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Le Bolchévik nº 197 |
Septembre 2011 |
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PS, PCF, PG, NPA prônent l’alliance avec leur propre bourgeoisie contre les travailleurs d’autres pays Le protectionnisme : une réponse réactionnaire aux attaques capitalistes
Trois ans après le déclenchement de la grande crise économique, nous sommes à la veille d’une nouvelle récession qui risque d’être encore plus meurtrière pour les travailleurs et les opprimés du monde que celle de 2008-2009. Lorsque la crise avait éclaté au grand jour il y a trois ans, les gouvernements capitalistes s’étaient précipités pour dépenser des milliers de milliards d’euros pour sauver les banques. Maintenant ils présentent la facture aux travailleurs et aux opprimés avec des plans d’austérité drastiques ; l’augmentation des taxes sur le tabac, l’alcool et même les boissons sucrées, ainsi que sur les mutuelles de santé notamment, vont frapper avant tout les revenus les plus faibles. La seule réponse des capitalistes à la crise est de saccager encore plus tout ce qui pourrait rendre la vie plus ou moins vivable pour la grande masse de la population (sans compter les campagnes d’ordre moral anti-sexe).
Les travailleurs et les opprimés doivent absolument combattre ces réactionnaires au pouvoir. La classe ouvrière a montré il y a un an avec la lutte en défense des retraites qu’elle est prête à se battre. Mais ses luttes sont paralysées par ses directions réformistes qui acceptent l’inévitabilité de l’austérité capitaliste, se contentant de plaider pour atténuer un peu les coups.
Les crises économiques cycliques sont inhérentes au système de production capitaliste, car celui-ci est basé sur la propriété privée des moyens de production. Dans ce système irrationnel le but n’est pas de produire selon les besoins de la population ; les capitalistes produisent uniquement dans la mesure où cela leur rapporte des profits. Pendant les périodes d’expansion et d’investissement, le taux de profit (le profit ramené au capital investi) a tendance à baisser : même lorsque la productivité augmente et pas les salaires, l’accroissement des profits par travailleur ne compense pas, en tendance, les capitaux croissants qu’il faut investir. La baisse tendancielle du taux de profit amène ainsi périodiquement des crises de « surproduction », non pas que l’on produise « trop » de voitures ou autres biens industriels pour les besoins de la population, mais ces biens ne peuvent plus être vendus avec le taux de profit escompté par les capitalistes. Comme l’écrivait Marx (le Capital, livre III) :
« On ne produit pas trop de subsistances proportionnellement à la population existante. Au contraire. On en produit trop peu pour satisfaire décemment et humainement la masse de la population. [
] Mais on produit périodiquement trop de moyens de travail et de subsistances pour pouvoir les faire fonctionner comme moyens d’exploitation des ouvriers à un certain taux de profit. »
Les capitalistes disent que pour maintenir le système à flot (c’est-à-dire le flot des profits) il faut continuer à baisser les salaires, accroître la productivité, affaiblir encore plus les syndicats, détruire les salaires indirects perçus sous forme de couverture médicale, d’éducation pour les enfants et de retraites ce qui en retour ne fait qu’aggraver la crise des débouchés.
La seule manière en dernier ressort de faire redémarrer l’économie capitaliste a toujours été une « purge » avec destruction massive de moyens de production sous forme d’effondrement de la Bourse, de fermetures d’usines et, au pire, de guerres dévastant des pays entiers. La grande crise de 1929 avait donné lieu à d’intenses luttes de classe quelques années plus tard un peu partout dans le monde ; mais la situation pré-révolutionnaire qu’il y avait eu en France, par exemple, en 1936, avait été trahie par les réformistes, essentiellement le PCF, qui avaient attaché les travailleurs aux radicaux bourgeois au travers du Front populaire, et qui avaient canalisé les luttes vers quelques maigres réformes votées au parlement. La crise n’avait été en définitive « résorbée » qu’avec le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, un conflit qui a fait 50 millions de victimes.
