Le Bolchévik nº 179 |
Mars 2007 |
Consensus raciste Sarkozy-Bayrou-Royal contre les immigrés et les jeunes des banlieues
Elections 2007 : Aucun choix pour les travailleurs
Pour un parti ouvrier révolutionnaire davant-garde !
LO et LCR mobilisent pour « battre la droite » et servent de rabatteurs pour le vote Royal
Nous publions ci-après la présentation, abrégée et revue pour publication, de notre camarade Alexis Henri lors du meeting de la Ligue trotskyste à Paris le 1er mars.
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Au programme des élections 2007 se présente le « choix » entre Nicolas Sarkozy, le ministre des flics aux sept lois sécuritaires racistes et aux dizaines de milliers de déportations de sans-papiers, François Bayrou, auteur de la première circulaire raciste contre les femmes voilées dans les lycées (à lépoque, en 1994, il était ministre dans le gouvernement de droite de Balladur-Sarkozy), et Ségolène Royal, lex-ministre de la Famille qui veut militariser la jeunesse turbulente des banlieues (voir notre article dans le Bolchévik n° 178 sur l« ordre juste » de Ségolène Royal). Quil sagisse du « parti de lordre » ou du parti de l« ordre juste », il sagit toujours de lordre républicain, cest-à-dire capitaliste et raciste. A ce petit jeu les gens préfèrent généralement loriginal à la copie. Effectivement il y a une couche importante douvriers arriérés qui envisagent sérieusement de voter pour le principal candidat de la bourgeoisie, Sarkozy, sur la base que, lui, a prouvé quil est déterminé à réprimer les jeunes, alors quavec Royal ce ne sont que des promesses.
Sarkozy, qui a été ministre de façon pratiquement continue pendant ces cinq dernières années, se présente comme lhomme de la « rupture ». Cest vrai en un certain sens. Le système politique français après la Deuxième Guerre mondiale était basé sur deux piliers : premièrement la collaboration de classes dun parti communiste prosoviétique puissant, qui a sauvé lordre bourgeois en 1944 (il a pris part au gouvernement capitaliste avec les gaullistes et désarmé les ouvriers à un moment où la bourgeoisie française était totalement discréditée par sa collaboration avec les nazis), puis en Mai 68 (il a vendu la grève générale pour 6 % daugmentation de salaires et de nouvelles élections). Deuxièmement la possibilité pour limpérialisme français, qui sappuyait encore sur son ex-empire colonial, davoir une posture indépendante, de laquelle limpérialisme américain saccommodait sur la base quil était préférable que certains pays fassent des affaires et des discours avec de Gaulle ou Mitterrand plutôt que de se retrouver des satellites de Moscou.
Avec la destruction contre-révolutionnaire de lURSS en 1991-1992 cette période est définitivement révolue : le PC nest plus que lombre de ce quil était, et les rivalités interimpérialistes se sont considérablement aiguisées, obligeant chaque bourgeoisie nationale à attaquer encore plus les travailleurs pour augmenter le taux de profit et survivre dans un climat de concurrence exacerbée entre les trusts. Sarkozy va dune part réduire les ambitions de la politique extérieure de limpérialisme français pour la mettre plus en accord avec son rang de puissance de troisième ordre, et dautre part il va falloir quil casse les reins de la classe ouvrière organisée. Il promet de sen prendre dès son élection au bastion le plus fort de la classe ouvrière, les cheminots, qui avaient fait dérailler la chiraquie en 1986 puis en décembre 1995, il veut y interdire le droit de grève et faire avancer la privatisation de la SNCF ainsi que la destruction des régimes spéciaux de retraite, qui sont plus avantageux pour les travailleurs. Derrière, cest toute la classe ouvrière qui est visée.
Royal, Buffet, Chevènement, ou comment faire un nouveau front populaire avec du vieux
Pourtant, il ny a aucun choix pour les travailleurs dans ces élections. Il faut se défaire des illusions dans Royal colportées par la « gauche » et la « gauche de la gauche » sous couvert de « moindre mal » par rapport à Sarkozy. Royal ne représente pas les intérêts des travailleurs. Le bloc derrière Royal et Buffet constitue un « front populaire », cest-à-dire un bloc politique, sur la base dun programme de gestion du capitalisme, avec des partis bourgeois comme celui de Christiane Taubira, celui de Jean-Pierre Chevènement, etc. Selon des sources aussi diverses que le Figaro, lHumanité (10 janvier) ou Rouge, le PCF a passé un accord avec le PS pour essayer de sauver son groupe parlementaire et les financements publics qui vont avec, et sans lesquels lappareil du PC seffondrerait ; laccord nest pas officiel pour donner le change aux militants que Buffet ne veut pas rééditer lexpérience de 1997 et pour quainsi elle puisse ratisser à gauche pour le compte de Royal.
Royal et Buffet, tout comme leurs alliés bourgeois Chevènement et Voynet, ont été ministres de Jospin qui a renforcé Vigipirate, privatisé Air France et un grand nombre dautres entreprises comme aucun gouvernement de droite auparavant, renforcé le flicage des organisations daide aux sans-papiers, participé aux bombardements de lOTAN contre la Serbie en 1999, et fait passer après le 11 septembre 2001 la loi sur la sécurité quotidienne qui a servi de modèle à Sarkozy. Dans sa grande prestation télévisée du 19 février, Royal a promis non seulement un renforcement de la police de proximité pour mieux harceler au quotidien les jeunes des banlieues, et la militarisation de lencadrement des jeunes, elle a de plus promis louverture des commissariats de banlieue 24 heures sur 24 et la création de véritables prisons de proximité, quelle a appelées des « internats » où seraient enfermés les jeunes enlevés doffice à leurs parents soi-disant « défaillants ».
