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Le Bolchévik nº 186

Décembre 2008

A bas les provocations des impérialistes et du dalaï-lama !

Défendons les acquis de la Révolution chinoise de 1949 !

Pour une révolution politique ouvrière !

Nous reproduisons ci-dessous la transcription traduite, revue et abrégée pour publication, d’une présentation donnée par Keith Markin au nom de la Spartacist League/U.S., section américaine de la Ligue communiste internationale, lors de meetings organisés les 13 septembre et 4 octobre derniers à San Francisco et à Vancouver.

* * *

Nous assistons aujourd’hui à la plus grande crise financière de l’impérialisme américain depuis les années 1930. Cette crise a ses racines dans le mode de production capitaliste qui domine l’économie internationale. Au contraire, l’économie de la République populaire de Chine connaît depuis plusieurs années une croissance accélérée. Il est possible que cela ne dure pas, étant donné en particulier l’état général de l’économie mondiale. Cependant, la Chine a réussi à s’industrialiser et à se développer parce que son économie n’est pas basée sur la recherche du profit capitaliste privé. La Chine n’est pas capitaliste – c’est un Etat ouvrier bureaucratiquement déformé basé sur la propriété collectivisée.

Nous défendons les acquis de la Révolution chinoise de 1949 qui a renversé le capitalisme dans le pays le plus peuplé du monde. Nous sommes pour la défense militaire inconditionnelle, contre l’impérialisme et la contre-révolution intérieure, de tous les Etats ouvriers bureaucratiquement déformés (il s’agit, outre la Chine, de Cuba, du Vietnam et de la Corée du Nord). Ce sont des Etats où le capitalisme a été renversé, mais où la classe ouvrière n’exerce pas le pouvoir politique. « Inconditionnelle » signifie que nous ne posons aucune condition préalable à notre défense militaire : nous défendons l’Etat ouvrier, que les ouvriers aient ou non réussi à renverser la bureaucratie stalinienne au pouvoir.

En même temps, nous sommes pour une révolution politique prolétarienne qui chassera cette bureaucratie. Nous savons que le pouvoir politique de la bureaucratie est un obstacle à la marche vers le socialisme – une société égalitaire basée sur la technologie moderne et l’abondance matérielle pour tous. Le nationalisme du régime du Parti communiste chinois (PCC), son affirmation que le « socialisme » pourrait être construit dans un seul pays, désarme et désoriente les ouvriers. Sa corruption et son incompétence sapent l’économie collectivisée. Nous luttons pour remplacer le pouvoir du PCC par le pouvoir de conseils (soviets) ouvriers et paysans démocratiquement élus, déterminés à lutter pour le communisme dans le monde entier. Pour ce faire, il faut forger un nouveau parti révolutionnaire et internationaliste afin de diriger ces luttes.

L’économie est la question qui domine les élections présidentielles américaines : comment renflouer les capitalistes aux dépens des travailleurs pour maintenir un système qui a fait son temps. Les communistes ont un principe très clair : nous ne soutenons pas et ne votons pas pour un parti ou un politicien capitaliste, qu’il soit démocrate, républicain ou Vert – point à la ligne. Et nous ne nous présentons pas nous-mêmes à des postes exécutifs pour gérer l’Etat capitaliste, comme président, gouverneur ou maire. Le gouvernement est le comité exécutif de la classe dirigeante. L’Etat capitaliste ne peut pas être réformé pour servir les intérêts des opprimés, il doit être balayé par une révolution ouvrière.

Il existe beaucoup de groupes qui se proclament « marxistes », et qui n’ont que mépris pour les principes et le programme du marxisme authentique. Ils essaient de réformer un système économique qui a depuis longtemps cessé d’être utile à quoi que ce soit. Le meeting d’aujourd’hui est une polémique contre ces adversaires du marxisme, en défense d’une vision du monde marxiste.

Les attaques contre la Chine et les élections

Dans sa chronique du Huntington Post [blog], publiée le 9 juin dernier, John Feffer écrivait ceci :

« Bien que l’Irak ait été jusqu’ici la question de politique étrangère déterminante dans la course à la présidence, la Chine va sans doute s’inviter dans l’élection par le biais des fortes divergences entre les républicains et les démocrates sur le commerce […]. Pour ne pas être en reste sur le terrain des attaques contre la Chine, McCain va probablement argumenter que la Chine est une menace pour la sécurité nationale, qui requiert une augmentation des dépenses militaires. »

Comme si les présidences Bush I et II, ainsi que la présidence Clinton, n’avaient pas déjà consacré énormément d’argent à l’armée. Les Etats-Unis cumulent aujourd’hui 48 % de l’ensemble des dépenses militaires du monde entier. Et la Chine est dans le collimateur des impérialistes depuis sa Révolution de 1949. Avec la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique en 1991-1992, la Chine est devenue la cible stratégique centrale des Etats-Unis, qui l’encerclent avec leurs bases militaires, qui vont de la Corée du Sud à l’Asie centrale en passant par le Japon et Guam.

Les impérialistes ont une stratégie à deux volets pour la contre-révolution capitaliste en Chine : militaire et économique. Les démocrates et les républicains sont d’accord sur la stratégie militaire d’encerclement et de provocations mili-taires incessantes. Ils sont en désaccord seulement sur la stratégie économique. Le protectionnisme anti-chinois prôné par les politiciens démocrates est basé sur le mensonge que la croissance de l’économie chinoise est une cause majeure des pertes d’emplois et de la baisse du niveau de vie aux Etats-Unis. Ce mythe nourrit l’illusion que le capitalisme pourrait fonctionner dans l’intérêt de la classe ouvrière, exonérant par là même ce système d’exploitation tout en désignant comme bouc émissaire un autre pays, en l’occurrence la Chine. Les principaux avocats du protectionnisme sont inévitablement les bureaucrates qui dirigent les syndicats (les marxistes les qualifient de « lieutenants ouvriers du capitalisme »), qui présentent aussi le Parti démocrate comme « ami » des travailleurs.

En juin 2007, Obama a envoyé au secrétaire d’Etat au Trésor Henry Paulson une lettre où il déplorait que le gouvernement « a refusé une fois encore de déclarer que la Chine manipule sa monnaie » – comme si c’était la cause des problèmes économiques des Etats-Unis ! La réalité, c’est que la Chine, dont les réserves de devises se montent à 1 800 milliards de dollars, en détient 504 milliards sous forme de bons du Trésor américains, ce qui aide à maintenir l’économie américaine à flot. Ce n’est pas là un investissement très judicieux, surtout par les temps qui courent, sans parler du fait que cette politique d’investissement contribue à financer l’armée américaine.

Les attaques contre la Chine se sont intensifiées depuis que l’effondrement du marché des prêts hypothécaires en « subprimes » a déclenché la crise économique actuelle. La Chine est rendue responsable de tous les maux, depuis la prétendue « pénurie alimentaire » internationale jusqu’à l’augmentation du prix de l’essence, en passant par les problèmes au Darfour, sans oublier le réchauffement climatique. On nous explique que les prix augmentent parce que la Chine s’industrialise et que donc davantage de Chinois mangent davantage, conduisent une voiture, regardent la télévision et climatisent leur habitat. Autrement dit, le problème ne serait pas le système capitaliste mais l’Etat ouvrier déformé chinois et sa croissance économique !