Ce système irrationnel a déjà conduit l’humanité au bord de l’abîme. Il n’est pas réformable, et il ne s’en ira pas de lui-même : il faut le renverser. Seule la classe ouvrière, qui produit les profits des capitalistes par son travail, a la force sociale et l’intérêt historique pour le faire, au moyen d’une révolution prolétarienne expropriant les capitalistes. Comme nous le disons dans notre Déclaration de principes (Spartacist édition française n° 32, printemps 1998) :
« La victoire du prolétariat à l’échelle mondiale mettrait une abondance matérielle encore inimaginée au service des besoins de l’humanité, créerait les conditions permettant d’éliminer les classes, d’éradiquer l’inégalité sociale basée sur le sexe et d’abolir la signification même, au niveau social, de race, de nation et d’ethnie. Pour la première fois, l’humanité saisira les rênes de l’histoire et contrôlera la société, sa propre création, ce qui se traduira par une émancipation du potentiel humain dépassant ce qu’on peut imaginer aujourd’hui et par un bond en avant monumental de la civilisation. C’est alors seulement qu’il sera possible de réaliser le libre développement de chaque individu, condition du libre développement de tous. »
Cet objectif paraît aujourd’hui utopique à beaucoup en cette période de démoralisation politique où les travailleurs ont été abreuvés par la bourgeoisie et leurs propagandistes sociaux-démocrates de mensonges que le communisme est soi-disant « mort » avec la destruction de l’Union soviétique il y a 20 ans. Mais il n’y a pas d’autre voie pour en finir avec ce système complètement pourri. En fait, la collectivisation des moyens de production marchait en URSS, malgré l’isolement de celle-ci et son encerclement par les impérialistes, et malgré le fait qu’elle avait rapidement eu sur le dos une bureaucratie nationaliste traîtresse. La bureaucratie stalinienne avait usurpé le pouvoir politique des mains des ouvriers ainsi que leur droit de discuter activement les destinées de la société ; elle a trahi les luttes ouvrières dans le monde en essayant sans cesse d’apaiser l’impérialisme mondial. Tous ces crimes ont sapé l’URSS de l’intérieur et ont en dernier ressort pavé la voie à la destruction de l’Union soviétique. Depuis règne en Russie la nostalgie de l’URSS où chacun avait un travail, un logement, etc.
Les attaques capitalistes provoqueront tôt ou tard des ripostes d’ampleur de la classe ouvrière. Contrairement aux années 1930, il n’y a plus guère aujourd’hui de communistes déclarés avec une base significative dans les syndicats. Mais même en l’absence de militants inspirés par de telles convictions, il surgira des dirigeants radicaux qui ne seront pas moins combatifs que ceux de cette époque. Le renouveau des luttes jettera les bases pour faire revivre et renforcer les syndicats avec une nouvelle direction lutte de classe. Notre raison d’être est de lutter pour construire un parti révolutionnaire, intervenant dans la lutte des classes, qui préserve et transmette aux travailleurs et aux opprimés les leçons chèrement acquises de la lutte de classe du prolétariat, et notamment de sa plus haute conquête, la Révolution d’octobre 1917 en Russie.
Rivalités interimpérialistes et division de la classe ouvrière
Cela fait maintenant plus de cent ans que le capitalisme a atteint un stade marqué par la domination du capital financier. Comme l’expliquait Lénine en 1916 dans son ouvrage l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme :
« Monopoles, oligarchie, tendances à la domination au lieu des tendances à la liberté, exploitation d’un nombre toujours croissant de nations petites ou faibles par une poignée de nations extrêmement riches ou puissantes : tout cela a donné naissance aux traits distinctifs de l’impérialisme qui le font caractériser comme un capitalisme parasitaire ou pourrissant. »
L’impérialisme, caractérisé par Lénine comme « la lutte de la bourgeoisie périclitante, caduque, pourrie, pour le partage du monde et l’asservissement des “petites” nations », est marqué par une aggravation générale des contradictions du capitalisme.
Lors des crises économiques, les rivalités des diverses économies nationales apparaissent soudain au grand jour avec une acuité exacerbée. On voit aujourd’hui comment la zone euro et l’Union européenne (UE) s’approchent inexorablement de l’éclatement au fur et à mesure que la bourgeoisie allemande accroît son hégémonie économique sur ses rivaux et sur les autres pays européens. L’UE est un consortium impérialiste éminemment instable, destiné à renforcer les bourgeoisies européennes, principalement les puissances qui dominent l’UE (l’Allemagne et la France), dans leur concurrence avec les Etats-Unis et le Japon, mais qui est miné par les rivalités entre classes capitalistes nationales antagoniques.
