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Le Bolchévik nº 190

Décembre 2009

Affaires Polanski, Mitterrand...

Juges, flics, curés, hors des chambres à coucher !

Le Parti socialiste se joint aux fascistes pour défendre la morale bourgeoise

Nous publions en page 3 un article paru le 9 octobre dans le journal de nos camarades américains de la Spartacist League /U.S. défendant Roman Polanski. Polanski a été arrêté le 26 septembre à Zurich ; il est poursuivi pour des relations sexuelles mutuellement consenties il y a plus de 30 ans avec une jeune femme de 13 ans précoce et sexuellement expérimentée. Depuis la publication de cet article, l’Etat américain a officiellement demandé l’extradition de Polanski ; celui-ci, après deux mois de prison, est maintenant assigné à résidence en Suisse, forcé de porter un bracelet électronique, interdit de sortir de son chalet ; il s’est même vu retirer ses papiers. Le metteur en scène de cinéma, âgé de 76 ans, risque de passer encore des mois en Suisse le temps des procédures d’extradition vers la Californie. Roman Polanski n’a commis aucun crime ! Nous exigeons l’arrêt de la vendetta judiciaire contre lui.

En France l’affaire Roman Polanski a déclenché une campagne réactionnaire anti-homosexuels et anti-sexe menée par une cabale de fascistes, de féministes, intégristes religieux et sociaux-démocrates « républicains ». Frédéric Mitterrand, le ministre de la Culture, qui est homosexuel, était leur cible principale : il avait pris la défense de Polanski immédiatement après l’arrestation de celui-ci, qualifiant sa détention d’ « absolument épouvantable » « pour une histoire ancienne qui n'a pas vraiment de sens ».

Marine Le Pen, du Front national fasciste, a dénoncé l’« ignoble soutien » de Mitterrand à Polanski et a exhumé le roman d’inspiration autobiographique de Mitterrand, la Mauvaise vie, qui avait été salué par la critique lors de sa parution en 2005. Marine Le Pen en a lu à la télévision des extraits où il parle de sa fréquentation de prostitués en Thaïlande et elle a exigé sa démission du gouvernement. Les fascistes ayant ouvert le feu, c’est ensuite la police des mœurs du Parti socialiste qui a sonné la charge. Benoît Hamon, son porte-parole officiel, a qualifié d’ « écrits choquants » le livre de Mitterrand ; il l’a traité de « ministre consommateur » et a également exigé sa démission. D’autres politiciens du PS ont pris part à la curée, y compris après que Mitterrand avait été contraint de faire une déclaration publique où il reconnaissait avoir eu des relations tarifées avec des hommes de son âge. Arnaud Montebourg déclamait ainsi : « Sa condamnation publique et tardive du tourisme sexuel est en contradiction avec ses écrits qui ne contiennent aucune condamnation de ce genre. S'il n'était pas ministre, aurait-il eu droit à tant d'égards et de compréhension ? » Un autre politicien du PS, Jean-Paul Huchon, a également déclaré que les actes de Mitterrand étaient « honnêtement condamnables » et qu’il lui semblait « difficile de maintenir au gouvernement une personne qui a été carrément coupable de faits que le gouvernement poursuit ».

Au fond le livre de Mitterrand est une longue litanie de ses déboires sentimentaux depuis le moment où, au début de son adolescence, il commence à devenir conscient de son homosexualité. Il est certain que dans cette société capitaliste homophobe, la vie n’est pas facile pour les hommes et les femmes homosexuels, même quand on fait partie comme Mitterrand de la haute société. Dans son livre, il raconte comment, adolescent, il a pour la première fois recours à un prostitué après avoir été rejeté par quelqu’un. Le reste du livre qui fait près de 400 pages pourrait presque donner à penser que depuis cette époque les seules personnes prêtes à coucher avec Mitterrand étaient des prostitués – et pourtant les Benoît Hamon et Marie-George Buffet veulent même lui retirer ce plaisir en le condamnant pour cela. Pour nous il n’y a aucun doute sur qui sont dans cette affaire les sadiques et les vicieux !

A gauche du PS, la mal nommée Alternative libertaire (AL) a publié dans son numéro de novembre un éditorial tout aussi hystérique que le PS et les fascistes, dénonçant ceux qui défendaient Polanski en les accusant de revendiquer « le droit au viol ». Les arguments d’AL n’avaient rien à voir avec les faits concernés qui s’étaient réellement produits en 1977, et tout à voir avec le fait qu’Alain Finkielkraut, un sioniste raciste de droite, a pris récemment position en faveur de Polanski. AL utilise ici Finkielkraut comme épouvantail politique pour masquer son propre rôle zélé dans cette croisade puritaine bourgeoise.

