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Le Bolchévik nº 201 |
Septembre 2012 |
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Bruits de bottes en mer de Chine méridionale
L’étau militaire de l’impérialisme US se resserre sur la Chine
L’article suivant a été traduit de Workers Vanguard n° 1005, 6 juillet.
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C’est un tournant militaire stratégique pour l’impérialisme américain. Le secrétaire à la défense Leon Panetta a ainsi annoncé en juin dernier à Singapour qu’en 2020, 60 % des navires de guerre américains seraient positionnés dans la région Asie-Pacifique (ils sont actuellement répartis à parts égales entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique). Cette visite de Panetta en Asie du Sud-Est faisait suite à des tournées effectuées dans la région par la secrétaire d’Etat Hillary Clinton [ministre des Affaires étrangères] et par le Président Obama qui avait déclaré que le basculement vers le Pacifique était une « priorité majeure ».
Malgré les dénégations occasionnelles des porte-parole de l’administration Obama, la cible principale du « recentrage » américain vers le Pacifique est la Chine, le plus puissant des pays qui restent où la domination capitaliste a été renversée. Le Pentagone lui-même ne s’en cache pas. Il révèle petit à petit les détails des plans de bataille « destinés à contrer le défi militaire que représente la Chine » (Financial Times, 31 mai). Ce « concept » de « bataille aéronavale » fait écho à la doctrine de la « bataille aéroterrestre » des années 1970, adoptée dans le cadre de la guerre froide contre l’Union soviétique. Le plan vise à « cimenter les alliances américaines et contrer les armes et systèmes “anti-accès et d’interdiction de zone” », comme la nouvelle génération de missiles antinavires en cours de développement par la Chine. D’après un document du Pentagone cité dans cet article, une attaque efficace contre les défenses « anti-accès et d’interdiction de zone » supposerait de « préparer une frappe préventive de grande ampleur contre des bases militaires sur le territoire chinois ».
Washington a ces deux dernières années pris une série concertée d’initiatives visant à étendre et à renforcer les pressions contre la Chine : reprise de l’aide aux forces spéciales indonésiennes Kopassus et normalisation des relations avec le Myanmar (la Birmanie), stationnement de Marines à Darwin en Australie et manuvres conjointes avec des Etats-clients des Etats-Unis. Le quotidien japonais Yomiuri Shimbun (29 mai) écrivait dans un article consacré à une réunion au sommet entre le Japon et les pays insulaires du Pacifique, à laquelle participait également une délégation américaine, que cette région « est maintenant au centre d’une lutte d’influence impliquant d’un côté le Japon, les Etats-Unis et l’Australie, et de l’autre la Chine ».
Le resserrement de l’étau militaire contre la Chine s’accompagne d’actes de belligérance caractérisés de la part des Etats-Unis ou de leurs alliés. A la mi-avril, l’Inde a testé avec succès un missile balistique à longue portée capable d’emporter une charge nucléaire, ce qui met l’Inde « à même de frapper des cibles sur la totalité du territoire chinois » (New York Times, 19 avril). Ce succès a été très applaudi dans les médias capitalistes américains, qui se répandent en mensonges et en double langage pour condamner les essais nucléaires réalisés par les régimes que Washington considère comme malfaisants (Corée du Nord, Iran). Trois jours seulement avant l’essai indien, les Etats-Unis et leur Etat-client philippin avaient commencé des exercices militaires conjoints en mer de Chine méridionale, pendant que des bateaux de pêche et des patrouilleurs maritimes chinois se retrouvaient face à face avec un navire de guerre philippin autour du récif de Scarborough.
En se désengageant progressivement de l’Irak et de l’Afghanistan (tout en multipliant les bombardements effectués par des drones et les assassinats « ciblés » au Pakistan et au Yémen), l’administration Obama prépare le « recentrage » vers la zone Asie-Pacifique. Ceci marque un retour à la stratégie adoptée par les dirigeants américains à la suite de la destruction contre-révolutionnaire de l’Etat ouvrier dégénéré soviétique en 1991-1992. La chute de l’Union soviétique avait éliminé la cible militaire principale des impérialistes ainsi que le seul contrepoids réel qui les empêchait de dominer le monde. Elle avait permis aux Etats-Unis de retirer leurs forces militaires d’Europe et de les redéployer dans l’Ouest du Pacifique.
Les attentats terroristes du 11-Septembre ont détourné l’attention des Etats-Unis vers l’Afghanistan et autres cibles de la « guerre contre le terrorisme » ; mais cette « guerre » fabriquée de toutes pièces a elle-même permis d’étendre et de renforcer le dispositif militaire des impérialistes autour de la Chine, dont les dirigeants staliniens ont soutenu la campagne « antiterroriste ». Des bases américaines ont été installées en Asie centrale tandis que l’Inde et la Mongolie renforçaient leur coopération avec Washington. En 2002, un millier de Marines et de soldats des forces spéciales américaines ont été envoyés sur l’île de Mindanao, dans le Sud des Philippines, où des groupes insurgés musulmans sont actifs depuis longtemps ; cette présence militaire américaine s’est maintenue sans discontinuer jusqu’à aujourd’hui.
