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Le Bolchévik nº 224 |
Juin 2018 |
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Les trotskystes disent non à la grande coalition
Gouvernement Merkel-SPD : ennemi de la classe ouvrière
Pour un parti ouvrier révolutionnaire !
L’article que nous reproduisons ci-dessous a été publié le 21 février dernier sous forme de supplément à Spartakist, le journal de nos camarades du Spartakist-Arbeiterpartei Deutschlands (SpAD). Le 4 mars, les militants du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) ont approuvé un gouvernement fédéral de grande coalition, la « GroKo », reconduisant ainsi le partenariat depuis 2013 du SPD avec les chrétiens-démocrates de la CDU, le parti de la chancelière Angela Merkel, et de la CSU, son parti-frère bavarois. Le fait que plus de 30 % des membres du SPD aient voté contre la grande coalition, malgré le chantage en règle auquel ils ont été soumis, montre l’ampleur du mécontentement dans le SPD.
La nouvelle GroKo a commencé par une trahison des droits des femmes : le SPD a retiré son soutien initial à un projet d’abrogation du « paragraphe 219a ». Ce paragraphe interdisant de faire de l’information sur l’avortement remonte au régime nazi : il visait particulièrement les médecins juifs. Le 25 mars, la police allemande a arrêté le président catalan Carles Puigdemont, en étroite collaboration avec les services secrets néofranquistes de Madrid. Puigdemont, sous le coup d’un mandat d’arrêt européen, risque l’extradition vers Madrid. La GroKo est plus que jamais déterminée à préserver l’Union européenne (UE) réactionnaire, dominée par l’impérialisme allemand.
La crise dans le SPD va se poursuivre et s’aggraver. Seul le marxisme internationaliste léniniste-trotskyste offre une véritable alternative à la politique réformiste de trahison des intérêts de la classe ouvrière. C’est le sens de la déclaration suivante du SpAD à propos du vote interne du SPD sur la GroKo.
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Après avoir pendant de longues années trahi les intérêts de la classe ouvrière en participant à des gouvernements de coalition avec les Verts et la CDU/CSU, le SPD est entré dans une crise profonde. La décision prise par sa direction de revenir sur son refus de reconduire la grande coalition avec la CDU/CSU a suscité une opposition ouverte à l’intérieur du parti. L’enthousiasme avait été énorme, à la base du SPD, quand sa direction avait annoncé fin septembre dernier, après sa défaite électorale, qu’elle ne serait plus disponible pour une nouvelle GroKo. La douche froide a vite suivi, et la direction du SPD essaie maintenant de faire accepter à sa base une nouvelle GroKo.
A la conférence du parti qui s’est tenue le 21 janvier, la direction du SPD n’a réuni qu’une courte majorité pour entamer des négociations avec la CDU/CSU pour une nouvelle GroKo. Ces négociations ayant abouti, les dirigeants du SPD cherchent maintenant à obtenir un « oui » à la politique anti-ouvrière de la prochaine GroKo. Ils ont le soutien des chefs de la confédération syndicale, le DGB. Il y a une forte opposition à la GroKo à l’intérieur du SPD, et nous, marxistes, disons aussi : « Non à la GroKo ! » Un rejet de la GroKo déstabiliserait l’impérialisme allemand et l’UE, ce qui faciliterait la lutte de classe internationale.
Ce sont les Jusos [les jeunes socialistes] qui mènent la campagne anti-GroKo dans le SPD, mais ils expriment un mécontentement beaucoup plus large, particulièrement dans la base ouvrière du parti. Depuis vingt ans, le SPD a cogéré presque sans interruption le capitalisme allemand en coalition avec des partis bourgeois ; les résultats sont catastrophiques pour la classe ouvrière et les immigrés. L’Agenda 2010 et les « lois Hartz », adoptés par le gouvernement SPD/Verts dirigé par Gerhard Schröder [l’ancien chancelier SPD] sont particulièrement détestés ; ils mènent à un laminage des salaires, à des grilles de salaires à deux vitesses et à une redistribution de la richesse au profit des nantis. Le Parti de gauche a mené des politiques identiques à celles du SPD partout où il a participé à des exécutifs régionaux. La classe ouvrière est saignée à blanc pour permettre aux capitalistes et aux banquiers allemands de s’en mettre plein les poches. Ici, le secteur des emplois à bas salaires est maintenant le plus grand d’Europe.
