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Le Bolchévik nº 206 |
Décembre 2013 |
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Non à la « Charte des valeurs québécoises » réactionnaire !
Cet article a été traduit de Spartacist Canada n° 179, hiver 2013-2014.
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La Charte des valeurs québécoises, un projet de loi déposé par le gouvernement de Pauline Marois, du Parti québécois (PQ), a provoqué un déchaînement de préjugés anti-musulmans. Présentée de façon cynique comme une mesure en défense de la laïcité et l’égalité entre hommes et femmes, la Charte interdirait le port de signes religieux « ostentatoires » par toute personne travaillant dans une institution publique ou bénéficiant d’un financement public hôpitaux, garderies, maisons de santé, écoles et services administratifs. Sont visés entre autres la kippa juive et le turban sikh. Mais la cible principale, ce sont les femmes musulmanes qui portent le foulard (hidjeb).
Le projet de loi 60, présenté officiellement le 7 novembre dernier par les nationalistes bourgeois du PQ, est encore plus draconien que les propositions annoncées deux mois auparavant. Les employés des sociétés privées fournissant le gouvernement, ou recevant de lui des subventions, se verraient eux aussi interdire le port de signes religieux ; la clause d’exemption qui était prévue pour les municipalités et les universités serait elle aussi considérablement restreinte. Le PQ prévoit aussi d’empêcher de même bénéficier des services publics les quelques femmes musulmanes qui portent le voile intégral (niqab) au Québec.
L’initiative du PQ encourage les racistes, qui ne se cachent plus. « Je vois cette tension et ces regards haineux avant nous », explique Badia Senouci, une immigrée née en Algérie et qui vit au Québec depuis 14 ans. Badia Senouci, qui faisait ses courses dans un centre commercial à Québec, a été accostée par une femme qui, citant la Charte, a exigé qu’elle retire son voile et change de religion, et cette femme a craché au visage de son fils de 18 ans qui tentait de s’interposer. A Saguenay, des racistes ont badigeonné une mosquée avec, disaient-ils, du sang de cochon. Un enregistrement vidéo pris dans un autobus à Montréal montre un homme d’un certain âge hurler à une femme portant le hidjeb qu’elle doit retirer son voile. Réplique de celle-ci : « C’est Marois qui vous donne le courage. »
Le projet de loi 60 est le fruit empoisonné de plus d’une décennie de chasse aux sorcières anti-musulmans et anti-immigrés. Les capitalistes mènent cette chasse aux sorcières au niveau international dans le cadre d’une guerre sans fin « contre le terrorisme ». Elle s’inspire directement des lois anti-musulmans en vigueur en France et dans plusieurs autres pays européens. Au Québec comme ailleurs, la bourgeoisie veut faire des immigrés et autres minorités le bouc émissaire de la misère que subissent les travailleurs et les pauvres. De Paris à Athènes et au-delà, des forces ouvertement racistes et même fascistes gagnent en influence à mesure que s’intensifient les attaques contre l’emploi, le niveau de vie et les prestations sociales.
Au Québec, de sordides calculs électoraux jouent aussi un rôle. Le PQ, actuellement à la tête d’un gouvernement minoritaire, cherche à séduire les électeurs francophones conservateurs du parti de droite Coalition avenir Québec (CAQ), notamment dans les régions éloignées de Montréal où il n’y a pas beaucoup d’immigrés. Même si l’influence autrefois écrasante de l’Eglise catholique au Québec est aujourd’hui réduite à la portion congrue, le nationalisme réactionnaire d’inspiration catholique (« notre patrimoine ») est encore fort dans ces régions. Le PQ a perdu en 2007 son statut d’opposition officielle au profit des nationalistes de droite de l’Action démocratique du Québec (aujourd’hui l’une des composantes de la CAQ), à la faveur déjà d’une vague d’hystérie anti-immigrés. En même temps, les péquistes couvrent leur flanc gauche en mobilisant féministes et intellectuels laïques pour donner à la Charte un vernis « progressiste ».
La Charte des valeurs cible non pas l’oppression des femmes par le truchement de la religion, mais les croyances religieuses privées et les croyants eux-mêmes. Les marxistes sont athées et luttent pour la libération des femmes. Le voile, qu’il soit porté volontairement ou sous la contrainte, est pour nous un symbole et un instrument de l’oppression des femmes. En même temps, nous nous opposons à toutes les tentatives de l’Etat capitaliste pour l’interdire ou en restreindre le port, comme pour les autres symboles religieux personnels. Nous rejetons l’affirmation mensongère que ce genre d’interdiction raciste et discriminatoire ait quoi que ce soit à voir avec la « protection » des femmes ou l’intégration des immigrés. Cela ne peut au contraire que contribuer à renforcer l’isolement social et l’oppression des femmes musulmanes en les chassant du monde du travail et en leur interdisant l’accès aux services publics. Nous disons : A bas les exclusions racistes ! Non au projet de loi 60 du PQ !