La Spartacist League, section américaine de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste) [LCI], est sans réserve pour la défense militaire des Etats ouvriers bureaucratiquement déformés (Chine, Corée du Nord, Vietnam, Laos et Cuba) contre les impérialistes et les forces internes de la contre-révolution. Tout comme les travailleurs doivent défendre les syndicats contre les attaques des exploiteurs, malgré les directions syndicales qui soutiennent l’ordre capitaliste et sabotent ainsi les luttes syndicales, de même les révolutions sociales qui ont eu lieu en Chine ou à Cuba doivent être défendues contre les impérialistes. Ceux-ci voudraient donner un second souffle au système capitaliste décadent basé sur le profit en livrant à nouveau ces pays à l’exploitation sous ses formes les plus brutales. Nous exigeons le retrait d’Asie de toutes les bases et de tous les soldats américains ; cela fait partie de la lutte pour mobiliser la classe ouvrière américaine contre « son » gouvernement capitaliste et contre les aventures militaires prédatrices de ce dernier. Cette lutte aboutira dans le renversement révolutionnaire de l’ordre mondial capitaliste-impérialiste.
Notre défense militaire des Etats ouvriers contre l’ennemi de classe est inconditionnelle : autrement dit, elle n’est conditionnée ni par les politiques menées par les régimes staliniens au pouvoir ni par les circonstances particulières du conflit. En même temps, en tant qu’organisation trotskyste, la LCI continue à s’opposer à ces régimes qui sapent les Etats ouvriers en réprimant politiquement la classe ouvrière et en cherchant à se concilier les impérialistes qui de leur côté ne reculeront devant rien pour consolider leur domination et leurs profits.
La modernisation militaire de la Chine
Le basculement accéléré des efforts du Pentagone vers l’Extrême-Orient et le sous-continent indien est dans une large mesure une réaction aux progrès considérables des capacités de défense de la Chine dans la période récente. Ces progrès sont une bonne chose. Ils ont été réalisés pour l’essentiel tandis que les forces américaines étaient embourbées en Afghanistan et en Irak. En renforçant ses capacités militaires dans la région côtière qui fait face à Taïwan et en modernisant ses forces nucléaires, la Chine s’assure une meilleure protection contre les tentatives d’intimidation des impérialistes.
En 1996, les Etats-Unis avaient envoyé deux porte-avions accompagnés de leurs groupes aéronavals au large de Taïwan, en réponse à des manuvres militaires chinoises, qui elles-mêmes coïncidaient avec la campagne des élections présidentielles à Taïwan. Cette provocation de l’administration Clinton, qui représentait le plus important déploiement de forces navales américaines dans le Pacifique depuis la guerre du Vietnam, évoquait irrésistiblement la « diplomatie de la canonnière » que pratiquèrent les impérialistes au XIXe siècle pour dépecer et asservir la Chine ; elle a eu aussi pour effet d’inciter Pékin à augmenter ses dépenses militaires, ce que la Chine a continué à faire dans la dernière décennie, où elle a connu une forte croissance économique.
La Chine possède aujourd’hui, ou elle est en train de les développer, des missiles balistiques et des missiles de croisière basés à terre, des avions de combat armés de missiles antinavires, des sous-marins conventionnels et à propulsion nucléaire, des radars à longue portée, des satellites de surveillance et des armes spatiales. Les experts américains présentent cette panoplie d’armes comme un facteur susceptible de « changer la donne » et qui « pourrait contraindre la marine américaine à retirer ses porte-avions et autres bateaux de guerre loin des côtes chinoises » (Aaron L. Frieberg, A Contest for Supremacy : China, America and the Struggle for Mastery in Asia [Une compétition pour la suprématie : la Chine, l’Amérique et la lutte pour la domination en Asie], 2011). Les impérialistes américains essaient de préserver leur supériorité militaire écrasante au niveau mondial et ils sont déterminés à contrecarrer cette évolution chinoise.
Nous défendons les Etats ouvriers, et pour cette raison nous sommes favorables à ce qu’ils développent des armes nucléaires et les systèmes d’armes capables de les emporter. La Chine, qui a effectué son premier essai nucléaire en 1964, disposait initialement de missiles balistiques à combustible liquide qui étaient vulnérables à des attaques nucléaires de première frappe. Mais ces dernières années, elle a développé des missiles intercontinentaux à combustible solide capables d’atteindre le continent américain. Certains de ces missiles ne sont pas installés dans des silos mais sont mobiles, ce qui les rend pratiquement impossibles à détruire. La Chine devrait prochainement déployer des missiles lancés depuis des sous-marins, qui pourraient eux aussi atteindre les Etats-Unis. La République populaire s’est ainsi dotée d’une importante capacité de dissuasion contre une agression de la part de l’impérialisme américain, le seul Etat qui ait jamais utilisé des armes nucléaires en anéantissant 200 000 civils japonais en 1945. Le Président Harry Truman et plusieurs autres responsables américains avaient envisagé d’utiliser cette arme de destruction massive contre les Chinois alors qu’ils tentaient, en vain, de « repousser le communisme » pendant la guerre de Corée. Le fait que l’URSS disposait de la bombe les en avait dissuadés. Dans les années 1970, l’Union soviétique disposait d’un armement nucléaire à peu près équivalent à celui des Etats-Unis, ce qui est très loin d’être le cas de la Chine aujourd’hui.
