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Le Bolchévik nº 179

Mars 2007

Consensus raciste Sarkozy-Bayrou-Royal contre les immigrés et les jeunes des banlieues

Elections 2007 : Aucun choix pour les travailleurs

Pour un parti ouvrier révolutionnaire d’avant-garde !

LO et LCR mobilisent pour « battre la droite » – et servent de rabatteurs pour le vote Royal

Nous publions ci-après la présentation, abrégée et revue pour publication, de notre camarade Alexis Henri lors du meeting de la Ligue trotskyste à Paris le 1er mars.

* * *

Au programme des élections 2007 se présente le « choix » entre Nicolas Sarkozy, le ministre des flics aux sept lois sécuritaires racistes et aux dizaines de milliers de déportations de sans-papiers, François Bayrou, auteur de la première circulaire raciste contre les femmes voilées dans les lycées (à l’époque, en 1994, il était ministre dans le gouvernement de droite de Balladur-Sarkozy), et Ségolène Royal, l’ex-ministre de la Famille qui veut militariser la jeunesse turbulente des banlieues (voir notre article dans le Bolchévik n° 178 sur l’« ordre juste » de Ségolène Royal). Qu’il s’agisse du « parti de l’ordre » ou du parti de l’« ordre juste », il s’agit toujours de l’ordre républicain, c’est-à-dire capitaliste et raciste. A ce petit jeu les gens préfèrent généralement l’original à la copie. Effectivement il y a une couche importante d’ouvriers arriérés qui envisagent sérieusement de voter pour le principal candidat de la bourgeoisie, Sarkozy, sur la base que, lui, a prouvé qu’il est déterminé à réprimer les jeunes, alors qu’avec Royal ce ne sont que des promesses.

Sarkozy, qui a été ministre de façon pratiquement continue pendant ces cinq dernières années, se présente comme l’homme de la « rupture ». C’est vrai en un certain sens. Le système politique français après la Deuxième Guerre mondiale était basé sur deux piliers : premièrement la collaboration de classes d’un parti communiste prosoviétique puissant, qui a sauvé l’ordre bourgeois en 1944 (il a pris part au gouvernement capitaliste avec les gaullistes et désarmé les ouvriers à un moment où la bourgeoisie française était totalement discréditée par sa collaboration avec les nazis), puis en Mai 68 (il a vendu la grève générale pour… 6 % d’augmentation de salaires et de nouvelles élections). Deuxièmement la possibilité pour l’impérialisme français, qui s’appuyait encore sur son ex-empire colonial, d’avoir une posture indépendante, de laquelle l’impérialisme américain s’accommodait sur la base qu’il était préférable que certains pays fassent des affaires et des discours avec de Gaulle ou Mitterrand plutôt que de se retrouver des satellites de Moscou.

Avec la destruction contre-révolutionnaire de l’URSS en 1991-1992 cette période est définitivement révolue : le PC n’est plus que l’ombre de ce qu’il était, et les rivalités interimpérialistes se sont considérablement aiguisées, obligeant chaque bourgeoisie nationale à attaquer encore plus les travailleurs pour augmenter le taux de profit et survivre dans un climat de concurrence exacerbée entre les trusts. Sarkozy va d’une part réduire les ambitions de la politique extérieure de l’impérialisme français pour la mettre plus en accord avec son rang de puissance de troisième ordre, et d’autre part il va falloir qu’il casse les reins de la classe ouvrière organisée. Il promet de s’en prendre dès son élection au bastion le plus fort de la classe ouvrière, les cheminots, qui avaient fait dérailler la chiraquie en 1986 puis en décembre 1995, il veut y interdire le droit de grève et faire avancer la privatisation de la SNCF ainsi que la destruction des régimes spéciaux de retraite, qui sont plus avantageux pour les travailleurs. Derrière, c’est toute la classe ouvrière qui est visée.

Royal, Buffet, Chevènement, ou comment faire un nouveau front populaire avec du vieux

Pourtant, il n’y a aucun choix pour les travailleurs dans ces élections. Il faut se défaire des illusions dans Royal colportées par la « gauche » et la « gauche de la gauche » sous couvert de « moindre mal » par rapport à Sarkozy. Royal ne représente pas les intérêts des travailleurs. Le bloc derrière Royal et Buffet constitue un « front populaire », c’est-à-dire un bloc politique, sur la base d’un programme de gestion du capitalisme, avec des partis bourgeois comme celui de Christiane Taubira, celui de Jean-Pierre Chevènement, etc. Selon des sources aussi diverses que le Figaro, l’Humanité (10 janvier) ou Rouge, le PCF a passé un accord avec le PS pour essayer de sauver son groupe parlementaire – et les financements publics qui vont avec, et sans lesquels l’appareil du PC s’effondrerait ; l’accord n’est pas officiel pour donner le change aux militants que Buffet ne veut pas rééditer l’expérience de 1997 et pour qu’ainsi elle puisse ratisser à gauche… pour le compte de Royal.

Royal et Buffet, tout comme leurs alliés bourgeois Chevènement et Voynet, ont été ministres de Jospin qui a renforcé Vigipirate, privatisé Air France et un grand nombre d’autres entreprises comme aucun gouvernement de droite auparavant, renforcé le flicage des organisations d’aide aux sans-papiers, participé aux bombardements de l’OTAN contre la Serbie en 1999, et fait passer après le 11 septembre 2001 la loi sur la sécurité quotidienne qui a servi de modèle à Sarkozy. Dans sa grande prestation télévisée du 19 février, Royal a promis non seulement un renforcement de la police de proximité pour mieux harceler au quotidien les jeunes des banlieues, et la militarisation de l’encadrement des jeunes, elle a de plus promis l’ouverture des commissariats de banlieue 24 heures sur 24 et la création de véritables prisons de proximité, qu’elle a appelées des « internats » où seraient enfermés les jeunes enlevés d’office à leurs parents soi-disant « défaillants ».