L’hypocrisie grotesque d’Ottawa
Comme on pouvait s’y attendre, l’annonce de la Charte des valeurs a suscité au Canada anglais une vague de démagogie anti-québécoise. Les éditoriaux des journaux, du National Post à droite au Toronto Star au centre-gauche, débordaient d’indignation contre le fléau du racisme
au Québec. Jason Kenney, un ministre du cabinet conservateur, déclarait quant à lui que le PQ jouait la « politique de la division en attaquant les communautés minoritaires ». Le Canada, d’après lui, « est un modèle dans le monde entier du fait de notre pluralisme, de notre tradition d’unité dans la diversité ».
Mais c’est ce même gouvernement canadien qui organise les expulsions d’immigrés et de réfugiés à un rythme sans précédent. C’est ce même gouvernement qui, il y a six ans, a essayé d’empêcher les femmes portant le niqab de voter aux élections fédérales, et qui, il y a deux ans, leur a interdit de prêter le serment de citoyenneté [lors de l’acquisition de celle-ci]. L’hypocrisie la plus éhontée a toujours été la marque de fabrique de la classe dirigeante canadienne, qui a construit son Etat sur la destruction des sociétés autochtones et la négation des droits nationaux des Québécois francophones.
La bourgeoisie anglo-canadienne présente le nationalisme québécois comme exceptionnellement xénophobe et intolérant une accusation plutôt osée si l’on considère le bilan d’Ottawa [la capitale fédérale] en matière de chasse aux sorcières contre les musulmans au nom de la « guerre contre le terrorisme ». Depuis la participation active du Canada à l’occupation sanglante de l’Afghanistan jusqu’à l’aide apportée pour livrer en 2002 Maher Arar [un jeune informaticien canadien d’origine syrienne] à ses tortionnaires syriens pour le compte de Washington, les machinations, mises en détention et autres « listes noires » pour compagnies aériennes sont autant d’atteintes aux droits de tous et de chacun.
Nationalisme, laïcité et Révolution tranquille
C’est au profit de la réaction raciste que les nationalistes du PQ manipulent cyniquement de leur côté le soutien massif à la laïcité et aux droits des femmes au Québec. En présentant le projet de loi 60 à l’Assemblée nationale, le ministre du cabinet PQ Bernard Drainville a eu le culot d’affirmer que « la Charte des valeurs sera source d’harmonie et de cohésion pour le Québec », avant d’ajouter : « Elle s’inscrit dans le processus de laïcisation, entamé lors de la Révolution tranquille. »
Le romancier américain Mark Twain décrivait Montréal à la fin du XIXe siècle, comme une ville où « il serait impossible de lancer une brique sans briser la fenêtre d’une église ». L’Eglise catholique a fait peser une chape de plomb sur le Québec francophone pendant encore une bonne partie du siècle suivant. Elle contrôlait les institutions sociales comme les hôpitaux et les écoles, avec le soutien des capitalistes anglophones. Sous Maurice Duplessis, qui gouverna le Québec pendant près de vingt ans jusqu’en 1959, la domination cléricale était renforcée par une répression policière non dissimulée. Mais, dans les années 1960, de puissantes luttes sociales sonnèrent le glas de ce qu’on désigne aujourd’hui encore sous le nom de « Grande Noirceur » québécoise.
Ce qu’on appelle la Révolution tranquille, et dont la force motrice principale était l’opposition à l’oppression nationale, a libéré le Québec du joug clérical, et ceci a profité tout particulièrement aux femmes. C’était aussi une période d’intenses luttes de classe, marquée par l’émergence d’un mouvement syndical québécois bien organisé et combatif. L’apogée de ces luttes fut la grève générale d’avril-mai 1972, où les travailleurs prirent le contrôle de plusieurs villes industrielles. Mais ce mouvement syndical combatif s’est retrouvé subordonné à la nouvelle bourgeoisie québécoise émergente qui a progressivement remplacé l’ancienne élite anglo-canadienne.