La politique de conciliation des staliniens envers l’impérialisme
Les avancées réalisées par la Chine dans les domaines militaire et économique, pour impressionnantes et nécessaires qu’elles soient, ne peuvent garantir en dernier ressort la survie de l’Etat ouvrier dans un monde dominé par des puissances impérialistes acharnées à le détruire. Le renversement de la domination capitaliste par la Révolution de 1949 a libéré les ouvriers et les paysans du joug impérialiste et de la tyrannie de la bourgeoisie chinoise. La collectivisation de l’économie a jeté les bases d’une formidable amélioration des conditions de vie des masses en comparaison avec la misère qu’elles subissaient auparavant ; elle a créé une base industrielle substantielle (grâce dans les premiers temps à une importante aide soviétique) qui constitue les fondations indispensables à la défense militaire de la révolution.
Cependant, contrairement à la révolution prolétarienne d’octobre 1917 en Russie, qui avait créé un Etat ouvrier basé sur des soviets (conseils) d’ouvriers, de paysans et de soldats, la Révolution de 1949 fut le résultat d’une guerre de guérilla paysanne menée par le Parti communiste chinois (PCC) de Mao Zedong ; elle donna naissance à un Etat ouvrier qui était bureaucratiquement déformé dès sa création. Le PCC adhère au dogme profondément antimarxiste du « socialisme dans un seul pays » proclamé par Joseph Staline à la fin de 1924 ; c’était le mot d’ordre de la bureaucratie qui avait usurpé le pouvoir politique jusque-là détenu par le prolétariat. Jetant aux orties le programme et les principes internationalistes qui avaient guidé les bolchéviks au temps de Lénine et Trotsky, la bureaucratie stalinienne renonçait au combat pour la révolution socialiste mondiale en faveur de la quête utopique d’une coexistence pacifique avec l’impérialisme.
L’Union soviétique, qui couvrait un sixième de la surface de la terre et possédait d’abondantes ressources minérales, fit un bond historique par rapport à la vieille société tsariste effroyablement arriérée et misérable. Elle devint une grande puissance industrielle et militaire, la deuxième après les Etats-Unis. Cependant, elle ne pouvait à elle seule dépasser le niveau de développement économique des pays capitalistes avancés et encore moins réaliser le socialisme : une société d’abondance matérielle qui suppose la collectivisation et un développement qualitatif des forces productives avancées qui sont aujourd’hui concentrées dans les pays impérialistes.
Trotsky relevait dans la Révolution trahie (1936), son analyse classique de la dégénérescence de l’Union soviétique sous Staline, les avantages que donne une économie planifiée et collectivisée pour mobiliser l’industrie au profit de la défense nationale, mais il relevait aussi les limitations qui découlaient de l’isolement de l’Etat ouvrier :
« Les succès économiques de l’U.R.S.S. lui permettent de s’affermir, de progresser, de s’armer et, s’il le faut, de battre en retraite et d’attendre, en un mot, de tenir. Mais en elle-même la question “qui l’emportera ?”, non seulement au sens militaire du terme, mais avant tout au sens économique, se pose devant l’U.R.S.S. à l’échelle mondiale. L’intervention armée est dangereuse. L’intervention des marchandises à bas prix, venant à la suite des armées capitalistes, serait infiniment plus dangereuse. »
Trotsky en tirait la conclusion politique qu’il fallait lutter pour la défense militaire inconditionnelle de l’Union soviétique et pour une révolution politique prolétarienne afin de chasser la bureaucratie privilégiée et parasite et de restaurer la démocratie ouvrière et l’internationalisme prolétarien. Il énonçait l’alternative de façon tranchée : « Le fonctionnaire finira-t-il par dévorer l’Etat ouvrier ou la classe ouvrière réduira-t-elle le fonctionnaire à l’incapacité de nuire ? » Cette question est posée aujourd’hui avec la même urgence en Chine et dans les autres Etats ouvriers déformés qui subsistent.
Même à son apogée, la production totale de l’Union soviétique représentait moins du tiers de celle des Etats-Unis. Finalement, après des décennies de pression impérialiste et d’incurie bureaucratique, l’Etat ouvrier dégénéré soviétique a succombé face à la contre-révolution capitaliste en 1991-1992. Ce fut pour les travailleurs du monde entier une défaite historique qui a donné un nouveau souffle au système capitaliste décadent et a fait de l’impérialisme américain un mastodonte militaire sans rival. La Chine est aujourd’hui encore très loin du niveau économique qu’avait atteint l’ex-Union soviétique. Elle est en particulier handicapée par le poids énorme de ses campagnes.
Les staliniens de Pékin, conformément à leur propre version du « socialisme dans un seul pays », croient qu’ils peuvent éviter le sort de leurs congénères de Moscou en adoptant une intégration plus poussée dans l’économie mondiale accompagnée d’un développement économique et militaire soutenu, tout en maintenant un contrôle politique rigide sur une classe ouvrière combative. Ces cinq dernières années, tandis que la crise économique capitaliste mondiale faisait rage, la Chine a connu une forte croissance économique, due principalement aux banques et à l’industrie nationalisées. Mais à long terme, le « socialisme avec des caractéristiques chinoises » du régime actuel ne sera pas davantage que l’autarcie « égalitaire » de Mao Zedong en mesure de dépasser l’héritage historique de l’arriération de la Chine et de résoudre le problème de la pénurie.
