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Le Bolchévik nº 196 |
Juin 2011 |
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Des réactionnaires américains attisent la terreur contre les homosexuels
Ouganda : un militant pour les droits des homosexuels sauvagement assassiné
Le 26 janvier, David Kato, un courageux combattant pour les droits des homosexuels, a été assassiné à coups de marteau chez lui à Kampala, en Ouganda. Il avait 46 ans. Cofondateur de Sexual Minorities Uganda [Minorités sexuelles Ouganda], une organisation pour les droits des homosexuels, Kato avait été à plusieurs reprises frappé, harcelé et emprisonné par la police. En octobre 2010, sa photo était apparue à la une de Rolling Stone, un journal réactionnaire local, accompagnant un article avec la manchette « Pendez-les ! », qui montrait des photos, donnait des noms et révélait où se trouvaient des centaines d’homosexuels « connus » et de militants pour les droits des homosexuels. Kato a attaqué en justice le journal et obtenu l’équivalent de 460 euros de dommages et intérêts. Ce fut un procès historique. Quelques semaines plus tard, il était assassiné.
En Ouganda, l’homosexualité définie comme étant « la connaissance charnelle de tout individu contre l’ordre de la nature » est un crime puni d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 14 ans. Le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 25 ans, appelle à pourchasser et emprisonner les homosexuels. Il continue à alimenter la violence homophobe en affirmant publiquement que les homosexuels recrutent des écoliers ougandais. Une proposition de « loi contre l’homosexualité » en discussion, rédigée par le député David Bahati, donnerait le feu vert de l’Etat pour tuer les homosexuels ; elle prévoit la peine capitale pour les personnes reconnues coupables d’« homosexualité aggravée », notamment celles qui ont des rapports homosexuels avec des handicapés ou des personnes de moins de 18 ans, ainsi que pour les personnes considérées comme « délinquants sexuels récidivistes ». La loi punit aussi de trois ans de prison quiconque refuserait de dénoncer des homosexuels à la police dans un délai de 24 heures.
Bahati se vante de ses liens avec d’influents évangélistes américains, et il est allé aux Etats-Unis étudier les « principes du leadership chrétien » d’un organisme connu sous le nom de « la Famille ». « La Famille » est un groupe clandestin de politiciens en vue, de PDG et autres personnalités, qui exerce depuis longtemps une influence politique considérable tant à Washington qu’à l’étranger. Elle organise chaque année à Washington un « petit-déjeuner national de prières » auquel tous les présidents des Etats-Unis depuis Eisenhower ont participé.
Dans un entretien avec Jeff Sharlet, auteur du livre The Family: The Secret Fundamentalism at the Heart of American Power [La Famille : le fondamentalisme secret au cur du pouvoir américain], Bahati a ouvertement déclaré que son objectif était de « tuer les homosexuels jusqu’au dernier ». Sa proposition de loi contre l’homosexualité a été rédigée un mois après une conférence qui s’était tenue en mars 2009 à Kampala, et à laquelle assistait un groupe de fondamentalistes chrétiens américains célèbres. Dans un article du 4 janvier 2010 intitulé « Le rôle remarqué des Américains dans la campagne anti-homosexuels en Ouganda », le New York Times en faisait ainsi le compte-rendu :
« D’après les participants et les enregistrements sonores, des milliers d’Ougandais, y compris des agents de police, des enseignants et des politiciens d’envergure nationale, ont écouté attentivement pendant trois jours les Américains qui leur avaient été présentés comme des experts de l’homosexualité. Les invités faisaient des présentations sur les méthodes pour transformer un homosexuel en hétérosexuel, sur le fait que les homosexuels sodomisaient souvent de jeunes adolescents et pourquoi “le mouvement gay” est une institution du mal qui a pour but “de détruire la société basée sur le mariage et la remplacer par une culture de permissivité sexuelle”. »
Les larmes de crocodile d’Obama sur la mort de Kato
Peu après l’assassinat de Kato, le président Barack Obama, qui est personnellement contre le mariage homosexuel, a publié une déclaration pleine d’hypocrisie. Après avoir expliqué qu’il était « profondément attristé d’apprendre l’assassinat de David Kato », Obama poursuivait : « Mon gouvernement continuera à soutenir vigoureusement les droits de l’homme et le travail d’assistance aux lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transsexuels à l’étranger. Nous le faisons parce que nous reconnaissons la menace qui pèse sur des dirigeants tels que David Kato, et que nous partageons leur engagement à faire progresser la liberté, l’équité et l’égalité pour tous. »
Il n’y a qu’à observer le carnage de l’occupation en Afghanistan et en Irak, ou les missiles de croisière qui pleuvent sur la Libye pour mesurer l’« engagement à faire progresser la liberté » d’Obama, le chef des armées de l’impérialisme américain. Dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » mondiale menée par Washington, l’« unité d’intervention rapide » de la police ougandaise s’adonne « à la torture, à la détention illégale et aux meurtres extralégaux de ses propres citoyens », d’après un rapport de Human Rights Watch cité par le New York Times (23 mars). Pour ce qui est des sermons d’Obama sur les droits de l’homme, c’est l’assujettissement des pays néocoloniaux par les impérialistes qui perpétue la misère et les autres calamités. Cet état de choses nourrit la réaction religieuse et l’arriération sociale qui oppriment horriblement les femmes comme on le voit avec la prévalence en Ouganda de l’excision, de la polygamie traditionnelle et du prix de l’épousée ainsi que les homosexuels.