Le gouvernement fédéral a réagi par la répression à la montée des luttes au Québec, avec notamment l’occupation militaire de Montréal pendant la « crise d’octobre » en 1970. De leur côté, les dirigeants syndicaux traîtres anglo-canadiens et les sociaux-démocrates du NPD [Nouveau parti démocratique] étaient hostiles aux aspirations des travailleurs québécois et leur chauvinisme en faveur de « l’unité canadienne » a eu pour effet de pousser la classe ouvrière québécoise dans les bras de ses « propres » capitalistes nationaux. Les bureaucrates syndicaux québécois commencèrent bientôt à soutenir le PQ, qui forma son premier gouvernement en 1976. A la fin des années 1970, la période de radicalisation syndicale et sociale au Québec était arrivée à son terme. Depuis maintenant plus de trente ans, les nationalistes du PQ et les fédéralistes du Parti libéral gèrent tour à tour le capitalisme au Québec, y compris quand cela inclut, au nom de l’austérité, des attaques brutales contre les travailleurs.
Le nationalisme et le chauvinisme attisent inévitablement le racisme contre les immigrés et les minorités ethniques. Pour que les travailleurs puissent aller de l’avant dans leurs luttes contre les ravages du système de profit capitaliste, ils doivent s’unir en surmontant les divisions nationales, raciales et ethniques. Mais dans ce pays, et depuis très longtemps, la classe ouvrière est divisée suivant des clivages nationaux, ce qui sape en profondeur sa capacité à lutter de façon unie. Pour cette raison, nous, marxistes, réclamons l’indépendance pour le Québec. En évacuant la question nationale de l’ordre du jour, l’indépendance créerait des conditions beaucoup plus favorables pour permettre aux travailleurs de voir que leurs vrais ennemis sont leurs exploiteurs capitalistes respectifs, et pas les ouvriers de l’autre nation ou les minorités ethniques et religieuses.
Féminisme et hystérie anti-musulmans
Un blogueur québécois de gauche a décrit fort justement la Charte du PQ comme « l’hydre islamophobe, déguisée en prince charmant laïc et en belle au bois dormant féministe » (marcbonhomme.com, 28 octobre). Les dispositions de la Charte divisent profondément les nationalistes bourgeois, les syndicats et l’influent milieu féministe québécois.
Les anciens premiers ministres PQ Lucien Bouchard et Jacques Parizeau ont tous les deux critiqué la Charte. La seule députée restante du Bloc québécois à Montréal, Maria Mourani, a été exclue de son groupe parlementaire pour s’y être publiquement opposée. Dans le mouvement syndical, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) a très vite soutenu le projet de loi du PQ, tandis que la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui représente environ un tiers des enseignants québécois, l’a dénoncé. Sylvain Mallette, le président de la FAE, a déclaré à la presse : « Nous n’allons pas engager une chasse aux sorcières pour voir qui porte un hidjeb, une kippa ou une croix [
]. Nous allons défendre le droit de nos membres à travailler. »
Il y a presque chaque semaine à Montréal des manifestations rivales pour ou contre la Charte. La plus grande manifestation contre la Charte, le 14 septembre, a rassemblé plus de 10 000 personnes, principalement des musulmans. Six semaines plus tard, une « manifestation des Janettes » (ainsi baptisée en référence à Janette Bertrand, pionnière du féminisme, écrivaine et célébrité télévisée aujourd’hui âgée de plus de 80 ans) a rassemblé un nombre similaire de partisans de la Charte. Brandissant des drapeaux québécois, les manifestants ont entonné l’hymne officieux des nationalistes, Gens du pays. Parmi les organisateurs de ce rassemblement figuraient Martine Desjardins, une des dirigeantes de la grève étudiante de 2012, et Julie Snyder, personnalité médiatique et épouse de Pierre Karl Péladeau, l’ex-PDG de Quebecor et de Sun Media, tristement célèbre pour son hostilité envers les syndicats. Début 2013, le gouvernement PQ a nommé Péladeau à la tête d’Hydro-Québec, la compagnie publique d’électricité qui est une des fiertés nationales du Québec ; il est maintenant régulièrement invité à des conseils de ministres restreints.