La pénétration économique des impérialistes a formidablement renforcé les forces de la contre-révolution à l’intérieur même de la Chine, en même temps qu’elle a accru les inégalités. Mais les capitalistes en Chine ne peuvent pas s’organiser politiquement et lutter pour le pouvoir. Les secteurs qui constituent le cœur de l’économie sont toujours collectivisés, et le système bancaire reste, de fait, étatisé. Le développement économique a considérablement accru la taille du prolétariat en attirant de nombreux ex-paysans dans les villes. De 1976 à 2006, la proportion de la population urbaine dans la population totale est passée de 20 à 44 %. Cette évolution est historiquement progressiste. Cependant, il reste encore 740 millions de personnes vivant dans les campagnes.

Les contradictions de l’Etat ouvrier bureaucratiquement déformé chinois s’aiguisent. La Chine est le troisième pays à avoir envoyé un homme dans l’espace, mais elle n’arrive pas à garantir la qualité de sa production de lait pour les bébés. L’organisation à grande échelle des secours après le tremblement de terre qui a dévasté la province du Sichuan au printemps dernier, couplée à l’écroulement de nombreuses écoles à cause de la mauvaise qualité de la construction, illustre de façon frappante ces contradictions. Nous en avons parlé dans notre article sur le tremblement de terre du Sichuan dans Workers Vanguard n° 917 (4 juillet). L’organisation des secours a été très largement saluée comme remarquable, ce qui a contribué à désamorcer l’hystérie impérialiste et le tapage médiatique autour des émeutes contre-révolutionnaires au Tibet en mars dernier.

Après la première semaine des provocations au Tibet, Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, a rendu visite au dalaï-lama dans son quartier général indien, où elle a lancé : « Si les amis de la liberté, dans le monde entier, ne dénoncent pas la répression chinoise en Chine et au Tibet, nous aurons perdu toute autorité morale pour parler au nom des droits de l’homme, où que ce soit dans le monde. » Barack Obama et Hillary Clinton ont appelé Bush à boycotter les cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin, en solidarité avec les « combattants de la liberté » du Tibet. Pendant ce temps, des Chinois non tibétains et des musulmans étaient brûlés vifs à Lhassa – ils n’avaient pas accroché le foulard tibétain traditionnel appelé katak devant leurs boutiques pour que les « combattants de la liberté » puissent les reconnaître.

Le baratin de Pelosi sur les « droits de l’homme » est de la plus pure hypocrisie, venant d’une représentante de l’impérialisme américain qui a tué des centaines de milliers de personnes en Irak, et qui occupe actuellement l’Irak et l’Afghanistan. Bien sûr, c’est aussi pour la cause de la « liberté » !

Sous le régime pro-esclavagiste du dalaï-lama, les Tibétains étaient « libres » de vivre en moyenne 35 ans dans une misère abjecte. Depuis que la « lamacratie » a été chassée du Tibet en 1959, on y vit presque deux fois plus vieux. Pourtant, des groupes comme l’International Socialist Organization (ISO), Socialist Action et le Comité pour une Internationale ouvrière – représenté aux Etats-Unis par Socialist Alternative [et en France par la Gauche révolutionnaire] – s’enthousiasment tous pour la cause du mouvement anticommuniste du « Tibet libre ». Comme le dalaï-lama et sa clique, ce « mouvement » – le Congrès de la jeunesse tibétaine, Etudiants pour un Tibet libre, etc. – est financé par un groupe paravent de la CIA, le National Endowment for Democracy [la Fondation nationale pour la démocratie]. Si le Tibet ne faisait pas partie intégrante de la Chine, il serait un protectorat de l’impérialisme américain, une base pour la contre-révolution dans toute la Chine.

Matérialisme historique et lutte des classes

Ma présentation s’inspire, à plusieurs égards, d’un livre publié en 1997, intitulé The Struggle for Modern Tibet : The Autobiography of Tashi Tsering [La lutte pour un Tibet moderne : l’autobiographie de Tashi Tsering]. C’est l’histoire d’un paysan tibétain, poussé par le désir d’apprendre à lire et à écrire, qui a consacré sa vie à la modernisation du Tibet. Il dit qu’il n’est pas marxiste, mais qu’il a été attiré par le marxisme parce que celui-ci impliquait « davantage de pouvoir et de possibilités pour les paysans et les ouvriers ». Concernant les marxistes, Tsering écrit qu’au début des années 1960 :

« J’ai été frappé par leur conception des cycles ou phases de l’histoire, l’idée que la religion pouvait parfois être utilisée pour asservir ou entraver le petit peuple, et par l’importance de la révolution dans l’histoire de la plupart des Etats européens modernes […]. Je pensais que le temps était arrivé d’une révolution aussi au Tibet, même si je ne souhaitais nullement le genre de violence ou le sang versé dont il était question dans ce que j’avais lu des révolutions française et russe. Pourtant, il était difficile pour moi d’imaginer comment de tels changements pourraient être rendus possibles dans notre vieille société par un autre moyen […]. Et même si j’avais encore des appréhensions quant à la présence chinoise et à ses intentions à long terme, j’ai commencé à penser que peut-être ce que le Tibet avait vécu depuis dix ans pourrait en fait être la réponse, au sens où l’invasion chinoise de notre pays pourrait avoir réalisé quelque chose que nous n’aurions pas pu réaliser nous-mêmes. Elle nous avait amené une révolution. »

Les changements sociaux fondamentaux ont commencé au Tibet après que l’armée chinoise avait vaincu le soulèvement contre-révolutionnaire de 1959, qui avait été armé et soutenu par la CIA. Mais avant de revenir sur ces événements, il est important de comprendre les origines et la nature de la République populaire de Chine. Contrairement à ce qui s’était passé pendant la révolution ouvrière de 1917 en Russie, le prolétariat de Chine n’avait pas été un participant actif et conscient à la révolution qui a écrasé l’Etat capitaliste chinois. Le PCC qui a vaincu le Guomindang, parti capitaliste totalement corrompu, était un parti basé sur les paysans. Donc la question évidente est : comment un parti paysan a-t-il pu faire une révolution qui a renversé le capitalisme et instauré un Etat ouvrier, même bureaucratiquement déformé ? Et d’abord, qu’est-ce que cela veut dire ?

Pour répondre à ces questions, il faut une vision marxiste du monde, qui découle d’une étude de la société du point de vue du matérialisme historique. Cela signifie tirer les leçons de la première, et à ce jour la seule, révolution ouvrière victorieuse, la Révolution russe dirigée par le Parti bolchévique de V.I. Lénine et Léon Trotsky en Octobre 1917, et de la dégénérescence politique ultérieure de l’Etat ouvrier soviétique sous Joseph Staline et ses successeurs.

Le matérialisme historique part de la thèse que la production des éléments nécessaires la vie humaine – la nourriture, les vêtements et le logement – et l’échange des objets produits sont la base de toutes les structures sociales. Dans chacune des sociétés apparues dans l’histoire, la manière dont la richesse est distribuée, du fait que la société est divisée en classes, dépend de ce qui est produit, de comment c’est produit, et de comment les produits sont échangés. De ce point de vue, les causes ultimes de toutes les révolutions sociales doivent être recherchées dans des changements dans le mode de production et d’échange dominant. Un « mode de production » est un système économique qui (sauf dans les sociétés primitives, dans lesquelles les classes n’existaient pas) est basé sur une forme particulière de propriété : sociétés basées sur l’esclavage, sur le féodalisme, sur le capitalisme ou sur la propriété collectivisée.

La transition du féodalisme au capitalisme a nécessité des révolutions bourgeoises sanglantes, comme la Révolution anglaise au milieu du XVIIe siècle et la Révolution française à la fin du XVIIIe siècle. Avec ces révolutions, la bourgeoisie a créé l’Etat-nation et a transformé les moyens de production : on est passé d’une production atomisée (basée sur des producteurs individuels) à la production par une collectivité d’hommes. (Par « moyens de production » on entend les ressources naturelles telles que la terre et les animaux, ainsi que les machines, les outils, les usines, l’infrastructure et la technologie.) La production est devenue sociale, mais le produit de ce travail collectif était approprié par les capitalistes. Ainsi s’est développé un antagonisme inconciliable entre le prolétariat et la bourgeoisie.

