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Le Bolchévik nº 221

septembre 2017

Pour une lutte de classe contre les ordonnances antisyndicales de Macron !

A bas l’état d’urgence raciste permanent !

5 septembre – L’adoption il y a un an de la loi El Khomri, malgré une résistance acharnée marquée par des mois de grèves et de manifestations, a été une grave défaite pour la classe ouvrière. Mais, pour la bourgeoisie française, ce n’est toujours pas assez pour rétablir suffisamment son taux de profit et juguler son déclin de plus en plus prononcé par rapport à son rival allemand.

La cible principale du nouveau gouvernement Macron dans ce but, ce sont les syndicats, qui sont les organisations de défense économique de base des travailleurs contre les patrons. Les ordonnances visent principalement à casser les syndicats pour donner plus libre cours aux attaques des capitalistes contre les travailleurs.

Il s’agit tout d’abord de généraliser la loi El Khomri pour vider de leur contenu les conventions collectives (accords patrons-syndicats au niveau de branches entières de l’économie). Les accords au niveau de l’entreprise primeraient. L’objectif du gouvernement est de parvenir à ce que les sections syndicales de chaque entreprise d’une branche donnée acceptent des concessions pires que celles des syndicats des entreprises concurrentes, engageant ainsi une infernale course à la liquidation des acquis ouvriers.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les patrons étaient jusqu’à présent tenus par la loi de respecter les conventions collectives de branche. Maintenant le monopole syndical de la représentation des travailleurs pour la négociation d’accords serait cassé et les patrons pourraient « négocier », avec eux-mêmes en quelque sorte, l’établissement de nouvelles règles maison.

Car le deuxième volet des ordonnances consiste à affaiblir directement les syndicats. Elles visent ainsi à fusionner (supprimer) les délégués des comités d’hygiène et de sécurité (CHSCT), les délégués du personnel et même, dans certaines conditions, les délégués syndicaux en les réduisant au comité d’entreprise. La disparition des CHSCT se traduirait à court terme par plus de morts et d’accidentés au travail. Les patrons pourraient opposer aux syndicats un « référendum d’entreprise » où les travailleurs, mélangés aux cadres, seraient sous une pression accrue de voter eux-mêmes pour la liquidation de leurs acquis. Et par ailleurs les bureaucrates restants seraient plus que jamais englués dans les œuvres sociales du patron que gèrent les comités d’entreprise.

Ce qui est proprement scandaleux, c’est que la direction de la CFDT (qui a ouvertement fait campagne pour Macron aux dernières élections) accepte l’essentiel detout cela. Et le chef de FO, Jean-Claude Mailly, a même réussi à doubler sur sa droite le jaune Berger en faisant le service après-vente des ordonnances Macron.

La CGT, elle, au moins, est à l’initiative de la journée de mobilisation et de grève le 12 septembre. Mais, pour gagner, les travailleurs doivent tirer les leçons politiques des mobilisations de l’année dernière contre la loi El Khomri. Les bureaucrates réformistes à la tête de la CGT avaient saucissonné les luttes par secteur et, dans le secteur crucial de la SNCF, ils avaient freiné des quatre fers pendant des semaines. Cela a contribué à la défaite, y compris pour les cheminots qui se sont vu imposer des attaques sans précédent et un pas en avant vers la privatisation du rail (le Bolchévik n° 217, septembre 2016).

Un troisième aspect de la loi porte sur la généralisation des « CDI de chantier ou d’opération » visant à rogner sur les CDI. Là aussi, en multipliant les statuts différentiés entre travailleurs, l’objectif est de les dresser les uns contre les autres et empêcher des mobilisations syndicales unies (voir aussi notre article page 2 sur les travailleurs détachés). On a vu cet été comment le gouvernement a, d’un trait de plume, rayé des dizaines de milliers d’emplois dans l’éducation et ailleurs en supprimant les contrats aidés. Le principe de ces emplois avait été développé sous le gouvernement Jospin-Mélenchon-PCF il y a plus de quinze ans. Les syndicats auraient dû refuser que ces travailleurs soient embauchés au rabais dans l’objectif de miner la force de frappe syndicale : tous doivent être embauchés sur le même contrat en CDI !

Plus fondamentalement, une lutte sérieuse contre le chômage qui ronge la classe ouvrière poserait immédiatement la question d’exiger le partage du travail entre toutes les mains, avec réduction correspondante du temps de travail mais sans perte de salaire. Pour que toutes les femmes puissent avoir un emploi à plein temps, cela exige de lutter en même temps pour des crèches et garderies de qualité, gratuites et ouvertes 24 heures sur 24 !

Bien sûr, les capitalistes pousseraient les hauts cris en disant qu’ils feraient faillite bien avant. Eh bien, si les capitalistes ne peuvent pas satisfaire ces demandes élémentaires, au fond bien modestes, qu’ils dégagent ! Le programme révolutionnaire doit ainsi avoir pour but, en partant des revendications actuelles de la classe ouvrière, de lui montrer la nécessité de lutter pour ses propres organes de pouvoir et pour renverser la classe capitaliste tout entière (voir notre article en dernière page sur le modèle de la Révolution russe d’octobre 1917).