A mettre aussi au compte des participations gouvernementales du SPD, il y a eu aussi [sous Schröder] la déclaration de la « guerre contre le terrorisme » qui alimente les provocations racistes contre les musulmans et a conduit à une expansion massive des moyens de répression de l’Etat au bout du compte c’est le mouvement ouvrier tout entier qui est visé. Avec leur politique de trahisons, le SPD et le Parti de gauche ont pavé la voie à la réaction et à l’AfD [Alternative pour l’Allemagne, un parti raciste et nationaliste]. Pour combattre les conséquences de ces politiques, il faut une lutte de classe déterminée contre les capitalistes.
L’opposition à l’intérieur du SPD reste entièrement dans le cadre du réformisme ; elle croit qu’on pourrait rendre social le capitalisme, par la voie des élections et du parlement. Non. On ne peut arriver au socialisme en administrant l’Etat bourgeois dans le cadre de la démocratie parlementaire. Il faut au contraire briser l’Etat bourgeois et instaurer la dictature du prolétariat, sous le régime de conseils ouvriers.
GroKo et fronts populaires
Le Spartakist-Arbeiterpartei Deutschlands, section de la Ligue communiste internationale (LCI), est opposé non seulement à la GroKo mais à toute coalition (front populaire) entre des partis ouvriers bourgeois (SPD et Parti de gauche) et des partis bourgeois. Les partis ouvriers bourgeois sont, comme l’expliquait Lénine, des partis avec une base ouvrière mais avec une direction qui mène une politique procapitaliste. De même, nous nous sommes par principe opposés à la coalition SPD/Verts de Schröder et Joschka Fischer, et nous sommes également contre une éventuelle coalition entre le SPD, le Parti de gauche et les Verts. La classe capitaliste ne voit pas d’un mauvais il ce genre de gouvernement quand il s’agit de faire passer des mesures impopulaires contre la classe ouvrière. Dans ce genre d’alliance, les intérêts de la classe ouvrière sont toujours subordonnés à la composante bourgeoise de la coalition.
Même quand un parti ouvrier bourgeois forme un gouvernement à lui seul ou en coalition avec un autre parti ouvrier bourgeois (comme le Parti de gauche), cela ne représente pas un « gouvernement ouvrier » (comme le prétendent certains à gauche), mais un gouvernement capitaliste. Comme l’a montré entre 2002 et 2011 la coalition majoritaire au Sénat de Berlin entre SPD et Parti de gauche/PDS [Parti du socialisme démocratique], la tâche principale de ce gouvernement était d’imposer un programme d’austérité en attaquant les fonctionnaires et en dénonçant leurs conventions collectives. Cette coalition a été créée dans le seul but d’attaquer les travailleurs et de garantir les profits des capitalistes.
Dans des situations où un parti ouvrier réformiste de masse prétend représenter les intérêts de la classe ouvrière et se présente aux élections indépendamment des partis de la bourgeoisie et contre ceux-ci, il peut être approprié pour les révolutionnaires d’utiliser la tactique du soutien électoral critique (selon la formule de Lénine, « comme la corde soutient le pendu »). Le soutien électoral critique est pour les révolutionnaires un moyen d’exacerber la contradiction entre la base prolétarienne du parti ouvrier réformiste et sa direction procapitaliste. Mais l’inclusion de formations politiques non prolétariennes, même toutes petites (comme les Verts ou d’autres formations de centre-gauche) donne la garantie que la coalition a un programme bourgeois, faisant ainsi disparaître cette contradiction.
Soutenir l’UE est anti-ouvrier
Les trotskystes sont des marxistes partisans de l’internationalisme prolétarien : contrairement au SPD et aux Jusos, nous sommes fondamentalement opposés à l’UE, dominée par l’impérialisme allemand. L’UE est un consortium d’Etats capitalistes. Son but est à la fois de maximiser l’exploitation de la classe ouvrière et d’asseoir la domination économique et l’asservissement des pays plus pauvres, comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, par les puissances impérialistes, et au premier chef l’Allemagne. La monnaie unique, l’euro, est un instrument financier de l’UE dans ce but. L’objectif de l’UE est d’améliorer la compétitivité des impérialistes européens vis-à-vis de leurs rivaux américains et japonais. Quoi que s’imaginent les sociaux-démocrates de gauche sur une « Europe sociale » et « supranationale », l’UE est une structure instable : elle est tiraillée par les tensions continuelles engendrées par les divergences d’intérêts nationaux entre les puissances impérialistes européennes tensions qui menacent régulièrement de la faire éclater.