Ce consortium est tourné en même temps contre les classes ouvrières d’Europe et les immigrés. Nous disons depuis le début et répétons : A bas la forteresse raciste de l’Union européenne ! Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe ! Nous avons voté contre le traité de Maastricht, expliquant que l’UE ne présageait nullement un pouvoir d’Etat capitaliste européen supranational et « ultra-impérialiste » (comme l’envisageaient des révisionnistes comme Kautsky il y a cent ans ou des cadres du futur Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) il y a quelques années). Comme l’expliquaient nos camarades allemands l’an dernier (le Bolchévik n° 193, septembre 2010) :
« Les origines de l’Union européenne remontent aux années 1950, quand les impérialistes d’Europe de l’Ouest, sous la conduite des Etats-Unis, se sont efforcés de stabiliser leur alliance contre l’Union soviétique au moyen d’un renforcement de la coopération économique. [
] « Notre opposition de principe à la fois à l’OTAN l’alliance militaire contre l’Union soviétique et à l’UE et à ses prédécesseurs découlait de notre défense militaire inconditionnelle de l’Union soviétique, de la RDA et des autres Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est. La nature de l’UE a changé avec la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique en 1991-1992, quand a disparu l’objectif antisoviétique de l’UE. Pour affirmer plus efficacement leurs propres intérêts vis-à-vis de leur rival américain, l’Allemagne et la France elles-mêmes puissances impérialistes rivales ont cherché à améliorer leur coordination et, entre autres, à manuvrer avec la Russie capitaliste. »
Les difficultés du capitalisme français sont aujourd’hui présentées dans la presse bourgeoise comme le résultat soi-disant de la supériorité technologique de l’Allemagne ou de l’agressivité commerciale et des pratiques « déloyales » de la Chine, qui menaceraient la « souveraineté financière et sociale » (comme dit François Fillon) de la France. La bourgeoisie, pour arracher à sa propre classe ouvrière les concessions qu’elle estime indispensables au rétablissement de sa compétitivité internationale, alimente volontiers ce genre de préjugés chez les travailleurs pour susciter une « unité nationale » nécessaire aux sacrifices exigés, y compris en dernier ressort pour transformer une partie de la jeunesse prolétarienne en chair à canon pour mener des guerres afin de se repartager le monde.
Chaque crise s’accompagne ainsi d’une montée du nationalisme, du chauvinisme et du racisme. Le gouvernement multiplie les mesures racistes pour présenter les travailleurs sans-papiers, immigrés avec des papiers ou descendants d’immigrés non européens comme responsables du chômage, du trou de la Sécu, de la dégradation du système éducatif, etc. C’est une manuvre transparente pour diviser et affaiblir la classe ouvrière face aux attaques en cours. La classe ouvrière doit y riposter en luttant pour les pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici, quelles que soient leur origine et leur situation légale et qu’ils aient un travail ou pas. Cela doit inclure en particulier le droit de travailler, et aux mêmes conditions : A travail égal, salaire égal ! A bas les discriminations raciales, nationales et sexuelles à l’embauche !
Cette lutte est inextricablement liée à la lutte pour unifier tous les travailleurs d’une entreprise donnée avec des contrats permanents pour tous selon une grille unique de salaires et d’avantages sociaux, que ces travailleurs soient permanents ou qu’ils soient sous-traitants, intérimaires ou en contrat précaire. Cela pose la nécessité de syndicats industriels regroupant tous ces travailleurs dans une seule organisation, et d’une direction révolutionnaire des syndicats, qui sera forgée dans une lutte pour réaliser ce programme. Plus largement, cela doit mener les travailleurs sur la voie de la lutte pour renverser tout ce système capitaliste alors qu’il s’avère incapable de satisfaire aucun des besoins vitaux de la classe ouvrière.