Dapporter le moindre soutien à Ségolène Royal en votant pour son programme au premier ou au deuxième tour est en contradiction avec les intérêts du prolétariat comme classe opposée à la bourgeoisie : cest le prolétariat qui produit la plus-value dans les usines, sur laquelle repose le fonctionnement du système capitaliste et de ce fait seul le prolétariat a la puissance sociale et lintérêt historique pour renverser ce système. Nous avons toujours refusé de donner le moindre soutien, même férocement critique, à un parti ouvrier qui se trouve dans un front populaire, car il se présente alors dans une alliance bourgeoise, et de soutenir une composante de celle-ci cest soutenir la bourgeoisie en effaçant la ligne de classe. Si le PC ou le PS, qui sont des partis ouvriers réformistes, se présentaient indépendamment de tout parti bourgeois, ce qui paraît difficile à imaginer en ce moment tant la collaboration de classes est une seconde nature pour eux, ils seraient du coup plus vulnérables à la pression de leur base. Encore aujourdhui les militants du PC nous disent que les ministres PCF sous Jospin il y a dix ans, dont Buffet, avaient fait le maximum, mais quils étaient limités par Chevènement, ou par les autres partis : lalliance de front populaire sert ainsi aux partis ouvriers réformistes à cacher leur propre trahison.
LO et la LCR, tout en évitant de dire ouvertement pour qui ils voteront au deuxième tour des élections, disent pour la LCR quil faut « virer la droite en 2007 » (Rouge, 16 novembre 2006), et pour Lutte ouvrière, ils ont adopté à 97 % des voix lors de leur dernière conférence (voir Lutte de Classe, décembre 2006) un document disant notamment : « Il ne faudrait pas que lélectorat populaire puisse reprocher à notre campagne davoir fait perdre la gauche », et envisageant explicitement, entre autres possibilités, « que nous appellerons à voter pour lui (ou pour elle) » (le « candidat de gauche »). Ils peuvent faire toutes les dénégations quils veulent, LO et LCR servent ainsi de rabatteurs pour le vote Royal, alors que le front populaire est le moyen principal de la collaboration de classes dans ce pays pour enchaîner les travailleurs au maintien du joug capitaliste. Et LO et LCR font disparaître le fait que Royal se présente sur la base que sa politique sécuritaire raciste est plus efficace que celle de Sarkozy. Jospin avait déjà joué de ce registre en 2002, et il avait ainsi offert à Le Pen une place au deuxième tour des présidentielles.
Que les partis ouvriers réformistes, comme le PS et le PCF, cherchent à faire des alliances avec des partis bourgeois, cela découle de leur perspective de gérer le capitalisme. Mais il est impossible de gérer le capitalisme pour le compte des travailleurs ; les travailleurs en ont fait lamère expérience sous Mitterrand et Jospin. Pour satisfaire les besoins vitaux de la classe ouvrière, il faut en réalité une révolution ouvrière où sera détruit lEtat capitaliste et instauré le pouvoir des travailleurs, la « dictature du prolétariat » contre la résistance de la bourgeoisie. La clé pour la victoire, cest la construction dun parti bolchévique, comme celui de Lénine qui en 1917 avait permis aux ouvriers russes de prendre le pouvoir : un parti indépendant de toutes les ailes de la bourgeoisie, dédié à renverser le capitalisme et non à mieux ladministrer. Cest à cette tâche que nous nous attelons.
Les marxistes et les élections
Marx décrivait ainsi les élections parlementaires capitalistes dans ses écrits sur la Commune de Paris de 1871 : « décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait représenter et fouler aux pieds le peuple au Parlement » (la Guerre civile en France). Lénine écrivait dans son ouvrage fondamental la Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky :
« Prenez le parlement bourgeois. Peut-on admettre que le savant Kautsky nait jamais ouï dire que plus la démocratie est puissamment développée, et plus la Bourse et les banquiers se soumettent les parlements bourgeois ? Il ne suit point de là quil ne faille pas utiliser le parlementarisme bourgeois (et les bolchéviks lont utilisé probablement mieux quaucun autre parti du monde, puisque de 1912 à 1914 nous avions conquis toute la curie ouvrière dans la IVe Douma). Mais il sensuit que seul un libéral est capable doublier, comme le fait Kautsky, le caractère limité et relatif, au point de vue historique, du parlementarisme bourgeois. Dans lEtat bourgeois le plus démocratique, les masses opprimées se heurtent constamment à la contradiction criante entre légalité nominale proclamée par la démocratie des capitalistes, et les milliers de restrictions et de subterfuges réels, qui font des prolétaires des esclaves salariés. Cette contradiction précisément ouvre les yeux des masses sur la pourriture, la fausseté, lhypocrisie du capitalisme. Cest précisément cette contradiction que les agitateurs et les propagandistes du socialisme dénoncent sans cesse devant les masses, afin de les préparer à la révolution. »
Et Lénine continue denfoncer le clou un peu plus loin :
« Mille barrières sopposent à la participation des masses travailleuses au parlement bourgeois (lequel, dans une démocratie bourgeoise, ne résout jamais les questions majeures ; celles-ci sont tranchées par la Bourse, par les banques). »
Les formes démocratiques de gouvernement servent de façon particulièrement efficace à masquer la nature de lEtat comme dictature de la bourgeoisie sur les masses exploitées et opprimées, et ceci est particulièrement vrai dans les sociétés capitalistes les plus avancées, les plus « démocratiques », comme en France où les traditions parlementaires ont pour raison dêtre de donner un vernis démocratique aux décisions prises, comme le soulignait Lénine, à la Bourse et dans les salons et dîners de la haute bourgeoisie.