En juillet 2015, un référendum avait été organisé en Grèce par le parti bourgeois Syriza pour dire « oui » ou « non » à une nouvelle série de mesures d’économies imposées par l’UE ; plus de 60 % des Grecs avaient infligé une claque retentissante aux impérialistes en votant « OXI » (non). Nos camarades du Groupe trotskyste de Grèce (TOE) avaient appelé à voter « OXI », disant : « Tout autre vote qu’un “non” sans ambiguïté dans ce référendum constitue une trahison des intérêts des travailleurs, ici et dans le reste du monde. » Le TOE est pour que la Grèce sorte de l’UE et de l’euro. De même, notre section britannique, la Spartacist League/Britain, a voté pour le Brexit. Lénine écrivait dans « A propos du mot d’ordre des Etats-Unis d’Europe » (août 1915) :
« Du point de vue des conditions économiques de l’impérialisme, c’est-à-dire de l’exportation des capitaux et du partage du monde par les puissances coloniales “avancées” et “civilisées”, les Etats-Unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires [
].
« Certes, des ententes provisoires sont possibles entre capitalistes et entre puissances. En ce sens, les Etats-Unis d’Europe sont également possibles, comme une entente des capitalistes européens
dans quel but ? Dans le seul but d’étouffer en commun le socialisme en Europe, de protéger en commun les colonies accaparées contre le Japon et l’Amérique [
]. »
« Liberté pour le capital allemand ! » c’est au cur de ce qu’est l’UE : les dérégulations et les privatisations, qui s’appliquent aux hôpitaux, aux services, aux transports et aux services publics, sont exigées par l’UE et ont été menées à bien par les gouvernements fédéraux successifs. La politique de l’UE vise massivement la classe ouvrière en Allemagne ; c’est pourquoi pour les travailleurs, être contre l’UE c’est défendre leurs propres intérêts.
Mais le SPD et les Jusos acclament cette même UE comme la meilleure chose qui soit jamais arrivée à l’Europe, et le Parti de gauche se fait le porte-voix de ce mensonge. Beaucoup de travailleurs partagent cette position, et les chefs syndicaux prêchent que le rôle dirigeant de l’Allemagne dans l’UE est bon pour les intérêts des travailleurs, car l’industrie allemande, tournée vers l’exportation, profite massivement de l’euro. Cette argumentation repose sur l’idée fausse que les travailleurs auraient des intérêts communs avec leur patron, une conception renforcée par l’affirmation mensongère que les travailleurs auraient intérêt à défendre le « Standort Deutschland » [l’Allemagne comme lieu de production]. En brandissant la menace que sinon les usines seront délocalisées à l’étranger, les bureaucrates syndicaux sociaux-démocrates ont ouvert la porte à une profonde division au sein de la classe ouvrière avec l’instauration d’un salariat à deux ou trois vitesses ; une part toujours croissante de la classe ouvrière perd toujours plus de droits et subit des conditions d’emploi précaires. En faisant gonfler les profits, ces mesures anti-ouvrières ont justement permis à l’impérialisme allemand d’assumer un rôle dirigeant accru dans l’UE.
Les bureaucrates syndicaux ont encore renforcé ce système d’emploi précaire en ne syndiquant pas ces travailleurs et en passant des accords pourris avec les patrons. Prenez IG Metall [le syndicat de la métallurgie] qui, dans une convention collective, a fait passer de 18 à 48 mois le délai au bout duquel les intérimaires doivent être embauchés en CDI (une mascarade : de toute façon ils sont mutés ou licenciés avant). Ces salariés précaires se sentent de moins en moins représentés par le SPD, qui a, après tout, une responsabilité centrale pour leur situation. Et ils ne sont pas non plus représentés par les syndicats, ce qui conduit à leur dépolitisation. Pire encore, du fait de leur précarisation ou parce qu’ils ont peur de celle-ci, des travailleurs sont poussés vers l’AfD raciste et nationaliste, qui est pourtant profondément anti-ouvrière. Il faut que les syndicats organisent tous les ouvriers, et qu’ils mènent la bataille contre les emplois précaires. Les ouvriers qualifiés, qui sont encore fortement syndiqués, doivent comprendre qu’à long terme, ce système détruira les syndicats, et avec eux leurs conditions de travail encore relativement bonnes.
