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Le Bolchévik nº 192

Juin 2010

Grèce : A bas le « programme de stabilité » du gouvernement PASOK !

Forgeons un parti ouvrier révolutionnaire multiethnique !

Nous reproduisons ci-après un tract diffusé par nos camarades du Groupe trotskyste de Grèce (TOE) suite aux mesures d’austérité brutales que veut imposer à la classe ouvrière le gouvernement bourgeois populiste du PASOK (Mouvement socialiste panhellénique).

Le 5 mai une grève générale massive, la quatrième depuis le début de l’année, a de nouveau immobilisé toute la Grèce contre de nouvelles mesures d’austérité. Les protestations du 5 mai étaient les plus importantes qu’ait connues la Grèce depuis la chute de la junte des colonels en 1974. Rien qu’à Athènes, plus de 150 000 personnes y ont pris part, et il y a eu d’autres grandes manifestations dans les autres villes principales du pays.

Le gouvernement s’est jeté sur la mort de trois employés de banque, suffoqués dans un incendie causé par un cocktail Molotov le 5 mai, pour déclencher une vague de répression policière, notamment contre les anarchistes et les groupes d’immigrés. Les flics ont saccagé les locaux d’un réseau d’aide aux migrants et investi le quartier d’Exarchia, un bastion anarchiste ; des dizaines de personnes ont été arrêtées. Le Premier ministre Georges Papandréou a dénoncé la « violence » des manifestants, mais l’un des employés de la banque, collègue des trois victimes, a fait une déclaration largement diffusée sur Internet révélant que les employés avaient été menacés de licenciement s’ils ne venaient pas travailler ce jour-là, puis empêchés de partir quand ils avaient tenté de le faire. Le bâtiment, démuni de sprinklers et de sorties de secours, avait été cadenassé. Nous exigeons la libération des anarchistes et autres militants de gauche et des immigrés, et la levée des inculpations contre eux.

Les menaces et la répression n’ont pas intimidé les travailleurs : de nouvelles grèves et manifestations sont prévues. Contre les appels au patriotisme de Papandréou, auxquels fait écho le Parti communiste de Grèce (KKE), seul l’internationalisme prolétarien permettra de mobiliser les travailleurs de Grèce pour leurs propres intérêts, à la tête de tous les opprimés, et pour lutter pour la révolution socialiste.

* * *

Athènes, 28 avril – Les efforts du gouvernement PASOK pour faire supporter aux travailleurs le fardeau de la dette massive contractée par la bourgeoisie se heurte à une résistance acharnée de la part de dizaines de milliers de travailleurs et de retraités. Une série de grèves générales en février et en mars, suivies de deux jours de grève en avril, ont paralysé tout le pays à plusieurs reprises, bloquant les transports, les écoles, les banques et les administrations. La réaction des travailleurs au féroce « programme de stabilité » du PASOK – imposé comme condition préalable à un plan de sauvetage de l’UE et du FMI – a été : « Nous ne paierons pas ! » En mars dernier, des travailleurs en colère ont occupé des bâtiments publics, dont l’Imprimerie nationale, pour tenter d’empêcher que les textes promulguant le plan d’austérité soient imprimés. Les employés d’Olympic Airways ont bloqué pendant plusieurs jours l’avenue Panepistimiou, l’une des artères principales du centre d’Athènes, pour protester contre les suppressions de postes.

Le « programme de stabilité » du PASOK prévoit des milliers de suppressions d’emplois, l’augmentation de l’âge de la retraite, une hausse massive du coût de la vie du fait des réductions de salaire, l’augmentation des impôts et la hausse des prix de l’essence et d’autres produits de première nécessité. Les grèves et les manifestations ont clairement démontré l’immense force sociale potentielle de la classe ouvrière. Cette puissance peut et doit être mobilisée dans l’intérêt des travailleurs eux-mêmes, pour repousser les attaques du gouvernement mais aussi pour ouvrir la possibilité d’une contre-offensive contre tout le système capitaliste d’exploitation et d’oppression. Mais une telle riposte se heurte à un obstacle majeur : la direction officielle des syndicats – qu’il s’agisse des dirigeants pro-PASOK de la GSEE [Confédération générale des travailleurs grecs] et de l’ADEDY [fédération des fonctionnaires] ou ceux du PAME [tendance syndicale « En avant »] contrôlé par les staliniens – qui prône la collaboration de classes et le nationalisme grec, enchaînant ainsi la classe ouvrière à ses exploiteurs.