D’apporter le moindre soutien à Ségolène Royal en votant pour son programme au premier ou au deuxième tour est en contradiction avec les intérêts du prolétariat comme classe opposée à la bourgeoisie : c’est le prolétariat qui produit la plus-value dans les usines, sur laquelle repose le fonctionnement du système capitaliste – et de ce fait seul le prolétariat a la puissance sociale et l’intérêt historique pour renverser ce système. Nous avons toujours refusé de donner le moindre soutien, même férocement critique, à un parti ouvrier qui se trouve dans un front populaire, car il se présente alors dans une alliance bourgeoise, et de soutenir une composante de celle-ci c’est soutenir la bourgeoisie en effaçant la ligne de classe. Si le PC ou le PS, qui sont des partis ouvriers réformistes, se présentaient indépendamment de tout parti bourgeois, ce qui paraît difficile à imaginer en ce moment tant la collaboration de classes est une seconde nature pour eux, ils seraient du coup plus vulnérables à la pression de leur base. Encore aujourd’hui les militants du PC nous disent que les ministres PCF sous Jospin il y a dix ans, dont Buffet, avaient fait le maximum, mais qu’ils étaient limités par Chevènement, ou par les autres partis : l’alliance de front populaire sert ainsi aux partis ouvriers réformistes à cacher leur propre trahison.

LO et la LCR, tout en évitant de dire ouvertement pour qui ils voteront au deuxième tour des élections, disent pour la LCR qu’il faut « virer la droite en 2007 » (Rouge, 16 novembre 2006), et pour Lutte ouvrière, ils ont adopté à 97 % des voix lors de leur dernière conférence (voir Lutte de Classe, décembre 2006) un document disant notamment : « Il ne faudrait pas que l’électorat populaire puisse reprocher à notre campagne d’avoir fait perdre la gauche », et envisageant explicitement, entre autres possibilités, « que nous appellerons à voter pour lui (ou pour elle) » (le « candidat de gauche »). Ils peuvent faire toutes les dénégations qu’ils veulent, LO et LCR servent ainsi de rabatteurs pour le vote Royal, alors que le front populaire est le moyen principal de la collaboration de classes dans ce pays pour enchaîner les travailleurs au maintien du joug capitaliste. Et LO et LCR font disparaître le fait que Royal se présente sur la base que sa politique sécuritaire raciste est plus efficace que celle de Sarkozy. Jospin avait déjà joué de ce registre en 2002, et il avait ainsi offert à Le Pen une place au deuxième tour des présidentielles.

Que les partis ouvriers réformistes, comme le PS et le PCF, cherchent à faire des alliances avec des partis bourgeois, cela découle de leur perspective de gérer le capitalisme. Mais il est impossible de gérer le capitalisme pour le compte des travailleurs ; les travailleurs en ont fait l’amère expérience sous Mitterrand et Jospin. Pour satisfaire les besoins vitaux de la classe ouvrière, il faut en réalité une révolution ouvrière où sera détruit l’Etat capitaliste et instauré le pouvoir des travailleurs, la « dictature du prolétariat » contre la résistance de la bourgeoisie. La clé pour la victoire, c’est la construction d’un parti bolchévique, comme celui de Lénine qui en 1917 avait permis aux ouvriers russes de prendre le pouvoir : un parti indépendant de toutes les ailes de la bourgeoisie, dédié à renverser le capitalisme et non à mieux l’administrer. C’est à cette tâche que nous nous attelons.

Les marxistes et les élections

Marx décrivait ainsi les élections parlementaires capitalistes dans ses écrits sur la Commune de Paris de 1871 : « décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait “représenter” et fouler aux pieds le peuple au Parlement » (la Guerre civile en France). Lénine écrivait dans son ouvrage fondamental la Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky :

« Prenez le parlement bourgeois. Peut-on admettre que le savant Kautsky n’ait jamais ouï dire que plus la démocratie est puissamment développée, et plus la Bourse et les banquiers se soumettent les parlements bourgeois ? Il ne suit point de là qu’il ne faille pas utiliser le parlementarisme bourgeois (et les bolchéviks l’ont utilisé probablement mieux qu’aucun autre parti du monde, puisque de 1912 à 1914 nous avions conquis toute la curie ouvrière dans la IVe Douma). Mais il s’ensuit que seul un libéral est capable d’oublier, comme le fait Kautsky, le caractère limité et relatif, au point de vue historique, du parlementarisme bourgeois. Dans l’Etat bourgeois le plus démocratique, les masses opprimées se heurtent constamment à la contradiction criante entre l’égalité nominale proclamée par la “démocratie” des capitalistes, et les milliers de restrictions et de subterfuges réels, qui font des prolétaires des esclaves salariés. Cette contradiction précisément ouvre les yeux des masses sur la pourriture, la fausseté, l’hypocrisie du capitalisme. C’est précisément cette contradiction que les agitateurs et les propagandistes du socialisme dénoncent sans cesse devant les masses, afin de les préparer à la révolution. »

Et Lénine continue d’enfoncer le clou un peu plus loin :

« Mille barrières s’opposent à la participation des masses travailleuses au parlement bourgeois (lequel, dans une démocratie bourgeoise, ne résout jamais les questions majeures ; celles-ci sont tranchées par la Bourse, par les banques). »

Les formes démocratiques de gouvernement servent de façon particulièrement efficace à masquer la nature de l’Etat comme dictature de la bourgeoisie sur les masses exploitées et opprimées, et ceci est particulièrement vrai dans les sociétés capitalistes les plus avancées, les plus « démocratiques », comme en France où les traditions parlementaires ont pour raison d’être de donner un vernis démocratique aux décisions prises, comme le soulignait Lénine, à la Bourse et dans les salons et dîners de la haute bourgeoisie.

