement », son rôle est d’être un représentant diplomatique d’un État capitaliste. Servir ainsi dans la négociation de traités réactionnaires implique nécessairement de prendre sa part de responsabilité dans leurs résultats.
Participer de quelque façon que ce soit au « parlement » de l’UE compromettrait l’indépendance de classe du prolétariat. Sur cette base, la LCI, par principe, ne donne pas de soutien électoral critique à ses opposants dans la gauche se présentant à ce « parlement ». Dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») (1920), Lénine faisait remarquer que les masses apprennent de leur expérience et pas simplement de la propagande communiste. À l’époque, il pressa les communistes de Grande-Bretagne d’aider à mettre le Parti travailliste au gouvernement afin que les masses pussent apprendre que les travaillistes étaient des traîtres à la classe ouvrière. La LCI a utilisé cette tactique quand c’était approprié. Mais on ne peut démasquer les réformistes en les élisant au Parlement européen. Le fait même de se présenter signifie se placer dans le cadre de bidouiller le traité impérialiste de l’UE.
Comme la Société des Nations (SDN) d’autrefois (et les Nations Unies aujourd’hui), l’UE est une caverne de brigands impérialistes et de leurs victimes. Jusqu’en 1934, la caste bureaucratique stalinienne à Moscou et les partis communistes qui la soutenaient s’opposaient à toute participation à la SDN. Quand le Kremlin changea de ligne en 1934 et y adhéra, cela marqua le début de la politique de front populaire, basée sur l’invention d’une aile « progressiste » de l’impérialisme. Clouant au pilori la trahison de Staline, les trotskystes citèrent dans New International (juillet 1934) sa propre déclaration de 1927 à propos de la SDN :
« L’Union soviétique n’a pas l’intention de faire partie de ce camouflage des machinations impérialistes que représente la Société des Nations. La SDN est le lieu de rendez-vous des dirigeants impérialistes qui y règlent leurs affaires en coulisses. Les thèmes que la SDN aborde officiellement ne sont que des phrases creuses destinées à tromper les travailleurs. Les affaires que mènent en coulisses les puissances impérialistes, c’est là le véritable travail de l’impérialisme, que les éloquents orateurs de la Société des Nations couvrent hypocritement. »
L’UE est une alliance d’États qui sont inégaux, où les États oppressifs impérialistes dominants traitent avec la dernière arrogance les pays opprimés plus pauvres. Elle tient grâce à la force et au chantage économique qu’exercent les impérialistes plus puissants. Un exemple : l’imposition de l’euro, qui a eu un effet dévastateur sur le niveau de vie des travailleurs et a profité au capitalisme allemand. Avoir la maîtrise de sa monnaie est une composante clé de la souveraineté nationale. D’ordinaire, un pays débiteur peut obtenir un peu de répit et regagner de la compétitivité économique par la dévaluation. Mais ce n’est pas possible à l’intérieur de la zone euro.
Un article du Financial Times (11 mai 2014), « Comment l’UE a été sauvée », décrivait comment les impérialistes oppriment les pays dépendants au sein de l’UE. En 2011, le Premier ministre grec d’alors, George Papandréou, avait proposé d’organiser un référendum sur un plan de sauvetage financier ; les puissances dominantes de l’UE se sont alors liguées pour empêcher ce référendum, et elles ont organisé un coup d’État politique pour remplacer Papandréou. Le président français Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel, la directrice générale du FMI Christine Lagarde et les deux présidents de l’UE se sont rencontrés pour manigancer la façon de faire échec au référendum. Ils ont proposé un « gouvernement d’union nationale » avec à sa tête Lucas Papademos, un ancien vice-président de la Banque centrale européenne. Moins d’une semaine après, Papademos était investi. Il n’y avait eu aucune élection.
En juillet 2015, le gouvernement grec de Syriza a organisé un référendum sur l’acceptation d’un nouveau plan d’austérité de l’UE comme condition à un autre plan de sauvetage financier. Quelque 60 % de la population a voté « non », infligeant ainsi une gifle retentissante à l’UE. Le Premier ministre Tsipras a alors accepté un programme encore plus brutal de famine, de pauvreté et d’humiliation concocté par les maîtres de l’UE. En réaction, nos camarades du Groupe trotskyste de Grèce (TOE) ont appelé à former des comités d’action ouvriers pour répudier cette capitulation, et pour répudier l’UE et l’euro. Le TOE expliquait que ces comités lutteraient pour des revendications comme l’annulation de la dette ; des groupes ouvriers d’autodéfense contre les fascistes ; l’expropriation des banques, des services de l’eau, du gaz et de l’électricité, et des ports ; un emploi pour tous grâce à la réduction de la semaine de travail sans perte de salaire. Ces revendications étaient liées à la nécessité de lutter pour « un gouvernement qui agisse dans l’intérêt des travailleurs et qui leur soit subordonné » (« Rejetez la capitulation de Syriza devant l’UE ! ÇA SUFFIT ! », Le Bolchévik n° 213, septembre 2015).
Le Parti communiste de Grèce (KKE), le seul parti ouvrier de masse du pays, a joué un rôle traître en démobilisant la lutte au moment où cela comptait. Le KKE a refusé d’appeler à voter « non » au référendum. Ceci a prouvé la fausseté de ses prétentions à s’opposer à l’UE. Que le KKE se présente et participe au Parlement européen, ce pour quoi l’UE accorde d’importantes subventions, souligne le fait que le KKE se soumet en réalité à l’UE et à l’ordre capitaliste en Europe.
Les dirigeants syndicaux traîtres et les partis ouvriers réformistes servent de principal soutien à l’UE et aux patrons capitalistes, comme l’illustre la « GroKo » (grande coalition) du SPD avec Merkel. La prédominance de l’Allemagne dans l’UE est due en grande partie au SPD. Le dernier gouvernement dirigé par le SPD avait introduit toute une série de « réformes » anti-ouvrières, y compris les lois Hartz IV et l’Agenda 2010, démantelant de nombreux dispositifs de protection sociale. Cela a mené directement à l’introduction d’un énorme secteur à bas salaires dans le pays, ce qui a considérablement renforcé la compétitivité de la bourgeoisie allemande.
La section britannique de la LCI soutient le Brexit et a appelé à voter pour la sortie de l’UE lors du référendum de 2016. Le dirigeant travailliste « de gauche » Jeremy Corbyn a par contre trahi sa base ouvrière en faisant campagne contre le Brexit et, plus récemment, il s’est prononcé pour un deuxième référendum, au mépris du vote de la population. Dans une situation où les travailleurs d’Europe continuent à être en proie à l’austérité, le soutien servile des réformistes à l’UE favorise la croissance de l’extrême droite et des fascistes.
L’opposition de la LCI à l’UE et à son « parlement » est prolétarienne, internationaliste et révolutionnaire. Pour construire une société libérée de la faim, du besoin et de l’oppression, il faut accomplir une série de révolutions socialistes qui exproprieront les capitalistes, en particulier dans les centres impérialistes comme l’Allemagne et les États-Unis, et créeront une économie planifiée internationale basée sur le pouvoir ouvrier. Ce qu’il faut, c’est construire des partis ouvriers révolutionnaires, sections d’une Quatrième Internationale reforgée, pour mener la classe ouvrière au pouvoir, en balayant le système capitaliste-impérialiste pourri.
|