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Le Bolchévik nº 224

Juin 2018

Québec et Canada

République ouvrière et Workers Tribune :

Levons la bannière du léninisme !

Pour l’indépendance et le socialisme !

Nous reproduisons ci-après l’éditorial de République ouvrière (n° 2, printemps/ été 2018), le journal pour le Québec de nos camarades de la Ligue trotskyste au Québec et au Canada.

* * *

Après le lancement l’été dernier de République ouvrière (RO), la Ligue trotskyste au Québec et au Canada s’apprête à lancer une nouvelle publication anglophone, Workers Tribune (WT). Ces deux journaux sont le produit direct de notre bataille internationale contre une perversion de longue date du léninisme sur la question nationale, perversion qui avait miné certains aspects du programme révolutionnaire de la Ligue communiste internationale (LCI) (voir Spartacist édition française no 43, été 2017). Cette perversion était particulièrement flagrante au Canada, un pays défini par l’oppression d’une nation par une autre, où notre section basée au Canada anglais a longtemps capitulé au chauvinisme anti-québécois de sa propre bourgeoisie.

En rompant décisivement avec cette politique, nous avons jeté les bases pour la construction d’un parti véritablement léniniste, qui place la lutte contre l’oppression nationale au cœur de son programme. Une telle perspective n’a jamais été mise en œuvre correctement par les groupes se réclamant du marxisme au Canada. L’histoire de la gauche canadienne est jonchée par les épaves des organisations qui se sont fracassées sur la question nationale. Nous cherchons à apprendre du passé et appliquer correctement les leçons de la Révolution russe d’octobre 1917 au contexte du Québec et du Canada. Nos deux publications seront nos outils pour le faire et c’est à travers leurs pages que nous chercherons à mettre en œuvre dans la réalité notre programme révolutionnaire. Dans ce numéro de RO, nous réimprimons une version éditée pour publication de certains des documents clés de notre bataille interne afin de montrer le processus par lequel nous sommes arrivés à renouer avec notre continuité marxiste sur la question nationale.

La publication de deux journaux séparés, l’un pour le Canada anglophone et l’autre pour le Québec, découle de notre compréhension que l’avant-garde léniniste a des tâches spécifiques dans la nation dominante et dans la nation opprimée. Le Québec a été conquis par la force et occupé militairement par l’Empire britannique en 1759-1760. La place des Canadiens français en tant que minorité nationale opprimée a ensuite été consolidée avec la répression sanglante de la révolution démocratique des Patriotes de 1837-1838. Le sang des Patriotes et l’oppression des francophones sont le mortier avec lequel l’État canadien moderne a été construit. Cette compréhension doit être la pierre d’assise de toute perspective révolutionnaire dans cet État réactionnaire, tenu ensemble par l’oppression du Québec et la Couronne britannique.

Nos deux journaux représentent notre perspective de construire deux partis distincts dans deux États séparés. En l’absence d’un Québec indépendant, notre tâche actuelle est de construire un parti révolutionnaire binational qui lutte pour la libération nationale et pour le socialisme. La construction d’un tel parti ne peut être dissociée du combat de la LCI pour reforger la Quatrième Internationale. Le mouvement communiste est par définition internationaliste, et il est essentiel que le prolétariat se dote d’un parti international unifiant les travailleurs au-delà des divisions nationales et coordonnant les luttes interdépendantes des ouvriers de tous les pays.

Pour la république ouvrière du Québec !

Portant le même nom que le journal du célèbre révolutionnaire irlandais James Connolly, République ouvrière se veut le porte-voix du léninisme au Québec. L’indépendance du Québec est une cause juste que nous défendons sans aucun préalable, que ce soit sous le capitalisme ou dans un État ouvrier. Comme le disait en entrevue l’intellectuel nationaliste de gauche Pierre Falardeau :

« La liberté c’est une valeur en soi, la libération des femmes, c’est pas pour quelque chose, c’est positif en soi. Donc la liberté des peuples c’est pareil, on n’a pas à mettre… Pour moi si tu mets des conditions à ça t’es pas progressiste, t’es un trou de cul. »

À la différence des nationalistes, nous ne pensons pas que le prolétariat et la bourgeoisie d’une nation donnée partagent des intérêts communs, et nous cherchons à canaliser la lutte contre l’oppression nationale sur des lignes de classe. Depuis les années 1970, les dures luttes qu’a menées le prolétariat québécois ont sans cesse été détournées par la bureaucratie syndicale dans l’appui au Parti québécois (PQ). Les travailleurs du Québec ont des intérêts foncièrement opposés à ceux des partis de la bourgeoisie québécoise, que ce soit le PQ, le Parti libéral ou la CAQ (Coalition avenir Québec). RO mènera une lutte acharnée pour briser les chaînes qui lient toujours les travailleurs à la bourgeoisie nationaliste, chaînes qui les ont entraînés dans d’innombrables défaites.