Nous avons défendu Mitterrand contre cette chasse aux sorcières moderne où des réactionnaires de tout poil cherchent encore une fois à faire l’amalgame entre homosexuel ou pédophile d’un côté, et assassin ou violeur d’enfants de l’autre. Le livre de Mitterrand ne suggère nullement qu’il soit pédophile, c’est-à-dire attiré sexuellement par les enfants. Mais s’il est attiré sexuellement par les garçons, même jeunes, ce n’est pas un crime à nos yeux. La seule règle concernant les relations sexuelles, comme l’expliquent nos camarades américains dans leur article sur Polanski, doit être celle du consentement effectif. Autrement dit, tant que les personnes sont consentantes lors de ces actes, personne, et encore moins l’Etat, n’a le droit de leur dire ce qu’elles peuvent faire ou ne pas faire. Ce qui compte, c’est de savoir si quelqu’un force quelqu’un d’autre à faire quelque chose avec son corps qu’il ne veut pas faire.

Nous nous opposons à l’intervention de l’Etat dans la vie privée des individus. Nos idées concernant les relations sexuelles correspondent aux positions et à la législation du jeune Etat ouvrier soviétique issu de la Révolution d’octobre 1917 en Russie. Grigori Batkis, directeur de l’Institut moscovite d’hygiène sociale, écrivait en 1923 :

« La loi soviétique se base sur le principe suivant : elle déclare la non-interférence absolue de l’Etat et de la société dans les affaires sexuelles tant que nul n’est blessé et que les intérêts de personne ne sont empiétés […]. Concernant l’homosexualité, la sodomie et toute autre forme de gratification sexuelle qui sont considérées comme une offense contre la moralité publique dans la législation européenne – la législation soviétique les traite exactement de la même façon que les rapports “naturels”. Toute forme de rapport sexuel est une affaire d’ordre privé » [souligné dans l’original].

la Révolution sexuelle en Russie, 1923, cité dans The Early Homosexual Rights Movement 1864-1935

Pour la dépénalisation de la prostitution

La règle du « consentement effectif » s’applique tout autant à la prostitution. Les nouveaux croisés anti-sexe font l’amalgame entre l’homosexualité ou la pédophilie et d’horribles crimes contre des enfants, et de même ils font un amalgame entre des actes consensuels entre prostitué et client (l’échange de plaisir sexuel contre de l’argent) et de vrais crimes commis contre les prostitués, comme l’esclavage pour dettes, l’agression sexuelle, la prostitution forcée ou le viol.

Des dirigeantes du PCF (dont Marie-George Buffet), ainsi que Martine Billard du Parti de gauche ou des vedettes féministes petites-bourgeoises comme Maya Surduts ont diffusé le 15 octobre une tribune commune dans l’Humanité, sous le titre « Si l’on revenait au fond à propos de “l’affaire Polanski” », où elles accusent ceux qui défendent Polanski et Mitterrand de pratiquer « une banalisation criminelle » de la violence contre les femmes ; elles déclarent : « On ne peut pas parler de liberté sexuelle sans condamner le viol et la prostitution. » Quand on fait des déclarations pareilles on appelle à renforcer la législation, qui inévitablement est répressive contre les personnes prostituées et leurs clients. Nous sommes pour la dépénalisation de la prostitution, que nous considérons comme un « crime sans victime », de même que la consommation de drogues, le jeu, la pornographie, les activités homosexuelles ou avec des mineurs – toutes activités qui sont généralement illégales ou sévèrement réglementées selon la loi capitaliste.

