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Le Bolchévik nº 221 |
septembre 2017 |
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Québec - nouveau journal République ouvrière : Pour l'indépendance et le socialisme !
Nous reproduisons ci-dessous l’éditorial du premier numéro de République ouvrière (automne-hiver 2017-2018).
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Nous sommes fiers de présenter le premier numéro de République ouvrière, journal en français de la Ligue trotskyste au Québec et au Canada, section de la Ligue communiste internationale (LCI). République ouvrière sera l’organe d’intervention léniniste au Québec du programme ouvrier, révolutionnaire et internationaliste de la LCI. Il s’agit d’une première historique : jamais un groupe se réclamant du marxisme au Québec ne s’est battu pour faire de la lutte contre l’oppression nationale une partie prenante du combat pour renverser le capitalisme. De fait, des générations entières de militants ont gaspillé leur énergie dans des groupes comme le Parti communiste du Canada ou les organisations maoïstes qui défendaient le statu quo fédéral oppresseur, ou alors dans des organisations, telles que Parti pris ou la Ligue socialiste ouvrière, qui prétendaient que la bourgeoisie québécoise vénale et réactionnaire pourrait être un allié « progressiste ».
Nous sommes favorables à l’indépendance du Québec sans y mettre de conditions préalables. Mais République ouvrière se bat avant tout pour donner aux luttes nationales et sociales une direction prolétarienne et révolutionnaire : pour le pouvoir des conseils ouvriers, pour l’expropriation de la bourgeoisie, pour une économie planifiée, pour la république ouvrière du Québec ! Avec nos camarades au Canada anglais, ceux de la Spartacist League/U.S. et de la LCI à travers la planète, nous nous battons pour bâtir un parti d’avant-garde qui pourra diriger la révolution socialiste mondiale, seul espoir d’avenir pour l’humanité face à la barbarie impérialiste et au spectre de l’annihilation nucléaire.
La lutte pour l’indépendance nationale peut et doit servir de force motrice à la révolution sociale. Cela a été démontré au Québec par les luttes ouvrières de l’après-guerre : le statut de seconde classe (ou pire) des travailleurs et travailleuses francophones alimentait alors une période de luttes de classe dures contre l’oppression nationale et contre les patrons qu’ils fussent américains, canadiens-anglais ou même québécois. Point culminant de ces luttes, la grève générale de mai 1972 prit des proportions semi-insurrectionnelles.
Mais en l’absence de leur propre parti, les travailleurs se sont fait vendre le PQ [Parti québécois] comme la seule option pour mener à leur libération. Résultat : le PQ au pouvoir, en tant que parti bourgeois, s’est affairé à stabiliser le Québec au profit du patronat, à y amener la « paix sociale » et à mettre au pas les syndicats, aidé en cela par les dirigeants syndicaux traîtres qui lui donnent leur appui politique. De plus, le PQ pousse de plus en plus une vision « identitaire » raciste qui va à l’encontre des intérêts de la classe ouvrière en cherchant à la diviser selon des lignes ethniques et religieuses. Avec tout ça, le PQ n’arrive qu’à faire reculer l’appui de la population à l’indépendance.
Au final, le PQ ne pourra jamais accomplir la véritable libération nationale du Québec parce qu’il sera toujours à la solde des banques, des maisons de crédit, de Wall Street, etc. Et comme notre article en page 3 l’explique, Québec solidaire, similaire au PQ à ses débuts, n’a rien de mieux à offrir que du nationalisme de gauche réchauffé. République ouvrière se fera un devoir d’exposer tous ces culs-de-sac politiques.
Il était grand temps que notre tendance lance une publication capable de s’adresser aux travailleurs québécois dans leur propre langue. République ouvrière est le produit de rudes débats à l’intérieur de notre organisation qui ont permis de rompre avec des positions anti-léninistes sur la question nationale. Notre organisation canadienne, la Trotskyist League [TLC], fondée en 1975, avait été en effet hostile à la libération nationale du Québec et faisait plutôt l’apologie d’un programme d’assimilation forcée comme la plupart de la gauche au Canada anglais d’ailleurs. Nous nous opposions par exemple à l’indépendance et aux lois linguistiques comme la loi 101, tout en soutenant les politiques de « bilinguisme » de Pierre Trudeau.