Même si la colère de leur base a forcé les bureaucrates syndicaux du PASOK à appeler à des grèves, ils ont régulièrement réaffirmé leur soutien au gouvernement et à son appel à faire des sacrifices. D’une part, Papaspyros, le dirigeant de l’ADEDY, a déclaré : « La situation est difficile pour nous tous, pour l’économie, pour le gouvernement, pour les travailleurs, pour les syndicats. Nous devons tous continuer à analyser et à évaluer la situation » (To Vima, 14 février). D’autre part, la GSEE a refusé de participer aux grèves des 21 et 22 avril. La bureaucratie syndicale cherche à mobiliser la classe ouvrière derrière le gouvernement en colportant le mensonge que le PASOK serait un parti « socialiste ». Ils sont aidés en cela par des groupes réformistes comme le Parti ouvrier socialiste (SEK), qui prétendent que le PASOK serait un parti ouvrier réformiste. Ce n’est absolument pas le cas. Depuis sa création, le PASOK a toujours été un parti bourgeois populiste – un instrument de l’ennemi de classe, tout autant que Nea Dimokratia [Nouvelle République].

Il est nécessaire de forger une nouvelle direction des syndicats, une direction révolutionnaire convaincue que le prolétariat et les exploiteurs capitalistes n’ont pas d’intérêts communs. Les travailleurs doivent lutter pour leurs besoins, pas pour ce que les patrons disent pouvoir donner. La classe capitaliste grecque a conduit le pays au bord de la faillite, et elle est aujourd’hui déterminée à faire payer la crise économique à la classe ouvrière. Nous disons non ! Au diable le « programme de stabilité » du gouvernement !

Une direction lutte de classe comme celle que nous voulons construire se battrait pour une série de revendications transitoires qui, comme l’expliquait Trotsky dans le Programme de transition rédigé en 1938, partent du niveau de conscience actuel de la classe ouvrière et de ses luttes quotidiennes contre les patrons pour aboutir à l’objectif d’une révolution prolétarienne. D’après un article publié le 21 mars dans le journal Eleftherotypia, « plus de 150 000 personnes supplémentaires se sont retrouvées au chômage fin 2009. Le nombre réel est beaucoup plus élevé si l’on compte ceux qui ne travaillent que quelques heures par semaine. » Dans le même article, le ministre du Travail, Andreas Loverdos, estimait que le taux de chômage atteindrait 12 % au mois de mars. En réalité, il est encore plus élevé. « La GSEE affirme que le taux réel n’est pas le 11,3 % des statistiques [officielles], mais qu’il approche les 17,5 %, et qu’il y a 800 000 chômeurs » (Kathimerini, 21 avril). Le chômage frappe le plus durement les femmes et les jeunes. D’après le Bureau national des statistiques, le taux de chômage chez les femmes est quatre fois plus élevé, et celui des jeunes est d’environ 25,8 %.