La stratégie illusoire du PCC repose sur des relations pacifiques avec les impérialistes et sur la stabilité du marché mondial capitaliste. Toutes ces fariboles sont démenties chaque jour par le fonctionnement même de ce marché, particulièrement dans la récession profonde qu’il traverse actuellement. On croit à Pékin qu’il suffit de posséder un gros paquet de bons du Trésor américains pour refréner le bellicisme des Etats-Unis. Mais en jouant le rôle de créancier principal des Etats-Unis, le gouvernement chinois contribue directement aux dépenses militaires astronomiques de Washington, qui dépassent le total de celles des 14 pays suivants ayant les plus gros budgets militaires. Cette machine militaire est désormais tournée prioritairement contre la Chine.
En même temps qu’ils travaillent à encercler militairement la Chine et encourager les forces contre-révolutionnaires à l’intérieur de celle-ci, les impérialistes intensifient leurs pressions économiques. Ceci passe par le protectionnisme antichinois (préconisé par un certain nombre de politiciens démocrates et républicains et par les directions syndicales) ainsi que par des traités commerciaux avec des alliés des Etats-Unis dans la région Asie-Pacifique. Pendant que Pékin cherche à aplanir les conflits avec ses voisins en renforçant les liens économiques avec eux, les Etats-Unis avancent leur « partenariat transpacifique », un accord commercial avec l’Australie, le Vietnam et six autres pays qui complète l’accord de libre-échange récemment conclu entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Le rétablissement de relations diplomatiques normales avec le Myanmar est aussi une pierre dans le jardin de la Chine, qui a dans ce pays des projets d’équipements hydro-électriques et des projets d’oléoducs.
Quels enjeux en mer de Chine méridionale ?
Dans un article qui annonçait le tournant des Etats-Unis vers la zone Asie-Pacifique, Hillary Clinton affirmait l’engagement des impérialistes à « assurer la transparence des activités militaires des acteurs clés de la région » (comprendre : la Chine), à contrer les soi-disant « tentatives de prolifération » nucléaire de la Corée du Nord et « défendre la liberté de navigation en mer de Chine méridionale » (« Le siècle du Pacifique pour l’Amérique », Foreign Policy, novembre 2011). Clinton énumérait ensuite les initiatives prises par les Etats-Unis pour renforcer ses alliances dans la région, y compris avec les Philippines, où les navires de guerre américains multiplieront les « visites » dans la période à venir. En réponse aux machinations américaines, le général Ma Xiaotian, commandant en chef adjoint de l’état-major de l’Armée populaire de libération (APL) chinoise, a lancé un avertissement sans frais : « La question de la mer de Chine méridionale ne regarde pas les Etats-Unis. »
Les Etats-Unis nient officiellement toute intention d’entrer en guerre à propos des litiges territoriaux en mer de Chine méridionale. Ils affirment que toutes les parties doivent se conformer aux lois internationales. Il est à noter que les Etats-Unis n’ont jamais pris la peine de signer le traité international qui régit les litiges maritimes, car ils estiment que leur écrasante suprématie militaire et leurs alliances régionales les dispensent de ce genre de formalités.
La mer de Chine méridionale est une voie maritime d’importance stratégique ; il y transite la moitié du trafic maritime marchand mondial en termes de tonnage, dont environ 80 % des importations de pétrole brut de la Chine et du Japon. La souveraineté sur les hauts-fonds et les récifs de la mer de Chine méridionale est revendiquée en tout ou partie par les Etats ouvriers chinois et vietnamien et par les pays capitalistes de Malaisie, de Brunei, des Philippines et de Taïwan. La Chine contrôle actuellement les Paracel, proches de la côte méridionale chinoise, et une bonne partie des îles Spratly, plus éloignées. La mer de Chine méridionale offre depuis toujours des zones de pêche poissonneuses et elle fournit chaque année environ 10 % des prises mondiales. On estime aussi que son sous-sol renferme d’énormes réserves non exploitées de pétrole et de gaz naturel. La Chine estime que le pétrole qu’elle contient équivaut à 80 % des réserves prouvées de l’Arabie saoudite.
La mer de Chine méridionale communique avec l’océan Indien par le détroit de Malacca, un étroit bras de mer entre l’Indonésie et la Malaisie qui constitue potentiellement un goulot d’étranglement pour les importations de pétrole et de minerai de fer chinoises. Dans son article de Foreign Policy, Hillary Clinton a laissé entrevoir que les Etats-Unis ont l’intention de dominer cette voie de communication vitale quand elle s’est félicitée de la transformation de l’alliance entre les Etats-Unis et l’Australie, « partenariat du Pacifique qui devient un partenariat indopacifique ».