Pourtant, nous avons présenté dans le passé un candidat aux élections législatives ; en 1988 nous avions présenté un ouvrier de Renault-Cléon contre Laurent Fabius. Les communistes cherchent à avoir des députés au Parlement pour sen servir comme tribune en opposition révolutionnaire au capitalisme, son Etat, son gouvernement, ses partis et ses laquais sociaux-démocrates.
Mais cest différent des élections présidentielles où on se présente pour devenir le chef de limpérialisme français. Le président de la République est le chef des armées et, notamment en France, il a des pouvoirs exorbitants, comme de déclarer la loi martiale, dissoudre le Parlement, etc. Le poste de président de la République, et de même celui de maire, ne sont pas des postes parlementaires quon peut utiliser comme tribune pour sopposer au système. Ce sont des postes exécutifs de lEtat bourgeois ; le maire, le président, exécutent les décisions prises par la bourgeoisie.
LEtat bourgeois : des détachements spéciaux dhommes armés pour maintenir lordre capitaliste
Au fond lEtat se ramène à des détachements spéciaux dhommes armés, tels que les flics, les matons, larmée elle-même, qui ont le monopole de la violence légale. Ils sont là pour maintenir la domination de la classe capitaliste sur la classe ouvrière et les opprimés. Cela veut dire mater les grèves comme lorsque les CRS dispersent un piquet de grève, « restaurer lordre » contre des rébellions spontanées comme celle des jeunes de banlieue en octobre-novembre 2005, mater les rébellions en Centrafrique ou au Tchad menaçant le dictateur local à la solde de limpérialisme français, etc. Nous luttons pour le retrait des troupes françaises de toute lAfrique, mais aussi du Liban, dAfghanistan et des Balkans.
La police, les matons, le corps des officiers, sont des forces volontaires. Elles senrôlent pour faire la répression, et donc elles sont profondément dédiées à la défense de leur ordre bourgeois. On ne peut pas les coopter pour quelles servent la classe ouvrière dans une révolution socialiste. Nous sommes contre la présence des flics dans les syndicats, car les syndicats sont des organisations ouvrières, malgré leur direction procapitaliste. La Révolution bolchévique a détruit les bandes dhommes armés de la bourgeoisie, et a assis le pouvoir ouvrier sur la base de nouvelles bandes armées, les milices ouvrières dans les usines obéissant aux soviets, et lArmée rouge qua construite Trotsky en 1918.
Sous le capitalisme, le pouvoir exécutif, comme celui du président de la République, signifie assumer la responsabilité de commander ces bandes armées pour le compte de la bourgeoisie. Et pour le maire cest la même chose au niveau municipal ; il a les pouvoirs de police, sous lautorité du préfet. Lénine, en rétablissant les leçons tirées par Marx et Engels des révolutions de 1848 et surtout de la Commune de Paris, a expliqué comment lEtat bourgeois ne peut pas être utilisé par la classe ouvrière, mais quil doit être détruit et remplacé par un pouvoir prolétarien, des conseils ouvriers basés sur le prolétariat en armes. En dautres termes on ne peut pas devenir maire ou président et utiliser ce poste pour le compte des opprimés : soit on devient lotage de ce poste en faisant le sale travail de la bourgeoisie, soit on est viré sans délai par la bourgeoisie.
Comme nous refusons dadministrer lEtat bourgeois, nous avons toujours refusé dassumer des postes exécutifs, que ce soit le poste de président de la République ou celui de maire ; il en découle que nous ne nous présentons pas à lélection à de tels postes. Nous avons formellement adopté cette dernière position lors dune conférence internationale que nous avons tenue récemment.
Cest nouveau dans la mesure où les trotskystes, y compris du temps de Trotsky et de Cannon, son collaborateur aux USA qui a dirigé le parti trotskyste américain jusque dans les années 1950, navaient pas de problème pour se présenter à de telles élections. Cest là la position que nous exprimions encore dans notre revue Spartacist en 2004, tout en soulignant alors que « nos candidats expliquent par avance quils nont aucune intention doccuper ces postes sils sont élus et quils expliquent clairement quil faut former un gouvernement ouvrier pour exproprier les capitalistes et balayer leur appareil doppression de classe ».
Cependant, en réexaminant cette question nous avons réévalué notre position. Comme le dit notre récent document de conférence, « le problème quil y a à se présenter à des postes exécutifs est que cela prête une légitimité aux conceptions réformistes dominantes de lEtat ». Notre raison dêtre est damener les travailleurs à la compréhension que dans toute révolution socialiste lEtat bourgeois doit être détruit et remplacé par la dictature du prolétariat. Lénine a enseigné cela, et toute lhistoire la montré. De se présenter à des élections pour des postes exécutifs représente donc un obstacle à notre but stratégique.