Pourtant, nous avons présenté dans le passé un candidat aux élections législatives ; en 1988 nous avions présenté un ouvrier de Renault-Cléon contre Laurent Fabius. Les communistes cherchent à avoir des députés au Parlement pour s’en servir comme tribune en opposition révolutionnaire au capitalisme, son Etat, son gouvernement, ses partis et ses laquais sociaux-démocrates.

Mais c’est différent des élections présidentielles où on se présente pour devenir le chef de l’impérialisme français. Le président de la République est le chef des armées et, notamment en France, il a des pouvoirs exorbitants, comme de déclarer la loi martiale, dissoudre le Parlement, etc. Le poste de président de la République, et de même celui de maire, ne sont pas des postes parlementaires qu’on peut utiliser comme tribune pour s’opposer au système. Ce sont des postes exécutifs de l’Etat bourgeois ; le maire, le président, exécutent les décisions prises par la bourgeoisie.

L’Etat bourgeois : des détachements spéciaux d’hommes armés pour maintenir l’ordre capitaliste

Au fond l’Etat se ramène à des détachements spéciaux d’hommes armés, tels que les flics, les matons, l’armée elle-même, qui ont le monopole de la violence légale. Ils sont là pour maintenir la domination de la classe capitaliste sur la classe ouvrière et les opprimés. Cela veut dire mater les grèves comme lorsque les CRS dispersent un piquet de grève, « restaurer l’ordre » contre des rébellions spontanées comme celle des jeunes de banlieue en octobre-novembre 2005, mater les rébellions en Centrafrique ou au Tchad menaçant le dictateur local à la solde de l’impérialisme français, etc. Nous luttons pour le retrait des troupes françaises de toute l’Afrique, mais aussi du Liban, d’Afghanistan et des Balkans.

La police, les matons, le corps des officiers, sont des forces volontaires. Elles s’enrôlent pour faire la répression, et donc elles sont profondément dédiées à la défense de leur ordre bourgeois. On ne peut pas les coopter pour qu’elles servent la classe ouvrière dans une révolution socialiste. Nous sommes contre la présence des flics dans les syndicats, car les syndicats sont des organisations ouvrières, malgré leur direction procapitaliste. La Révolution bolchévique a détruit les bandes d’hommes armés de la bourgeoisie, et a assis le pouvoir ouvrier sur la base de nouvelles bandes armées, les milices ouvrières dans les usines obéissant aux soviets, et l’Armée rouge qu’a construite Trotsky en 1918.

Sous le capitalisme, le pouvoir exécutif, comme celui du président de la République, signifie assumer la responsabilité de commander ces bandes armées pour le compte de la bourgeoisie. Et pour le maire c’est la même chose au niveau municipal ; il a les pouvoirs de police, sous l’autorité du préfet. Lénine, en rétablissant les leçons tirées par Marx et Engels des révolutions de 1848 et surtout de la Commune de Paris, a expliqué comment l’Etat bourgeois ne peut pas être utilisé par la classe ouvrière, mais qu’il doit être détruit et remplacé par un pouvoir prolétarien, des conseils ouvriers basés sur le prolétariat en armes. En d’autres termes on ne peut pas devenir maire ou président et utiliser ce poste pour le compte des opprimés : soit on devient l’otage de ce poste en faisant le sale travail de la bourgeoisie, soit on est viré sans délai par la bourgeoisie.

Comme nous refusons d’administrer l’Etat bourgeois, nous avons toujours refusé d’assumer des postes exécutifs, que ce soit le poste de président de la République ou celui de maire ; il en découle que nous ne nous présentons pas à l’élection à de tels postes. Nous avons formellement adopté cette dernière position lors d’une conférence internationale que nous avons tenue récemment.

C’est nouveau dans la mesure où les trotskystes, y compris du temps de Trotsky et de Cannon, son collaborateur aux USA qui a dirigé le parti trotskyste américain jusque dans les années 1950, n’avaient pas de problème pour se présenter à de telles élections. C’est là la position que nous exprimions encore dans notre revue Spartacist en 2004, tout en soulignant alors que « nos candidats expliquent par avance qu’ils n’ont aucune intention d’occuper ces postes s’ils sont élus et qu’ils expliquent clairement qu’il faut former un gouvernement ouvrier pour exproprier les capitalistes et balayer leur appareil d’oppression de classe ».

Cependant, en réexaminant cette question nous avons réévalué notre position. Comme le dit notre récent document de conférence, « le problème qu’il y a à se présenter à des postes exécutifs est que cela prête une légitimité aux conceptions réformistes dominantes de l’Etat ». Notre raison d’être est d’amener les travailleurs à la compréhension que dans toute révolution socialiste l’Etat bourgeois doit être détruit et remplacé par la dictature du prolétariat. Lénine a enseigné cela, et toute l’histoire l’a montré. De se présenter à des élections pour des postes exécutifs représente donc un obstacle à notre but stratégique.