En choisissant la procédure accélérée des ordonnances, Macron espère éviter le développement d’une vague de manifestations et de grèves comme celles qu’avaient suscitées nombre d’attaques anti-ouvrières ces dernières années. Il est bien conscient que l’abstention aux dernières élections a été particulièrement forte dans la classe ouvrière, malgré les appels des chefs de la CFDT mais aussi de la CGT, ainsi que du PS et du PCF, à « faire barrage » à la populiste fascisante Le Pen, c’est-à-dire voter Macron. Sans compter Mélenchon et le NPA ou LO qui ont refusé de faire campagne pour l’abstention. La haine monte déjà dans la classe ouvrière contre le gouvernement,et une nette majorité de la population est opposée à ces ordonnances antisyndicales.

A bas la guerre raciste « contre le terrorisme » !

Aussi, le gouvernement ne peut se contenter de se fier aux louanges des médias capitalistes pour faire passer ses mesures. Il astique un gros bâton (voir aussi notre encadré ci-contre sur les hommes du président). Le projet de loi « renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure » fait passer dans le droit commun les principales mesures d’arbitraire policier en vigueur depuis près de deux ans dans le cadre de l’état d’urgence : assignations à résidence, fouilles de véhicules et perquisitions, fermeture des lieux de culte, création de « zones de protection et de sécurité » autour d’événements publics, etc.

Avec ce texte, selon la Ligue des droits de l’Homme, « la France entrerait durablement dans un régime d’exception ». La juriste Mireille Delmas-Morty pointe du doigt la légalisation de l’arbitraire policier, qui permettrait d’emprisonner « une personne non pas pour punir les crimes qu’elle a commis, mais pour prévenir ceux qu’elle pourrait commettre » (Libération, 16 juillet). C’est le film de Spielberg Minority Report mis à la sauce antimusulmans, avec toute une population transforméeen suspects.

Le gouvernement compte, à force de campagnes racistes « contre le terrorisme », que le mouvement ouvrier ne bougera pas pour défendre les musulmans ou présumés tels. Mais une partie significative de la classe ouvrière est d’origine musulmane (surtout dans les régions les plus industrialisées du pays), et par-dessus le marché ces mesures visent tout le monde, notamment la classe ouvrière. Elle doit de toute urgence lutter contre ces mesures racistes, et ainsi se défendre elle-même !

Par exemple, d’après un rapport publié le 30 mai dernier par Amnesty International, sur 683 mesures d’« interdiction de séjour » prononcées depuis novembre 2015 dans le cadre de l’état d’urgence, 639 – plus de 90 % ! – étaient en fait des interdictions de manifester visant des syndicalistes et des militants de gauche, défenseurs des réfugiés ou écologistes, dont 574 lors des mobilisations contre la loi El Khomry.

Toujours depuis novembre 2015, 155 manifestations ou rassemblements ont été interdits – sans parler de la répression policière massive qui au même moment s’abattait sur les manifestations contre la loi El Khomri autorisées. En pérennisant l’état d’urgence, le gouvernement capitaliste renforce ainsi l’arsenal répressif à sa disposition pour mater la résistance que la classe ouvrière ne manquera pas, tôt ou tard, d’opposer à ses attaques. A bas la guerre « contre le terrorisme » ! A bas Vigipirate et Sentinelle ! Le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes des minorités contre la terreur raciste des flics !

Pour une direction lutte de classe des syndicats !

La lutte pour l’unité de la classe ouvrière nécessite ainsi la lutte contre la terreur raciste. A l’opposé du chauvinisme français des bureaucrates syndicaux, cela pose aussi la question de la solidarité internationale des travailleurs face aux menaces de délocalisation visant à les dresser les uns contre les autres. C’est ce genre de question qu’il faut mettre sur la table pour reconstruire les syndicats, qui aujourd’hui organisent peut-être un travailleur sur dix seulement. Il faut syndiquer les non-syndiqués !

L’obstacle à cette perspective est la bureaucratie syndicale, qui dépend des subsides du gouvernement capitaliste ou des patrons plus que des cotisations de ses membres. Pour amadouer Force ouvrière, le gouvernement Macron a pu débaucher l’ex-numéro 2 officieux de FO comme directeur adjoint de cabinet de Muriel Pénicaud au Ministère du Travail ! Cela montre combien les bureaucrates au sommet des appareils syndicaux, pénétrés de la nécessité de gérer au mieux le capitalisme français, sont prêts à passer du jour au lendemain du côté des cabinets ministériels capitalistes.

L’indépendance politique du mouvement ouvrier face à l’Etat et aux partis capitalistes nous guide dans la lutte pour remplacer les directions procapitalistes des syndicats par une direction lutte de classe capable d’unifier la classe ouvrière. Nous luttons pour des syndicats industriels, regroupant dans une seule organisation tous les travailleurs d’une branche économique.

La lutte syndicale peut porter des coups aux conditions d’exploitation de la classe ouvrière, mais elle ne peut par elle-même mettre fin à cette exploitation. Pour gagner cette guerre, il faut lutter pour le pouvoir ouvrier sous la direction d’un parti révolutionnaire armant le prolétariat d’une compréhension consciente de ses propres intérêts de classe dans la lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière et de tous les opprimés face à l’esclavage capitaliste.