Comme nos opposants réformistes cherchent seulement, comme leurs ancêtres dans la Deuxième Internationale il y a un siècle, à réformer le capitalisme et non à diriger une révolution socialiste, ils nont aucun état dâme à se faire financer par lEtat capitaliste au titre du financement public des partis politiques. LO et LCR se servent à la mangeoire mise à disposition par le gouvernement ; encore le 25 janvier de cette année le Journal officiel de la République française annonçait un financement public pour lannée 2005 de près de 500 000 euros pour LO, soit plus du cinquième de ses revenus totaux. LO a ainsi pu se payer récemment une campagne publicitaire daffiches pour environ un million deuros, soit plus que lensemble des cotisations payées annuellement par leurs membres, et ils se sont vantés que non seulement la dépense était couverte par des fonds de lEtat bourgeois, mais que de plus cela ne coûtait pas tellement cher « aux contribuables » (Lutte Ouvrière, 15 décembre 2006). Et cest la même chose pour la LCR qui a touché pour 2005 un peu plus de 500 000 euros. Comme le dit le dicton, qui paie les violons choisit la musique.
Et la LCR, et ses organisations surs internationalement, nont même aucun problème à se porter volontaires pour assumer directement la gestion de lEtat bourgeois. Déjà en novembre 1990, Hanspeter Uster, un dirigeant de la section sur de la LCR en Suisse, sétait fait élire ministre de la Justice et de la Police dans le canton de Zoug. Puis Miguel Rossetto, un camarade de la LCR au Brésil, est entré dans le gouvernement capitaliste de Lula il y a cinq ans. Aujourdhui Besancenot est tout à fait prêt à participer à un gouvernement à condition quil soit « anticapitaliste ». La LCR déclare dans son manifeste spécial pour les élections : « La LCR prendra ses responsabilités dans un tel gouvernement. » Mais, comme ils pensent que la révolution prolétarienne cest aujourdhui utopique et dépassé, bon pour des « gauchistes » comme nous, et quils ont même officiellement renoncé en 2003 à la dictature du prolétariat, leur gouvernement na d« anticapitaliste » que le nom. Besancenot lutte pour une « révolution démocratique », la « rupture sociale et démocratique », cest-à-dire donner à la social-démocratie un coup de peinture. Mitterrand utilisait un verbiage similaire avant 1981 quand il parlait de la « rupture avec le capitalisme » avant dêtre élu pour diriger limpérialisme français et renforcer laustérité capitaliste contre les travailleurs et envoyer 25 000 soldats français participer à la guerre contre lIrak en 1991.
Tout comme la LCR, Lutte ouvrière a aussi officiellement renoncé à la dictature du prolétariat en 2003. Lors de leur congrès cette année-là, ils ont adopté à lunanimité la formule de la « dictature démocratique du prolétariat » (Lutte de classe, décembre 2003-janvier 2004). Il suffit dallumer la télévision ces jours-ci pour voir Laguiller ou Besancenot répondre aux questions sur ce quils vont faire quand ils seront élus présidents interdire les licenciements, construire des écoles, des logements, prendre sur les profits des capitalistes, leurs « réformes radicales » comme les appelle le manifeste de la LCR. Leur campagne ne fait qualimenter lillusion que lon peut gérer le capitalisme dans lintérêt des travailleurs, pourvu que la bonne personne soit élue à lexécutif.
Nous refusons de nous présenter aux élections présidentielles, mais cela ne veut pas dire que nous soyons indifférents à de telles élections et aux droits démocratiques qui leur sont associés. Des militants originaires du tiers-monde, où le droit de vote est souvent foulé aux pieds, nous exhortent parfois à faire usage de ce droit de peur quon nous le reprenne. Au Mexique, où le gouvernement de droite avait voulu empêcher le populiste bourgeois López Obrador de se présenter en lui retirant son immunité pour le rendre inéligible, nous nous sommes opposés à cette mesure, avons défendu le droit du peuple mexicain de voter pour lui, tout en argumentant contre tout vote pour ce bourgeois « de gauche ».
Nous ne rejetons pas non plus par principe lidée daccorder un soutien critique, y compris lors délections présidentielles, à une autre organisation ouvrière dans des circonstances appropriées, quand elle trace en gros une ligne de classe, cest-à-dire lindépendance de la classe ouvrière par rapport à la bourgeoisie. Cependant, dans le cas particulier des élections de cette année, il ny a personne à qui nous puissions accorder un soutien critique.
La LCR est complètement front-populiste elle-même : elle trempe dans toutes sortes de blocs politiques avec des éléments bourgeois, comme les forums sociaux payés par Chirac, le gouvernement capitaliste brésilien ou des « ONG » comme la Fondation Ford liée à la CIA. Le manifeste de la LCR glorifie ces forums sociaux : « les résistances aux contre-réformes libérales et les mouvements altermondialistes ont jeté les bases dun nouvel internationalisme ». En effet : il ne sagit plus de linternationalisme prolétarien.