Comme nos opposants réformistes cherchent seulement, comme leurs ancêtres dans la Deuxième Internationale il y a un siècle, à réformer le capitalisme et non à diriger une révolution socialiste, ils n’ont aucun état d’âme à se faire financer par l’Etat capitaliste au titre du financement public des partis politiques. LO et LCR se servent à la mangeoire mise à disposition par le gouvernement ; encore le 25 janvier de cette année le Journal officiel de la République française annonçait un financement public pour l’année 2005 de près de 500 000 euros pour LO, soit plus du cinquième de ses revenus totaux. LO a ainsi pu se payer récemment une campagne publicitaire d’affiches pour environ un million d’euros, soit plus que l’ensemble des cotisations payées annuellement par leurs membres, et ils se sont vantés que non seulement la dépense était couverte par des fonds de l’Etat bourgeois, mais que de plus cela ne coûtait pas tellement cher « aux contribuables » (Lutte Ouvrière, 15 décembre 2006). Et c’est la même chose pour la LCR qui a touché pour 2005 un peu plus de 500 000 euros. Comme le dit le dicton, qui paie les violons choisit la musique.

Et la LCR, et ses organisations sœurs internationalement, n’ont même aucun problème à se porter volontaires pour assumer directement la gestion de l’Etat bourgeois. Déjà en novembre 1990, Hanspeter Uster, un dirigeant de la section sœur de la LCR en Suisse, s’était fait élire ministre de la Justice et de la Police dans le canton de Zoug. Puis Miguel Rossetto, un camarade de la LCR au Brésil, est entré dans le gouvernement capitaliste de Lula il y a cinq ans. Aujourd’hui Besancenot est tout à fait prêt à participer à un gouvernement à condition qu’il soit « anticapitaliste ». La LCR déclare dans son manifeste spécial pour les élections : « La LCR prendra ses responsabilités dans un tel gouvernement. » Mais, comme ils pensent que la révolution prolétarienne c’est aujourd’hui utopique et dépassé, bon pour des « gauchistes » comme nous, et qu’ils ont même officiellement renoncé en 2003 à la dictature du prolétariat, leur gouvernement n’a d’« anticapitaliste » que le nom. Besancenot lutte pour une « révolution démocratique », la « rupture sociale et démocratique », c’est-à-dire donner à la social-démocratie un coup de peinture. Mitterrand utilisait un verbiage similaire avant 1981 quand il parlait de la « rupture avec le capitalisme » – avant d’être élu pour diriger l’impérialisme français et renforcer l’austérité capitaliste contre les travailleurs et envoyer 25 000 soldats français participer à la guerre contre l’Irak en 1991.

Tout comme la LCR, Lutte ouvrière a aussi officiellement renoncé à la dictature du prolétariat en 2003. Lors de leur congrès cette année-là, ils ont adopté à l’unanimité la formule de la « dictature démocratique du prolétariat » (Lutte de classe, décembre 2003-janvier 2004). Il suffit d’allumer la télévision ces jours-ci pour voir Laguiller ou Besancenot répondre aux questions sur ce qu’ils vont faire quand ils seront élus présidents – interdire les licenciements, construire des écoles, des logements, prendre sur les profits des capitalistes, leurs « réformes radicales » comme les appelle le manifeste de la LCR. Leur campagne ne fait qu’alimenter l’illusion que l’on peut gérer le capitalisme dans l’intérêt des travailleurs, pourvu que la bonne personne soit élue à l’exécutif.

Nous refusons de nous présenter aux élections présidentielles, mais cela ne veut pas dire que nous soyons indifférents à de telles élections et aux droits démocratiques qui leur sont associés. Des militants originaires du tiers-monde, où le droit de vote est souvent foulé aux pieds, nous exhortent parfois à faire usage de ce droit de peur qu’on nous le reprenne. Au Mexique, où le gouvernement de droite avait voulu empêcher le populiste bourgeois López Obrador de se présenter en lui retirant son immunité pour le rendre inéligible, nous nous sommes opposés à cette mesure, avons défendu le droit du peuple mexicain de voter pour lui, tout en argumentant contre tout vote pour ce bourgeois « de gauche ».

Nous ne rejetons pas non plus par principe l’idée d’accorder un soutien critique, y compris lors d’élections présidentielles, à une autre organisation ouvrière dans des circonstances appropriées, quand elle trace en gros une ligne de classe, c’est-à-dire l’indépendance de la classe ouvrière par rapport à la bourgeoisie. Cependant, dans le cas particulier des élections de cette année, il n’y a personne à qui nous puissions accorder un soutien critique.

La LCR est complètement front-populiste elle-même : elle trempe dans toutes sortes de blocs politiques avec des éléments bourgeois, comme les forums sociaux payés par Chirac, le gouvernement capitaliste brésilien ou des « ONG » comme la Fondation Ford liée à la CIA. Le manifeste de la LCR glorifie ces forums sociaux : « les résistances aux contre-réformes libérales et les mouvements altermondialistes ont jeté les bases d’un nouvel internationalisme ». En effet : il ne s’agit plus de l’internationalisme prolétarien.