C’est de ce genre d’unité qu’a besoin la classe ouvrière, pas de celle dont les réformistes font la promotion : ils poussent les travailleurs à s’unifier derrière la bourgeoisie dans un « front populaire », une alliance de partis ouvriers réformistes avec des groupes bourgeois comme le Parti radical de gauche ou les Verts. Le but d’une telle alliance est de faire élire en 2012 un candidat commun pour gérer les intérêts de l’impérialisme français à la tête de l’Etat bourgeois. Pour peu le PS aurait présenté Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du FMI et ex-ministre de l’Economie et des Finances du gouvernement Jospin, et il cherche maintenant un nouveau candidat qui soit autant crédible auprès des capitalistes. Martine Aubry, l’ex-ministre qui a la faveur de la « gauche » du PS, vient d’attaquer Sarkozy de la droite sur le terrain sécuritaire, promettant d’embaucher 10 000 flics supplémentaires si elle est élue ! Ces mêmes réformistes qui nous traitent de « diviseurs » parce que nous luttons pour un parti révolutionnaire d’avant-garde opposé au front populaire, divisent quant à eux et affaiblissent la classe ouvrière sur le point de production en gérant des chapelles syndicales férocement concurrentes entre elles (CGT, SUD, etc.).
De telles alliances avec la bourgeoisie ont toujours conduit les travailleurs à la défaite, que ce soit en 1936 en Espagne la victoire finale de Franco (voir notre article sur la guerre civile espagnole dans Spartacist édition française n° 39, été 2009) ou en France la fin ignominieuse du Front populaire qui s’était soldée par le régime de Pétain. Plus récemment les gouvernements de Mitterrand ont été marqués par le « tournant de la rigueur », un rôle d’avant-garde en Europe dans la campagne de guerre froide impérialiste contre l’Union soviétique et la participation à la première guerre impérialiste contre l’Irak en 1991. Sous Jospin il y a eu une vague de privatisations sans précédent et l’attaque impérialiste meurtrière contre la Serbie en 1999. A bas la collaboration de classes ! Pour l’indépendance de classe du prolétariat par rapport à la bourgeoisie et ses partis ! Pour un parti ouvrier révolutionnaire multiracial !
Mais la gauche française a atteint un tel niveau de prostration devant sa propre bourgeoisie qu’elle est allée jusqu’à soutenir ouvertement cette année les troupes terrestres de Sarkozy en Libye dirigées par le « Conseil national de transition » (CNT) ; elle a même soutenu les frappes françaises et de l’OTAN dans le cas du PS, de Mélenchon et d’une partie du NPA ! Le NPA, adepte de la « révolution » à l’ombre des bombardiers français, a salué le 22 août dans un communiqué spécial la chute de Kadhafi, déclarant avec un cynisme consommé : « La liberté, les droits démocratiques, l’utilisation des richesses dues aux ressources naturelles pour la satisfaction des besoins fondamentaux du peuple sont maintenant à l’ordre du jour » alors que l’on commençait à parler des 35 % du pétrole libyen que s’est arrogés Total et des pogroms systématiques contre les Noirs dans les territoires « libérés ». Nous nous sommes au contraire prononcés pour la défense de la Libye néocoloniale contre l’attaque impérialiste (voir nos articles dans le précédent numéro du Bolchévik).
Le protectionnisme, ou le « socialisme » des chauvins impérialistes
Si les capitalistes font usage de la ségrégation et de la discrimination racistes pour diviser la classe ouvrière, il y a aussi la forme soi-disant plus respectable, voire « de gauche », du protectionnisme. Dès mars 2009, quelques mois après l’éclatement de la crise, Jacques Sapir, lui-même connu pour ses accointances monarchistes, publiait deux articles pour remettre à la mode le protectionnisme dans le Monde diplomatique, journal de référence pour nombre de petits-bourgeois qui se considèrent « de gauche ».
A l’ère du capitalisme monopoliste décadent, dans les métropoles impérialistes, le protectionnisme revient à protéger des fabricants en perte de vitesse dans la concurrence internationale avec des barrières douanières de différents types (droits de douane, contingents d’importation, etc.). Le protectionnisme protège artificiellement le taux de profit d’une branche économique donnée. Il implique donc des transferts vers ces branches capitalistes, bien entendu aux frais de la classe ouvrière censée acheter avec les mêmes salaires des produits français plus chers que les pêches espagnoles ou les textiles chinois ou tunisiens. De plus, le protectionnisme provoque inévitablement des mesures de rétorsion de la part des pays dont les capitalistes sont lésés, avec les conséquences que l’on devine pour les travailleurs des entreprises exportatrices dont les marchés extérieurs sont soudain fermés par le protectionnisme adverse. Les travailleurs se retrouvent perdants sur les deux tableaux.