La propriété privée des moyens de production, où la production est motivée par le profit, est la base de l’anarchie du capitalisme. Le système capitaliste a développé les forces productives, dans l’arène de l’Etat-nation, plus vite qu’à aucune autre époque dans l’histoire humaine, conduisant au développement de la science moderne et à la révolution industrielle. C’est là que réside son rôle historique progressiste. Mais le système capitaliste et son Etat-nation sont bientôt devenus une entrave au développement économique et culturel. Les contradictions entre la production socialisée et l’appropriation privée, et entre le développement des forces productives et le cadre de l’Etat national, ont éclaté au grand jour. Aux alentours de 1900, la division territoriale du monde entier entre les grandes puissances capitalistes était en grande partie achevée. Ceci a conduit à la Première Guerre mondiale impérialiste.

Dans son livre de 1916 l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine a étendu l’analyse de Marx à la période de la décadence capitaliste, et a montré que la guerre est inhérente au système impérialiste. A ce stade-là, le capitalisme avait créé un marché mondial dominé par les puissances impérialistes et divisé par leurs rivalités. Il avait aussi pleinement développé son fossoyeur, en la personne du prolétariat. La solution, c’est une révolution ouvrière internationale pour renverser le système basé sur la production capitaliste pour le profit, instaurer des Etats ouvriers basés sur la propriété collectivisée, où la production sera basée sur ce qui est utile à la société. Donner à la classe ouvrière la conscience révolutionnaire nécessaire pour accomplir sa mission historique, qui est de renverser le système capitaliste, c’est la tâche d’un parti d’avant-garde léniniste. Nous considérons que la Ligue communiste internationale [LCI] est aujourd’hui le noyau ayant le programme de ce parti.

Avant la première guerre impérialiste, la Russie était le maillon le plus faible de la chaîne impérialiste. Trotsky avait décrit son développement comme « inégal et combiné » : un pays paysan à une écrasante majorité, avec une myriade de minorités nationales et ethniques opprimées par des propriétaires fonciers et des capitalistes grands-russes, sous une monarchie absolutiste. En même temps, il y avait un prolétariat petit mais important dans quelques centres industriels, concentré dans d’immenses usines équipées de la technologie la plus moderne. Par exemple, à Saint-Pétersbourg, le grand complexe métallurgique Poutilov et ses alentours comptaient 30 000 ouvriers en 1905.

L’aile droite de la social-démocratie russe, les menchéviks, argumentait que la bourgeoisie devait arriver au pouvoir pour résoudre les tâches démocratiques en suspens, comme donner la terre à la paysannerie. A cette perspective qui enchaînait le prolétariat à la bourgeoisie « progressiste », Lénine et les bolchéviks opposaient la collaboration révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie opprimée pour instaurer une « dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie ». Il est important de souligner que Lénine n’avait aucune illusion dans le caractère « progressiste » de la bourgeoisie russe.

Trotsky pensait lui aussi que la bourgeoisie russe était incapable de diriger une révolution démocratique, mais il allait plus loin que Lénine. Dans sa théorie de la révolution permanente, élaborée en 1904-1906, il affirmait que la Révolution russe aurait un caractère prolétarien et socialiste, que la résolution des tâches démocratiques bourgeoises n’était concevable que sous la forme de la dictature du prolétariat, s’appuyant sur la paysannerie. Ceci mettrait à l’ordre du jour non seulement les tâches démocratiques mais aussi les tâches socialistes. Pour garantir ces acquis et jeter les bases d’une société socialiste, le pouvoir prolétarien devait être étendu au monde capitaliste avancé.

En 1917, lorsque le gouvernement du tsar s’effondra, les menchéviks donnèrent leur soutien au nouveau gouvernement provisoire dominé par les libéraux bourgeois, et entrèrent par la suite au gouvernement. Lénine mena une bataille politique sans merci contre les menchéviks et ceux qui, dans le Parti bolchévique, voulaient adopter une attitude conciliante à leur égard. Il se rallia à la conception avancée par Trotsky selon laquelle la révolution ne pourrait triompher qu’en plaçant le prolétariat au pouvoir, tandis que Trotsky réalisait que la bataille de Lénine pour un parti d’avant-garde éprouvé et basé sur un programme d’acier était le fondement nécessaire d’une révolution socialiste. Lénine gagna à sa position les principaux cadres de son parti, et en octobre, sous la direction des bolchéviks, la classe ouvrière, soutenue par la paysannerie, accomplit une révolution qui brisa le vieil appareil d’Etat et remplaça la dictature de classe du capital par la dictature du prolétariat, basée sur des conseils (soviets) démocratiquement élus d’ouvriers, de soldats et de paysans. Vous trouverez une analyse détaillée de ces batailles politiques dans « Le développement et l’extension de la théorie de la révolution permanente de Léon Trotsky », publié dans une brochure récente [en anglais] de la LCI.

Après la révolution d’Octobre, pendant la terrible guerre civile contre les forces de la contre-révolution soutenues par rien moins que 14 armées capitalistes, les bolchéviks fondèrent l’Internationale communiste (Comintern), l’incarnation de leur engagement en faveur de la révolution internationale. La Révolution russe était une confirmation du programme marxiste, et un appel aux opprimés de tous les pays. C’est notre modèle. Nous luttons pour la perspective de nouvelles révolutions d’Octobre dans l’ensemble du monde capitaliste d’aujourd’hui.

Le stalinisme et la trahison de la Révolution chinoise de 1925-1927

Après que les bolchéviks eurent gagné la guerre civile, à un prix terrible, notamment la perte des éléments les plus avancés du prolétariat, tués ou incorporés dans l’administration de l’Etat, tous les yeux étaient tournés vers la puissante classe ouvrière allemande : une victoire prolétarienne en Allemagne mettrait fin à l’isolement du fragile Etat ouvrier. Mais la Révolution allemande de 1923 fut une défaite, avec d’énormes conséquences internationales. La vague révolutionnaire de l’après-guerre fut stoppée, et l’ordre bourgeois mondial fut pour un temps stabilisé. Cette défaite eut un effet profondément démoralisant sur les ouvriers soviétiques, contribuant ainsi à paver la voie à l’usurpation du pouvoir politique par une bureaucratie conservatrice et nationaliste.

A partir de 1924 (Lénine mourut en janvier de cette année-là), la bureaucratie, dirigée à l’époque par Staline, Zinoviev et Kamenev, vainquit l’Opposition de gauche émergente dirigée par Trotsky, et mit en marche un processus de consolidation de son pouvoir en tant que caste privilégiée au sommet de l’Etat ouvrier. Mais le mode de production basé sur la prédominance de la propriété collectivisée ne changea pas : ce qui changea, ce fut le régime politique.

A l’automne 1924, Staline commença à justifier l’isolement de l’Union soviétique et le pouvoir politique de la bureaucratie avec sa « théorie » que le socialisme – une société basée sur l’abondance matérielle, dans laquelle les classes auront disparu et l’Etat aura dépéri – pouvait être construit dans un seul pays, qui plus est un pays économiquement dévasté. La « coexistence pacifique » avec les capita-listes du monde en devint bientôt le corollaire. La bureaucratie devint hostile au programme prolétarien, révolutionnaire, internationaliste de la révolution d’Octobre. Le « socialisme dans un seul pays » était l’étendard de la défaite, sous lequel d’innombrables occasions révolutionnaires furent trahies. Cette contre-révolution politique fut combattue par l’Opposition de gauche dirigée par Trotsky – et l’un des premiers champs de bataille politiques décisifs sur la scène internationale fut la Deuxième Révolution chinoise de 1925-1927.