La condition des prostitués, hommes et femmes, est très variable selon l’époque, l’endroit ou les classes sociales, mais nous ne nions pas que le plus souvent travailler comme prostitué est dangereux et dégradant et relève de l’exploitation. Néanmoins, la pénalisation de la prostitution pousse en règle générale les prostitués dans la marginalité ; il leur devient alors plus difficile d’avoir accès aux services sociaux et médicaux les plus élémentaires, ce qui fait d’eux encore davantage la proie du crime organisé et de la violence des maquereaux. Tel a été le résultat de la « Loi de sécurité intérieure » de Sarkozy, adoptée en 2003, créant un nouveau délit de « racolage passif » passible d’une peine de deux mois de prison et d’une lourde amende, tout cela au nom de la lutte « contre la traite des êtres humains ». L’association « Droits et prostitution » fait une description saisissante de l’effet qu’a eu la loi sur la vie des prostitués :

« L’incrimination du racolage public, passif comme actif, avait pour but affiché de lutter contre la traite des êtres humains. En pratique, alors que les arrestations des personnes prostituées se sont multipliées, aucune condamnation pour traite n’est intervenue. […]
« En effet, nous subissons davantage d’actes de violence qu’auparavant, en particulier de la part des agents de police. […] Une stratégie de harcèlement est parfois même adoptée de façon à nous repousser chaque jour davantage dans la clandestinité. D’autre part, certains agents de police nous insultent, nous frappent, nous gazent, nous rackettent, confisquent nos matériels de prévention, notre argent et nos affaires personnelles. Nous sommes humiliées dans les commissariats, mises à nu avec fouilles au corps sans que celles-ci ne soient justifiées. Certaines d’entre nous, travesties ou transgenres, sont placées dans les cellules des hommes, avec le risque de subir des agressions physiques de la part des autres détenus. »

– Lettre aux députés et sénateurs, 15 octobre 2007

Aussi, toute intervention de l’Etat capitaliste soi-disant pour « protéger » les prostitués ne fait qu’aggraver la misère de tous ceux qui sont concernés ; cela inclut notamment l’expulsion de femmes immigrées « sauvées » par la police lors de rafles soi-disant contre la traite d’êtres humains. La LTF exige les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! Aucune expulsion ! L’Etat n’est pas un arbitre neutre ; c’est un instrument pour réprimer les exploités et les opprimés. L’organisation social-démocrate dont est issu le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot, l’ex-Ligue communiste révolutionnaire, a fait pendant des années une grande campagne pour une « loi-cadre contre les violences faites aux femmes » dont l’effet était en réalité d’accroître les illusions dans l’Etat capitaliste et de paver la voie aux lois répressives de Sarkozy et Cie. Comme nous l’écrivions dans notre article « Campagne aux USA contre les immigrés, les femmes, la sexualité – Les USA et l'ONU partent en croisade contre la “traite des femmes” » :

« La croisade contre l’“esclavage sexuel” est quelque chose de cynique et dangereux, parce qu'elle légitime la persécution des immigrés par le gouvernement, et qu'en même temps elle en appelle à l'autorité de l'Etat pour intervenir comme arbitre moral dans nos affaires les plus intimes. Cela renforce la chasse aux sorcières contre la sexualité dans son ensemble et détourne l'attention de la violence réelle, perpétrée chaque jour contre les femmes et les enfants sous ce système de classe. […]
« L'émancipation des prostituées est inséparable de l'émancipation des femmes en général et la prostitution disparaîtra seulement quand l'institution de la famille sera remplacée. Pour la libération des femmes par la révolution socialiste ! »

Spartacist édition française n° 36, été 2004

La famille, source de l’oppression des femmes et des homosexuels

Friedrich Engels a retracé dans son ouvrage marxiste classique l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat (1884) l’origine de l’institution de la famille et de l’Etat : elle est apparue avec la division de la société en classes. Le développement de la technique (l’agriculture, la métallurgie, la domestication des animaux et autres avancées révolutionnaires) a permis la création d’un surplus allant au-delà de ce qui était nécessaire à la simple survie (comme dans les sociétés basées sur la chasse et la cueillette) ; ce surplus a permis l’apparition d’une classe dirigeante oisive. L’Etat est apparu pour assurer la domination de cette classe dirigeante par la force. Le rôle central de la famille découlait du fait qu’elle assurait l’héritage de la propriété selon une lignée masculine, ce qui exigeait la monogamie sexuelle des femmes et la subordination sociale de celles-ci. Encore aujourd’hui en France une femme désirant se remarier dans les neuf mois suivant son divorce est obligée par la loi de se soumettre à un examen médical pour prouver qu’elle n’est pas enceinte, c’est-à-dire que la paternité de son enfant ne peut pas être contestée. L’institution de la famille est donc intrinsèquement répressive sexuellement. Engels décrit la victoire de la propriété privée sur la propriété commune primitive comme « la grande défaite historique du sexe féminin ».