L’opposition à l’UE et à l’impérialisme allemand, ici même, est cruciale pour ce combat. La lutte de classe internationaliste est nécessaire pour défendre les travailleurs contre les attaques de l’UE et des capitalistes ! L’Allemagne est toujours le bastion industriel de l’Europe, et sa puissante classe ouvrière, une fois en mouvement, peut jouer un rôle décisif dans cette lutte si urgente et nécessaire.
Ce qu’il faut, c’est une direction lutte de classe des syndicats une direction n’acceptant pas les règles du jeu fixées par les patrons et leur gouvernement. Il apparaîtra alors clairement que l’Etat et le gouvernement sont du côté des patrons. Policiers, hors du DGB ! Pour des piquets de masse que personne ne traverse ! Des programmes de travaux publics, avec des salaires au tarif syndical, pour réintégrer les chômeurs de longue durée ! Une semaine de 30 heures, sans perte de salaire, pour tous ! A bas le système de l’intérim, de la sous-traitance et de l’emploi en CDD ! A bas les lois Hartz ! Pour des soins médicaux de qualité, gratuits pour les usagers ! Pour la solidarité lutte de classe avec les travailleurs de Grèce et de l’Europe de l’Est et du Sud ! Au bout du compte, seule l’unité sur une base socialiste, résultat de révolutions prolétariennes et de l’expropriation des bourgeoisies, pourra amener un développement économique mondial rationnel, sans exploitation. Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe !
SPD = cheval de Troie de la contre-révolution
Depuis la contre-révolution capitaliste [de 1990] en RDA et, peu après, en Union soviétique, la bourgeoisie allemande considère l’« Etat-providence » comme superflu et elle en sape de plus en plus les fondements. Car il n’est plus nécessaire de faire concurrence aux acquis sociaux qui existaient en RDA et de donner au capitalisme un visage plus social. La destruction de la RDA a permis aux impérialistes européens de mettre en uvre leurs plans de privatisation d’une grande partie des services postaux, des chemins de fer et des aéroports. La Treuhand [l’agence de privatisation], qui a démantelé les combinats industriels est-allemands, a des années plus tard servi de modèle aux mesures imposées à la Grèce par la « troïka » [UE, FMI et Banque centrale européenne].
Nous, trotskystes, avons toujours été pour la défense militaire inconditionnelle de la RDA, des autres Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est et de l’Etat ouvrier dégénéré soviétique contre la contre-révolution intérieure et la menace impérialiste. Et c’est ce que nous faisons aujourd’hui aussi avec les Etats ouvriers déformés restants (Chine, Cuba, Vietnam, Laos et Corée du Nord). Le SPD d’Oskar Lafontaine, qui était le candidat au poste de chancelier [en 1990], avait été une force motrice de la contre-révolution en RDA. Lafontaine était favorable à une réunification capitaliste moins rapide, de manière à mieux faire accepter par la classe ouvrière de RDA l’Anschluss [annexion] à l’Allemagne de l’Ouest impérialiste. Le SPD a été le cheval de Troie de la contre-révolution, notamment en vantant l’idée que la démocratie bourgeoise est le système le meilleur. Le SED-PDS [le parti stalinien au pouvoir en RDA] a aussi sa part de responsabilité : il a bradé la RDA quand Mikhaïl Gorbatchev a donné le feu vert à la réunification capitaliste.
Nous, spartacistes, avons au contraire lutté en 1989-1990 pour la réunification révolutionnaire de l’Allemagne par une révolution politique [à l’Est] pour chasser la bureaucratie stalinienne et une révolution socialiste à l’Ouest pour renverser la classe capitaliste. Lors des élections à la Volkskammer [l’Assemblée nationale de la RDA] en 1990, nous étions la seule organisation qui ait pris position pour un « Non à la réunification capitaliste ! » et « Pour une Allemagne des conseils ouvriers ! » Nous sommes fiers d’avoir mené ce combat, même si nous avons perdu face à des forces écrasantes. C’était un test crucial pour des révolutionnaires, car qui ne défend pas les acquis déjà gagnés ne peut en conquérir de nouveaux.
Pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui vivent ici !
Nils Heisterhagen, un conseiller politique de la fraction parlementaire du SPD au parlement régional de Rhénanie-Palatinat, écrivait dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung le 20 novembre dernier : « “Merkel doit partir”, ça doit venir du SPD, et vite. » Selon lui, « le SPD doit sonner l’offensive contre le capitalisme néolibéral. Les ennemis principaux du SPD ne sont pas les populistes de droite, mais l’élite néolibérale, mondialisée, imbue d’elle-même que j’ai mentionnée plus haut. » Pas un mot sur la lutte de classe ou la nécessité de mobiliser la classe ouvrière contre les patrons.