La Première Révolution chinoise de 1911, dirigée par le mouvement nationaliste bourgeois de Sun Yat-sen, et avec la participation directe des impérialistes, avait renversé la dynastie Qing (ou mandchoue) décrépite. L’année suivante, Sun fondait le Guomindang (GMD), un parti nationaliste bourgeois. Avant la Première Guerre mondiale, il n’existait pratiquement pas de prolétariat chinois. Mais la guerre stimula l’économie chinoise, et en 1922 il y avait deux millions d’ouvriers d’industrie. Même si c’était une part infime de la population, le prolétariat était concentré dans de grandes entreprises, avec les techniques de production les plus mo-dernes et situées dans un petit nombre de centres urbains sur la côte, ce qui lui donnait une énorme puissance sociale. La Chine n’était pas une colonie directe comme l’Inde, mais la pénétration impérialiste perpétuait son arriération. Les seigneurs de la guerre proliféraient, parrainés par des impérialistes concurrents et empêchant l’unification nationale.

Le développement capitaliste de la Chine était encore plus retardataire que ne l’avait été celui de la Russie. La question clé dans la Deuxième Révolution chinoise était : quel serait le caractère de classe de la révolution chinoise ? Staline et Boukharine poursuivaient la politique de liquidation du jeune PC chinois dans le GMD bourgeois, maintenant dirigé par Chiang Kai-shek. Ils ressuscitèrent la ligne menchévique de trahison « par étapes », dont la banqueroute avait été patente en 1917 en Russie. Invoquant la faiblesse du mouvement ouvrier en Chine, ils argumentaient que la révolution devait être limitée à une étape « démocratique », sous la direction d’un « bloc des quatre classes » – la bourgeoisie nationale, la petite bourgeoisie urbaine, les ouvriers et les paysans. Dans ce schéma, la « deuxième étape », la lutte pour le socialisme, était reléguée à un avenir indéfini, qui en réalité ne se réalise jamais. Comment une bourgeoisie nationale pouvait-elle mener une révolution agraire contre les propriétaires fonciers, dont beaucoup appartenaient à cette même bourgeoisie ? La réponse est qu’elle ne le pouvait pas.

En mars 1927, à Shanghaï, une grève générale mobilisant plus d’un demi-million d’ouvriers avait tourné à l’insurrection. Mais le prolétariat était censé suivre les nationalistes bourgeois, pas s’insurger contre eux. Staline ordonna au PCC de déposer les armes. Des dizaines de milliers de communistes et de militants ouvriers, à qui on avait fait croire que Chiang Kai-shek était un allié, et qui détenaient dans les faits le pouvoir à Shanghaï, furent assassinés quand il se retourna contre eux, lors du massacre d’avril 1927.

A chaque étape, Trotsky s’était opposé à cette politique de subordination de la classe ouvrière aux nationalistes bourgeois. En mars 1927, dans une déclaration adressée au Politburo soviétique, Trotsky exigea que le PCC organise des soviets et prenne l’initiative d’une lutte révolutionnaire pour le pouvoir. Tirant les leçons de la défaite sanglante de la révolution chinoise, il généralisa sa théorie et sa perspective de révolution permanente à d’autres pays à développement capitaliste retardataire. En 1928, Trotsky soumit au Sixième Congrès du Comintern un document intitulé « Critique du programme de l’Internationale communiste », qui fut ensuite publié dans l’Internationale communiste après Lénine. Des cadres dirigeants de l’Internationale furent gagnés à l’Opposition de gauche, dont James P. Cannon, un dirigeant de premier plan du PC américain, et Chen Duxiu, le dirigeant fondateur du PCC qui avait été désigné comme bouc émissaire des trahisons de Staline.

La défaite de la Deuxième Révolution chinoise eut un profond impact sur le prolétariat et sur le PCC. Sur insistance du Comintern, le PCC niait qu’une défaite s’était produite. Avec un prolétariat atomisé, pourchassé par le GMD, le PCC tourna peu après le dos aux ouvriers et se retira dans les campagnes. Seuls les trotskystes chinois, dans la clandestinité, cherchaient à maintenir des racines dans la classe ouvrière urbaine. Le PCC se transforma en un parti paysan dans sa composition et sa vision politique. Et ainsi quand la Révolution chinoise de 1949 renversa le régime capitaliste, ce fut sous la direction d’un parti basé sur la paysannerie, avec une politique stalinienne.

Ces événements étaient le produit de circonstances historiques exceptionnelles. Il y avait l’existence de l’Union soviétique qui avait fourni, même si c’était de mauvaise grâce, une aide matérielle à l’Armée populaire de libération (APL) du PCC. Corrompu à l’extrême, le GMD, le parti de la bourgeoisie, était miné de l’intérieur. Le prolétariat n’était pas mobilisé comme force indépendante. Un autre facteur décisif était que les Soviétiques avaient fait exploser une bombe atomique le 29 août 1949, ce qui constituait une dissuasion face à une agression impérialiste.

La politique fondamentale de tous les secteurs de la bourgeoisie chinoise et des puissances impérialistes envers le PCC et l’APL pendant la guerre civile de 1946-1949 était de les anéantir physiquement. Le triomphe de l’APL marquait donc la destruction des capitalistes chinois comme classe politiquement organisée, les réduisant à l’état de propriétaires isolés. Contrairement à la théorie maoïste, il n’y avait aucune base pour une révolution « par étapes » ni pour un « bloc des quatre classes ». L’histoire démentait le dogme qu’on « ne peut pas brûler les étapes », que le prolétariat doit d’abord s’allier avec un secteur de l’ennemi de classe capitaliste dans une lutte pour la « démocratie » – une perspective de collaboration de classes qui n’a amené que désastres et défaites aux travailleurs du monde.

La destruction de la domination de classe capitaliste en Chine a été le produit des rapports spécifiques, non prédéterminés, entre le PCC basé sur la paysannerie, le prolétariat chinois et la bourgeoisie chinoise et impérialiste. Mais la victoire de la révolution sociale ne pouvait instaurer qu’un Etat ouvrier bureaucratiquement déformé. Le PCC craignait le prolétariat et s’en méfiait. Comme la bureaucratie soviétique, la bureaucratie chinoise est une caste petite-bourgeoise parasitaire et nationaliste installée au sommet de l’Etat ouvrier, et qui s’en nourrit. Ses privilèges reposent sur l’existence de l’Etat ouvrier. Exactement comme sous Staline, le programme de la bureaucratie, que ce soit sous Mao Zedong, Liu Shaoqi, Deng Xiaoping ou Hu Jintao, est basé sur le mensonge antimarxiste de la construction du « socialisme dans un seul pays » et sur la volonté de perpétuer le statu quo par la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme.