L’institution de la religion et celle de la famille sont indispensables pour inculquer à la classe ouvrière la superstition, la docilité, la soumission et le respect pour l’autorité et l’ordre établi qui sont indispensables à l’exploitation capitaliste. Sans la religion et la famille les travailleurs risquent davantage de faire des problèmes. C’est pour cette raison que la bourgeoisie s’est mise à promouvoir publiquement les idéaux de la religion et de la famille, qu’elle y croie elle-même ou pas.

L’institution de la famille, source principale de l’oppression des femmes et des enfants, agit comme une force conservatrice et enchaîne les femmes aux travaux domestiques. Elle isole les femmes de la société ou les confine à des emplois à temps partiel mal payés pour qu’elles puissent s’occuper des enfants le reste du temps. Pour en finir avec l’institution de la famille, il faut remplacer le rôle que joue la famille en tant qu’unité économique : il s’agit de socialiser les tâches domestiques et celles liées aux enfants. C’est la clé pour libérer les femmes en leur permettant de jouer pleinement un rôle égal dans la production économique et dans la vie sociale et politique ; cela fait partie de la lutte pour construire une société socialiste égalitaire. Pour des crèches gratuites et de qualité, ouvertes 24 heures sur 24 ! Pour transférer les tâches ménagères dans la sphère publique, la dictature du prolétariat est en fait nécessaire ; elle expropriera la propriété privée des moyens de production et elle mettra en place une économie socialiste planifiée. Ce n’est qu’ainsi, et notamment avec l’extension internationale de la révolution, que l’on pourra commencer à fournir les ressources nécessaires pour changer la condition matérielle des femmes. Pour la libération des femmes par la révolution socialiste !

La bourgeoisie cherche au contraire à imposer la famille comme unité de base de la société et c’est pourquoi les formes de sexualité qui ne sont pas conformes aux buts de la famille et de la procréation, comme l’homosexualité, la sexualité pour le pur plaisir ou pour d’autres raisons, sont déclarées « déviantes » et « immorales ». D’ailleurs c’est l’institution de la famille qui introduit l’argent dans les relations sexuelles, que ce soit la location à l’heure d’une prostituée, l’entretien d’une maîtresse ou le défraiement (ou l’achat) d’une épouse. Au bout du compte, la seule chose qui distingue l’épouse de la prostituée ce sont les codes religieux de la moralité et la loi capitaliste.

Les campagnes pour la moralité bourgeoise ont aussi pour but de renforcer le pouvoir répressif de l’Etat. La bourgeoisie désigne comme boucs émissaires les « pédophiles » et les « terroristes islamistes » qui soi-disant rôdent dans les quartiers, prêts à frapper (et plus récemment la fiction de l’« ultra-gauche » comme dans l’affaire de Tarnac), comme si c’était eux la menace principale à la sécurité des personnes dans cette société. Dans le monde réel, c’est le système capitaliste qui pressure les travailleurs quand augmentent les profits, et qui les jette au chômage, la misère et la lutte pour la survie quand les profits diminuent.

Pour l’avortement libre et gratuit sur simple demande !

Les restrictions à l’avortement servent aussi à renforcer l’institution de la famille car l’avortement, dans la mesure où il permet aux femmes de contrôler leur propre fécondité, pose la question de l’égalité des femmes. L’avortement devrait être une procédure médicale simple et sûre. Nous exigeons que l’avortement et la contraception soient accessibles à toutes dans le cadre d’un système de santé universel gratuit et de qualité !

Au début de l’année 2009 le gouvernement a annoncé qu’il avait l’intention de couper tous les financements de l’Etat pour les centres de planning familial en 2010, ce qui aurait conduit à leur fermeture. Suite aux protestations la décision a été suspendue, mais les financements ne sont prévus que jusqu’en 2011. Tout aussi menaçantes sont les nombreuses fermetures de cliniques où est pratiqué l’avortement. Il est difficile d’obtenir des chiffres, mais c’est un fait que 50 services de ce type ont été fermés entre 1999 et 2005 en région parisienne (où sont effectués le quart des avortements pratiqués dans l’ensemble du pays), dont 14 à Paris même. Rien que cette année trois nouveaux centres d’avortement ont été fermés dans des hôpitaux publics et deux autres sont menacés. Il devient de plus en plus difficile d’obtenir un avortement dans un hôpital public en région parisienne, ce qui implique une discrimination accrue visant les femmes pauvres et immigrées ainsi que les mineures qui sont souvent refusées alors qu’elles sont dans l’incapacité de payer les frais plus importants des cliniques privées.

