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Le Bolchévik nº 197

Septembre 2011

Yvan Colonna, victime d’une machination policière, est innocent – Libération immédiate !

Nous reproduisons ci-dessous un tract de la LTF en date du 22 juin.

* * *

Le 20 juin, pour la troisième fois, la « justice » française a condamné Yvan Colonna à une peine de perpétuité pour avoir soi-disant tué le préfet Erignac en Corse en février 1998. Il n’y a pas l’ombre d’une preuve matérielle de sa culpabilité, mais par contre d’abondantes preuves de son innocence. Que Colonna ait pu à chacun de ses trois procès être déclaré coupable est en soi la preuve, pour quiconque connaît un minimum les faits, qu’il s’agissait d’un procès politique pour l’exemple et d’un coup monté. La Ligue trotskyste de France (LTF) et le Comité de défense sociale (CDDS), une organisation de défense légale et sociale se basant sur la lutte de classe associée à la LTF, dénoncent cette vendetta de l’Etat et exigent la libération immédiate d’Yvan Colonna.

Ce n’est sûrement pas un hasard que c’est pour la première fois en mai 1999 que Colonna avait été désigné par la presse et les politiciens bourgeois comme l’assassin d’Erignac. Ce mois-là, le gouvernement PS-PCF-Verts de Jospin était empêtré dans le scandale causé par l’arrestation de son flic en chef pour la Corse, Bernard Bonnet. Bonnet, nommé préfet suite au meurtre d’Erignac, et qui avait promis de « rétablir l’Etat de droit » en Corse, venait d’être démasqué pour avoir ordonné à un escadron d’élite de la gendarmerie de mettre le feu à deux paillotes (restaurants de plage). Bonnet avait sans doute eu l’intention d’attribuer les incendies aux nationalistes corses dans le but d’attiser les guerres de clans entre fractions rivales et justifier ainsi la mission pour laquelle il avait été nommé, à savoir selon lui éradiquer les pratiques courantes en Corse de « racketter, d’assassiner dans les fêtes de village, de déposer des explosifs » ! Le ministre des flics de Jospin, Jean-Pierre Chevènement, avait d’abord essayé de montrer du doigt des jeunes d’origine maghrébine, comme on pouvait s’y attendre de sa part. Mais on avait vite trouvé enterrés sur la plage un talkie-walkie, une boussole et une cagoule tachée de sang, ce qui avait conduit à l’identification des responsables : le Groupe de peloton de sécurité (GPS) et l’homme de main en personne de Chevènement, le préfet Bonnet.

Le même mois, en mai 1999, le gouvernement, cherchant à détourner l’attention de ses crimes sordides en Corse, annonçait l’arrestation du « commando » qui soi-disant avait descendu Erignac. Au cours des 96 heures d’interrogatoire, les quatre hommes et les trois femmes arrêtés désignaient Colonna comme l’homme qui avait tué Erignac et qui avait fait le guet lors d’une action antérieure contre la gendarmerie de Pietrosella.

Les faits incontournables qui prouvent la machination des flics

A partir de ce moment-là, et bien avant qu’il y ait procès, Colonna était l’homme à abattre, désigné comme étant le tueur tant par Chevènement que par Sarkozy, en dépit du fait que la seule soi-disant « preuve » reliant Colonna au meurtre ce jour-là consistait dans les déclarations des soi-disant membres du « commando Erignac » – qui se rétractèrent l’année suivante, près de trois ans avant leur propre procès. En 2004, alors qu’il purgeait une peine de perpétuité pour son rôle dans le meurtre d’Erignac, Pierre Alessandri, l’un des membres du « commando », avouait être le tireur.

Et si tout cela ne suffisait pas à faire tomber les accusations contre Colonna et prouver qu’il y avait eu machination policière, il y a aussi le fait que le seul témoin oculaire, qui se trouvait à quelques mètres de distance du meurtre, a toujours catégoriquement nié que le meurtrier était Colonna. Cela lui vaut depuis des années de se faire harceler par la police. Le témoignage de cette femme, ainsi que celui d’autres témoins qui ont dit n’avoir vu que deux hommes et non trois comme le prétend l’accusation, ont été écartés ce mois-ci par la cour d’assises spéciale dans sa « motivation » de la condamnation de Colonna : « les déclarations des témoins oculaires de la scène de crime à AJACCIO, qui affirment ne pas reconnaître en la personne d’Yvan COLONNA le tireur, doivent nécessairement être appréciées avec les plus grandes réserves au regard du grimage des auteurs, de la rapidité du déroulement des faits, de leur ancienneté, de la position de ces témoins par rapport à la scène et de la qualité de l’éclairage urbain ».

D’autres faits montrent que Colonna est innocent et a été victime d’une machination. Il y a eu plusieurs témoignages concordants enregistrés séparément après l’arrestation de Colonna en 2003 qui le localisaient à 45 kilomètres du lieu au moment du meurtre. Ces témoins ont été menacés d’arrestation s’ils ne se rétractaient pas. La police a reconnu avoir procédé à des filatures, surveillances et écoutes téléphoniques de Colonna pendant plusieurs mois entre le meurtre d’Erignac et l’arrestation du « commando ». S’il n’existe aucune trace de cette surveillance dans le dossier de l’instruction, c’est, comme l’ont reconnu deux flics haut placés lors de la commission d’enquête parlementaire sur le fonctionnement de la police en Corse, parce qu’il n’y avait eu aucun comportement ni contact suspect impliquant Colonna et qu’il avait simplement des relations amicales avec certains membres du commando.