Dans tout conflit militaire entre la Chine ou le Vietnam et les Etats-Unis, les Philippines ou tout autre pays capitaliste, le devoir des travailleurs, dans le monde entier, serait de défendre les Etats ouvriers. La majorité de la gauche américaine est violemment opposée à cette position. Qu’il s’agisse de l’International Socialist Organization, des différents débris du maoïsme ou des ultra-staliniens du Progressive Labor Party, tous déclarent que la Chine est un pays capitaliste, voire impérialiste, ou qu’elle est irréversiblement en train de le devenir. Ces groupes soit gardent le silence sur les machinations américaines en mer de Chine méridionale, soit, dans le cas étrange du Socialist Workers Party de Jack Barnes, font écho aux propagandistes bourgeois qui présentent ce conflit comme un affrontement entre « puissances rivales » secouées par « l’aggravation de la crise mondiale du capitalisme » (Militant, 30 avril).
De son côté, le Workers World Party (WWP) dénonce le bellicisme croissant des Etats-Unis et note à juste titre que « Washington et Wall Street ne se satisferont de rien moins que la complète recolonisation de la Chine » (« Les USA demeurent hostiles à la Chine », Workers World, 31 mai). Mais le WWP défend la Chine en soutenant une aile de la bureaucratie stalinienne (représentée aux yeux du WWP par Bo Xilai, le dirigeant récemment limogé du parti à Chongqing) censée être déterminée à défendre la propriété d’Etat contre ceux qui sont favorables à davantage de concessions au capital international. Ce positionnement a conduit le WWP à applaudir la répression sanglante du soulèvement de la place Tiananmen en 1989, une révolution politique embryonnaire.
Ce que Trotsky expliquait dans la Révolution trahie à propos du régime de Staline s’applique à n’en pas douter tout autant au PCC d’aujourd’hui. La bureaucratie parasitaire privilégiée « cesse dès lors de donner quelque garantie morale que ce soit de l’orientation socialiste de sa politique. Elle continue à défendre la propriété étatisée par crainte du prolétariat. » La bureaucratie chinoise a effectivement beaucoup à craindre de la classe ouvrière, que ce soit dans les entreprises privées ou publiques, comme on l’a vu avec les vagues de grèves et de grandes manifestations à répétition pour la défense des conditions de vie des travailleurs, sans parler de l’agitation parmi les paysans exaspérés par la corruption des responsables.
L’opposition aux manuvres impérialistes en Extrême-Orient et en Asie du Sud-Est est un élément fondamental d’une perspective révolutionnaire. Les querelles nationalistes pour savoir à qui appartiennent les rochers et les îlots inhabités de la mer de Chine méridionale sont tout autre chose. En tant que révolutionnaires marxistes, nous ne prenons pas parti dans ces litiges territoriaux et nous condamnons en particulier les chamailleries criminelles sur les droits de pêche et d’exploration qui opposent entre eux les régimes staliniens de Pékin et de Hanoï. Ces chamailleries ont conduit à des incidents militaires en 1988 et en 2011 ainsi qu’à des incidents plus limités impliquant des forces de sécurité, notamment dans le golfe du Tonkin en 2005 ; la marine de l’APL avait alors ouvert le feu sur des pêcheurs vietnamiens, tuant neuf d’entre eux. Sous un régime de conseils ouvriers et paysans, la Chine et le Vietnam coopéreraient pour développer les ressources naturelles de la région et pour assurer leur défense mutuelle contre l’impérialisme.
La défense de la Chine contre l’impérialisme inclut obligatoirement l’opposition à l’aide militaire américaine à Taïwan, territoire gouverné par la classe bourgeoise qui avait fui la Révolution de 1949. Le Congrès américain a approuvé le 18 mai dernier la vente de 66 avions de combat F-16 à Taïwan. Quelques heures plus tard, le Département de la défense américain publiait son rapport annuel au Congrès sur la Chine, où il notait que « l’APL a continué à renforcer ses capacités militaires » pour dissuader Taïwan de déclarer son indépendance, afin d’interdire une intervention militaire américaine efficace en cas de crise dans le détroit de Taïwan, et pour l’emporter face aux forces taïwanaises dans l’éventualité d’un conflit armé. Les Etats-Unis avaient envoyé la VIIe flotte dans le bras de mer séparant Taïwan de la Chine continentale en 1950, au début de la guerre de Corée, et cette île est depuis pour Washington un « porte-avions insubmersible », autrement dit une arme pointée contre la Chine continentale.
L’impérialisme japonais s’est lui aussi engagé à faire intervenir ses forces au côté de Taïwan en cas de conflit armé avec la Chine. Après la publication par les Etats-Unis et le Japon, en février 2005, d’un communiqué déclarant Taïwan une « préoccupation de sécurité commune », les sections américaine et japonaise de la LCI avaient publié une déclaration commune qui affirmait que « depuis des temps immémoriaux, Taïwan fait partie de la Chine, et nous, trotskystes, serons aux côtés de la Chine dans l’éventualité d’un conflit militaire avec l’impérialisme sur la question de Taïwan » (cité dans le Bolchévik n° 172, juin 2005). Le PCC a pour politique « un pays, deux systèmes » : il envisage une réunification avec Taïwan tout en préservant la propriété capitaliste sur ce territoire. Contre cette politique, nous appelons à la réunification révolutionnaire de la Chine ; cela passera par une révolution politique contre le régime stalinien en Chine continentale, par une révolution socialiste à Taïwan pour renverser la bourgeoisie et par l’expropriation des capitalistes de Hongkong.