Mais surtout, au niveau de la conscience de classe, le protectionnisme est un poison mortel pour la classe ouvrière : en tournant les travailleurs vers la revendication que soient protégés les capitalistes qui les emploient, le protectionnisme signifie l’unité de la classe ouvrière avec sa propre bourgeoisie contre les rivaux capitalistes de celle-ci et contre les ouvriers de ces autres pays. Le protectionnisme est directement opposé à la lutte de classe contre sa propre bourgeoisie, et à l’unité internationale de la classe ouvrière, dont Marx disait déjà dans le Manifeste du Parti communiste : « Les ouvriers n’ont pas de patrie. [
] Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
En obscurcissant la conscience des travailleurs, le protectionnisme est une barrière réactionnaire à la lutte révolutionnaire. Le PCF en avait fourni un exemple particulièrement grotesque à la fin des années 1970 en avançant le mot d’ordre « Produisons français ! » Il avait mis ce mot d’ordre en veilleuse après que le FN l’avait fait sien en précisant simplement « avec des Français ». Maintenant le PCF cite avec approbation dans l’Humanité (31 août) un de ses propres élus disant : « Ikéa vend en France, il faut lui imposer de continuer à produire une partie de ses produits en France. » Et peu lui importe le sort des ouvriers roumains mis en concurrence.
La LTF et ses sections surs du Spartakist-Arbeiterpartei Deutschlands et de la Spartacist League/Britain ont produit en 2007 une déclaration internationale commune alors que la société Airbus publiait un plan de restructuration et de cession d’usines, nommé « Power 8 », et alors que chaque bureaucratie syndicale des pays concernés se mobilisait pour faire porter le poids des « sacrifices » sur les unités de production dans les autres pays. Nous écrivions (le Bolchévik n° 179, mars 2007) :
« Ce protectionnisme nationaliste est 100 % à l’opposé de la lutte de classe internationale qu’il faut mener en urgence contre “Power 8” et les nombreuses autres attaques des capitalistes. Le nationalisme est inhérent au système capitaliste, qui opère en dressant une classe capitaliste nationale contre une autre, créant constamment de nouvelles inégalités et de nouvelles crises. De l’autre côté, le caractère international de la classe ouvrière lui donne potentiellement une énorme supériorité sur la bourgeoisie, si la classe ouvrière coordonne, au-delà des divisions nationales et autres, les luttes interdépendantes des travailleurs dans divers pays. C’est exactement ce que les bureaucrates syndicaux refusent de faire, du fait de leur loyauté au système capitaliste basé sur l’exploitation d’une classe, le prolétariat, par une classe dirigeante minuscule mais fabuleusement riche, la bourgeoisie. A l’opposé, une stratégie lutte de classe veut dire mobiliser la puissance sociale des syndicats pour lutter pour satisfaire les besoins pressants des masses travailleuses et pauvres, indépendamment des intérêts de la bourgeoisie nationale et contre eux. »
Cela exige la lutte pour une direction révolutionnaire des syndicats et contre les organisations réformistes qui sont l’expression politique de la bureaucratie syndicale, du Parti socialiste au Parti communiste, au Parti de gauche (PG) et autres NPA ou Lutte ouvrière (LO).