Trotsky a expliqué les racines matérielles de la bureaucratie soviétique dans son livre de 1937 la Révolution trahie, en utilisant un langage qui pourrait aujourd’hui être appliqué tout aussi bien aux staliniens chinois :

« L’autorité bureaucratique a pour base la pauvreté en articles de consommation et la lutte contre tous qui en résulte. Quand il y a assez de marchandises au magasin, les chalands peuvent venir acheter à tout moment. Quand il y a peu de marchandises, les acheteurs sont obligés de faire la queue à la porte. Sitôt que la queue devient très longue, la présence d’un agent de police s’impose pour le maintien de l’ordre. Tel est le point de départ de la bureaucratie soviétique. Elle “sait” à qui donner et qui doit patienter. »

Appelant à une révolution politique ouvrière en URSS, Trotsky écrivait : « Il ne s’agit pas de remplacer une coterie dirigeante par une autre, mais de changer les méthodes même de la direction économique et culturelle. L’arbitraire bureaucratique devra céder la place à la démocratie soviétique [...]. »

Le Tibet et la Révolution chinoise

Jusqu’au début de 1949, la politique de l’impérialisme américain envers le Tibet était sans équivoque. Le Tibet était considéré comme une partie intégrante de la Chine, avec toutefois une forte dose d’autonomie vis-à-vis du gouvernement central. Même si sa situation géographique n’était pas considérée à l’époque comme stratégique, le précurseur de la CIA, l’OSS (Office of Strategic Services) avait plusieurs agents au Tibet pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les Etats-Unis changèrent de politique en 1949, quand il devint clair que la guerre civile chinoise tournait au désavantage des armées du GMD soutenues par les USA. Au Département d’Etat, une certaine Ruth Bacon argumentait qu’avec la prise du pouvoir par les communistes, le Tibet allait acquérir une « importance idéologique et stratégique », et que les Etats-Unis ne devaient désormais plus le considérer comme étant sous autorité chinoise. Cela montre comment la question du Tibet est depuis longtemps cyniquement manipulée par les impérialistes pour leurs propres intérêts.

Tout changea avec la guerre civile coréenne de 1950-1953. L’APL ne fit pas d’incursion décisive au Tibet jusqu’à ce que la Chine soit menacée par les impérialistes, qui avaient envahi la majeure partie de la Corée du Nord et menaçaient la Chine à la frontière. Les troupes chinoises franchirent le fleuve Yalu, qui marque la frontière avec la Corée du Nord, pour repousser les impérialistes ; et à la même époque, environ 40 000 soldats de l’APL attaquaient l’armée tibétaine qui était au bord de l’effondrement parce qu’inférieure en termes de nombre, d’armement et d’organisation.

Après la Première Révolution chinoise, en 1911, le 13e dalaï-lama avait consolidé son pouvoir en renforçant et en modernisant l’armée tibétaine sur le modèle de ses parrains impérialistes, les Britanniques et les Japonais. L’influence britannique était omniprésente, au point qu’en 1950 encore les officiers donnaient tous leurs ordres en anglais, et que la fanfare militaire savait seulement jouer des airs tibétains « traditionnels » comme « Auld Lang Syne », « God Save the King » (cela ne faisait à l’évidence pas référence au « dieu-roi » du Tibet), et mon préféré, « It’s a Long Way to Tipperary ». Tipperary est en Irlande – donc cela fait à n’en pas douter un bout de chemin !

L’armée tibétaine n’était clairement pas de taille à affronter les soldats expérimentés de l’APL. Sous la houlette du « grand timonier » Mao, la Chine engagea des négociations avec le 14e dalaï-lama (le Lama actuel, qui avait alors seulement 16 ans) sur la base d’un programme qui revenait à « un pays, deux systèmes ». Cela voulait dire que le PCC autoriserait la classe dirigeante tibétaine à perpétuer son pouvoir social et politique aussi longtemps qu’elle abandonnait sa souveraineté à l’Etat ouvrier déformé chinois. Ce marché fut officialisé dans l’« Accord en dix-sept points » signé en mai 1951.

Ceci contraste nettement avec la manière dont les bolchéviks avaient consolidé le pouvoir soviétique en Asie centrale, une région qui, comme le Tibet, était économiquement précapitaliste et n’avait pas de prolétariat. La séparation de l’Eglise/la Mosquée et de l’Etat était cruciale dans la lutte pour l’émancipation des femmes, en particulier dans l’Orient soviétique fortement islamisé. Mais il fallut aux bolchéviks du temps pour établir les bases matérielles et politiques d’un gouvernement soviétique et d’organes d’éducation laïques pour supplanter les vestiges cléricaux. Par nécessité, les bolchéviks firent des compromis parmi les institutions religieuses locales et les institutions civiles traditionnelles qui avaient été brutalement persécutées sous le tsar et s’étaient rangées du côté de la révolution d’Octobre. En même temps, ils utilisaient le pouvoir d’Etat soviétique pour supplanter méthodiquement et systématiquement ces institutions, notamment en démontrant simultanément la supériorité du gouvernement soviétique.

Sous Lénine et Trotsky, le gouvernement soviétique faisait la différence entre d’une part le droit des individus et des organisations sociales à pratiquer la religion en privé et, d’autre part, la conduite des clercs de l’Eglise orthodoxe, de l’Islam, etc., qui soutenaient activement les forces de la contre-révolution parce que leurs intérêts matériels étaient opposés à ceux du jeune et fragile Etat ouvrier. Le gouvernement soviétique réussit à mobiliser les ouvriers et les paysans pour écraser ces forces de façon décisive. Il se fixa comme objectif l’alphabétisation universelle, institua une éducation matérialiste, opposée à toutes les formes de préjugés religieux. Par exemple, des femmes communistes portaient le voile pour apprendre à lire et à écrire aux femmes d’Asie centrale soviétique.

Si le Tibet était le Shangri-La [le paradis] pour les propriétaires fonciers et les lamas, c’était l’enfer pour les opprimés. Résultat de la fusion d’une aristocratie de type féodal et d’une vaste population de moines, pouvant atteindre à certains moments plus de 20 % de la population masculine, la lamacratie régnait depuis des siècles sur une société de serfs, de paysans et de bergers. Cela signifiait que les femmes accomplissaient une grande partie du travail manuel, car les moines mais aussi une proportion non négligeable de la population de sexe masculin, qui imitait la vie monastique après avoir « péché » en procréant, se consacraient au travail de la contemplation. On enlevait de jeunes garçons à leur famille, notamment pour renouveler la population des moines. L’esclavage domestique existait également. On peut mesurer l’intensité de l’oppression et de l’exploitation dans le Tibet des lamas par le fait que ce qui était peut-être, proportionnellement, la couche dirigeante la plus nombreuse et la plus oisive de toute l’histoire de l’humanité reposait économiquement sur des cultivateurs d’orge et des éleveurs de yaks.

Le Tibet et la modernisation

Tsering, le paysan tibétain dont j’ai mentionné le livre tout à l’heure, a finalement commencé à recevoir une éducation aux Etats-Unis en 1960. Il écrit :

« Les révélations ont débuté quand j’ai commencé à lire sur l’histoire médiévale, parce qu’au fur et à mesure que je commençais à réfléchir sur l’Europe au Moyen Age – sur les cathédrales, les monastères, le système féodal, les aristocrates et les moines qui avaient tout le pouvoir et toutes les terres, et le lien étroit entre l’Eglise et l’Etat – j’ai vu des parallèles avec la vieille société tibétaine de ma jeunesse, théocratique et fondamentalement féodale. »

Après avoir lu des textes de base du marxisme et d’histoire, il est arrivé à la conclusion que puisqu’il avait fallu des révolutions pour chasser le féodalisme européen, il faudrait la même chose au Tibet.

Tsering a commenté la première arrivée des troupes chinoises, au début des années 1950. Elles ouvrirent de suite la première école primaire de Lhassa, et construisirent des routes et un hôpital. Il écrit : « C’était un changement positif de plus grande ampleur et dans un laps de temps moindre que ce que j’avais vu dans toute ma vie – davantage de changements, j’étais tenté de croire, que le Tibet n’en avait vus depuis des siècles. » Ce que comprenait Tsering, c’est qu’il avait fallu les Chinois pour apporter une révolution que les Tibétains n’auraient pas pu accomplir pour eux-mêmes.