Ni la LCR ni LO ne se présentent comme une alternative de classe au front populaire, mais plutôt comme un vote pour faire pression sur le front populaire et le pousser un tout petit peu à gauche. Ainsi, Laguiller déclarait (Lutte Ouvrière, 9 février) :
« Alors il faut quen avril prochain, au premier tour de lélection présidentielle, les travailleurs rejettent cette droite qui mène une politique ouvertement au service des plus riches, mais en même temps quils affirment quils ne font pas confiance à Ségolène Royal pour mener une autre politique, et [cest moi qui souligne] quelle devra tenir compte du mécontentement accumulé depuis des années au sein des classes populaires. »
La gauche et les banlieues
Dans la campagne électorale le PCF parle un peu du racisme contre les jeunes de banlieue. Il dispose en effet encore dune implantation dans de nombreuses cités, quil gère ou aspire à gérer au niveau municipal. Il espère capter une partie des voix populaires issues de limmigration, et des jeunes qui se sont inscrits sur les listes électorales lannée dernière, poussés par la peur dune victoire de Sarkozy. Pourtant cest la nature même du municipalisme de devoir gérer la pénurie capitaliste qui, inévitablement, y compris dans les mairies PC, sécrète la discrimination raciste, les opérations de « nettoyage » contre les campements de Roms, la gestion raciste des listes dattribution de HLM au nom de la « mixité sociale », etc.
Et lors de la révolte des banlieues à lautomne 2005 le PCF a appelé au rétablissement de lordre en reprochant à Sarkozy dêtre incapable de maintenir lordre social et au contraire dattiser les troubles par ses déclarations incendiaires. Pourtant à ce moment-là la LCR passait le plus clair de son temps à la traîne du PCF, cherchant à consolider un bloc « antilibéral » de front populaire pour les élections de 2007.
La solidarité de Besancenot avec les jeunes des banlieues a ses limites. Devant des millions de téléspectateurs le 8 février dans lémission « A vous de juger », Besancenot a répondu « pourquoi pas » à la question sil était pour la « police de proximité ». Sa seule objection portait sur les tasers, ces pistolets à décharge électrique américains qui ont fait des centaines de morts aux USA. Besancenot vient de signer le « contrat social et citoyen » basé sur les cahiers de doléances de lassociation ACLEFEU à Clichy-sous-Bois. Ce cahier dit que « la police devrait être exemplaire », et il demande une police de proximité, que la police devienne plus représentative de la « diversité française », etc. etc.
Dans le manifeste de 32 pages de la LCR (adopté « à la quasi-unanimité ») les banlieues ne figurent quà un endroit, et voici ce quils en disent :
« A la montée des violences dans certains quartiers laissés à labandon, qui frappent les plus pauvres, et à celle de linsécurité sociale, on prétend répondre par plus de répression, ce qui na jamais résolu les problèmes ou même conduit à améliorer la situation. »
Cest formulé de façon à laisser ouvert qui est responsable de la « montée des violences » : Sarkozy dit que cest les jeunes qui agressent les Français pauvres, nous disons que cest le capitalisme raciste, avec son cortège de misère, de chômage et de discrimination, et lEtat bourgeois avec son harcèlement quotidien, ses courses poursuites contre les jeunes, qui sont la source principale de la violence.
Lutte ouvrière ne dit pas grand-chose en ce moment sur la question. Ils attaquent Royal sur le niveau du SMIC ou redoutent quelle ne tienne pas ses promesses. Nous pensons au contraire que Royal, si elle est élue, mettra en uvre ses propositions sécuritaires. Fondamentalement LO partage la vision de Royal et ACLEFEU pour traiter le « problème » des jeunes de banlieue : tenir les deux bouts de la répression et de la prévention, avec la police de proximité dun côté, et un renforcement dans léducation de lautre (voir notre article paru dans le Bolchévik de juin 2006).
Cest ainsi que LO collabore avec sa propre bourgeoisie, même si, contrairement à la LCR, Lutte ouvrière sabstient généralement de chercher des blocs électoraux avec des partenaires petits-bourgeois ; cest aussi pourquoi, pendant la révolte des banlieues, LO avait signé un appel diffusé par la Ligue des droits de lhomme pour le rétablissement de lordre, avant de se rétracter mollement en disant que cette signature était « une ânerie bien sûr, mais mineure ». Cette trahison se plaçait dans la droite ligne de leur participation au premier rang dans les exclusions de jeunes femmes voilées des écoles, qui ont débouché sur la loi raciste de Chirac-Ferry contre le foulard islamique.
L« Etat-providence » et lUnion soviétique
Besancenot dit qu« il suffit de faire exactement ce qua fait le patronat depuis plus de 30 ans mais à lenvers » (Rouge, 15 février). Sauf quon ne peut revenir comme ça 30 ans en arrière ; à lépoque lUnion soviétique existait, et beaucoup de travailleurs avancés voyaient en elle la preuve quil est possible dinstaurer une société où la classe capitaliste est expropriée. Cest la peur de lUnion soviétique, qui avait des chars à 500 kilomètres de Strasbourg et un fort parti communiste dans les banlieues et les usines de France, qui explique en partie les concessions que la bourgeoisie accordait face aux luttes des travailleurs. Elle était prête à supporter un taux de profit plus bas de peur de tout perdre. Cétait cela la base de l« Etat-providence ».