En prévision des élections de 2012, le PS est maintenant agité par un débat sur quel protectionnisme contre quels concurrents. A Arnaud Montebourg, apôtre de la « démondialisation », le sénateur Henri Weber, lui-même en fait protectionniste, répond qu’il faut exiger « le respect des principes de réciprocité », contre « toutes les formes de concurrence déloyale », etc. (Libération, 18 juillet). C’est avec ce genre d’arguments que les impérialistes français et anglais, avec le soutien des sociaux-démocrates de la SFIO (le PS de l’époque) et du Parti travailliste, s’étaient lancés dans la guerre contre l’Allemagne en 1914, accusée de ne pas respecter les règles du jeu en inondant les marchés mondiaux de ses produits industriels (voir notamment l’ouvrage de Georges-Henri Soutou, l’Or et le sang Les buts de guerre économiques de la Première Guerre mondiale). Comme l’écrivait Lénine en 1915 :
« En quoi consiste l’essence économique de la “défense de la patrie” dans la guerre de 1914-1915 ? La réponse a déjà été fournie par le Manifeste de Bâle. La guerre est menée par toutes les grandes puissances à des fins de pillage, pour le partage du monde, pour les débouchés, pour l’asservissement des peuples. A la bourgeoisie, elle rapporte un accroissement des bénéfices. A la mince couche de la bureaucratie et de l’aristocratie ouvrières, puis à la petite bourgeoisie (les intellectuels, etc.) qui s’est “jointe” au mouvement ouvrier, la guerre promet des miettes de ces bénéfices. La base économique du “social-chauvinisme” (ce terme est plus exact que celui de “social-patriotisme”, qui enjolive la chose) est la même que celle de l’opportunisme : l’alliance de la couche insignifiante des “élites” du mouvement ouvrier avec “leur” bourgeoisie nationale contre la masse du prolétariat. L’alliance des valets de la bourgeoisie avec la bourgeoisie contre la classe exploitée par la bourgeoisie. Le social-chauvinisme, c’est l’opportunisme achevé. »
« L’opportunisme et la faillite de la IIe Internationale »
Le protectionnisme contre la Chine, campagne anticommuniste des sociaux-démocrates
Derrière sa version « soft » de protectionnisme, Henri Weber s’attaque dans son article à l’Etat ouvrier déformé chinois, exigeant qu’il ouvre le pays sans restriction à la pénétration des trusts capitalistes :
« Dans l’ordre défensif, il faut exiger le respect des principes de réciprocité et d’équilibre dans les échanges avec les pays développés et avec les “grands émergents”. Si la Chine peut construire un tronçon de l’autoroute Berlin-Varsovie, il faut que les entreprises européennes puissent avoir accès de la même façon aux marchés publics chinois. Si la Chine exporte pour 282 milliards d’euros de marchandises en Europe, en 2010, il faut que les exportations de biens et de services des pays européens atteignent à peu près la même valeur, et non 130 milliards, comme c’est aujourd’hui le cas. »
Malgré une pénétration capitaliste significative, la Chine demeure un Etat ouvrier où le noyau de l’économie demeure collectivisé, et c’est d’ailleurs pour cela que l’économie chinoise continue d’afficher des taux de croissance élevés alors que le monde capitaliste se débat dans une crise de grande ampleur depuis plus de trois ans. Il ne suffit pas aux sociaux-démocrates et à leurs maîtres impérialistes que la bureaucratie stalinienne chinoise s’en soit prise au monopole du commerce extérieur, notamment avec l’entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) il y a dix ans, et que dans une certaine mesure elle fasse fonction de « pourvoyeur de main-d’uvre pour le capital impérialiste et pour les capitalistes chinois de l’extérieur » (voir notre article « Les ouvrières et les contradictions de la Chine contemporaine » paru dans Spartacist édition française n° 39, été 2009) : les sociaux-démocrates veulent une contre-révolution capitaliste pure et simple, comme celle qui a détruit l’Union soviétique en 1991-1992 (voir notamment notre article en page 3 sur le « dissident » anticommuniste chinois Liu Xiaobo). Nous, trotskystes, luttons pour la défense militaire inconditionnelle de l’Etat ouvrier bureaucratiquement déformé chinois contre l’impérialisme et la contre-révolution, et nous luttons pour une révolution politique prolétarienne qui remplace le régime de la bureaucratie stalinienne corrompue par un régime de démocratie prolétarienne basée sur des conseils ouvriers (soviets).
Ecologie et républicanisme, les deux mamelles de la collaboration de classes chez Mélenchon
Pour les sociaux-démocrates, il s’agit d’avancer auprès de leur propre bourgeoisie des recommandations pour qu’elle gère son économie de façon qu’il puisse soi-disant en retomber quelques miettes pour la clientèle électorale de ces « lieutenants ouvriers du capital ». En liant ainsi les travailleurs à leurs propres exploiteurs, les sociaux-démocrates président en réalité à la destruction des acquis ouvriers, peu importent les conseils qu’ils aient donnés à la bourgeoisie. D’ailleurs les mêmes qui, il y a dix ou quinze ans, étaient pour la « mondialisation » ou son reflet « de gauche », l’« altermondialisme », défendent le protectionnisme maintenant que les difficultés s’aggravent pour le capitalisme français. Si Weber veut utiliser l’Union européenne contre la Chine, Jean-Luc Mélenchon, le candidat désigné du PC et du PG pour les prochaines élections, lui, préconise plutôt l’inverse, c’est-à-dire de s’appuyer sur la Chine pour contrer l’étreinte étouffante de l’Allemagne, le principal rival impérialiste de l’impérialisme français, ainsi que des Etats-Unis.