Ni la LCR ni LO ne se présentent comme une alternative de classe au front populaire, mais plutôt comme un vote pour faire pression sur le front populaire et le pousser un tout petit peu à gauche. Ainsi, Laguiller déclarait (Lutte Ouvrière, 9 février) :

« Alors il faut qu’en avril prochain, au premier tour de l’élection présidentielle, les travailleurs rejettent cette droite qui mène une politique ouvertement au service des plus riches, mais en même temps qu’ils affirment qu’ils ne font pas confiance à Ségolène Royal pour mener une autre politique, et [c’est moi qui souligne] qu’elle devra tenir compte du mécontentement accumulé depuis des années au sein des classes populaires. »

La gauche et les banlieues

Dans la campagne électorale le PCF parle un peu du racisme contre les jeunes de banlieue. Il dispose en effet encore d’une implantation dans de nombreuses cités, qu’il gère ou aspire à gérer au niveau municipal. Il espère capter une partie des voix populaires issues de l’immigration, et des jeunes qui se sont inscrits sur les listes électorales l’année dernière, poussés par la peur d’une victoire de Sarkozy. Pourtant c’est la nature même du municipalisme de devoir gérer la pénurie capitaliste qui, inévitablement, y compris dans les mairies PC, sécrète la discrimination raciste, les opérations de « nettoyage » contre les campements de Roms, la gestion raciste des listes d’attribution de HLM au nom de la « mixité sociale », etc.

Et lors de la révolte des banlieues à l’automne 2005 le PCF a appelé au rétablissement de l’ordre en reprochant à Sarkozy d’être incapable de maintenir l’ordre social et au contraire d’attiser les troubles par ses déclarations incendiaires. Pourtant à ce moment-là la LCR passait le plus clair de son temps à la traîne du PCF, cherchant à consolider un bloc « antilibéral » de front populaire pour les élections de 2007.

La solidarité de Besancenot avec les jeunes des banlieues a ses limites. Devant des millions de téléspectateurs le 8 février dans l’émission « A vous de juger », Besancenot a répondu « pourquoi pas » à la question s’il était pour la « police de proximité ». Sa seule objection portait sur les tasers, ces pistolets à décharge électrique américains qui ont fait des centaines de morts aux USA. Besancenot vient de signer le « contrat social et citoyen » basé sur les cahiers de doléances de l’association ACLEFEU à Clichy-sous-Bois. Ce cahier dit que « la police devrait être exemplaire », et il demande une police de proximité, que la police devienne plus représentative de la « diversité française », etc. etc.

Dans le manifeste de 32 pages de la LCR (adopté « à la quasi-unanimité ») les banlieues ne figurent qu’à un endroit, et voici ce qu’ils en disent :

« A la montée des violences dans certains quartiers laissés à l’abandon, qui frappent les plus pauvres, et à celle de l’insécurité sociale, on prétend répondre par plus de répression, ce qui n’a jamais résolu les problèmes ou même conduit à améliorer la situation. »

C’est formulé de façon à laisser ouvert qui est responsable de la « montée des violences » : Sarkozy dit que c’est les jeunes qui agressent les Français pauvres, nous disons que c’est le capitalisme raciste, avec son cortège de misère, de chômage et de discrimination, et l’Etat bourgeois avec son harcèlement quotidien, ses courses poursuites contre les jeunes, qui sont la source principale de la violence.

Lutte ouvrière ne dit pas grand-chose en ce moment sur la question. Ils attaquent Royal sur le niveau du SMIC ou redoutent qu’elle ne tienne pas ses promesses. Nous pensons au contraire que Royal, si elle est élue, mettra en œuvre ses propositions sécuritaires. Fondamentalement LO partage la vision de Royal et ACLEFEU pour traiter le « problème » des jeunes de banlieue : tenir les deux bouts de la répression et de la prévention, avec la police de proximité d’un côté, et un renforcement dans l’éducation de l’autre (voir notre article paru dans le Bolchévik de juin 2006).

C’est ainsi que LO collabore avec sa propre bourgeoisie, même si, contrairement à la LCR, Lutte ouvrière s’abstient généralement de chercher des blocs électoraux avec des partenaires petits-bourgeois ; c’est aussi pourquoi, pendant la révolte des banlieues, LO avait signé un appel diffusé par la Ligue des droits de l’homme pour le rétablissement de l’ordre, avant de se rétracter mollement en disant que cette signature était « une ânerie bien sûr, mais mineure ». Cette trahison se plaçait dans la droite ligne de leur participation au premier rang dans les exclusions de jeunes femmes voilées des écoles, qui ont débouché sur la loi raciste de Chirac-Ferry contre le foulard islamique.

L’« Etat-providence » et l’Union soviétique

Besancenot dit qu’« il suffit de faire exactement ce qu’a fait le patronat depuis plus de 30 ans… mais à l’envers » (Rouge, 15 février). Sauf qu’on ne peut revenir comme ça 30 ans en arrière ; à l’époque l’Union soviétique existait, et beaucoup de travailleurs avancés voyaient en elle la preuve qu’il est possible d’instaurer une société où la classe capitaliste est expropriée. C’est la peur de l’Union soviétique, qui avait des chars à 500 kilomètres de Strasbourg et un fort parti communiste dans les banlieues et les usines de France, qui explique en partie les concessions que la bourgeoisie accordait face aux luttes des travailleurs. Elle était prête à supporter un taux de profit plus bas de peur de tout perdre. C’était cela la base de l’« Etat-providence ».