Pourtant, le changement social était très circonscrit jusqu’en 1959. Mao avait donné pour instruction aux militants du PCC de ralentir les changements auxquels Tsering fait référence. Pourquoi ? La réponse tient entièrement à la base nationaliste de la bureaucratie stalinienne, et à sa nature contradictoire. Le PCC avait décidé que l’APL devait intervenir de façon décisive en Corée du Nord parce que la Chine était directement menacée par l’avancée des troupes impérialistes à sa frontière. Si l’Etat ouvrier disparaît, le parasite n’a plus de quoi se nourrir – il n’y a pas de base matérielle aux privilèges de la bureaucratie. En même temps, le PCC avait choisi la « coexistence pacifique » avec le Tibet féodal, où la lamacratie n’était pas considérée comme une menace pour la position privilégiée de la bureaucratie au sommet de l’Etat ouvrier déformé. Les paysans, les serfs et les bergers opprimés n’étaient pas sa préoccupation principale – tant qu’il n’y avait pas de menace militaire.

L’« Accord en dix-sept points » s’appliquait uniquement dans le centre du Tibet, et non dans les autres régions où résidait la population tibétaine, relativement peu nombreuse (environ 1,3 million de Tibétains à l’époque). Les deux autres régions étaient le Kham, à l’est, qui englobait l’ouest du Sichuan et l’extrémité nord-ouest de la province de Yunnan, et l’Amdo, qui englobait une grande partie de la province du Qinghai et un morceau de celle du Gansu, au nord-est du Tibet central.

La politique économique des trois premières années de la Chine de Mao avait pour but le redressement, la remise en état de la production. L’intervention américaine en Corée avait montré la nécessité d’une économie chinoise basée sur l’industrie lourde, qui puisse au plus vite subvenir aux besoins d’une armée moderne. Le premier plan quinquennal basé sur la propriété collectivisée ne fut lancé qu’en 1953. Des problèmes apparurent bientôt après, parce que la Chine était tout simplement trop pauvre pour appliquer le modèle soviétique de rapide croissance économique. La production de céréales par habitant de la Chine en 1952 était moins de la moitié de celle de l’Union soviétique de 1928.

La résistance parmi les forces tibétaines réactionnaires débuta dans la région du Kham en 1956. Ceci coïncidait avec de graves problèmes économiques dans toute la Chine, qui amenèrent à un passage rapide de la collectivisation volontaire à la collectivisation forcée dans les campagnes. En un an seulement, presque la totalité de la paysannerie fut organisée dans des collectifs. Cette collectivisation ne fit pas très bon ménage avec ce qui restait de la noblesse féodale tibétaine dans le Kham.

Washington complotait bien avant le soulèvement contre-révolutionnaire qui débuta le 10 mars 1959. Peu de gens avaient cru les Chinois quand ils affirmaient que les Etats-Unis et le GMD armaient les rebelles du Kham depuis 1956. Mais un article publié le 25 mars 1959 dans le Washington Post, et intitulé « Agitation au Tibet », affirmait : « On dit que des guérilleros ont été abondamment approvisionnés en armes légères et en munitions par une mystérieuse agence. » Un officier de l’US Air Force faisait remarquer que des preuves matérielles n’étaient pas toujours nécessaires : « Si on fait disparaître le dalaï-lama du Tibet au nez et à la barbe d’une armée de conquérants chinois à la supériorité écrasante, les Chinois vont-ils penser qu’il a trouvé le soutien des cieux ? »

Et les serfs, les paysans et les bergers ? Les coutumes politiques, sociales et religieuses du Tibet étaient demeurées largement ce qu’elles étaient avant l’arrivée de l’APL. La masse des Tibétains étaient attachés au statu quo, et n’avaient pas la moindre idée qu’il existait d’autres façons de vivre. Embrouillés par les nouvelles façons de faire du PCC, qui prônait la libération des serfs de leurs maîtres féodaux tout en nouant des alliances avec ces mêmes maîtres, ils ne rejoignirent pas en masse leurs libérateurs. Il est évident que la politique de conciliation de la lamacratie menée par le PCC dans le Tibet central démobilisait les classes opprimées.

Il fallut à l’APL seulement une vingtaine d’heures pour écraser, en 1959, le soulèvement de la lamacratie pro-esclavage soutenu par les Etats-Unis. Après cette victoire, le gouvernement chinois abolit l’ulag (le travail forcé imposé aux paysans) et mit fin à la flagellation, aux mutilations et aux amputations qui faisaient partie des peines infligées aux criminels. Les terres, les troupeaux et les outils des aristocrates qui avaient fui et s’étaient exilés furent distribués aux paysans, ainsi que les terres et les autres possessions des monastères qui avaient participé au soulèvement. L’Etat ouvrier déformé chinois instaura une éducation laïque et amena eau courante et électricité à Lhassa. Conséquence de l’arrivée au Tibet des acquis sociaux de la Révolution chinoise, les conditions de vie connurent une formidable amélioration. La mortalité infantile, qui en 1950 atteignait le taux hallucinant de 43 %, diminua de façon spectaculaire pour arriver à 0,661 % en 2000. Le taux d’alphabétisation augmenta considérablement, même s’il continue à être le plus bas parmi toutes les provinces chinoises.

De Mao à Deng

En 1966, Mao lançait la « grande révolution culturelle prolétarienne » pour reconquérir l’autorité qu’il avait perdue après le désastre économique connu sous le nom de « grand bond en avant » (1958-1960). Ce dernier avait paralysé la production industrielle et agricole, conduisant à une famine dévastatrice dans toute la Chine. Au lieu du communisme résultant de la division internationale du travail de plusieurs Etats ouvriers avancés et de l’élimination de la pénurie, le « communisme » chinois façon Mao était censé être amené par le travail primitif de millions de paysans – le partage égal de la pauvreté. Mao refusa d’admettre que le « grand bond » était un désastre. La révolution culturelle était un affrontement entre deux ailes de la bureaucratie stalinienne – Mao contre Liu et Deng – dont aucune ne méritait le moindre soutien politique de la part des trotskystes.

Mao développa pour la révolution culturelle une version particulièrement ubuesque du double langage stalinien. Le « capitalisme » ne signifiait plus une forme particulière des rapports de propriété. Les adversaires de Mao au sein de la bureaucratie étaient qualifiés de « partisans de la voie capitaliste » dans une « lutte de classes ». Les étudiants étaient salués comme des « révolutionnaires prolétariens » alors même qu’ils étaient cyniquement mobilisés pour briser des grèves ouvrières. De façon particulièrement significative, l’Union soviétique devenait le « social-impérialisme soviétique », censé être encore plus réactionnaire que l’impérialisme américain. Ceci était destiné à justifier l’alliance antisoviétique de la Chine avec l’impérialisme américain au plus fort de la sale guerre que celui-ci était en train de perdre contre la Révolution vietnamienne.

La tâche prioritaire énoncée dans une décision du comité central du PCC en 1966 sur la révolution culturelle était l’élimination « des vieilles idées, de la vieille culture, des vieilles coutumes, et des vieilles habitudes des classes exploiteuses » appelées également « les quatre vieilles ». Cette campagne provoqua le chaos, avec d’immenses dégâts humains et économiques dans toute la Chine. Elle était anti-culture, contre l’art et la musique occidentaux, et contre les cultures des Chinois han et de toutes les minorités nationales. Aujourd’hui encore, ici aux Etats-Unis, le groupe connu sous le nom de Revolutionary Communist Party (RCP) salue la démentielle révolution culturelle maoïste comme un exploit comparable à la Révolution russe !