Les réformistes sont nostalgiques de lEtat-providence ; lEtat-providence, ou le rétablissement de celui-ci, constitue tout leur horizon politique ; pourtant ils se sont réjouis il y a 15 ans de la destruction de lURSS sur laquelle reposait indirectement lEtat-providence. La LCR elle-même a directement soutenu les forces de la contre-révolution capitaliste en Pologne, en Union soviétique ; aujourdhui ils veulent revenir 30 ans en arrière, mais cela veut dire sauter par-dessus leur propre participation à la guerre froide contre lURSS des années 1980. Leur anticommunisme sexprime partout dans leur manifeste :
« Après les désillusions du XXe siècle, après leffondrement des caricatures de socialisme quont été les dictatures staliniennes, nous devons remettre lavenir sur le métier. Des expériences négatives dhier, nous avons des leçons à tirer. Mais, ayant appris ce quil ne faut pas faire, nous avons aussi gagné le droit dinventer lavenir que nous voulons et de commencer à le construire. »
Ils font disparaître tout simplement la Révolution russe en faisant un amalgame implicite entre Octobre 1917 et sa dégénérescence stalinienne. Si une caste bureaucratique représentée par Staline a usurpé le pouvoir politique en URSS à partir de 1924 ce nétait pas le résultat dun défaut inhérent au bolchévisme. Cest au contraire du fait de léchec de la révolution allemande en 1923 et de lisolement du pouvoir ouvrier dans un pays où prédominait numériquement une paysannerie arriérée, et qui était encerclé par des puissances capitalistes hostiles, que sest consolidée la bureaucratie parasitaire. Staline a donné à celle-ci un programme avec le « socialisme dans un seul pays » et la « coexistence pacifique » avec limpérialisme. Le résultat en a été la trahison des révolutions ailleurs, et en dernier ressort la restauration du capitalisme par Eltsine en Russie en 1991-1992.
A lopposé des LO-LCR, notre programme pour une révolution socialiste dans les pays capitalistes va de pair avec notre défense de lEtat ouvrier basé sur la liquidation du système capitaliste de production pour le profit, quelles que soient les déformations de cet Etat et quelle que soit la politique de la bureaucratie stalinienne traître. Nous avons défendu lUnion soviétique jusquau bout. En RDA en 1989, quand la bureaucratie sest désintégrée, nous avons jeté toutes nos forces pour une révolution politique prolétarienne en RDA, pour une Allemagne rouge des conseils ouvriers, et contre une réunification capitaliste de lAllemagne. Le 3 janvier 1990, 250 000 personnes ont pris part à une manifestation, dont nous avions été à linitiative, contre la profanation du monument à lArmée rouge dans le parc de Treptow à Berlin-Est. Nous avons perdu une bataille en Europe de lEst, mais nous continuons aujourdhui à être pour la défense militaire inconditionnelle des Etats ouvriers déformés restants, en Chine, en Corée du Nord, au Vietnam et à Cuba, contre limpérialisme et la contre-révolution. Cest dans ce cadre que sinscrit notre lutte pour une révolution politique prolétarienne dans ces pays pour chasser la bureaucratie stalinienne et la remplacer par un régime basé sur la démocratie ouvrière et linternationalisme révolutionnaire.
Pour revenir à la France, Besancenot veut donc revenir en arrière de 30 ans, et comme il dit lui-même à la moindre occasion ce nest pas la révolution que de demander cela. Il y a 30 ans Chirac se faisait élire maire de Paris, le premier depuis la Commune de 1871, et le Premier ministre Raymond Barre décrétait officiellement laustérité. Il faut être profondément démoralisé et imbibé de lesprit de la « mort du communisme » pour vouloir en revenir là. Et Laguiller dit presque mot pour mot la même chose que Besancenot :
« Ce ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là. Ce ne sont que les mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent leurs conditions dexistence dil y a trente ans, qui étaient pourtant, déjà, difficiles pour le monde du travail. »
Discours tenu au Mans le 23 février
Le réformisme de la LCR et LO
Besancenot ne cesse de répéter quil faut sattaquer à la question du partage des richesses. Mais le problème de lhumanité nest pas que les capitalistes se déplacent en Mercedes ou en jet privé : cest quils possèdent les moyens de production, cest-à-dire les usines, les machines, les moyens de transport, etc., et que leur objectif nest pas de les mettre en uvre pour satisfaire les besoins, mais pour maximiser leurs profits. Cest ce système de production pour le profit qui est la cause des crises économiques, de loppression et des guerres. La bourgeoisie et les travailleurs ont des intérêts fondamentalement opposés et antagoniques. Le capitalisme est basé sur lexploitation des travailleurs par les capitalistes. Il est impossible de le faire fonctionner dans lintérêt des travailleurs : il nest pas réformable.
Bien sûr les ouvriers ne sont pas prêts immédiatement à accomplir leur tâche historique de renverser le capitalisme. La contre-révolution capitaliste en URSS est loin douvrir de nouvelles perspectives comme le proclamaient nos opposants réformistes sur la base que le stalinisme était enfin abattu ; elle a au contraire provoqué une grande démoralisation politique parmi les travailleurs les plus avancés. La bourgeoisie fait une lancinante campagne triomphaliste sur la « mort du communisme » ; si elle insiste tant dessus, cest quelle sait bien que le communisme reste à lordre du jour, et quelle doit sans cesse convaincre les ouvriers que lhorizon du capitalisme est indépassable. Trotsky écrivait dans le Programme de transition en 1938 :
« La tâche stratégique de la IVe Internationale ne consiste pas à réformer le capitalisme, mais à le renverser. Son but politique est la conquête du pouvoir par le prolétariat pour réaliser lexpropriation de la bourgeoisie. Cependant, laccomplissement de cette tâche stratégique est inconcevable sans lattitude la plus attentive envers toutes les questions de tactique, même petites et partielles. [ ]
« La IVe Internationale ne repousse pas les revendications du vieux programme minimum, dans la mesure où elles ont conservé quelque force de vie. Elle défend inlassablement les droits démocratiques des ouvriers et leurs conquêtes sociales. Mais elle mène ce travail de tous les jours dans le cadre dune perspective correcte, réelle, cest-à-dire révolutionnaire. »
Dans ce cadre Trotsky avait développé toute une série de revendications, un « programme de transition » consistant en une mobilisation systématique des masses pour la révolution prolétarienne. Ce que font les réformistes comme LO ou la LCR, cest de dénaturer totalement le programme de transition en en prenant une revendication isolée et en en faisant leur perspective aujourdhui, soi-disant réalisable dans le cadre du capitalisme.