Contrairement à la majorité de la gauche québécoise, nous savons qu’il n’y a rien de bon à espérer des populistes de Québec solidaire (QS). QS n’est pas un « moindre mal » par rapport aux partis de la bourgeoisie et partage fondamentalement le même programme, ne cherchant qu’à appliquer quelques mesures cosmétiques à ce système capitaliste pourrissant. Il est nécessaire d’exposer l’impasse que représente QS ainsi que ses porteurs d’eau pseudo-marxistes. Les travailleurs québécois ne pourront être véritablement libres dans un Québec capitaliste « de gauche ». Ce qu’il faut c’est une république où les travailleurs sont au pouvoir. C’est cette perspective que nous exprimons dans notre slogan : pour l’indépendance et le socialisme !

Workers Tribune : marxiste, anglophone et défenseur du Québec

Outre Spartacist, notre revue internationale, Spartacist Canada (SC) était le principal journal de notre tendance au Canada depuis 1975. Ce faisant, il était un lien important avec la continuité révolutionnaire sur un ensemble de questions clés pour le prolétariat international. SC a été unique au Canada dans sa lutte contre la restauration capitaliste en URSS et pour la défense des acquis des États ouvriers déformés restants (la Chine, Cuba, la Corée du Nord, le Vietnam et le Laos). SC a lutté contre les illusions envers le NPD (Nouveau parti démocratique) social-démocrate, exposé le racisme et l’hypocrisie de la bourgeoisie canadienne envers les immigrants et dénoncé ses interventions militaires à l’étranger. Nous défendons fièrement cet aspect de notre héritage et nous nous en réclamons. Toutefois, nous ne pouvons maintenir un journal qui pendant toute son existence a été incapable de mener une politique léniniste conséquente sur la question stratégique au Canada : la question nationale québécoise. Jusqu’en 1995, ses articles sur le Québec ont capitulé ouvertement au chauvinisme de la bourgeoisie anglophone et ont mis de l’avant une politique assimilationniste qui défendait l’oppression du Québec.

Nous avons finalement adopté une ligne en faveur de l’indépendance en 1995, après une bataille menée par le camarade Robertson, fondateur de notre tendance internationale. Même si ce changement représentait une amélioration qualitative de notre programme, les conclusions de cette bataille n’avaient jamais réellement été mises en œuvre et la section n’avait pas rompu de façon définitive avec son cadre anglo-chauvin. Spartacist Canada n’est pas non plus un nom adéquat pour un journal qui a comme perspective de démanteler l’unité du Canada avec l’indépendance du Québec. C’est donc pour renouer avec le léninisme et rompre décidément avec ce passé anglo-chauvin que nous lançons Workers Tribune. Ce journal sera fondé sur le principe qu’« une nation ne peut être libre et en même temps continuer d’opprimer d’autres nations ». Cette citation, livrée en 1847 dans un discours de Friedrich Engels contre l’oppression de la Pologne, se retrouvera maintenant fièrement sur l’en-tête de WT.

La bourgeoisie canadienne maintient son emprise idéologique sur les travailleurs du Canada anglais à travers la sacro-sainte unité canadienne chauvine. Ce poison est fidèlement transmis à la classe ouvrière à travers la social-démocratie du NPD et la bureaucratie syndicale. Le prolétariat du Canada anglais doit à tout prix défendre les droits du Québec et se faire le champion de son indépendance s’il veut se séparer politiquement de sa propre bourgeoisie et mener une lutte victorieuse pour sa libération. Comme le disait Lénine :

« Le prolétariat des nations oppressives ne peut se contenter de phrases générales, stéréotypées, rabâchées par tous les bourgeois pacifistes, contre les annexions et pour l’égalité en droits des nations en général. […] Il doit revendiquer la liberté de séparation politique pour les colonies et les nations opprimées par “sa” nation. Sinon, l’internationalisme du prolétariat demeure vide de sens et verbal. »