Pour lutter contre le chômage de masse, il faut exiger le partage du travail disponible, sans perte de salaire, et un programme massif de travaux publics. Pour protéger leur niveau de vie actuel – déjà un des plus bas d’Europe –, les travailleurs doivent exiger l’indexation des salaires sur l’inflation. Pour démasquer l’exploitation, le vol et la duperie des propriétaires capitalistes, les tripotages des banques, Trotsky expliquait dans le Programme de transition que les travailleurs doivent exiger l’ouverture des livres de compte des capitalistes, afin de « révéler enfin, devant toute la société, le gaspillage effroyable de travail humain qui est le résultat de l’anarchie capitaliste et de la pure chasse au profit ». Trotsky avançait le mot d’ordre d’expropriation de certaines branches de l’industrie parmi les plus importantes pour l’existence nationale ou de certains groupes de la bourgeoisie parmi les plus parasitaires. Contre les dirigeants réformistes traîtres pour lesquels les nationalisations étaient simplement une manière de renflouer les entreprises capitalistes, il insistait sur le fait qu’une telle revendication devait nécessairement être liée à la lutte pour la prise du pouvoir par la classe ouvrière.

Contre les capitalistes et leurs agents réformistes, Trotsky écrivait :

« Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu’il a lui-même engendrés, qu’il périsse ! La “possibilité” ou l’“impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux que tout la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste. »

Ibid.

A bas le chauvinisme ! Pour l’unité ouvrière contre les patrons !

Le combat pour mobiliser la classe ouvrière afin qu’elle lutte pour ses intérêts de classe doit inclure une lutte contre toutes les formes de discrimination. Pour forger l’unité de la classe ouvrière, il faut absolument lutter contre l’oppression raciste des immigrés. Les travailleurs immigrés, originaires d’Albanie, du sous-continent indien, d’Afrique et d’ailleurs, sont une composante cruciale de la classe ouvrière de Grèce, et il faut les mobiliser dans le combat commun aux côtés de leurs frères et sœurs de classe grecs. Pour empêcher les capitalistes de faire des travailleurs étrangers le bouc émissaire de la crise économique, le mouvement ouvrier doit lutter pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! Halte aux expulsions !

Le racisme de l’Etat capitaliste grec est un poison qui s’est manifesté récemment pendant le défilé de la Fête de l’indépendance le 25 mars à Athènes, où une unité des forces spéciales grecques a scandé sous les caméras des mots d’ordre racistes contre les Albanais, les Macédoniens et les Turcs. Cette vidéo a été ensuite postée sur YouTube et a suscité des protestations des Albanais vivant à Athènes. Le chauvinisme à l’encontre des pays balkaniques voisins et des minorités nationales à l’intérieur des frontières est utilisé par la bourgeoisie grecque, ainsi que par toutes les bourgeoisies de la région, pour dresser les classes ouvrières les unes contre les autres et préserver la domination du capital. Dans notre déclaration de fondation, nous, Groupe trotskyste de Grèce (TOE), affirmions : « La défense des droits des nationalités opprimées et des immigrés est la seule manière d’unir dans la lutte pour la révolution socialiste le prolétariat, qui est composé de travailleurs d’origines ethniques différentes. » Convaincus que la question macédonienne est un test d’authenticité pour tout groupe qui se prétend internationaliste en Grèce, nous écrivions : « Le TOE défend les droits nationaux de la minorité macédonienne en Grèce, y compris son droit à constituer son propre Etat ou à s’unir avec l’actuel Etat de Macédoine. Pleins droits démocratiques pour toutes les minorités nationales en Grèce ! Pour une fédération socialiste des Balkans ! »

A bas l’UE des patrons ! Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe !

Le programme d’austérité du gouvernement PASOK est un avant-goût de ce que les patrons, dans toute l’Europe, réservent à la classe ouvrière dans le but d’augmenter le taux de profit. Le préalable au « plan de sauvetage » de l’UE et du FMI pour les capitalistes grecs est une attaque massive contre les travailleurs grecs.