Au lieu de cela, Heisterhagen argumente que, pour combattre l’AfD, le SPD doit s’approprier la question de la « sécurité intérieure » : « La sécurité intérieure est importante pour tout le monde de l’homme de la rue au patron de grande entreprise, mais avant tout pour beaucoup de gens des catégories “moyennes” [
]. Ce qu’il faut pour davantage de sécurité, c’est un Etat fort. » Il préconise un renforcement des mesures répressives contre les immigrés et les réfugiés. La répression vise particulièrement en ce moment le PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan], avec une interdiction de facto des manifestations kurdes. A bas l’interdiction du PKK et de toutes les associations kurdes ! A bas la chasse aux sorcières anti-musulmans organisée par l’Etat !
On ne peut pas utiliser l’Etat bourgeois et ses institutions dans l’intérêt de la classe ouvrière. Celle-ci doit au contraire comprendre que l’Etat bourgeois lui est fondamentalement hostile. Il faut lutter pour les pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont parvenus ici, afin de surmonter les lignes de fracture nationales, ethniques et religieuses qui divisent la classe ouvrière.
Les gens fuient leur pays avant tout à cause des guerres impérialistes et des politiques commerciales comme celle de l’UE qui détruisent les économies des pays néocoloniaux opprimés. En 1999, le gouvernement SPD/Verts a invoqué le prétexte d’empêcher un nouveau « génocide » pour enfin envoyer au combat la Bundeswehr [l’armée allemande] en participant à la guerre de l’OTAN contre la Serbie. Depuis cette date, la Bundeswehr joue un rôle grandissant dans toutes sortes de massacres impérialistes. La solution, c’est de détruire le système impérialiste d’exploitation, d’oppression et de guerre et pour ce faire, la révolution socialiste dans les centres impérialistes sera décisive. C’est ce pour quoi lutte la LCI.
Opportunisme dans la gauche
Les pseudo-trotskystes du groupe SAV [Sozialistische Alternative en France la Gauche révolutionnaire, dans la France insoumise], qui travaille dans le Parti de gauche, estiment que « ni les avocats de la GroKo ni ceux qui s’y opposent ne sont motivés par des divergences de contenu fondamentales mais par la peur ». S’il existe effectivement pas mal de points d’accord politique entre les Jusos et la direction du SPD, le « non » à la GroKo reflète cependant un fort mécontentement dans la base prolétarienne du SPD. Quant à la SAV, sa priorité est de construire le Parti de gauche, une organisation social-démocrate, et le SPD est, pour elle, un « ex-parti ouvrier ». En 1990 encore, ces réformistes étaient dans le SPD et appelaient ce parti ouvertement contre-révolutionnaire à « passer à l’offensive » en RDA. Aujourd’hui, ils partagent la responsabilité de la politique de collaboration de classe du Parti de gauche, et ils n’ont aucune objection de principe à ses alliances front-populistes ni à ses trahisons de la classe ouvrière.
Les pseudo-trotskystes du Gruppe ArbeiterInnenmacht (GAM) [Groupe pouvoir ouvrier] ont compris qu’il y avait une polarisation à l’intérieur du SPD. Mais si on examine la pratique de cette organisation, on s’aperçoit qu’elle se place à la remorque de la social-démocratie. Elle partage la ligne pro-UE du SPD et elle s’est opposée au résultat du référendum sur le Brexit : « Quitter l’Union ou la zone euro [
] constitue une réponse réactionnaire à la crise. » En 1991 à Moscou, ces « révolutionnaires » étaient grimpés sur les barricades de Boris Eltsine, qui avait pris la tête de la contre-révolution en Union soviétique. Leur tradition, c’est de toujours appeler à voter pour le SPD et/ou le Parti de gauche, y compris quand ils se présentent dans le cadre de coalitions avec des partis bourgeois. Le GAM prétend exploiter une contradiction [dans un parti ouvrier bourgeois] alors que celle-ci n’existe plus quand il s’agit de voter pour une alliance de front populaire. Pour le GAM, l’indépendance politique de la classe ouvrière, ça lui est égal.