Le temps d’attente pour un avortement (qui déjà est restreint légalement aux douze premières semaines de grossesse) est en train d’augmenter en conséquence de ces fermetures ; il est en moyenne de trois semaines, et de quatre pendant l’été. Du coup beaucoup de femmes n’ont d’autre « choix » que d’essayer d’aller à l’étranger pour obtenir un avortement, ou alors d’avoir recours à des avortements clandestins. La bourgeoisie justifie en partie la fermeture de toutes ces cliniques en disant que les avortements ne sont pas suffisamment rentables pour un service de santé en cours de privatisation. C’est certainement un aspect de la question du point de vue de la bourgeoisie mais, plus généralement, c’est une attaque idéologique réactionnaire contre un acquis social significatif, notamment pour les femmes, qui avait résulté des luttes ouvrières de Mai 68 et des années qui ont suivi. Cette attaque prépare de nouvelles remises en cause des droits des femmes et des travailleurs.

L’Etat et les chasses aux sorcières contre les « pédophiles »

Les restrictions au droit à l’avortement et les nouvelles lois qui sont ajoutées à l’arsenal répressif de l’Etat au nom de la lutte contre la « délinquance sexuelle » ou « contre les violences faites aux femmes » sont des attaques plus larges contre les droits de toute la population ; le mouvement ouvrier doit les combattre en tant que telles. La soi-disant menace mortelle que les « pédophiles » représenteraient pour les enfants est un thème central de croisades d’ordre moral depuis des dizaines d’années. La chasse aux sorcières et le procès à grand spectacle d’Outreau avaient été mis en branle par le gouvernement Jospin en 1997, sous les instructions de la ministre de la Famille d’alors, Ségolène Royal. Elle avait donné l’instruction à tous les enseignants, infirmières d’école, etc., de faire un rapport écrit au Procureur de la République sur toutes les allégations d’attouchements sexuels, aussi incohérentes et absurdes soient-elles.

En ce qui concerne maltraiter les enfants d’une façon obscène, c’est du côté du système capitaliste et de ses gouvernements qu’il faut regarder. Comme enfermer des bébés et des enfants dans des centres de rétention pour immigrés ou les déporter vers des zones de guerre comme l’Afghanistan où ils risquent de se faire massacrer sous les bombes impérialistes. Ou plus simplement il y a le fait qu’aujourd’hui près d’un enfant sur cinq (18 %) vit sous le seuil officiel de pauvreté, un taux qui est proche de 50 % parmi les jeunes des cités-ghettos (voir l’Humanité, 2 décembre). La pauvreté sous le capitalisme conduit inévitablement un certain nombre de jeunes à se prostituer, que ce soit pour financer leurs études ou simplement pour survivre, en France et dans le tiers-monde. Les hypocrites bourgeois qui prêchent contre le « tourisme sexuel » de Mitterrand ne se préoccupent de sauver que la moralité, pas ces jeunes condamnés à une vie de misère : pour cela, pour leur donner un avenir, il faudrait lutter pour renverser le système capitaliste lui-même.

L’affaire d’Outreau a brisé la vie de ceux qui avaient été faussement accusés de faire partie de ce « réseau pédophile » fictif ; l’un de ces accusés, François Mourmand, père de sept enfants, s’était suicidé en prison. L’affaire était devenue un scandale précisément parce qu’il était devenu manifeste pour des millions de personnes que n’importe qui pouvait du jour au lendemain se retrouver dans une même situation, sans avoir la possibilité de se défendre contre des accusations de crimes sexuels avec lesquels il n’avait rien à voir.