Les partisans du dalaï-lama et les impérialistes ont largement accrédité une vision déformée de la réalité : pendant la révolution culturelle, Mao aurait mobilisé les étudiants han pour écraser et détruire une partie de ce qui constituait le noyau de la culture tibétaine. Mais ce furent principalement des jeunes Tibétains qui détruisirent de nombreux palais et reliques bouddhistes. Dans son intéressant article « Réflexions sur le Tibet », publié dans la New Left Review (mars-avril 2002), Wang Lixiong écrit :

« Noter que ce furent en grande partie les Tibétains eux-mêmes qui détruisirent les monastères et les temples ne signifie pas absoudre les Hans ; mais cela pose des questions plus larges, au-delà du problème des responsabilités. Pourquoi les Tibétains, qui pendant des siècles avaient placé la religion au centre de leur vie, ont-il brisé de leurs propres mains les statues bouddhistes ? […] Ces actes sont assurément la preuve qu’une fois qu’ils eurent réalisé qu’ils pouvaient maîtriser leur propre destin, les paysans tibétains, dans un geste incontestablement libérateur, ont écarté le spectre de l’au-delà qui planait sur eux depuis si longtemps, et affirmé avec force qu’ils préféraient être des hommes dans cette vie-ci que des âmes dans la prochaine. »

Je ne suis pas d’accord avec Wang quand il argumente que l’impulsion sous-jacente dans les attaques contre les reliques bouddhistes venait « simplement de ce que Mao, dans leur esprit, avait remplacé le dalaï-lama comme dieu ». Du fait du taux encore élevé d’analphabétisme, et du culte de Mao pendant la révolution culturelle, certains Tibétains considéraient sans doute Mao comme un dieu qui les avait libérés de l’enfer du régime du dalaï-lama. Mais ce qui était derrière leurs actes, c’est qu’ils pensaient qu’ils aidaient la révolution. Tsering, à propos de sa participation active à la révolution culturelle, écrit : « Mais précisément parce que c’était tellement impensable, c’était aussi passionnant. Les étudiants comme moi étaient à l’avant-garde de la continuation de la révolution en Chine ! »

En 1978, deux ans après la mort de Mao et la purge de la « bande des quatre », de farouches inconditionnels de Mao, Deng prenait la direction du PCC et dénonçait la révolution culturelle. Malgré les affirmations de certains universitaires et organisations de gauche qui vilipendent Deng et présentent Mao comme une alternative révolutionnaire, Deng était à beaucoup d’égards le successeur logique de Mao. L’objectif des « réformes de marché » de Deng, qu’il appelait « socialisme avec des caractéristiques chinoises », était le même que celui de Mao : faire de la Chine un Etat-nation moderne et une puissance mondiale. Les réformes orientées vers le marché étaient une tentative de remédier, dans le cadre du bonapartisme stalinien, à l’inefficacité de l’économie à planification bureaucratique commandiste.

A partir de 1980, le PCC a mis en avant une nouvelle politique qui accordait au Tibet une aide financière conséquente. Le niveau de vie augmenta de façon substantielle. Entre 1979 et 1994, le revenu moyen des fermiers et des bergers tibétains fut multiplié par six. La production agricole atteignit 460 % de son niveau de 1952. En même temps, Deng revenait à l’attitude conciliatrice initiale de Mao envers les lamas. En 1978, moins d’une semaine après sa prise du pouvoir, il faisait savoir qu’il souhaitait engager un dialogue avec le dalaï-lama. On accorda à nouveau au clergé un traitement de faveur. En 1994, le nombre de moines et de nonnes atteignait 46 000 (2 % de la population tibétaine). Partout, on construisait des temples. La population han du Tibet fut diminuée de 40 %.

Comme dans le reste de la Chine, de fortes oppositions aux problèmes créés par la politique des « réformes de marché » se manifestèrent. Les impérialistes américains payaient le dalaï-lama depuis le début des années 1950 ; ils allaient de nouveau jouer cette carte. Le 21 septembre 1987, le dalaï-lama montait à la tribune du Congrès américain. Six jours plus tard, Lhassa connaissait ses premières manifestations de rue depuis 1959. Dans de grands rassemblements, on réclamait l’indépendance et on brandissait le drapeau national interdit. Les 17 mois qui suivirent furent marqués par une vague d’agitation de plus en plus sanglante qui conduisit finalement, en mars 1989, à la proclamation de la loi martiale, laquelle resta en vigueur pendant 419 jours. C’était un mois seulement avant le début des manifestations de la place Tiananmen à Pékin contre la corruption et l’inflation galopante, manifestations qui conduisirent à un embryon de révolution politique prolétarienne, brutalement écrasé le 4 juin 1989.

Ayant été échaudés deux fois par la politique de conciliation avec un dalaï-lama soutenu par la CIA, les staliniens chinois durcirent à nouveau leur attitude après la contre-révolution dans l’ex-Union soviétique et en Europe de l’Est, au début des années 1990. Le Tibet a connu un développement notable, et est aujourd’hui la troisième de toutes les provinces chinoises en termes de salaire mensuel moyen. Mais l’emprise de la religion contribue à perpétuer l’arriération sociale. Par exemple, le taux d’illettrisme au Tibet est encore d’environ cinq fois la moyenne nationale.

Les puissances impérialistes espéraient profiter des Jeux olympiques de Pékin pour intensifier leur pression sur la Chine en soutenant le dalaï-lama. En moins de cinq semaines, à partir de septembre 2007, celui-ci avait rencontré la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin, le président américain Bush à Washington et le Premier ministre canadien Stephen Harper – une provocation qui préfigurait les émeutes au Tibet, similaires à celles de 1987. Quelques mois plus tard, pour le 49e anniversaire du soulèvement de 1959, des émeutes anti-chinoises déchaînées par des lamas bouddhistes à Lhassa fut suivie d’actions coordonnées dans les provinces du Gansu, du Qinghai et du Sichuan. C’étaient des provocations contre-révolutionnaires menées par le dalaï-lama et les impérialistes, et la LCI s’y est opposée.

La politique conciliatrice de la bureaucratie envers le dalaï-lama, d’une part, et la parodie de « lutte de classe », antiprolétarienne et anticulturelle de la révolution culturelle d’autre part, ont contribué à jeter les bases de cette révolte réactionnaire. Dans la Révolution trahie, Trotsky écrivait : « Si, du point de vue des formes socialistes de la société, la politique de la bureaucratie étonne par ses contradictions et ses discordances, elle apparaît comme fort conséquente du point de vue de l’affermissement des nouveaux dirigeants. »

Le fil conducteur, c’est que la politique de la bureaucratie baigne dans le nationalisme, la fausse idéologie d’une caste bonapartiste petite-bourgeoise qui vacille entre les pressions de l’impérialisme mondial et la crainte du prolétariat. Un exemple de déchaînement du bonapartisme du PCC a été l’annonce, en août 2007, qu’au Tibet la réincarnation est interdite sans l’autorisation du gouvernement. On pourrait qualifier cela d’athéisme bureaucratique.

La Chine et l’internationalisme révolutionnaire

Pour le prolétariat, il est vital de lutter contre le chauvinisme han de la bureaucratie stalinienne et de s’opposer à toutes les discriminations à l’encontre des Tibétains, des Ouigours musulmans du Xinjiang et de toutes les autres minorités nationales et ethniques. L’opposition de la bureaucratie à la révolution internationale, basée sur le programme nationaliste du « socialisme dans un seul pays » et son corollaire, la « coexistence pacifique », sape profondément la défense de l’Etat ouvrier déformé. Le sort du Tibet est lié au sort de la Révolution chinoise, qui à son tour dépend de la révolution internationale, en particulier dans les centres impérialistes.