– « La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes » (1916)

La question de l’oppression nationale du Québec va main dans la main avec la monarchie britannique : ce sont les deux éléments qui font du Canada ce qu’il est aujourd’hui et sans lesquels il a en fait très peu de raisons d’exister. Cela n’empêche pas la gauche réformiste d’embrasser le mensonge d’un Canada « progressiste » et de faire disparaître le fait que le chef d’État est (de son titre officiel) « Elizabeth Deux, par la grâce de Dieu Reine du Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth, Défenseur de la Foi » (et dont le gouverneur général est le loyal représentant). WT se fera le devoir de souligner le rôle réactionnaire des institutions monarchiques et fera tout pour mener la lutte des travailleurs pour se débarrasser de ces relents du Moyen Âge. Le pouvoir monarchique est loin d’être uniquement symbolique et dispose de tout un arsenal de mesures antidémocratiques. Le gouverneur général a notamment le pouvoir de renverser un gouvernement élu et de dissoudre le parlement, ainsi que le pouvoir de décréter des mesures d’urgence pour suspendre les libertés démocratiques. Ce sont ces pouvoirs qui ont été invoqués durant la Crise d’octobre 1970 pour réprimer le mouvement ouvrier québécois, les indépendantistes et les courageux militants du Front de libération du Québec. Pour l’abolition de la monarchie !

WT se fera aussi le devoir d’exposer le mensonge trudeauiste du multiculturalisme qui, sous couvert d’une grande mosaïque supposément ouverte et inclusive, a en réalité pour objectif l’assimilation du Québec, tout en cachant l’oppression brutale des immigrants dans ce pays. Les médias de la bourgeoisie anglophone cherchent continuellement à dépeindre le mouvement pour l’indépendance et les droits nationaux du Québec comme étant foncièrement raciste. Les pages de nos journaux dénonceront ce Québec-bashing, tout en s’opposant à l’arriération raciste bien réelle qui existe au Québec et au Canada, comme dans toute société capitaliste. Nos articles seront à l’avant-garde de la lutte pour mobiliser le mouvement ouvrier en défense des minorités ethniques. Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrants !

Workers Tribune et République ouvrière incarneront ainsi la conception selon laquelle les communistes doivent agir comme tribuns populaires. Comme le disait Lénine :

« Le social-démocrate ne doit pas avoir pour idéal le secrétaire de trade-union, mais le tribun populaire sachant réagir contre toute manifestation d’arbitraire et d’oppression, où qu’elle se produise, quelle que soit la classe ou la couche sociale qui ait à en souffrir, sachant généraliser tous ces faits pour en composer un tableau d’ensemble de la violence policière et de l’exploitation capitaliste, sachant profiter de la moindre occasion pour exposer devant tous ses convictions socialistes et ses revendications démocratiques, pour expliquer à tous et à chacun la portée historique mondiale de la lutte émancipatrice du prolétariat. »

Que faire ? (1902)

Le capitalisme canadien, basé sur l’oppression brutale de toute la classe ouvrière, est aussi marqué par l’oppression spécifique de la nation québécoise, des peuples autochtones, des immigrants et des femmes. La tâche intermédiaire de construire un parti binational va donc de pair avec celle de construire une direction composée à 70 % de Québécois et de minorités opprimées.

La bataille contre l’anglo-chauvinisme

Si nous avons maintenant les bases pour construire une organisation binationale et que nous avons été en mesure de corriger nos lacunes programmatiques, c’est parce que pour la première fois nous avons une véritable existence au Québec. Après la grève étudiante de 2012, la Ligue trotskyste a recruté un groupe de militants étudiants au programme révolutionnaire de la LCI. Nos camarades de Montréal ont été recrutés à notre programme déficient sur la question nationale mais on leur a caché ce que la section avait écrit sur le Québec avant notre changement de ligne en 1995. Au cours de l’été et de l’automne 2016, la section canadienne a été secouée par une importante bataille interne. Avec de l’aide internationale, nos camarades de Montréal ont lu pour la première fois certains des articles précédant 1995, notamment l’article « La controverse sur le bilinguisme pour le contrôle du trafic aérien enflamme le Canada » (« Bilingual Air Traffic Control Dispute Rocks Canada », SC no 8, septembre 1976). Cet article était bien connu dans la LCI et a longtemps été considéré comme un modèle pour son traitement de la question nationale québécoise.