Laguiller par exemple narrête pas de parler de louverture des comptes des capitalistes. Elle explique en fait dans ses meetings quelle revendique simplement une extension des pouvoirs des comités dentreprise sous le capitalisme. Avec son programme de « réquisitions » dentreprises qui licencient et font des profits, cest dans lEtat bourgeois que LO voit la source du progrès, pourvu que lon se mobilise dans la rue ou sur le lieu de travail pour faire pression afin quil prenne des décisions dans lintérêt des travailleurs. Pour Trotsky au contraire, « Si labolition du secret commercial est la condition nécessaire du contrôle ouvrier, ce contrôle est le premier pas dans la voie de la direction socialiste de léconomie. » Trotsky, quand il parle de lexpropriation des grands groupes capitalistes, précise « 3. Nous appelons les masses à ne compter que sur leur propre force révolutionnaire ; 4. Nous relions le problème de lexpropriation à celui du pouvoir des ouvriers et des paysans. »
Besancenot promet, tout comme Laguiller, linterdiction des licenciements. Les licenciements, tout comme les crises économiques qui les causent, sont inhérents au système capitaliste basé sur le profit. Cest un mensonge réformiste de prétendre quon peut « interdire les licenciements » sous le capitalisme. Mais Rouge (15 février) dit au contraire : « Ces propositions sont radicales, mais pas irréalisables ! Elles nécessitent simplement de sen prendre à la logique du profit, au pouvoir des patrons et des actionnaires, de redistribuer les richesses. » Pour éradiquer le chômage, il faudrait renverser le système capitaliste par une révolution ouvrière. Mais cela, cest la dernière chose que veut Besancenot. Sa campagne consiste à répandre le mensonge quon peut réformer le capitalisme en profondeur dans le sens des intérêts des travailleurs.
Prenons encore la question du logement. Le nombre de SDF ne fait que croître ; il y a une crise sociale profonde dans les banlieues et notamment dans les quartiers complètement décrépits qui servent de ghettos sociaux et (partiellement) raciaux : contre cela Besancenot propose simplement dappliquer la loi actuelle, et LO titrait dans son numéro du 16 février « lEtat aurait les moyens de construire assez de logements ». Ils prônent ainsi des illusions dans lEtat bourgeois français. Face à la crise du logement, il faut un programme de reconstruction urbaine massive dans les banlieues et dans les moyens de transport, avec embauches massives en CDI, sous contrôle ouvrier. Trotsky précise :
« Mais les grands travaux ne peuvent avoir une importance durable et progressiste, tant pour la société que pour les chômeurs eux-mêmes, que sils font partie dun plan général, conçu pour un certain nombre dannées. Dans le cadre dun tel plan, les ouvriers revendiqueront la reprise du travail, au compte de la société, dans les entreprises privées fermées par suite de la crise. Le contrôle ouvrier fera place, dans ces cas, à une administration directe par les ouvriers. »
Laguiller a pour mesure phare daugmenter le SMIC de 300 euros tout de suite. La différence entre Royal et Besancenot/Laguiller, cest que Royal promet 1 500 euros brut bientôt pour le SMIC, et eux proposent 1 500 euros net tout de suite. On pourrait caricaturer en disant que la différence entre Royal et Besancenot/Laguiller, cest la différence entre le brut et le net, soit dans les 300 euros, tandis que la différence entre tous ces gens et nous, cest la différence entre réforme et révolution. 300 euros pour le SMIC, cest une mesure cruellement insuffisante face à la misère qui ronge la classe ouvrière. Aujourdhui des millions de personnes ne touchent même pas le SMIC mensuel, soit parce quelles sont au chômage, soit parce quil sagit de sans-papiers qui ne sont pas déclarés et sont payés au-dessous du niveau minimum, soit parce quil sagit de salariés à temps partiel, qui sont dans leur immense majorité des femmes. Pour en finir avec cela il faut le partage du travail entre toutes les mains sans perte de salaire, ce qui revient à revendiquer la semaine de travail de 30 heures, payées 40. Pour que les femmes puissent effectivement travailler à temps plein il faut des crèches gratuites ouvertes 24 heures sur 24.
Est-ce que largent est là pour tout ça ? Non, disent généralement les réformistes du PS, et donc selon eux les revendications doivent être réduites suffisamment en-dessous de ce minimum indispensable. Oui, disent les réformistes de gauche, il suffit de le prendre aux capitalistes. Mais le capitalisme nest pas capable de satisfaire les besoins vitaux de la classe ouvrière et des opprimés, et luttera à mort pour préserver son système dexploitation. Il faut le renverser par une révolution ouvrière une perspective que vous ne trouverez ni dans Lutte Ouvrière, ni dans Rouge.