Les grèves et les manifestations de masse, menées à intervalles réguliers par les ouvriers et les paysans chinois, mettent en évidence l’aggravation des contradictions en Chine. Il a été annoncé récemment que le droit de grève pourrait être rétabli officiellement, ce qui montre que la bureaucratie gouverne effectivement dans la peur du plus grand prolétariat industriel du monde. En Chine, nous sommes pour des syndicats libérés du contrôle de la bureaucratie et basés sur la défense de l’Etat ouvrier. La défense militaire inconditionnelle de la Chine contre la contre-révolution est, aussi, conforme aux intérêts vitaux de classe du prolétariat international, en premier lieu aux Etats-Unis. Comme James P. Cannon, le fondateur du trotskysme américain, nous l’a appris à propos de l’ex-Union soviétique, la meilleure et la seule chose qui, au bout du compte, pourra sauver la Chine, c’est la révolution internationale du prolétariat. Pour régénérer l’Etat ouvrier, nous sommes pour le renversement de la bureaucratie par une révolution politique.

Les opposants réformistes au marxisme révolutionnaire prêchent que le capitalisme peut être réformé, et que le socialisme est un rêve fumeux. C’est une manière de défendre le statu quo capitaliste. Il y a une quinzaine d’années, l’International Socialist Organization, Socialist Action et leurs semblables applaudissaient les contre-révolutions qui ont détruit l’Union soviétique et les Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est et d’Europe centrale, et qui ont apporté une misère inouïe, en particulier pour les femmes. Ils ont une part de responsabilité pour cette défaite historique d’importance mondiale. D’autres groupes, par exemple le Workers World Party (WWP), ont soutenu politiquement les bureaucraties staliniennes qui ont vendu les Etats ouvriers à l’impérialisme.

En juin 1989, le WWP a dénoncé la révolution politique embryonnaire de la place Tiananmen comme « contre-révolutionnaire », et a soutenu la répression sanglante. (Le Party for Socialism and Liberation, une scission du WWP, a la même position.) En mai de cette année-là, des cortèges ouvriers organisés avaient commencé à participer aux manifestations de Tiananmen, qui avaient débuté parmi la jeunesse étudiante. La menace d’une grève générale conduisit le PCC à proclamer la loi martiale, mais deux semaines durant elle ne fut pas appliquée par l’armée.

Tandis qu’à Pékin l’autorité du gouvernement s’évaporait, des groupes d’ouvriers commençaient à assumer la responsabilité de la sécurité publique en prenant en charge des services essentiels comme le transport de la nourriture et d’autres produits de première nécessité. Un groupe de généraux de l’APL envoyèrent une lettre de protestation à Deng Xiaoping. L’armée était en train de scissionner politiquement – non pas horizontalement, comme cela se produit dans une révolution sociale où les simples soldats s’opposent aux officiers, mais verticalement, et c’est un aspect du fait que la bureaucratie s’écroulait. D’autres soldats loyaux à Deng furent finalement transférés à Pékin et écrasèrent la rébellion. Le prolétariat chinois avait besoin d’une direction révolutionnaire qui aurait pu mener une action décisive à ce moment critique de l’histoire, mais il ne l’avait pas. La tâche d’un parti d’avant-garde est de se préparer pour de tels moments.

Les événements en Chine ont eu un impact direct sur le soulèvement de masse contre le régime bureaucratique en Allemagne de l’Est (RDA), qui débuta plus tard en 1989, et qui posait aussi à brûle-pourpoint la nécessité d’un parti léniniste pour diriger la lutte pour le pouvoir des conseils d’ouvriers et de soldats. La LCI, au cours de ce qui fut notre intervention la plus significative, s’est battue pour la réunification révolutionnaire de l’Allemagne, à savoir une révolution politique prolétarienne en RDA, combinée avec une révolution socialiste en Allemagne de l’Ouest. La puissance de notre programme trotskyste a été démontrée le 3 janvier 1990 à Berlin-Est, quand nos camarades ont pris la parole devant une manifestation qui réunissait un quart de million de personnes pour rendre hommage aux soldats de l’Armée rouge soviétique qui ont libéré la RDA des nazis. Nous avions été à l’initiative de l’appel à cette manifestation, auquel les staliniens au pouvoir se sont associés parce qu’ils avaient peur de l’écho que notre programme rencontrait parmi les ouvriers de Berlin-Est et se sont sentis obligés de mobiliser leur base. Finalement, les staliniens de Moscou et Berlin-Est ont livré la RDA aux impérialistes ouest-allemands. Comme nous l’écrivions dans notre revue Spartacist (édition française n° 27, été 1993) :

« Il y eut en fait un affrontement, marqué toutefois par la disproportion des forces, entre le programme de la révolution politique de la LCI et le programme stalinien de capitulation et de contre-révolution. »

Aujourd’hui, les mêmes groupes soi-disant de gauche qui ont soutenu les forces de la contre-révolution en URSS et en Europe de l’Est sont à la remorque du mouvement pour un Tibet indépendant, soutenu par la CIA. Ils sont en fait à droite du dalaï-lama, qui déclare être pour « l’autonomie culturelle » au sein de la Chine ! Tandis que le RCP américain affirme que la capitalisme a été restauré en Chine, l’ISO prétend que la Chine a toujours été capitaliste.

Le groupe appelé « Bolshevik Tendency » (BT), qui prétend occasionnellement défendre la Chine, argumente qu’« un gouvernement révolutionnaire en Chine indiquerait sa volonté de coexister avec la caste dirigeante traditionnelle au Tibet » aussi longtemps que celle-ci « conserve le soutien populaire » (1917, 2004). Mao avait essayé une politique conciliatrice similaire dans les années 1950, quand le dalaï-lama était au Tibet, et cette politique avait contribué à encourager le soulèvement contre-révolutionnaire de 1959. L’appel de la BT à la « coexistence » avec les lamas concorde avec les machinations des impérialistes et de leurs laquais sociaux-démocrates autour du « Tibet libre ». La BT, tout autant que les groupes qui dénoncent la Chine comme capitaliste, et à son propre niveau limité, aide la cause de la contre-révolution pro-impérialiste en Chine.

Sous Mao, le PCC, dans les années 1950, a dans les faits appliqué au Tibet la politique nationaliste dite « un pays, deux systèmes ». Aujourd’hui, il applique cette politique à Taïwan, particulièrement depuis la victoire électorale remportée en mars dernier par le Guomindang, le parti de la contre-révolution. La LCI lutte pour le programme de réunification révolutionnaire de Taïwan avec le continent – d’une part la révolution socialiste dans cette île, ainsi que l’expropriation des capitalistes de Hongkong et d’autre part la révolution politique prolétarienne sur le continent. Nous luttons pour de nouvelles révolutions d’Octobre dans le monde capitaliste.

De l’occupation impérialiste en Irak et en Afghanistan jusqu’à l’incarcération en masse des jeunes Noirs, de la crise alimentaire mondiale à la misère dans l’Amérique capitaliste et à la dégradation de l’environnement dans le monde entier, la seule manière de résoudre ces problèmes, et d’éliminer la pénurie qui condamne des centaines de millions de personnes à la faim et à une mort prématurée, c’est de débarrasser le monde du système capitaliste et d’instaurer une économie internationale planifiée basée sur la propriété collectivisée. La LCI lutte pour une perspective historique révolutionnaire : pour le communisme des bolchéviks de Lénine et Trotsky et pour reforger la Quatrième Internationale, parti de la révolution mondiale !

– Traduit de Workers Vanguard n° 923, 24 octobre

 

Le Bolchévik nº 186

Le Bolchévik nº 186

Décembre 2008

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1878: Friedrich Engels sur les crises capitalistes