Les réformistes sont nostalgiques de l’Etat-providence ; l’Etat-providence, ou le rétablissement de celui-ci, constitue tout leur horizon politique ; pourtant ils se sont réjouis il y a 15 ans de la destruction de l’URSS sur laquelle reposait indirectement l’Etat-providence. La LCR elle-même a directement soutenu les forces de la contre-révolution capitaliste en Pologne, en Union soviétique ; aujourd’hui ils veulent revenir 30 ans en arrière, mais cela veut dire sauter par-dessus leur propre participation à la guerre froide contre l’URSS des années 1980. Leur anticommunisme s’exprime partout dans leur manifeste :

« Après les désillusions du XXe siècle, après l’effondrement des caricatures de socialisme qu’ont été les dictatures staliniennes, nous devons remettre l’avenir sur le métier. Des expériences négatives d’hier, nous avons des leçons à tirer. Mais, ayant appris ce qu’il ne faut pas faire, nous avons aussi gagné le droit d’inventer l’avenir que nous voulons et de commencer à le construire. »

Ils font disparaître tout simplement la Révolution russe en faisant un amalgame implicite entre Octobre 1917 et sa dégénérescence stalinienne. Si une caste bureaucratique représentée par Staline a usurpé le pouvoir politique en URSS à partir de 1924 ce n’était pas le résultat d’un défaut inhérent au bolchévisme. C’est au contraire du fait de l’échec de la révolution allemande en 1923 et de l’isolement du pouvoir ouvrier dans un pays où prédominait numériquement une paysannerie arriérée, et qui était encerclé par des puissances capitalistes hostiles, que s’est consolidée la bureaucratie parasitaire. Staline a donné à celle-ci un programme avec le « socialisme dans un seul pays » et la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme. Le résultat en a été la trahison des révolutions ailleurs, et en dernier ressort la restauration du capitalisme par Eltsine en Russie en 1991-1992.

A l’opposé des LO-LCR, notre programme pour une révolution socialiste dans les pays capitalistes va de pair avec notre défense de l’Etat ouvrier basé sur la liquidation du système capitaliste de production pour le profit, quelles que soient les déformations de cet Etat et quelle que soit la politique de la bureaucratie stalinienne traître. Nous avons défendu l’Union soviétique jusqu’au bout. En RDA en 1989, quand la bureaucratie s’est désintégrée, nous avons jeté toutes nos forces pour une révolution politique prolétarienne en RDA, pour une Allemagne rouge des conseils ouvriers, et contre une réunification capitaliste de l’Allemagne. Le 3 janvier 1990, 250 000 personnes ont pris part à une manifestation, dont nous avions été à l’initiative, contre la profanation du monument à l’Armée rouge dans le parc de Treptow à Berlin-Est. Nous avons perdu une bataille en Europe de l’Est, mais nous continuons aujourd’hui à être pour la défense militaire inconditionnelle des Etats ouvriers déformés restants, en Chine, en Corée du Nord, au Vietnam et à Cuba, contre l’impérialisme et la contre-révolution. C’est dans ce cadre que s’inscrit notre lutte pour une révolution politique prolétarienne dans ces pays pour chasser la bureaucratie stalinienne et la remplacer par un régime basé sur la démocratie ouvrière et l’internationalisme révolutionnaire.

Pour revenir à la France, Besancenot veut donc revenir en arrière de 30 ans, et comme il dit lui-même à la moindre occasion ce n’est pas la révolution que de demander cela. Il y a 30 ans Chirac se faisait élire maire de Paris, le premier depuis la Commune de 1871, et le Premier ministre Raymond Barre décrétait officiellement l’austérité. Il faut être profondément démoralisé et imbibé de l’esprit de la « mort du communisme » pour vouloir en revenir là. Et Laguiller dit presque mot pour mot la même chose que Besancenot :

« Ce ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là. Ce ne sont que les mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent leurs conditions d’existence d’il y a trente ans, qui étaient pourtant, déjà, difficiles pour le monde du travail. »

– Discours tenu au Mans le 23 février

Le réformisme de la LCR et LO

Besancenot ne cesse de répéter qu’il faut s’attaquer à la question du partage des richesses. Mais le problème de l’humanité n’est pas que les capitalistes se déplacent en Mercedes ou en jet privé : c’est qu’ils possèdent les moyens de production, c’est-à-dire les usines, les machines, les moyens de transport, etc., et que leur objectif n’est pas de les mettre en œuvre pour satisfaire les besoins, mais pour maximiser leurs profits. C’est ce système de production pour le profit qui est la cause des crises économiques, de l’oppression et des guerres. La bourgeoisie et les travailleurs ont des intérêts fondamentalement opposés et antagoniques. Le capitalisme est basé sur l’exploitation des travailleurs par les capitalistes. Il est impossible de le faire fonctionner dans l’intérêt des travailleurs : il n’est pas réformable.

Bien sûr les ouvriers ne sont pas prêts immédiatement à accomplir leur tâche historique de renverser le capitalisme. La contre-révolution capitaliste en URSS est loin d’ouvrir de nouvelles perspectives comme le proclamaient nos opposants réformistes sur la base que le stalinisme était enfin abattu ; elle a au contraire provoqué une grande démoralisation politique parmi les travailleurs les plus avancés. La bourgeoisie fait une lancinante campagne triomphaliste sur la « mort du communisme » ; si elle insiste tant dessus, c’est qu’elle sait bien que le communisme reste à l’ordre du jour, et qu’elle doit sans cesse convaincre les ouvriers que l’horizon du capitalisme est indépassable. Trotsky écrivait dans le Programme de transition en 1938 :

« La tâche stratégique de la IVe Internationale ne consiste pas à réformer le capitalisme, mais à le renverser. Son but politique est la conquête du pouvoir par le prolétariat pour réaliser l’expropriation de la bourgeoisie. Cependant, l’accomplissement de cette tâche stratégique est inconcevable sans l’attitude la plus attentive envers toutes les questions de tactique, même petites et partielles. […]

« La IVe Internationale ne repousse pas les revendications du vieux programme “minimum”, dans la mesure où elles ont conservé quelque force de vie. Elle défend inlassablement les droits démocratiques des ouvriers et leurs conquêtes sociales. Mais elle mène ce travail de tous les jours dans le cadre d’une perspective correcte, réelle, c’est-à-dire révolutionnaire. »

Dans ce cadre Trotsky avait développé toute une série de revendications, un « programme de transition » consistant en une mobilisation systématique des masses pour la révolution prolétarienne. Ce que font les réformistes comme LO ou la LCR, c’est de dénaturer totalement le programme de transition en en prenant une revendication isolée et en en faisant leur perspective aujourd’hui, soi-disant réalisable dans le cadre du capitalisme.