En tant que marxistes, nous sommes implacablement opposés à l’UE, un bloc commercial impérialiste au sein duquel s’expriment les intérêts conflictuels des principaux Etats bourgeois européens. L’UE est aussi un instrument de la coopération des capitalistes européens contre la classe ouvrière et contre les immigrés. Notre opposition à l’UE, basée sur l’internationalisme prolétarien, est aux antipodes des attaques du Parti communiste de Grèce contre l’UE, qui sont basées sur une grossière capitulation devant le nationalisme grec. Dans un article publié le 17 avril dans son journal Rizospastis [Radical], le KKE a osé se déclarer préoccupé du fait que le gouvernement PASOK pourrait sous-estimer la défense de la Grèce et il a osé s’inquiéter de la frontière avec la Turquie en mer Egée. Il rapporte qu’Aleka Papariga, la dirigeante du KKE, « a rappelé l’inquiétude du Parti quant au fait que l’intégration croissante du pays dans les organisations impérialistes et leurs plans a préparé le terrain à des arrangements aux dépens de la souveraineté du pays et de ses capacités de défense ». Papariga a ajouté qu’« aujourd’hui nous nous inquiétons en plus pour la mer Egée ». La fédération syndicale PAME, dominée par le KKE, avance des mots d’ordre classe contre classe comme « avec le capital ou avec les travailleurs », mais simultanément elle en appelle au patriotisme avec des banderoles qui proclament « Se révolter contre la paupérisation du peuple, c’est cela le patriotisme. » Ce genre de nationalisme empoisonne la conscience de classe ; cela va à l’encontre de l’internationalisme prolétarien en contribuant à dresser les travailleurs de Grèce contre les travailleurs des autres pays et à renforcer le racisme anti-immigrés. Toute lutte efficace contre les attaques des patrons doit prendre pour point de départ la conviction que les travailleurs n’ont pas de patrie. Ce qu’il faut, c’est la solidarité ouvrière internationale contre le capital, dans toute l’Union européenne.

L’UE était au début un appendice de l’OTAN, à une époque où les Etats-Unis cherchaient à renforcer l’Europe de l’Ouest contre l’Union soviétique. Aujourd’hui, c’est un appendice instable des priorités économiques, militaires et politiques des capitalistes européens. La Ligue communiste internationale (LCI) est la seule organisation qui a lutté jusqu’au bout pour la défense militaire inconditionnelle de l’Union soviétique et des Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est contre l’impérialisme et la contre-révolution intérieure. Nous avons lutté pour la révolution politique ouvrière, pour chasser les bureaucraties staliniennes dont la conciliation avec l’impérialisme sapait la défense des Etats ouvriers. C’est aujourd’hui notre programme pour les Etats ouvriers déformés qui restent – la Chine, le Vietnam, Cuba et la Corée du Nord.

La crise économique mondiale actuelle est une confirmation éclatante de l’analyse marxiste de la société capitaliste et de la nécessité d’une révolution socialiste pour en finir avec le cycle expansion-récession du capitalisme, et pour instaurer une économie planifiée rationnelle, où la production sera organisée en fonction des besoins humains, et non pour les profits d’une poignée d’exploiteurs fabuleusement riches. Il est impossible de bricoler le système existant pour le mettre au service des besoins du prolétariat et des opprimés.

Alors que les travailleurs sont menacés d’une catastrophe, le maximum que des groupes réformistes comme le Parti ouvrier socialiste (SEK) ont à offrir, ce sont de minables appels au gouvernement PASOK pour qu’il « augmente les impôts des riches ». Le postulat de base de ce genre de propositions qu’avancent les réformistes comme le SEK, c’est qu’il est possible de redistribuer radicalement les richesses sans en finir avec le système capitaliste. La bourgeoisie a à sa disposition la police, les tribunaux et l’armée – les détachements d’hommes armés qui constituent le cœur de l’Etat capitaliste – pour mener la guerre à la classe ouvrière dans le but d’augmenter ses profits. Ce qu’il faut, c’est une révolution socialiste pour renverser l’Etat capitaliste et le remplacer par un Etat ouvrier qui jettera les bases de la construction d’une société socialiste. Pour cela, il faut construire un parti ouvrier révolutionnaire – un parti comme celui des bolchéviks de Lénine et Trotsky, qui luttera pour un gouvernement ouvrier.

Le TOE, section sympathisante de la LCI en Grèce, cherche à construire ce parti.

 

Le Bolchévik nº 192

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