Beaucoup de choses ont été écrites sur les liens qui existent entre les chrétiens évangélistes américains et la loi pour « tuer les homosexuels » en Ouganda. En fait, les missionnaires chrétiens ont joué un rôle d’avant-garde dans la conquête de ce pays par les Britanniques au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. L’homophobie aujourd’hui omniprésente en Ouganda est en grande partie un reliquat du colonialisme britannique, dont les lois punissaient les gens du pays qui entretenaient des « relations sexuelles contre nature » la même incrimination sur la base de laquelle Oscar Wilde fut emprisonné en Grande-Bretagne. Aujourd’hui, des lois contre la « sodomie » existent encore dans plus de 35 anciennes colonies britanniques aux quatre coins du monde.
De plus, l’Occident chrétien industriellement avancé est loin d’être un refuge pour les gays et les lesbiennes. Les Etats-Unis, un des pays capitalistes « avancés » les plus arriérés politiquement du monde, traîne comme un boulet le fardeau du puritanisme et du fondamentalisme religieux. Les bigots avec la bible à la main, les croisés des « valeurs familiales » et autres réactionnaires sont là pour faire en sorte que les homosexuels continuent à subir violence, persécutions et déni de leurs droits. Ceci peut littéralement signifier une condamnation à mort : en 1998, Matthew Shepard, un étudiant de l’université du Wyoming, a été battu et retrouvé mort accroché à une clôture de barbelés ; en 2002, Gwen Araujo, un jeune transsexuel californien, a été sauvagement battu puis étranglé avec une corde.
L’oppression des homosexuels est directement liée à la subordination des femmes et des jeunes dans le cadre de l’unité sociale qu’est la famille. En tant qu’institution principale pour l’oppression des femmes dans la société de classes, la famille inculque l’obéissance à l’autorité et à la morale bourgeoise, avec comme résultat l’arriération religieuse. Cette dernière est à son tour renforcée par la puissance considérable des institutions religieuses. Dans la société capitaliste, quiconque dévie des rôles attribués aux genres masculin/féminin au sein de la famille est vu comme une menace à l’ordre social. La Ligue communiste internationale lutte pour les pleins droits démocratiques pour les homosexuels. Ceci fait partie de notre combat révolutionnaire pour éradiquer toutes les oppressions basées sur le sexe, la race, l’ethnie ou la classe, en renversant le capitalisme et en instaurant une société socialiste égalitaire.
L’homophobie dans l’Afrique du Sud du néo-apartheid
David Kato, qui avait enseigné pendant plusieurs années en Afrique du Sud, évoquait dans une interview l’inspiration qu’il avait tirée du combat pour abattre l’apartheid, le régime honni de la domination blanche, sous lequel l’homosexualité était interdite : « En Afrique du Sud, je me suis battu pour leur libération à Johannesburg et donc lorsque je suis rentré au pays, j’ai continué sur ma lancée j’ai tenté de libérer ma propre communauté. » Sur le papier, la constitution de l’Afrique du Sud post-apartheid, un des dix seuls pays au monde qui reconnaissent légalement le mariage homosexuel, s’oppose à la discrimination selon l’orientation sexuelle. Mais la réalité sur le terrain est tout autre : la violence contre les homosexuels est fréquente et répandue. Les lesbiennes sont souvent la cible de ce qu’on appelle le « viol correcteur ». Un exemple qui fit sensation était l’assassinat sauvage en avril 2008 d’Eudy Simelane, une star de l’équipe de football féminin d’Afrique du Sud. Lesbienne déclarée, Simelane est morte après avoir subi un viol collectif et reçu 25 coups de poignard.
Le président sud-africain Jacob Zuma, dirigeant de l’ANC, un parti nationaliste bourgeois, a lui-même encouragé la violence anti-homosexuels. Dans un discours prononcé en 2006, il proclamait que « lorsque j’étais enfant, un ungqingli [un homosexuel] n’aurait jamais osé se tenir devant moi. Je l’aurais mis KO. » Zuma a aussi condamné ouvertement le mariage homosexuel comme étant « une honte envers la nation et envers Dieu ». Plus récemment, il a nommé ambassadeur d’Afrique du Sud en Ouganda un homophobe notoire qui demande la mise hors-la-loi du mariage homosexuel ! Ceci est considéré, à juste raison, comme un soutien explicite à la loi anti-homosexuels de l’Ouganda.
Nous devons saluer la mémoire de David Kato et le courage dont il a fait preuve dans la lutte contre la répression qu’il a subie, comme d’autres homosexuels en Ouganda. Mais la seule voie pour en finir avec les conditions de vie dégradantes dans toute l’Afrique et pour libérer ces pays de l’emprise de l’impérialisme, c’est de renverser le capitalisme. Cette perspective nécessite la mobilisation révolutionnaire du puissant prolétariat sud-africain, en majorité noir. Seule une révolution socialiste prolétarienne mondiale pourra débarrasser la planète de l’ordre impérialiste et de ses hommes de paille néocoloniaux. Cette révolution jettera les bases matérielles d’un monde nouveau où l’institution oppressive de la famille sera remplacée par la socialisation des soins aux enfants et des travaux ménagers. C’est seulement à ce moment-là que tous les rapports sociaux seront véritablement fondés sur le libre choix de chacun. La Ligue communiste internationale s’engage à défendre les buts libérateurs du communisme et la lutte, forcément mondiale, pour une société socialiste égalitaire sans classes.
Traduit de Workers Vanguard n° 977, 1er avril
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