Laguiller par exemple n’arrête pas de parler de l’ouverture des comptes des capitalistes. Elle explique en fait dans ses meetings qu’elle revendique simplement une extension des pouvoirs des comités d’entreprise sous le capitalisme. Avec son programme de « réquisitions » d’entreprises qui licencient et font des profits, c’est dans l’Etat bourgeois que LO voit la source du progrès, pourvu que l’on se mobilise dans la rue ou sur le lieu de travail pour faire pression afin qu’il prenne des décisions dans l’intérêt des travailleurs. Pour Trotsky au contraire, « Si l’abolition du secret commercial est la condition nécessaire du contrôle ouvrier, ce contrôle est le premier pas dans la voie de la direction socialiste de l’économie. » Trotsky, quand il parle de l’expropriation des grands groupes capitalistes, précise « 3. Nous appelons les masses à ne compter que sur leur propre force révolutionnaire ; 4. Nous relions le problème de l’expropriation à celui du pouvoir des ouvriers et des paysans. »

Besancenot promet, tout comme Laguiller, l’interdiction des licenciements. Les licenciements, tout comme les crises économiques qui les causent, sont inhérents au système capitaliste basé sur le profit. C’est un mensonge réformiste de prétendre qu’on peut « interdire les licenciements » sous le capitalisme. Mais Rouge (15 février) dit au contraire : « Ces propositions sont radicales, mais pas irréalisables ! Elles nécessitent simplement de s’en prendre à la logique du profit, au pouvoir des patrons et des actionnaires, de redistribuer les richesses. » Pour éradiquer le chômage, il faudrait renverser le système capitaliste par une révolution ouvrière. Mais cela, c’est la dernière chose que veut Besancenot. Sa campagne consiste à répandre le mensonge qu’on peut réformer le capitalisme en profondeur dans le sens des intérêts des travailleurs.

Prenons encore la question du logement. Le nombre de SDF ne fait que croître ; il y a une crise sociale profonde dans les banlieues et notamment dans les quartiers complètement décrépits qui servent de ghettos sociaux et (partiellement) raciaux : contre cela Besancenot propose simplement d’appliquer la loi actuelle, et LO titrait dans son numéro du 16 février « l’Etat aurait les moyens de construire assez de logements ». Ils prônent ainsi des illusions dans l’Etat bourgeois français. Face à la crise du logement, il faut un programme de reconstruction urbaine massive dans les banlieues et dans les moyens de transport, avec embauches massives en CDI, sous contrôle ouvrier. Trotsky précise :

« Mais les grands travaux ne peuvent avoir une importance durable et progressiste, tant pour la société que pour les chômeurs eux-mêmes, que s’ils font partie d’un plan général, conçu pour un certain nombre d’années. Dans le cadre d’un tel plan, les ouvriers revendiqueront la reprise du travail, au compte de la société, dans les entreprises privées fermées par suite de la crise. Le contrôle ouvrier fera place, dans ces cas, à une administration directe par les ouvriers. »

Laguiller a pour mesure phare d’augmenter le SMIC de 300 euros tout de suite. La différence entre Royal et Besancenot/Laguiller, c’est que Royal promet 1 500 euros brut bientôt pour le SMIC, et eux proposent 1 500 euros net tout de suite. On pourrait caricaturer en disant que la différence entre Royal et Besancenot/Laguiller, c’est la différence entre le brut et le net, soit dans les 300 euros, tandis que la différence entre tous ces gens et nous, c’est la différence entre réforme et révolution. 300 euros pour le SMIC, c’est une mesure cruellement insuffisante face à la misère qui ronge la classe ouvrière. Aujourd’hui des millions de personnes ne touchent même pas le SMIC mensuel, soit parce qu’elles sont au chômage, soit parce qu’il s’agit de sans-papiers qui ne sont pas déclarés et sont payés au-dessous du niveau minimum, soit parce qu’il s’agit de salariés à temps partiel, qui sont dans leur immense majorité des femmes. Pour en finir avec cela il faut le partage du travail entre toutes les mains sans perte de salaire, ce qui revient à revendiquer la semaine de travail de 30 heures, payées 40. Pour que les femmes puissent effectivement travailler à temps plein il faut des crèches gratuites ouvertes 24 heures sur 24.

Est-ce que l’argent est là pour tout ça ? Non, disent généralement les réformistes du PS, et donc selon eux les revendications doivent être réduites suffisamment en-dessous de ce minimum indispensable. Oui, disent les réformistes de gauche, il suffit de le prendre aux capitalistes. Mais le capitalisme n’est pas capable de satisfaire les besoins vitaux de la classe ouvrière et des opprimés, et luttera à mort pour préserver son système d’exploitation. Il faut le renverser par une révolution ouvrière – une perspective que vous ne trouverez ni dans Lutte Ouvrière, ni dans Rouge.