La Fédération des femmes du Québec (FFQ), qui est le principal groupe féministe québécois, a déclaré qu’elle était « vigoureusement » opposée à l’interdiction faite aux femmes portant des signes vestimentaires religieux d’occuper des emplois dans la fonction publique. Mais la FFQ fait une exception importante pour les femmes qui portent le voile intégral, qui, explique-t-elle, doit être interdit parce que le niqab ou la burqa « entrave la communication ». La sororité féministe est peut-être puissante, comme on disait jadis, mais elle ne s’étend pas aux femmes musulmanes complètement voilées. En fait, la démagogie anti-immigrés est présente depuis longtemps dans le mouvement féministe québécois. Témoin Lise Payette, ex-ministre de la condition féminine du PQ. La carrière de scénariste qu’elle a embrassée après son passage au gouvernement a été marquée par son documentaire Disparaître, en 1989, où elle dénonçait la « menace » que les immigrés représentaient soi-disant pour la société québécoise.
C’est clair : le féminisme ne peut pas montrer la voie vers l’émancipation des femmes. Pour le féminisme, qui est une idéologie bourgeoise, la société est fondamentalement divisée non pas entre classes sociales, mais entre hommes et femmes. Le féminisme ne vise pas la destruction du système capitaliste, la source principale de l’oppression des femmes aujourd’hui. En fait, le but de beaucoup de féministes n’est rien moins que de faire progresser une couche de femmes dans les conseils d’administration et dans les échelons supérieurs de l’université et des médias. Malgré des acquis importants comme le droit à l’avortement et l’égalité devant la loi, le Québec bourgeois laïque qui est issu de la Révolution tranquille reste une société d’exploitation impitoyable n’offrant aucune perspective pour la libération des femmes (ni de personne d’autre).
En outre, les prétentions du PQ à défendre la laïcité et les droits des femmes ne sont que de la frime. Parmi les choses que la Charte n’interdit pas figurent « des éléments emblématiques ou toponymiques du patrimoine culturel du Québec », c’est-à-dire les croix géantes et autres symboles catholiques qui ornent les bâtiments publics dans toute la province. On ne touche pas aux exemptions d’impôts pour les groupes religieux et au financement public des écoles religieuses privées, mais la loi inclut une disposition « permettant au médecin et au pharmacien de ne pas recommander ou de ne pas fournir des services professionnels en raison de leurs convictions personnelles ». Le PQ s’alarme de la « menace » que représenterait une femme portant le hidjeb et servant leur repas aux enfants d’une garderie, mais un fanatique religieux chrétien derrière le comptoir d’une pharmacie ou d’une clinique serait libre de refuser en prétextant sa religion de prescrire la pilule ou de vendre un préservatif.
Marxisme et réaction religieuse
Comme nous l’écrivions dans notre article « A bas l’interdiction du niqab au Québec ! » (Spartacist Canada n° 165, été 2010) : « Le danger pour les droits des femmes ne vient pas d’une minorité musulmane minuscule et vulnérable, mais du pouvoir de la bourgeoisie, qui soutient l’institution réactionnaire de la famille, la principale force qui opprime les femmes dans le monde entier. La famille sert à transmettre la propriété d’une génération à l’autre, et à élever les nouvelles générations de travailleurs. » L’oppression des femmes a pour origine la société de classes, et on y mettra fin seulement en renversant le pouvoir de classe de la bourgeoisie. La famille ne peut pas être simplement abolie : ses fonctions doivent être remplacées par la socialisation de l’éducation et de la garde des enfants, ainsi que des tâches domestiques, dans le cadre d’une société socialiste égalitaire.
Les intégrismes religieux montent en flèche depuis la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique le premier Etat ouvrier du monde, créé à l’issue de la révolution d’Octobre 1917 en Russie. Christianisme, judaïsme, islam, hindouisme : ce sont tous des variétés de « l’opium du peuple », comme Karl Marx qualifiait la religion il y a 170 ans. Cette fausse conscience qui se développe parmi les pauvres et les opprimés a pour origine leur désespoir et aussi le mensonge, dont on les abreuve, qu’il est désormais impossible de lutter pour un avenir socialiste égalitaire.
Toutes les religions modernes sont l’instrument de la réaction pour tromper les travailleurs. Mais la présence aujourd’hui de plus en plus visible du voile est aussi le résultat de la pauvreté et des discriminations auxquelles sont condamnés les immigrés musulmans et leurs descendants au Canada et dans d’autres pays impérialistes. Les jeunes femmes immigrées et issues des minorités sont prises au piège entre à la fois le racisme de ces sociétés, et des structures familiales rigides et oppressives.