Le réformisme et la bureaucratie syndicale
Jai déjà parlé tout à lheure des cheminots et des menaces qui pèsent sur eux. Les syndicats ont organisé une manifestation nationale le 8 février. Nous y avons vendu pas mal de journaux et dabonnements, mais lenthousiasme était loin dêtre au rendez-vous parmi les dizaines de milliers de manifestants. Lexemple dEDF est dans les esprits. Les travailleurs dEDF ont été trahis par leur propre direction, essentiellement de la CGT, qui a négocié en 2004 avec Sarkozy qui était en charge du dossier pour le gouvernement. La bureaucratie syndicale était daccord avec la direction quil fallait « moderniser » EDF et en faire une entreprise multinationale « compétitive » notamment sur le marché européen. Elle a secrètement négocié le « maintien » des retraites pour la génération actuelle délectriciens et gaziers et le maintien de quelques avantages pour la bureaucratie syndicale en échange de la privatisation de lentreprise ; je vous recommande à ce propos le livre dAdrien Thomas, Une privatisation négociée. Cest Sarkozy qui a bouclé lopération en 2004, mais en fait le deal avait été passé sous Jospin, avec Royal et Buffet membres du gouvernement. Cest sous Jospin lors du sommet de Barcelone que louverture du marché de lélectricité, donc la fin du monopole et la perspective de la privatisation, avait été décidée au niveau européen.
Si la bureaucratie syndicale de la CGT à EDF a commis cette trahison, ce nest pas uniquement parce que son dirigeant, Denis Cohen, était un vendu. Lénine a expliqué dans son ouvrage de 1916, lImpérialisme, stade suprême du capitalisme, que, surtout dans les pays impérialistes, il y a une base objective solide pour acheter une petite partie de la classe ouvrière grâce aux surprofits provenant de lexploitation du monde.
Cest sur cette « aristocratie ouvrière », généralement blanche et masculine en France, que se base la bureaucratie syndicale. Du fait de ces petits avantages, elle sidentifie aux intérêts de ses propres capitalistes contre leurs rivaux, et de ce fait considère inéluctable la nécessité de « moderniser » les entreprises, cest-à-dire démanteler les acquis des travailleurs. Cest ce quelle a fait hier à EDF, et quelle risque de faire demain à la SNCF. Et ce, quil sagisse dun gouvernement Sarkozy ou dun gouvernement Royal. Royal compte simplement davantage sappuyer sur la bureaucratie syndicale que Sarkozy.
La lutte contre le chauvinisme dans la classe ouvrière est indissociable de la lutte contre les divisions racistes dans les rangs mêmes de la classe ouvrière. Nous luttons pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés. Dans ce cadre, nous nous opposons à toutes les formes de discrimination, à lembauche et ailleurs, visant les travailleurs immigrés, y compris les restrictions à lembauche de travailleurs venus des nouveaux pays de lUnion européenne. La grève finalement victorieuse dans la blanchisserie industrielle Modeluxe à lautomne dernier pour la régularisation et la réintégration des collègues sans-papiers montre quil est possible de mobiliser le prolétariat en défense des travailleurs immigrés.
Pourtant aujourdhui la France est le grand pays dEurope où limmigration est la plus faible. La discrimination raciste sexerce principalement contre les enfants et les petits-enfants de travailleurs qui ont immigré en France il y a longtemps, le plus souvent en provenance de lancien empire colonial. Ces jeunes sont des citoyens français, mais sans les droits, soumis au harcèlement quotidien des flics, à la discrimination raciste à lembauche et dans la recherche dun logement, à une précarité accrue, etc. Que ce soit dans lautomobile (voyez la grève ces derniers jours chez Magnetto, un sous-traitant de Citroën à Aulnay) ou sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy, ces jeunes forment aujourdhui une composante stratégique du prolétariat. Le gouvernement sen prend aux cheminots pour pouvoir attaquer lensemble de la classe ouvrière, et de même il utilise le poison du racisme contre les jeunes des banlieues pour diviser la classe ouvrière et attaquer les acquis de tous ; et cest pourquoi il est vital pour lunité du prolétariat, y compris dans ses bastions historiques comme la SNCF, quil se mobilise en défense de cette couche plus opprimée de travailleurs.
Dans ces élections il nest pas possible de tracer clairement une ligne de classe contre le front populaire de Royal-Buffet-Chevènement. Y compris LO et LCR se présentent comme des groupes de pression sur Ségolène Royal. Il ny a aucun parti ou candidat qui représente les intérêts des travailleurs pour qui nous puissions appeler à voter. Avec la contre-révolution capitaliste en Union soviétique la classe ouvrière internationale a subi de graves défaites ces dernières années. Lexploitation et loppression capitalistes redoublent dintensité. Aujourdhui ce sont les capitalistes qui sont à loffensive. Mais il serait totalement impressionniste de penser quil en sera toujours ainsi. La lutte de classe demeure le moteur de lhistoire ; nous luttons pour que le prolétariat prenne conscience quil a pour mission historique dagir comme le fossoyeur du système capitaliste. Linitiative passera à nouveau, tôt ou tard, aux mains de la classe ouvrière. La clé sera alors lexistence dun parti bolchévique pour mener le prolétariat à la victoire. Nous la préparons aujourdhui en luttant pour construire un tel parti ouvrier bolchévique davant-garde.