Le réformisme et la bureaucratie syndicale

J’ai déjà parlé tout à l’heure des cheminots et des menaces qui pèsent sur eux. Les syndicats ont organisé une manifestation nationale le 8 février. Nous y avons vendu pas mal de journaux et d’abonnements, mais l’enthousiasme était loin d’être au rendez-vous parmi les dizaines de milliers de manifestants. L’exemple d’EDF est dans les esprits. Les travailleurs d’EDF ont été trahis par leur propre direction, essentiellement de la CGT, qui a négocié en 2004 avec Sarkozy qui était en charge du dossier pour le gouvernement. La bureaucratie syndicale était d’accord avec la direction qu’il fallait « moderniser » EDF et en faire une entreprise multinationale « compétitive » notamment sur le marché européen. Elle a secrètement négocié le « maintien » des retraites pour la génération actuelle d’électriciens et gaziers et le maintien de quelques avantages pour la bureaucratie syndicale en échange de la privatisation de l’entreprise ; je vous recommande à ce propos le livre d’Adrien Thomas, Une privatisation négociée. C’est Sarkozy qui a bouclé l’opération en 2004, mais en fait le deal avait été passé sous Jospin, avec Royal et Buffet membres du gouvernement. C’est sous Jospin lors du sommet de Barcelone que l’ouverture du marché de l’électricité, donc la fin du monopole et la perspective de la privatisation, avait été décidée au niveau européen.

Si la bureaucratie syndicale de la CGT à EDF a commis cette trahison, ce n’est pas uniquement parce que son dirigeant, Denis Cohen, était un vendu. Lénine a expliqué dans son ouvrage de 1916, l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, que, surtout dans les pays impérialistes, il y a une base objective solide pour acheter une petite partie de la classe ouvrière grâce aux surprofits provenant de l’exploitation du monde.

C’est sur cette « aristocratie ouvrière », généralement blanche et masculine en France, que se base la bureaucratie syndicale. Du fait de ces petits avantages, elle s’identifie aux intérêts de ses propres capitalistes contre leurs rivaux, et de ce fait considère inéluctable la nécessité de « moderniser » les entreprises, c’est-à-dire démanteler les acquis des travailleurs. C’est ce qu’elle a fait hier à EDF, et qu’elle risque de faire demain à la SNCF. Et ce, qu’il s’agisse d’un gouvernement Sarkozy ou d’un gouvernement Royal. Royal compte simplement davantage s’appuyer sur la bureaucratie syndicale que Sarkozy.

La lutte contre le chauvinisme dans la classe ouvrière est indissociable de la lutte contre les divisions racistes dans les rangs mêmes de la classe ouvrière. Nous luttons pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés. Dans ce cadre, nous nous opposons à toutes les formes de discrimination, à l’embauche et ailleurs, visant les travailleurs immigrés, y compris les restrictions à l’embauche de travailleurs venus des nouveaux pays de l’Union européenne. La grève finalement victorieuse dans la blanchisserie industrielle Modeluxe à l’automne dernier pour la régularisation et la réintégration des collègues sans-papiers montre qu’il est possible de mobiliser le prolétariat en défense des travailleurs immigrés.

Pourtant aujourd’hui la France est le grand pays d’Europe où l’immigration est la plus faible. La discrimination raciste s’exerce principalement contre les enfants et les petits-enfants de travailleurs qui ont immigré en France il y a longtemps, le plus souvent en provenance de l’ancien empire colonial. Ces jeunes sont des citoyens français, mais sans les droits, soumis au harcèlement quotidien des flics, à la discrimination raciste à l’embauche et dans la recherche d’un logement, à une précarité accrue, etc. Que ce soit dans l’automobile (voyez la grève ces derniers jours chez Magnetto, un sous-traitant de Citroën à Aulnay) ou sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy, ces jeunes forment aujourd’hui une composante stratégique du prolétariat. Le gouvernement s’en prend aux cheminots pour pouvoir attaquer l’ensemble de la classe ouvrière, et de même il utilise le poison du racisme contre les jeunes des banlieues pour diviser la classe ouvrière et attaquer les acquis de tous ; et c’est pourquoi il est vital pour l’unité du prolétariat, y compris dans ses bastions historiques comme la SNCF, qu’il se mobilise en défense de cette couche plus opprimée de travailleurs.

Dans ces élections il n’est pas possible de tracer clairement une ligne de classe contre le front populaire de Royal-Buffet-Chevènement. Y compris LO et LCR se présentent comme des groupes de pression sur Ségolène Royal. Il n’y a aucun parti ou candidat qui représente les intérêts des travailleurs pour qui nous puissions appeler à voter. Avec la contre-révolution capitaliste en Union soviétique la classe ouvrière internationale a subi de graves défaites ces dernières années. L’exploitation et l’oppression capitalistes redoublent d’intensité. Aujourd’hui ce sont les capitalistes qui sont à l’offensive. Mais il serait totalement impressionniste de penser qu’il en sera toujours ainsi. La lutte de classe demeure le moteur de l’histoire ; nous luttons pour que le prolétariat prenne conscience qu’il a pour mission historique d’agir comme le fossoyeur du système capitaliste. L’initiative passera à nouveau, tôt ou tard, aux mains de la classe ouvrière. La clé sera alors l’existence d’un parti bolchévique pour mener le prolétariat à la victoire. Nous la préparons aujourd’hui en luttant pour construire un tel parti ouvrier bolchévique d’avant-garde.

 

Le Bolchévik nº 179

Le Bolchévik nº 179

Mars 2007

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Consensus raciste Sarkozy-Bayrou-Royal contre les immigrés et les jeunes des banlieues

Elections 2007 : Aucun choix pour les travailleurs

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Un innocent victime d’une machination

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1987-2007 : Vingt ans de répression

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Comment le PCF a saboté la possibilité d’une révolution ouvrière

Le Front populaire de Juin 36