Tous les partis de la classe capitaliste, les fédéralistes comme les souverainistes, attisent nécessairement le racisme à l’encontre de ces minorités, parce la politique de « diviser pour régner » est nécessaire à un système social basé sur une exploitation féroce de la classe ouvrière. Nous, marxistes, luttons pour l’intégration volontaire de toutes les minorités sur la base de l’égalité complète. Mais nous savons que pour éradiquer le racisme, l’oppression des femmes et toutes les formes de discrimination, il faudra une lutte révolutionnaire, mobiliser la puissance sociale de la classe ouvrière pour mettre fin à l’exploitation capitaliste et libérer l’humanité de la pauvreté et du besoin.
Québec solidaire : la cinquième roue du carrosse du PQ bourgeois
Cette perspective est à des années-lumière de celle de Québec solidaire (QS), le parti nationaliste petit-bourgeois soutenu par la plus grande partie de la gauche réformiste québécoise. Pendant la campagne pour les élections provinciales de 2012, Françoise David, la dirigeante de QS, avait proposé de soutenir un gouvernement PQ minoritaire à l’Assemblée nationale. Plus récemment, des porte-parole de QS ont couvert le tournant anti-immigrés du PQ en affirmant que leur organisation « accueille favorablement » plusieurs des propositions de la Charte et cherche à « trouver des compromis honorables ».
En octobre dernier, QS a lancé sa propre « Charte de la laïcité » qui supprimerait certaines restrictions, ouvertement racistes, au port de symboles religieux, mais qui ne toucherait pas à la privation de services publics pour les femmes portant le niqab. Cela correspond aux positions adoptées par QS à l’époque (2010) où le gouvernement libéral cherchait à mettre en place au Québec une interdiction similaire. Le député QS Amir Khadir avait aussi voté en faveur d’une résolution du PQ interdisant aux sikhs portant le kirpan (une courte dague portée comme symbole religieux) de pénétrer dans l’Assemblée nationale pour expliquer leur opposition au projet de loi du Parti libéral.
Parmi les groupes réformistes qui ont fait leur nid au sein de Québec solidaire (La Riposte/Fightback, Gauche socialiste, etc.), plusieurs ont publié des déclarations contre la Charte du PQ. La Riposte affirme toutefois que la Charte n’est pas une affaire si grave que cela : « Elle n’a au final aucun pouvoir légal » et « ne produit au final qu’un effet limité » (marxiste.qc.ca, 24 septembre). Pour Gauche socialiste, qui depuis longtemps multiplie les génuflexions devant l’autel du nationalisme québécois petit-bourgeois, le problème principal avec le PQ est son « incapacité de gagner une majorité du peuple québécois à la perspective de l’indépendance » (pressegauche.org, 27 août). Les camarades d’idées anglo-canadiens de ces groupes soutiennent le NPD, opposant avéré, et de longue date, aux droits nationaux du Québec. Pour ces réformistes, la seule cohérence est l’opportunisme politique : se mettre à la remorque de tout ce qui apparaît comme populaire. Cela n’a rien à voir avec le combat marxiste pour une direction révolutionnaire.
La persécution des femmes musulmanes, qui sont une des catégories les plus opprimées de la société capitaliste d’aujourd’hui, est un poison pour la lutte des travailleurs. Les musulmans et les membres des autres minorités représentent une part de plus en plus importante de la classe ouvrière à Montréal et dans d’autres villes du Canada. Pour l’emporter face à la classe dirigeante exploiteuse, il faut l’unité de la classe ouvrière contre la démagogie raciste sous toutes ses formes. Cela veut dire s’opposer au projet de loi 60 réactionnaire du PQ (et à sa petite sur la Charte de la laïcité de QS) ainsi qu’à toutes les lois anti-immigrés des capitalistes, et lutter pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés.
La Ligue trotskyste/Trotskyist League lutte pour construire le noyau d’un parti ouvrier révolutionnaire binational. Un tel parti sera le tribun de tous les opprimés ; il cherchera à attirer derrière lui les femmes, la jeunesse et les minorités opprimées, dans la lutte pour s’émanciper du système capitaliste. On ne pourra le forger que grâce à une lutte politique intransigeante pour arracher la classe ouvrière à ses actuels dirigeants traîtres chauvins et nationalistes, au Canada anglais comme au Québec. Seule la révolution socialiste prolétarienne à l’échelle internationale permettra de commencer à construire une société libérée de la faim, de la guerre et du racisme ; un monde où hommes et femmes n’auront plus besoin de se réfugier dans les fantasmagories religieuses pour échapper aux dures réalités d’une société capitaliste reposant sur la misère et l’oppression.
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