La Chine, de même que la Corée du Nord, est directement menacée par le renforcement de l’alliance militaire entre les Etats-Unis et le Japon. Le Japon joue par exemple un rôle clé dans la mise en place d’un système de défense antimissile qui a pour cible les deux Etats ouvriers. La SL/U.S. et le Groupe spartaciste du Japon appellent à briser l’alliance contre-révolutionnaire entre les Etats-Unis et le Japon par des révolutions ouvrières des deux côtés du Pacifique.
Hystérie antichinoise aux Philippines
Le conflit le plus tendu ces derniers temps en mer de Chine méridionale a commencé en avril dernier quand les Philippines ont envoyé une frégate (de fabrication américaine) arraisonner des bateaux de pêche chinois, à bord desquels auraient été trouvés des coraux « prélevés illégalement ». La Chine a alors expédié dans cette zone deux patrouilleurs maritimes. Des manuvres militaires américano-philippines prévues de longue date, auxquelles participaient environ 4 500 Marines américains, se sont déroulées fin avril, c’est-à-dire au comble de la tension, à proximité des îles Palawan, proches du récif de Scarborough. La Chine et les Philippines ont commencé à retirer leurs navires et leurs patrouilleurs au début de la saison des typhons.
A Manille, le gouvernement de Benigno Aquino s’efforce de déclencher une croisade nationaliste antichinoise à propos du récif de Scarborough, que les Philippins appellent le récif de Panatag et les Chinois le récif de Huangyan. Il cherche à exploiter cet incident pour négocier une augmentation de l’aide accordée par son suzerain de Washington. Les Philippines appellent le Vietnam et d’autres membres de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) à mettre de côté leurs différents en mer de Chine méridionale pour s’unir contre la Chine. Sous la présidence de Gloria Arroyo, à qui Aquino a succédé, les Philippines avaient dénoncé un accord sur un projet commun avec la Chine et le Vietnam après que l’annonce de cet accord eut déclenché un tollé nationaliste antichinois.
Hillary Clinton a donné en novembre dernier l’assurance que les Etats-Unis renforceraient les capacités navales des Philippines, conformément à un traité de défense mutuelle signé en 1951, deux ans après le renversement de la domination capitaliste en Chine. Le Japon, qui a envoyé trois navires de guerre aux Philippines pour une « visite de courtoisie » en mai dernier, a accepté d’entraîner et d’équiper les gardes-côtes philippins, tandis que la Corée du Sud apportera son assistance pour la modernisation de l’armée philippine. L’administration Obama a approuvé en avril dernier le triplement des ventes de matériel militaire aux Philippines par rapport à l’année dernière. C’est évidemment un danger pour les travailleurs, les paysans et les musulmans moro qui subissent une répression brutale de la part des forces armées philippines.
Lors de sa visite à la Maison Blanche en juin dernier, Aquino a argumenté en faveur d’une présence américaine accrue dans son ex-colonie des Philippines, et ce afin de contrer les « intentions » de la Chine. Il est reparti avec un engagement des Etats-Unis à construire une station de surveillance du trafic maritime en mer de Chine méridionale et à former les personnels qui la feront fonctionner. En plus de nouvelles manuvres conjointes, Manille a donné son feu vert à la réouverture des bases aéronavales géantes de Clark et Subic Bay, qui avaient été fermées au début des années 1990.
Un certain nombre d’organisations « socialistes » ont apporté leur contribution à la campagne antichinoise en attisant l’hystérie nationaliste à propos du récif de Scarborough. Le peu de succès des manifestations organisées à Manille a montré que les masses n’étaient pas dupes des tentatives d’Aquino pour détourner l’attention d’une situation économique et sociale catastrophique en lançant une croisade contre la Chine. Mais ce n’était pas faute d’efforts des sociaux-démocrates d’AKBAYAN. Ce groupe, qui compte dans sa direction le principal conseiller politique d’Aquino ainsi que plusieurs autres responsables gouvernementaux, a organisé une manifestation le 11 mai devant le consulat chinois, dans le cadre d’une « journée d’action mondiale contre les provocations chinoises dans la mer des Philippines occidentales ». Walden Bello, un universitaire qui est la coqueluche de la gauche réformiste internationale, s’était associé l’an dernier à un autre député d’AKBAYAN pour proposer de rebaptiser la zone maritime contestée « mer des Philippines occidentale », nom maintenant utilisé par les porte-parole du gouvernement.
Quant au Parti communiste des Philippines (PCP), il a publié le 21 avril une déclaration exigeant que les Etats-Unis mettent un terme à leur « interventionnisme aux Philippines et dans la région Asie-Pacifique », et exigeant simultanément de la Chine « capitaliste » qu’elle « fasse un pas en arrière » et retire ses patrouilleurs maritimes. Le PCP veut ainsi réaffirmer la « souveraineté nationale et l’intégrité territoriale » des Philippines dans la zone contestée. Derrière la pose combative du PCP maoïste transparaît un programme de collaboration de classes liant le destin des ouvriers et des paysans accablés par la misère à une aile « progressiste » inexistante de la bourgeoisie nationale. Ainsi, ce qui motive la guérilla paysanne du PCP, c’est l’espoir que des négociations de paix débouchent sur un gouvernement bourgeois de coalition censé élargir la démocratie et mener à bien une réforme agraire et l’industrialisation du pays.