En 1976, les contrôleurs aériens et les pilotes anglophones de la CATCA et de la CALPA (Canadian Air Traffic Control Association et Canadian Air Line Pilots Association) ont déclenché une grève contre l’introduction du bilinguisme dans les communications aériennes. Les travailleurs francophones (organisés dans l’Association des gens de l’air) ont refusé de joindre la grève et milité en faveur du bilinguisme du contrôle aérien. Cet enjeu soulevait deux questions, celle de la sécurité et celle de l’oppression linguistique des francophones. La lutte pour le droit de parler en français au travail a été l’une des forces motrices de la Révolution tranquille, et le droit des travailleurs du contrôle aérien de parler français entre collègues (hors des communications aériennes) est élémentaire. Mais dans ce cas-ci, cette lutte légitime se confrontait aussi à une question de sécurité, puisqu’il est en effet plus sécuritaire et plus rationnel d’avoir un seul langage pour le contrôle aérien. Plutôt que d’expliquer ce problème avec comme point de départ l’opposition à l’oppression nationale, l’article méprise totalement les aspirations linguistiques des Québécois et capitule au chauvinisme anglophone :

« La demande des nationalistes québécois pour l’unilinguisme francophone au Québec démontre leur volonté de sacrifier la lutte contre l’oppression des francophones à travers le Canada au profit du “droit” d’imposer le français dans une seule province. Cette position a des conséquences profondément réactionnaires : celles, dans les faits, de ghettoïser linguistiquement le Québec et de priver les francophones dans la province de tout accès à l’anglais, la langue dominante de l’économie politique nord-américaine. »

En lisant cet article, les camarades québécois ont été outrés et ont écrit un document dénonçant l’anglo-chauvinisme de l’article, en défendant cependant le bilinguisme dans le contrôle aérien. Ces camarades ne dissociaient pas la question de la langue et celle de la sécurité, mais ils ont eu raison sur le point central, soit l’insensibilité extrême de l’article. En reconnaissant le chauvinisme de l’article, les camarades de l’Internationale Coelho et Robertson ont été en mesure de convaincre les camarades qu’il fallait un langage pour le contrôle aérien. Cette convergence ainsi que le ralliement de certains cadres anglophones a permis de jeter les bases pour reforger une section authentiquement binationale, au Québec et au Canada. C’est cette fusion principielle, basée notamment sur les motions réimprimées à la suite de cet article, qui a été le point d’appui pour ensuite étendre à l’Internationale la bataille sur la question nationale.

Un point contentieux majeur était que même si la LCI n’était pas pour l’indépendance avant 1995, celle-ci avait néanmoins toujours défendu le droit du Québec à l’autodétermination, idée qui était défendue par plusieurs des cadres historiques de l’Internationale. En réalité, à chaque moment clé, nous nous sommes opposés à l’exercice de ce droit. Lorsque le camarade Robertson a soulevé pour la première fois en 1976 qu’il faudrait être pour l’indépendance du Québec, cela avait été unanimement rejeté par le reste de la direction internationale. En 1977, nous avons publié les conclusions de cette discussion en réaffirmant notre ligne contre l’indépendance. Puis, quand la question a été posée concrètement au référendum de 1980, la Ligue trotskyste a appelé au boycott. Pour les marxistes, le boycott est une tactique active qui cherche à invalider le résultat du vote. En 1907, Lénine expliquait que :

« Le boycottage est le moyen de lutte le plus décisif qui s’attaque non pas à des formes d’une institution donnée, mais à son existence même. Le boycottage est une déclaration de guerre directe à l’ancien régime, une attaque directe contre lui. »

– « Contre le boycottage »

Avec cette ligne, non seulement nous défendions le maintien du Québec dans le cadre oppressif du Canada, mais c’était aussi un appel pour la mobilisation de la classe ouvrière anglo-canadienne derrière sa propre bourgeoisie pour écraser le référendum québécois. La Ligue trotskyste ne défendait pas plus l’autodétermination que ne le faisait Trudeau. Depuis la Conquête, la seule position principielle pour les révolutionnaires est d’appeler à l’indépendance du Québec. Au référendum de 1980 il était impératif d’appeler à la victoire du Oui.