Comme l’a écrit le CDDS dans une lettre de protestation au garde des Sceaux de l’époque, Rachida Dati, suite au premier procès truqué de Colonna en décembre 2007 :

« Nous n’avons aucune illusion dans “l’impartialité” du système judicaire, qui est un instrument répressif au service de la classe possédante. Et la Cour d’assises spéciale sans jury instituée pour juger les accusés de crimes “en rapport avec une entreprise terroriste” n’est que la forme la plus grossière de cette injustice bourgeoise. Ce tribunal d’exception, héritier direct de la tristement célèbre Cour de sûreté de l’Etat et des “sections spéciales” du régime de Vichy, menace tous ceux qui sont perçus comme des ennemis à abattre de la bourgeoisie française et de ses gouvernements – qu’il s’agisse de militants nationalistes, de minorités ethniques ou religieuses en révolte ou d’organisations du mouvement ouvrier. »

« J’ai des convictions que je n’ai jamais cachées, cela ne fait pas pour autant de moi un assassin » (déclaration finale de Colonna lors de son procès le 20 juin)

Il ne fait en effet aucun doute que les convictions politiques nationalistes de Colonna et son opposition intransigeante à l’oppression nationale du peuple corse par l’impérialisme français, sont au cœur de sa condamnation. Dans leur « motivation » en quatre pages du maintien en prison de Colonna, les neuf magistrats du jury déclarent : « Yvan COLONNA, qui n’a jamais contesté ses convictions nationalistes, faisait, à l’évidence, partie de ce groupe. » Sa soi-disant participation au « commando Erignac » est la clé de voûte de l’accusation du procureur qu’il a tué le préfet. Et la preuve de sa « proximité dans le combat politique » avec Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, qui croupissent toujours en prison pour leur rôle dans le meurtre d’Erignac, repose sur « la dénonciation anonyme, même infondée, dont tous trois ont fait l’objet, en 1994, à l’occasion de la tentative d’assassinat de Pierre POGGIOLI » ainsi que sur le fait que ces trois amis avaient séjourné ensemble à Paris en 1998, séjour requalifié en « une preuve supplémentaire de leur lutte commune » ! Voilà le système de la « justice » française dans toute sa nudité, où un homme pourrit en prison sur la base d’un tuyau « anonyme » et d’un séjour à Paris avec des amis.

Nous condamnons de même la chasse aux sorcières contre d’autres militants nationalistes, y compris Aurore Martin, une citoyenne française poursuivie uniquement pour son soutien et sa sympathie pour Batasuna, un parti légal en France. Elle est menacée d’arrestation et d’extradition vers l’Espagne où elle est assurée de faire des années de prison (voir notre article dans le Bolchévik n° 195, mars). Bas les pattes devant Aurore Martin !

Pour notre part, nous soutenons la juste lutte du peuple corse et du peuple basque contre l’Etat bourgeois français oppresseur, et nous sommes pour leur droit d’autodétermination, y compris le droit de se séparer de l’« hexagone » (et de l’Espagne pour les Basques de l’autre côté des Pyrénées) s’ils le désirent. De même, nous exigeons le droit d’autodétermination pour les colonies françaises d’outre-mer, des Antilles à la Nouvelle-Calédonie, ainsi que le retrait des troupes françaises du Pacifique et de ses néocolonies en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

Nous luttons pour éliminer toutes les formes d’oppression nationale dans le cadre d’une perspective prolétarienne, révolutionnaire et internationaliste. Nous sommes opposés à la vision et au programme nationalistes, qui ambitionnent au fond de consolider un cadre national de régime capitaliste. Aux yeux des nationalistes petits-bourgeois, la nation dominante tout entière est considérée comme l’ennemi. Une telle perspective conduit toujours à des actes de violence indiscriminée contre les travailleurs de la nation dominante. La clé pour une libération nationale authentique se trouve dans la nécessité de forger l’unité de classe entre les travailleurs en lutte contre leur ennemi commun : les classes capitalistes de toutes les nations.

Les sociaux-démocrates et la gauche réformiste ont fait de bien rares déclarations (sans parler d’actions) en défense de Colonna. Cela va de pair avec le chauvinisme anti-corse, sous couvert de « valeurs républicaines », dont est imprégné le capitalisme français, et qu’alimente notamment le PCF contre le nationalisme corse. Il devrait être évident que si l’Etat français peut en toute impunité monter une machination judiciaire aussi grossière contre quelqu’un pour la seule raison qu’il est considéré comme un opposant politique de l’Etat capitaliste français, cela facilitera encore davantage les vendettas politiques et la persécution policière des jeunes de banlieue et des syndicalistes combatifs – sans parler des révolutionnaires communistes. La cible des mesures répressives de l’Etat est en dernier ressort la classe ouvrière multiraciale, qui seule a la puissance sociale et l’intérêt pour détruire le régime de domination capitaliste et le remplacer par un Etat ouvrier. C’est pourquoi la lutte pour libérer Colonna et pour combattre toutes les formes de la terreur d’Etat est dans l’intérêt vital du mouvement ouvrier français. Nous luttons pour construire un parti bolchévique expliquant à tous et à chacun la portée historique de la lutte émancipatrice du prolétariat et préparant celui-ci à prendre la tête de tous les opprimés dans la lutte pour une révolution socialiste.

Nous disons : A bas la répression croissante contre les indépendantistes ! Bas les pattes devant Aurore Martin ! Pour la libération immédiate d’Yvan Colonna et de tous les militants nationalistes corses emprisonnés, y compris les membres du « commando Erignac » !

 

Le Bolchévik nº 197

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