Sous la domination capitaliste, quelle qu’en soit la forme, les Philippines resteront une société vivant dans la pauvreté, sous la coupe des impérialistes et sous l’emprise oppressive de l’Eglise catholique. Il faut arracher la classe ouvrière philippine à la collaboration de classes nationaliste et la gagner à la perspective trotskyste de la révolution permanente : la prise du pouvoir par le prolétariat, à la tête de toute la population pauvre des villes et des campagnes, et l’extension de la révolution socialiste au niveau international, y compris et en premier lieu aux centres impérialistes.
Les staliniens chinois et vietnamiens se poignardent dans le dos
Les tentatives de l’impérialisme américain pour exploiter les litiges en mer de Chine méridionale afin de faire du Vietnam un allié contre la Chine constituent un danger particulièrement grave pour le prolétariat mondial. Les ouvriers et les paysans vietnamiens avaient infligé aux Etats-Unis une défaite mémorable, immortalisée par la fuite panique en hélicoptère des agents américains et de leurs marionnettes locales en avril 1975 à Saïgon. Cette défaite militaire des Etats-Unis et de leurs hommes de main capitalistes sanguinaires au Sud-Vietnam avait permis la réunification du pays dans le cadre d’un Etat ouvrier déformé, ce qui était une victoire pour les travailleurs du monde entier.
Vingt ans après, les Etats-Unis avaient normalisé leurs relations avec le Vietnam. Et tandis qu’Hanoï engageait son propre programme de « réformes de marché », les Etats-Unis ont commencé à développer des liens militaires avec le Vietnam, un processus marqué par des visites répétées de navires de guerre américains dans ce pays. Le régime vietnamien a récemment annoncé son intention d’autoriser la marine de guerre américaine et celle d’autres pays étrangers à faire escale à Cam Ranh Bay, un mouillage en eau profonde situé en plein milieu des routes maritimes de la mer de Chine méridionale, qui avait été l’une des principales bases d’opérations des Etats-Unis pendant la guerre du Vietnam.
Le Vietnam a profité il y a deux ans du fait qu’il présidait l’ASEAN, dont la Chine n’est pas membre, pour mettre la mer de Chine méridionale à l’ordre du jour de cette organisation. A la suite de quoi Hillary Clinton a fait en juillet 2011 une déclaration lors du forum régional de l’ASEAN affirmant que la liberté de navigation dans cette zone relevait de « l’intérêt national » des Etats-Unis. Un peu plus tard la même année, un diplomate vietnamien déclarait devant l’International Crisis Group, un groupe de réflexion impérialiste, que les Chinois ne prenaient pas le Vietnam au sérieux avant la déclaration d’Hillary Clinton, mais que « maintenant ils nous écoutent ».
Le gouvernement vietnamien a proclamé fin juin sa souveraineté sur les îles Paracel et Spratly. En réaction, la Chine a réévalué à la hausse le statut administratif qu’elle accorde à ces îles. Tandis que le Vietnam envoie des avions en patrouille au-dessus des Spratly, la Chine a commencé à envoyer sur zone des patrouilleurs dotés d’une « capacité de combat ». Pékin revendique avec insistance la possession légitime de ces îles ainsi que la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale en invoquant des déclarations de souveraineté qui remontent au bas mot au XVe siècle. L’expert militaire américain Robert Kaplan raconte dans la revue Atlantic (juin 2012) qu’un responsable vietnamien a répliqué à ces prétentions en déclarant que quand la Chine occupait le Vietnam il y a six siècles, elle n’occupait pas les Paracel et les Spratly. « Si ce groupe d’îles appartenait à la Chine », demandait-il, « pourquoi les empereurs Ming ne les faisaient-ils pas figurer sur leurs cartes ? »
Le nationalisme rétrograde de ces deux régimes staliniens ne peut que saper la défense des acquis sociaux des révolutions qui ont renversé la domination capitaliste. D’ailleurs, quand le gouvernement vietnamien a organisé pendant l’été 2011 des manifestations antichinoises hebdomadaires à Hanoï, des émigrés vietnamiens anticommunistes installés à Seattle, à Paris et dans d’autres villes se sont joints à cette campagne en organisant leurs propres manifestations. Hanoï a mis fin à ces manifestations en août 2011, de crainte qu’elles ne nuisent aux tentatives d’ouvrir des négociations avec Pékin.