A la suite d’Outreau, le PS, le PCF et les partis bourgeois ont fait bloc, soutenant la commission d’enquête parlementaire sur Outreau. Cette commission avait pour but de sauver la crédibilité entachée de la justice capitaliste républicaine en présentant Outreau comme une aberration. Mais Outreau n’était aucunement une aberration ; ce scandale montrait dans toute sa nudité l’horreur de la « justice » capitaliste ; d’ailleurs l’alarmisme et les campagnes réactionnaires anti-sexe ont même plutôt pris de l’ampleur depuis. En octobre dernier Sarkozy a déclaré qu’il soutenait la « castration chimique » pour combattre les « pédophiles » et les violeurs : « Un criminel sexuel ne devra sortir de prison qu'après exécution de sa peine, c'est bien le moins, et après s'être engagé à suivre un traitement chimique qui contiendra sa libido » (le Figaro, 16 octobre). Cette nouvelle mesure barbare, qui renverrait aussi en prison des personnes ayant purgé leur peine si elles refusent de continuer à prendre des médicaments, est actuellement en débat au parlement. Mais même ceci n’était pas assez au début pour la ministre de la « Justice » Michèle Alliot-Marie, qui a également demandé un débat sur la castration physique. Et pourquoi pas la « castration de la tête », ont surenchéri les fascistes du Front national – c’est-à-dire le rétablissement de la guillotine. Alliot-Marie a pour le moment reculé : exposer un goût sadique pour la mutilation faisait un peu tache quand l’impérialisme français cherche à empaqueter ses expéditions militaires néocoloniales avec du blabla sur les « droits de l’homme ».

Le Monde du 22 octobre (l’article est intitulé « L’art rattrapé par la peur de la pédophilie ») a fait remarquer à propos des attaques contre Polanski et Mitterrand qu’elles avaient « échauffé les esprits ». L’article mentionne aussi les procédures judiciaires en cours visant trois responsables de l’exposition « Présumés innocents » qui s’était tenue il y a neuf ans à Bordeaux. Ils sont traînés devant les tribunaux pour « diffusion de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique » et pour « diffusion de messages violents, pornographiques ou contraires à la dignité humaine susceptibles d’être vus par un mineur » (le Monde, 25 juin). L’exposition montrait 200 œuvres d’art – des photos, des peintures, des dessins, etc. – de 70 artistes de renommée internationale ; elle avait attiré 30 000 visiteurs en quatre mois et avait été mise au nombre des expositions les plus remarquables de l’année 2000 par la Commission française du millénaire. Mais Alain Juppé, maire de Bordeaux et ancien Premier ministre, avait déclaré à l’époque de l’exposition en 2000 que certaines images le choquaient, notamment celle d’un dessin représentant une « jeune fille nue avec un crâne entre les cuisses ». Dernièrement, les responsables de la Foire internationale d’art contemporain à Paris ont décidé cette année de poster des vigiles devant certains stands pour en interdire l’accès aux mineurs, suite à une descente de police lors de la foire de l’année dernière et la saisie de photos présumées zoophiles de l’artiste russe Oleg Kulik ! Nous sommes pour la liberté d’expression dans les expositions artistiques tout comme dans les spectacles à caractère pornographique. Ce que les gens peuvent lire ou regarder ne regarde pas le gouvernement.

Il faut construire un parti ouvrier révolutionnaire !

Suite à l’affaire Mitterrand le gouvernement serre encore plus la vis aux minorités et aux immigrés dans la répression de tous les jours, mais aussi pour essayer de neutraliser les fascistes à six mois des élections régionales : son électorat le plus à droite est mécontent que le gouvernement ait refusé de virer Mitterrand et que le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner ait demandé à son homologue Hillary Clinton de lâcher les baskets à Polanski. Le gouvernement a donc repris l’offensive avec l’annonce d’un débat sur l’« identité nationale » pendant trois mois, afin de reprendre aux fascistes « Marianne, la République, le drapeau, l'hymne national » ; ce débat a pour but de faire une nouvelle fois des immigrés et des jeunes de banlieue des boucs émissaires soi-disant source d’insécurité dans le pays.

Pour lutter contre l’oppression raciste et l’oppression des femmes, des homosexuels et autres minorités, il faut construire un parti ouvrier révolutionnaire indépendant des partis bourgeois et des sociaux-démocrates qui sont dévoués à la défense et au maintien du système capitaliste oppresseur. La classe ouvrière a la puissance sociale pour se mobiliser en défense des opprimés. Mais pour convaincre les travailleurs qu’il y a un enjeu pour eux à défendre Mitterrand ou Polanski, il est nécessaire de lutter contre nos opposants réformistes dans le mouvement ouvrier comme le PS, le PCF et Alternative libertaire qui ont carrément pris part à la campagne contre Mitterrand et Polanski.