Dans les pages de Spartacist Canada (journal en anglais de la TLC), nous dénoncions les appels à l’indépendance et au socialisme mis de l’avant par certaines organisations de gauche, comme le Groupe marxiste révolutionnaire et son slogan « pour la république des travailleurs du Québec ». Mais même si de tels groupes capitulaient au nationalisme petit-bourgeois (et pas seulement au Québec), nous étions simplement et injustement opposés à ce que les travailleurs québécois forment un État séparé, que ce soit sous le capitalisme ou le socialisme :
« À l’inverse des nationalistes de gauche, nous ne plaçons pas d’espoir dans la stratégie utopique et réactionnaire de lutter pour une “république des travailleurs du Québec” ou un “Québec socialiste indépendant”. La réalisation d’une “république des travailleurs du Québec” n’est pas plus concevable qu’une “république des travailleurs de Californie.” »
« Le nationalisme québécois et la lutte des classes », Spartacist Canada no 12, janvier 1977
Au contraire : la république ouvrière du Québec pourrait en fait servir d’étincelle à des révolutions à l’échelle de l’Amérique et du monde.
Suite à une lutte à l’intérieur de notre parti en 1995, nous avons formellement appelé à l’indépendance. Mais ce changement demeurait dans un cadre centriste qui considérait toujours la lutte contre l’oppression nationale comme un obstacle à la révolution. Il aura donc fallu la récente bataille interne, qui a débuté dans la section canadienne en 2016 et qui a culminé dans la Septième Conférence internationale de la LCI ce printemps, pour nous départir de notre programme erroné sur la question nationale. Spartacist édition française no 43 (été 2017), « La lutte pour le léninisme sur la question nationale », publie le document de cette Conférence qui revient en profondeur sur cette lutte et ses conclusions programmatiques.
Notre objectif au Québec et au Canada est la création de deux partis dans deux États séparés. Même après la révolution socialiste, le droit des travailleurs québécois de former un État séparé doit être défendu. Comme le disait le dirigeant révolutionnaire Lénine :
« De même que l’humanité ne peut aboutir à l’abolition des classes qu’en passant par la période de transition de la dictature de la classe opprimée, de même elle ne peut aboutir à la fusion inévitable des nations qu’en passant par la période de transition de la libération complète de toutes les nations opprimées, c’est-à-dire de la liberté pour elles de se séparer. »
« La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes », 1916
La Conférence internationale a aussi corrigé la position de notre organisation sur les lois linguistiques comme la loi 101. À défaut de souveraineté nationale, nous soutenons de telles lois car elles représentent des mesures défensives quant à l’existence même de la nation opprimée et elles représentent une expression partielle de l’autodétermination.
République ouvrière tracera dans ses articles la ligne de division fondamentale entre la classe ouvrière et la bourgeoisie sur toutes les questions politiques et sociales, démasquant l’hypocrisie et les mensonges des capitalistes. C’est aussi par l’entremise de polémiques directes contre les organisations pseudo-marxistes et « de gauche », en exposant franchement nos différences politiques, que nous pourrons apporter la clarté programmatique sur laquelle construire un parti d’avant-garde. Enfin, notre journal s’engage à avoir un contenu fortement international, à l’encontre de l’esprit de clocher des médias dominants au Québec : il est crucial pour les révolutionnaires d’absorber les leçons historiques du mouvement ouvrier d’ici et de tous les pays, afin de s’éduquer dans un esprit d’internationalisme prolétarien.
La lutte pour une position léniniste sur la question nationale a permis de réaffirmer la continuité révolutionnaire trotskyste de la LCI, remontant directement à la Révolution russe d’Octobre 1917. Nous avons été par exemple l’unique organisation au monde qui s’est battue contre la contre-révolution capitaliste en Europe de l’Est et en Union soviétique dans les années 1989-1992, tout en luttant pour des révolutions politiques prolétariennes contre les bureaucraties staliniennes en faillite. Alors que nous célébrons cette année le centième anniversaire de la prise du pouvoir victorieuse du prolétariat de Russie, le travail des bolchéviks demeure notre modèle pour de nouvelles révolutions d’Octobre à travers le monde.
République ouvrière s’efforcera d’être à la hauteur de ses tâches historiques. Ce qu’écrivait Lénine en 1902 dans Que faire ? demeure brûlant d’actualité en ce qui concerne les tâches d’un journal révolutionnaire aujourd’hui :
« Ce journal serait comme une partie d’un gigantesque soufflet de forge qui attise chaque étincelle de la lutte de classes et de l’indignation populaire, pour en faire jaillir un immense incendie. Autour de cette uvre encore très innocente et encore très minime par elle-même, mais régulière et commune dans toute l’acception du mot, se recruterait systématiquement et s’instruirait une armée permanente de lutteurs éprouvés. »
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