L’antipathie nationaliste à l’encontre de la Chine, profondément ancrée dans la conscience populaire après des siècles d’oppression de la part de dynasties chinoises successives, est considérablement renforcée par les coups de poignard dans le dos que les staliniens du PCC ont asséné à plusieurs reprises aux ouvriers et aux paysans vietnamiens. Ces trahisons étaient le produit de l’alliance antisoviétique conclue par Mao avec les Etats-Unis. A la fin des années 1950 et dans les années 1960, l’antagonisme entre les régimes staliniens de Moscou et de Pékin, qui s’était exprimé entre autres par le refus du Kremlin de soutenir la Chine pendant le conflit frontalier de 1959 avec l’Inde, avait abouti à une rupture complète. Mao ne tarda pas à proclamer que le « social-impérialisme soviétique » représentait un danger encore plus grand que l’impérialisme américain. Ceci s’accordait parfaitement avec l’objectif stratégique des dirigeants américains : détruire l’Etat ouvrier dégénéré soviétique. La frontière sino-soviétique devint l’une des plus militarisées du monde.
Tandis que la plus grande partie de la « Nouvelle Gauche » s’enthousiasmait pour la calamiteuse « révolution culturelle » de Mao, la Spartacist League expliquait que la ligne antisoviétique de la bureaucratie du PCC signifiait que « le danger d’une alliance impérialiste avec la Chine contre les Russes ne peut être écarté » (« Menchévisme chinois », Spartacist édition anglaise n° 15-16, avril-mai 1970). Nous avions vu juste. En conclusion de cet article, nous écrivions :
« Le trotskysme [
] est aujourd’hui la seule tendance qui se prononce pour l’unité communiste contre l’impérialisme. Les cliques qui gouvernent l’Union soviétique et la Chine, dont chacune est fidèle à la politique stalinienne fondamentale du “socialisme dans un seul pays” (son propre pays), doivent être chassées par une révolution politique, et leur politique contre-révolutionnaire doit être remplacée par un engagement ferme en faveur de l’internationalisme prolétarien révolutionnaire. »
Cette alliance fut scellée avec la visite de Richard Nixon en Chine en 1972. Il conféra avec Mao tandis que les bombes américaines pleuvaient sur les héroïques Vietnamiens. En 1979, tout juste quatre ans après la victoire de la Révolution vietnamienne, la Chine envahissait le Vietnam. Les soldats vietnamiens aguerris lui infligèrent une défaite cuisante. Cette attaque infâme perpétrée par la Chine, qui jouait ainsi le rôle d’auxiliaire des impérialistes américains vaincus, eut lieu peu après la visite aux Etats-Unis du numéro un chinois Deng Xiaoping, dans le cadre d’une politique visant à encourager les investissements capitalistes étrangers en Chine. Le régime de Deng fournit ensuite en Afghanistan une aide matérielle aux moudjahidin, des assassins réactionnaires qui luttaient contre les troupes soviétiques. C’était une des multiples contributions du PCC, depuis l’époque de Mao, à la chute de l’Etat ouvrier soviétique. Avec le rapprochement du Vietnam avec l’impérialisme américain, aujourd’hui comme hier l’ennemi principal des travailleurs du monde entier, la boucle des trahisons staliniennes est désormais bouclée.
Reforgeons la Quatrième Internationale !
La LCI, qui s’est battue jusqu’au bout pour défendre l’Union soviétique contre la contre-révolution capitaliste, est la seule organisation qui porte le programme trotskyste de défense des Etats ouvriers déformés qui subsistent. Cela fait partie de la lutte pour de nouvelles révolutions d’Octobre. Comme le soulignait Trotsky dans son article « L’URSS dans la guerre » (septembre 1939), pour la Quatrième Internationale, qui avait été fondée un an auparavant, la question du renversement de la bureaucratie stalinienne était « subordonnée à la question de la préservation de la propriété étatique des moyens de production en U.R.S.S. » et la préservation de la propriété étatique « est subordonnée pour nous à la révolution prolétarienne internationale » (Défense du marxisme).
La destruction de l’Union soviétique a fait reculer le niveau de conscience du prolétariat dans le monde entier, quoique de manière inégale. Ceci a pour conséquence que l’identification entre le communisme et le programme pour libérer l’humanité de la pénurie, de l’oppression et de la guerre est à un niveau historiquement bas. Néanmoins, le fonctionnement même du système capitaliste sème les germes de la lutte de classe et des luttes sociales, un processus qu’on entrevoit à l’uvre dans les luttes ouvrières en Grèce et ailleurs contre les diktats d’austérité des banquiers et de leur gouvernement.
Ce qu’il faut faire, c’est forger des partis prolétariens d’avant-garde, sections d’une Quatrième Internationale reforgée, le parti mondial de la révolution socialiste. En tant que section américaine de la LCI, la Spartacist League s’est fixée pour tâche de construire un parti ouvrier révolutionnaire dans le ventre de la bête impérialiste. Quand les travailleurs s’empareront des richesses industrielles qui sont aujourd’hui extorquées à la classe ouvrière au profit des patrons, nous commencerons à construire une économie socialiste planifiée à l’échelle mondiale. Nous pourrons alors réparer un certain nombre de crimes historiques et rembourser un certain nombre de dettes, comme les dizaines de milliards de dollars dus aux Vietnamiens et aux habitants des autres pays qui ont été ravagés par les tanks et les bombes américains. Et l’appareil militaire utilisé par les impérialistes pour défendre leurs profits par le sang et la terreur sera détruit une bonne fois pour toutes.
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