Le NPA d’Olivier Besancenot a refusé de s’y joindre, mais sa position n’a tout de même rien à voir avec le marxisme. Il s’est comme d’habitude distingué par une apparente cacophonie sur la question : dans son hebdomadaire diffusé surtout auprès de ses membres et de sa périphérie, le NPA a publié l’interview d’un universitaire (Tout est à nous, 22 octobre) ayant étudié le milieu homosexuel thaïlandais et qui s’en prend aux attaques contre Mitterrand, qualifiées de « douteuses ». Mais c’est le porte-parole du parti, Olivier Besancenot, qui a exprimé la vraie ligne du NPA : le refus de défendre Mitterrand contre la campagne homophobe. Dans une interview à la télévision Besancenot a ainsi déclaré : « Je suis super emmerdé, j'avoue que je n'ai pas lu le livre, je n'ai pas écouté toutes ses explications […]. J'ai lu évidemment les extraits [concernés], c'est vrai qu'ils sont super ambigus quand on sait ce que c'est que le tourisme sexuel et la pédophilie […]. Je ne suis pas son avocat, je ne suis pas son juge non plus et je préfère juger sur le fond de la politique, sur son ministère, à la Culture. »

A notre connaissance Lutte ouvrière (LO) n’a rien dit sur l’arrestation de Polanski ; dans son hebdomadaire destiné à une audience ouvrière elle n’a pas non plus mentionné la chasse aux sorcières anti-homosexuels visant Mitterrand. Le silence de LO est en lui-même une capitulation à l’arriération anti-homosexuels propagée dans la classe ouvrière par les campagnes homophobes de la bourgeoisie. Toutefois, LO a parlé de l’affaire Mitterrand dans sa revue « théorique » mensuelle, Lutte de classe (novembre). Dans un article portant sur le débat sur l’« identité nationale », elle donne une série de raisons pour lesquelles Sarkozy a récemment « mécontenté une partie de l’électorat de droite », notamment « le fait d’avoir installé au ministère de la Culture un Frédéric Mitterrand qui ne cache pas son homosexualité, de l’avoir défendu quand la presse était pleine des confessions de celui-ci sur son goût pour les “gosses” thaïlandais ». LO sait parfaitement que Mitterrand, loin d’avoir « confessé » un « goût pour les “gosses” thaïlandais », a affirmé exactement le contraire dans son interview du 8 octobre à la télévision, insistant qu’il n’avait eu de relations qu’avec des gens « qui avaient mon âge » (le Figaro, 9 octobre) – et si l’on prend pour référence son livre, il ne parle que d’adolescents pubères, des étudiants par exemple.

Il faut bien voir le contexte de ces déclarations : LO utilise le langage sensationnaliste typique de la presse de caniveau, sans même faire mine de défendre Mitterrand. LO colporte ainsi implicitement les accusations proférées contre Mitterrand par les fascistes, le PS, etc. pour son soi-disant tourisme sexuel avec des enfants en Thaïlande ; LO joue de cette manière son propre petit rôle hypocrite dans cette campagne homophobe.

Si même l’ex-« extrême gauche » a capitulé au moins par omission à la campagne d’ordre moral visant Mitterrand, c’est parce qu’elle cherche à réformer, pas à renverser l’ordre capitaliste et donc elle ne peut remettre en cause la famille bourgeoise. Le capitalisme ne fait pas qu’exploiter les travailleurs en s’appropriant la plus-value qu’ils ont produite avec leur sueur et leur sang. Il opprime aussi différentes couches de la population sur la base de la couleur de leur peau, de leur sexe, de leur pratiques sexuelles, etc. Ce doit être à l’inverse une opportunité pour que la classe ouvrière prenne la direction de tous les opprimés dans une lutte révolutionnaire pour renverser ce système capitaliste oppresseur.

Le climat réactionnaire actuel est renforcé par la démoralisation qu’alimentent les bureaucrates syndicaux et les partis « de gauche » en proposant la même exploitation capitaliste mais en plus « social ». Dans ce climat il est encore plus difficile de gagner les travailleurs à l’idée qu’il y a des intérêts en jeu pour notre classe dans des questions comme défendre les droits des femmes et des homosexuels ou défendre les jeunes de banlieue ; pourtant c’est crucial pour combattre les tentatives de la bourgeoisie de diviser pour mieux régner. C’est jeter les bases pour l’unité de classe révolutionnaire du prolétariat qui est nécessaire pour vaincre la bourgeoisie et finalement libérer l’humanité de l’enfer capitaliste arriéré dans lequel nous vivons aujourd’hui.

 

Le Bolchévik nº 190

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