Les leçons d’Octobre
En votant pour les crédits de guerre en août 1914, le SPD est passé ouvertement du côté de sa propre classe capitaliste. Quand les travailleurs de Russie, sous la direction des bolchéviks de Lénine et Trotsky, ont fait la première révolution socialiste victorieuse, la direction du SPD s’est opposée à cette révolution. Ce qui avait rendu possible la victoire des bolchéviks, c’est le fait que le parti de Lénine avait très tôt scissionné avec les menchéviks réformistes ; les bolchéviks se sont construits comme un parti d’avant-garde conscient. Quand il devint impossible de dissimuler la défaite de l’impérialisme allemand lors de la Première Guerre mondiale et que les ouvriers et les soldats allemands commencèrent en novembre 1918 à former des conseils sur le modèle russe, la direction du SPD vint au secours du capitalisme pourrissant pour sauver la classe capitaliste du danger d’une révolution socialiste en Allemagne.
Les chefs du SPD, Ebert, Noske et Scheidemann baptisèrent même leur gouvernement capitaliste « Conseil des commissaires du peuple », en cherchant manifestement ainsi à tromper les ouvriers et les soldats insurgés sur la nature de ce gouvernement. Le SPD fut aidé en cela par les centristes (révolutionnaires en paroles, réformistes dans les faits) de l’USPD [Parti social-démocrate indépendant d’Allemagne], dirigé par Hugo Haase et Karl Kautsky, qui avaient été exclus du SPD. Le SPD et l’USPD formèrent un gouvernement de coalition en novembre-décembre 1918. Début 1919, le SPD n’avait plus besoin de l’USPD dans le gouvernement. Tenant les rênes de l’appareil d’Etat bourgeois, il utilisa les ultraréactionnaires de la Reichswehr et des Freikorps pour pourchasser et écraser les révolutionnaires. A l’instigation du SPD, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht furent assassinés par les Freikorps ; ainsi fut décapitée la direction du KPD [Parti communiste d’Allemagne] qui venait juste d’être fondé.
L’USPD de Kautsky aida le SPD à raffermir l’ordre bourgeois en argumentant que le parlement et les conseils ouvriers pouvaient et devaient coexister, ce qui est fondamentalement faux : un gouvernement reposant sur le parlement est un gouvernement capitaliste (dictature de la bourgeoisie), incompatible avec un gouvernement de conseils ouvriers (dictature du prolétariat). Une fois la situation stabilisée, le SPD entreprit de dissoudre les conseils ouvriers.
Le Spartakusbund [le prédécesseur du KPD] de Luxemburg et Liebknecht était resté aussi dans l’USPD jusqu’à fin 1918. Il aurait dû scissionner beaucoup plus tôt d’avec le SPD et l’USPD, comme Lénine l’avait fait en Russie. Cela aurait pu donner à la classe ouvrière la direction nécessaire pour mener la lutte de classe contre la guerre impérialiste et pour la révolution en 1918.
Le jeune KPD ne s’était pas encore débarrassé de tout son bagage social-démocrate quand une nouvelle crise révolutionnaire éclata en Allemagne en 1923. L’occupation française de la Ruhr et les contre-mesures du gouvernement allemand provoquèrent une crise profonde, marquée par la désagrégation de l’économie et l’hyperinflation. Les ouvriers quittaient en masse le SPD et les syndicats qui lui étaient liés. Au lieu d’orienter la classe ouvrière vers la prise du pouvoir, le KPD s’accrocha à l’illusion que l’aile gauche de la social-démocratie pourrait être un partenaire « révolutionnaire » et il s’allia avec le SPD dans des gouvernements régionaux capitalistes en Saxe et en Thuringe, un soi-disant tremplin pour la révolution. Au lieu de cela, l’entrée dans ces gouvernements contribua à mettre un terme à la révolution. La défaite de la révolution allemande de 1923 fut extrêmement démoralisante pour la classe ouvrière d’Union soviétique, qui avait misé sur l’extension internationale de la révolution. Cette défaite jeta les bases de la prise du pouvoir par la bureaucratie stalinienne en Union soviétique.
La question fondamentale est donc la position de la gauche envers l’Etat bourgeois, l’instrument de répression qu’a la bourgeoisie pour perpétuer sa domination de classe. Pour renverser cet Etat, il faut un parti ouvrier révolutionnaire basé sur l’exemple des bolchéviks de Lénine et enraciné dans les masses travailleuses. Construire un tel parti pour intervenir dans les luttes de classe et les diriger est une nécessité historique urgente.
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