Le gouvernement attaque de front non seulement la classe ouvrière, mais tous les opprimés. La liquidation des emplois aidés va ravager l’école dans les quartiers ouvriers et immigrés, la réduction des APL va toucher tous les pauvres et les étudiants, l’augmentation de la CSG va frapper directement les retraités et les fonctionnaires, la « guerre contre le terrorisme » tous les musulmans, etc.

Le parti ouvrier révolutionnaire doit agir comme un véritable tribun du peuple. Reprenant à son compte la lutte contre toutes ces oppressions, il doit lutter pour que la classe ouvrière prenne la tête de tous les opprimés et les mobilise derrière lui dans une lutte générale pour la révolution socialiste.

La classe ouvrière a besoin d’un parti authentiquement communiste

Au-delà de la nécessaire mobilisation syndicale posée par les ordonnances du gouvernement, la question est posée d’une alternative politique. La gauche traditionnelle est ressortie en lambeaux du gouvernement Hollande. Le PS a perdu les neuf dixièmes de ses députés, et pour le PCF le résultat des législatives va se traduire par une hémorragie financière, étant donné la réduction des subsides gouvernementaux dont il dépendait pour son fonctionnement, suite au faible nombre de voix qu’il a obtenues aux législatives.

La déliquescence politique et financière des partis ouvriers réformistes a pour conséquence un bouleversement de la dynamique interne du parlementarisme français. Depuis des décennies, le principal mécanisme politique pour enchaîner les travailleurs à l’ordre capitaliste, et notamment pour canaliser la lutte de classe vers le parlementarisme bourgeois, était celui du « front populaire ». De l’Union de la gauche de Mitterrand-Marchais-Fabre au bloc de Hamon avec les Verts, le front populaire consistait en une alliance entre des partis ouvriers réformistes liés historiquement à la classe ouvrière – le PS et PCF – et des partis ou groupuscules bourgeois « de gauche » (comme les Radicaux de gauche ou les Verts), qui étaient là pour garantir le caractère entièrement bourgeois de l’alliance.

L’opposition la plus bruyante au gouvernement est maintenant celle de la « France insoumise » (FI) de Jean-Luc Mélenchon, un parti populiste bourgeois qui a abandonné toute prétention à se revendiquer du prolétariat au profit du « peuple », et dont la rhétorique chauvine anti-allemande est stridente ainsi que sa défense de la « francophonie ». Celle-ci est un euphémisme pour désigner l’influence géographique et culturelle, et en conséquence économique, de l’impérialisme français ; sa promotion fait l’objet de tout un point du programme électoral de Mélenchon, « passer à la francophonie politique ». Mélenchon a appelé à une manifestation nationale le 23 septembre à Paris pour essayer de capitaliser sur la mobilisation syndicale du 12 en accrochant ainsi les syndicats à son char populiste. Ce serait les enchaîner encore plus sûrement à la bourgeoisie.

Cela n’a pas empéché le PCF de se diviser par la moitié lors des dernières élections sur la question de soutenir Mélenchon ; une partie de ses troupes et de ses cadres a décampé pour la FI (comme c’est aussi le cas du NPA depuis des années), ce qui montre la perméabilité idéologique du PCF au populisme bourgeois chauvin. Ce qui reste du PCF montre son incapacité à désigner la « France insoumise » pour ce qu’elle est : du côté de l’ennemi de classe bourgeois, même si c’est avec de la démagogie contre le « coup d’Etat social » macroniste. D’ailleurs les mélenchonistes passent une partie de leur temps au parlement à essayer de recruter les députés macronistes qui en auraient marre d’être de simples godillots de Jupiter.

Mélenchon, qui demandait déjà à être Premier ministre sous Hollande, s’est à nouveau déclaré prêt à gouverner lors de l’université d’été de son mouvement à Marseille fin août. Les travailleurs n’auraient rien à y gagner, ni les opprimés en général : Mélenchon avait par exemple déclaré pendant sa campagne présidentielle : « je suis pour la reconduite aux frontières des gens qui n’ont pas une situation stable et légale dans notre pays », et pour l’expulsion des sans-papiers sans travail.

La classe ouvrière de ce pays a plus que jamais besoin d’un parti qui trace une claire ligne de classe contre sa bourgeoisie impérialiste, un parti révolutionnaire d’avant-garde de type bolchévique qui se fixe comme perspective le renversement de cette classe exploiteuse et de son Etat par une révolution socialiste. Ceci nécessitera de réimplanter le marxisme authentique dans les couches politiquement les plus avancées du prolétariat, de la jeunesse et des opprimés, et qu’une nouvelle génération de militants révolutionnaires se réapproprie les leçons toujours vivantes de la première révolution prolétarienne victorieuse à ce jour, celle d’Octobre 1917. Avec nos camarades des autres sections de la Ligue communiste internationale, nous luttons pour construire ce parti trotskyste d’avant-garde, section d’une Quatrième Internationale reforgée.

 

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