Ce refus de défendre le droit de la nation québécoise d’exister s’exprimait très clairement dans nos précédents articles sur la question linguistique, dans lesquels nous nous opposions avec véhémence à la loi 101. En défendant le « bilinguisme », SC défendait en réalité les privilèges de l’anglais et acceptait l’inévitabilité de l’assimilation forcée des Québécois. Cette position politique est restée intacte malgré notre changement de ligne en faveur de l’indépendance en 1995 ; ce n’est qu’au cours de notre bataille internationale que nous avons décisivement rompu avec ce programme.

Le français a toujours été une langue sale aux yeux de la classe dirigeante anglophone. Pendant longtemps il n’était pas question de le parler dans le gouvernement ou dans le milieu des affaires : « Speak White » ! L’élite anglophone avait une politique explicitement assimilationniste envers le Québec et cherchait à réduire le poids des francophones avec une immigration qui s’intégrait en anglais. Avec une minorité de francophones, aucun risque de séparation. La loi 101 adoptée par le gouvernement du Québec permet de maintenir une majorité francophone tout en demeurant dans le cadre de la Confédération canadienne. En tant que léninistes, nous comprenons que l’égalité des langues passe par la lutte contre les privilèges de la langue dominante. Jusqu’à ce jour, l’anglais n’a jamais perdu son statut de langue des oppresseurs au Québec. Ainsi, nous défendons la loi 101 et nous sommes pour que les immigrants s’intègrent au Québec en apprenant le français, tout en soulevant la demande pour des cours de langue gratuits et de qualité. La loi 101 n’est toutefois qu’une expression partielle du droit à l’autodétermination. La seule solution viable demeure l’indépendance.

Renouer avec la continuité léniniste

Le Québec est une goutte d’eau francophone dans un océan anglophone. Cependant, le prolétariat québécois est l’un des plus militants du continent. Alors que le taux de syndicalisation est d’environ 10 % aux États-Unis et s’approche des 30 % au Canada anglais, le taux de travailleurs syndiqués au Québec atteint presque les 40 %. L’histoire des luttes de classe montre que le Québec pourrait bien être le chaînon faible du capitalisme en Amérique du Nord. Mais pour déchaîner le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière, il faut nécessairement un parti d’avant-garde. La bataille contre l’Hydre chauvine dans la LCI et la publication de nos nouveaux journaux posent précisément les jalons programmatiques sur lesquels édifier de tels partis révolutionnaires au Québec et au Canada. Les tâches auxquelles fait face notre noyau restreint sont immenses, et nous devons entamer le travail qui aurait dû l’être dès le début des 40 ans d’existence de notre section, soit d’étudier et d’appliquer au Québec les principes du marxisme sur des questions essentielles telles que celle d’un parti ouvrier, de l’oppression des femmes et de la nature de l’État canadien.

Le numéro un de l’Iskra (1900) était une déclaration claire de la raison d’être du groupe de Lénine, de la nécessité d’un parti marxiste solide composé de révolutionnaires professionnels, qu’il délimitait en opposition aux idées révisionnistes et réformistes, notamment l’économisme répandu à l’époque. The Militant n° 1 (1928) met de l’avant une défense tranchante du programme de l’Opposition de gauche de Trotsky, contre l’opportunisme et le bureaucratisme stalinien et pour un parti léniniste. Pratiquement tout le numéro un de Spartacist (1964) est une défense du marxisme sur la question cubaine et la question noire, et au fond, de la nécessité d’une direction véritablement trotskyste contre le Socialist Workers Party américain en pleine dégénérescence, dont la direction venait de nous expulser à cause de notre lutte principielle pour maintenir le programme léniniste. Chacun de ces journaux s’engageait à défendre la continuité du marxisme authentique.

RO et WT se réclament de cet héritage. Néanmoins, dans RO n° 1 la présentation de notre journal a été reléguée derrière d’autres articles – programmatiquement corrects en eux-mêmes – que nous avons considérés à l’époque comme ayant plus d’actualité. Cette décision a montré une faiblesse dans notre compréhension de l’importance centrale du parti léniniste d’avant-garde : pour les marxistes au Canada, rien n’était plus important que l’apparition d’un journal trotskyste francophone qui se bat pour faire de la lutte pour la libération nationale des Québécois une force motrice de la révolution ouvrière. Avec ce numéro, nous corrigeons cette erreur. Comme nos prédécesseurs, nous tâcherons de rassembler autour de notre programme un noyau de cadres dédiés à la libération nationale, à la révolution socialiste et à la lutte pour reforger la Quatrième Internationale.

 

Le Bolchévik nº 224

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