Mélenchon représente là un courant croissant dans l’opinion bourgeoise qui était à fond pour le traité de Maastricht et l’Union européenne il y a dix ou vingt ans, et qui aujourd’hui s’en détourne. Mélenchon écrivait dans son manifeste de l’année dernière, Qu’ils s’en aillent tous ! :
« Aux dirigeants allemands décomplexés devraient correspondre des dirigeants français dessillés. [
] Selon moi, la France du XXIe siècle doit avoir avec la Chine une coopération avancée. [
] Donc, la relation peut être plus équilibrée et stimulante qu’avec l’empire en déclin technique des Etats-Unis. Dans ces conditions, la France doit être la première à construire ce nouveau partenariat coopératif avec les Chinois. »
Mélenchon n’est pas moins anticommuniste que ses anciens camarades du PS ; il voit simplement la Chine un peu comme de Gaulle voyait l’URSS, dont l’existence permettait à l’impérialisme français en déclin de tenter encore de jouer aux premiers rôles en prétendant à une certaine autonomie à l’intérieur de l’OTAN face à ses rivaux impérialistes plus puissants.
Plus récemment, Mélenchon précisait ainsi les mesures protectionnistes qu’il supplie la bourgeoisie de mettre en place (interview à l’Humanité, 12-13-14 août) :
« La finance peut être dominée. Les marchandises aussi. Avec un système de visas sociaux et écologiques pour celles qui entrent dans l’UE, du jour au lendemain le paysage changerait. Le marché européen avec 450 millions de consommateurs est suffisant pour permettre les économies d’échelle nécessaires à une production à bon marché. »
Là encore c’est du protectionnisme bourgeois emballé sous une étiquette « sociale » et « écologique ». Comme l’écrivaient récemment nos camarades américains dans un article sur le changement climatique (Workers Vanguard n° 965, 24 septembre 2010) :
« L’écologie va de pair également avec le chauvinisme national, comme on peut le voir par exemple avec sa tendance au protectionnisme. Si les principales puissances étaient parvenues à un accord à Copenhague [lors du sommet international sur le climat], il en aurait probablement résulté davantage de protectionnisme. Comme le faisait remarquer Michael Levi dans Foreign Affairs (septembre-octobre 2009) : “Le monde ne dispose de guère d’options pour faire appliquer les engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre, si ce n’est des sanctions commerciales punitives ou autres mesures peu excitantes de ce genre.” Les réglementations environnementales servent en effet depuis longtemps de couverture à des barrières douanières, une pratique enracinée dans le règlement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le protectionnisme a souvent dans l’histoire alimenté des représailles commerciales agressives, qui ont tendance à se transformer en guerres pour de bon. « Le président de la Commission européenne a menacé en 2009 d’augmenter les droits de douane sur les marchandises en provenance des USA et autres nations non signataires du protocole de Kyoto afin de protéger les entreprises européennes. [
] Dire que les travailleurs de chaque pays sont liés à leurs exploiteurs par des “intérêts nationaux” communs est un mensonge qu’encourage le protectionnisme ; c’est du poison pour la solidarité de classe internationale. »
Mélenchon était secrétaire d’Etat dans le dernier gouvernement PS-PCF-Verts de Lionel Jospin, le social-démocrate qui s’était fait battre par Le Pen aux élections de 2002 après avoir proclamé « mon programme n’est pas socialiste ». Et Mélenchon ne fait pas mystère de sa disposition à prendre part à un nouveau gouvernement capitaliste « de gauche », du moment que le PS y met les formes sous un habillage qui ne soit pas trop « libéral ». Le collaborationnisme de classes de Mélenchon est à double entrée : d’une part le républicanisme de Jean Jaurès, c’est-à-dire la République française capitaliste et « laïque », et d’autre part la « planification écologique », soit la fable capitaliste que bourgeois et prolétaires auraient soi-disant des intérêts communs face aux déprédations capitalistes de la nature.
La taxe Tobin, ou l’attrape-nigauds de Sarkozy-Besancenot
Comme d’habitude, le NPA d’Olivier Besancenot ne présente qu’une légère variante du protectionnisme de Mélenchon, colorée de certaines nuances de rose une demi-teinte plus foncée. Ainsi, l’économiste fétiche du NPA, Michel Husson, déclarait dans Inprecor (juillet-août-septembre), la revue internationale en français du « Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale » (SU) dont fait partie Olivier Besancenot :
« 1. On prend unilatéralement les “bonnes” mesures (par exemple la taxation des transactions financières) ; « 2. On les assortit de mesures de protection (par exemple un contrôle des capitaux) ; [
] « Les mesures de rétorsion de toutes sortes doivent être anticipées au moyen de mesures qui, effectivement, font appel à l’arsenal protectionniste. Mais il ne s’agit pas de protectionnisme au sens habituel du terme, car ce protectionnisme protège une expérience de transformation sociale et non les intérêts des capitalistes d’un pays donné face à la concurrence des autres. C’est donc un protectionnisme d’extension, dont la logique est de disparaître à partir du moment où les “bonnes” mesures seraient généralisées. »
Ce que Husson fait surtout « disparaître », c’est bien sûr la révolution socialiste instaurant une dictature du prolétariat qui expropriera les capitalistes et luttera pour l’extension internationale de la révolution. Le NPA veut faire croire qu’on peut réformer à bon compte le capitalisme, et en faisant la promotion d’un « bon » protectionnisme il donne de la légitimité au protectionnisme du Front national. Quant à la première « bonne » mesure envisagée, la taxation des transactions financières, ou « taxe Tobin », lesdits marchés financiers étaient en hausse à Paris et New York le 16 août, au lendemain de l’annonce par Sarkozy et Merkel qu’ils allaient unilatéralement la mettre en place.
Un autre économiste social-démocrate, Isaac Joshua, s’est lui aussi placé au chevet de la finance capitaliste mondiale dans les pages du même numéro d’Inprecor. Le bon docteur Joshua propose pour résumer de taxer les riches (un peu plus que Sarkozy) et nationaliser les banques menacées de faillite, c’est-à-dire encore une fois que les Etats capitalistes sauvent leur secteur financier (comme l’a fait Obama aux USA en nationalisant nombre de banques). A quoi le docteur ajoute le financement des dettes de ces Etats par la Banque centrale européenne (BCE). Pour ce financement, la BCE peut en fait faire marcher la planche à billets, ce qui revient à dévaluer l’euro et la valeur du capital allemand sur le marché international ; elle peut aussi aller sur les marchés obligataires en vendant des titres d’emprunt européens, les « eurobonds » encore une fois garantis par la crédibilité de la signature allemande. François Sabado, porte-parole du SU, déclare de façon similaire dans Inprecor (mars-avril) : « En Europe, la réponse à la crise n’est pas le protectionnisme nationaliste et la sortie de l’Euro. »
Disons franchement à quoi reviennent leurs petits schémas : ils espèrent encore que les capitalistes allemands vont payer. La dernière fois que l’impérialisme français est parvenu à extorquer le genre de sommes dont on parle ici à son rival allemand, c’était après l’effondrement militaire allemand en 1918 et le traité de Versailles. On doute que cette fois-ci le succès militaire de Sarkozy en Libye soit suffisant pour convaincre Mme Merkel de dire en dernier ressort autre chose que « nein » à ce genre de proposition.
Les réformistes se débattent pour donner une couverture présentable, voire « internationaliste », à leur grossier chauvinisme français qui a trouvé toute son expression dans leur soutien à Sarkozy en Libye. Il n’y a pas de solution « nationale » à la crise où s’enfonce le capitalisme en ce moment même. Les forces productives ont dépassé depuis longtemps les frontières nationales, et pourtant les moyens de production restent entre les mains d’une classe peu nombreuse de capitalistes nationaux. Cette contradiction ne peut se résoudre en dernier ressort que par de nouvelles guerres impérialistes ou par la révolution ouvrière s’étendant aux autres pays. L’économie devra être réorganisée à une échelle internationale par un pouvoir prolétarien basé sur des conseils ouvriers (soviets) issus de la révolution socialiste. Nous luttons pour construire un parti ouvrier révolutionnaire d’avant-garde se basant sur les leçons de nos prédécesseurs bolchéviques qui avaient dirigé la révolution d’Octobre en Russie en 1917. Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe ! Pour une Quatrième Internationale reforgée !
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