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Le Bolchévik nº 175 |
Mars 2006 |
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Les réactionnaires du Hamas et la banqueroute du nationalisme de l'OLP
Les Etats-Unis et Israël resserrent létau sur les Palestiniens
Limpérialisme américain, Israël et les puissances européennes menacent détrangler les Palestiniens après la victoire du parti intégriste islamique Hamas dans les élections palestiniennes de janvier dernier. George Bush pérore quil va apporter la « démocratie » au Proche-Orient sous la botte de la sauvage occupation militaire américaine en Irak. Pendant ce temps, le New York Times (14 février) rapporte que les Etats-Unis et Israël envisagent de « déstabiliser le gouvernement palestinien [
]. Lintention est de priver lAutorité palestinienne dargent et de contacts internationaux jusquau point où, à une échéance de quelques mois, son président, Mahmoud Abbas, sera contraint dappeler à de nouvelles élections. » Israël menace darrêter de verser les droits de douane et les autres impôts quil collecte pour lAutorité palestinienne (AP) si le Hamas forme un gouvernement, une politique de vol pur et simple. Les frappes aériennes israéliennes continuent à raser des quartiers civils, des maisons sont détruites au bulldozer, des hommes et des adolescents palestiniens sont raflés et jetés en prison, et les colonies et routes de « contournement » israéliennes continuent à morceler les terres des Palestiniens, et à faire deux des étrangers dans leur propre pays.
La victoire du Hamas a été un revers pour ladministration Bush, qui accorde un soutien indéfectible à Israël et qualifie le Hamas dorganisation « terroriste ». Cest assez gonflé de la part des impérialistes américains qui, depuis des décennies, ont favorisé le développement de lintégrisme islamique au Proche-Orient comme rempart contre linfluence communiste. Et malgré le tollé que poussent aujourdhui les sionistes, pendant des années ils ont favorisé le Hamas comme contrepoids aux nationalistes laïques de lOrganisation de libération de la Palestine (OLP). Pour sa part, tout en déclarant quil refuse, comme il lui est demandé, de reconnaître lEtat dIsraël, le Hamas a fait savoir quil était disposé à travailler avec Israël et les Occidentaux. Daprès Al Jazira (1er février) : « Moussa Abou Marzouk, le responsable adjoint du bureau politique du Hamas, déclare : Nous comprenons que [les Etats occidentaux] ont besoin dune région tranquille, sans conflits, et nous savons quil est possible datteindre cet objectif. »
La victoire du Hamas (acronyme qui signifie Mouvement de la résistance islamique) est lourde de menaces pour tous les Palestiniens historiquement un des peuples les plus cosmopolites du Proche-Orient , particulièrement pour les femmes et les Palestiniens laïques et chrétiens. Les circonstances qui lui ont permis de lemporter, cest la situation de plus en plus désespérée des masses palestiniennes dans les territoires occupés. Ce vote a été davantage un rejet de la corruption scandaleuse et de la banqueroute politique avérée de lOLP dont la direction na apporté aux Palestiniens que défaites et paupérisation quun soutien au programme religieux réactionnaire du Hamas.
Les Palestiniens nont aujourdhui aucune base pour une économie nationale viable, et ils sont soumis à la terreur sioniste sans répit. Plus de la moitié de la population des territoires occupés vit avec moins de deux dollars par jour, un tiers est au chômage. Le mur de lapartheid érigé par Israël en Cisjordanie a isolé des villages et des bourgs entiers, privant les Palestiniens dun accès à leurs terres, à une agriculture de subsistance et à leau. Les couvre-feux, les blocus et les points de contrôle militaires entravent les déplacements vers les emplois, les hôpitaux, les écoles et les services sociaux vitaux. Il y a un an, le secrétaire général de lONU, Kofi Annan, faisait remarquer que « les Palestiniennes souffrent massivement de malnutrition ». Près de 70 % des femmes enceintes et des mères allaitant souffrent danémie.
Cest dans ces conditions que le Hamas, qui jusquici a rejeté les négociations de « paix » avec Israël, est apparu comme la seule alternative aux nationalistes du Fatah. Un message posté le 30 janvier sur le site Internet dAl Jazira faisait remarquer que « La réputation internationale du Hamas est basée sur sa campagne dattaques contre Israël, mais sa popularité en Cisjordanie et à Gaza vient pour partie de ce quil fournit un filet de protection sociale à certains des Palestiniens les plus pauvres. » Isolés et sous pression internationale, les Palestiniens désirent avant tout simplement ne plus subir la terreur sioniste.
Lhostilité des impérialistes envers le Hamas na pas grand-chose à voir avec lopposition au « terrorisme » limpérialisme américain est le plus grand terroriste sur cette planète, et lEtat israélien a été fondé sur le terrorisme et le « nettoyage ethnique » à lencontre des Palestiniens. Les menaces américaines contre les Palestiniens doivent être replacées dans le contexte plus large des machinations impérialistes dans la région. Alors quils poursuivent leur occupation sanglante de lIrak, les Etats-Unis menacent lIran de sanctions et dagression militaire sil poursuit son programme nucléaire, tandis quils donnent chaque année à Israël, armé de plus de 200 bombes nucléaires, des milliards de dollars darmes et dassistance financière. A bas laide américaine à Israël ! Défense des Palestiniens ! Soldats et colons israéliens, hors de tous les territoires occupés ! Etats-Unis, hors dIrak !
La banqueroute du nationalisme de lOLP
La victoire électorale du Hamas a été une défaite politique majeure pour lOLP, même si le Fatah conserve pour linstant le contrôle des forces de sécurité de lAP. Fondée en 1964, à lépoque de la « révolution arabe », lOLP avait initialement cherché des alliés contre Israël du côté des bourgeoisies arabes de la région. Au début des années 1990, elle a cessé de sen remettre aux régimes arabes pour se tourner directement vers les impérialistes, en particulier les Etats-Unis. Après que la contre-révolution capitaliste a détruit lEtat ouvrier dégénéré soviétique en 1991-1992, supprimant le principal contrepoids militaire et politique à limpérialisme américain, lOLP a été privée dun soutien diplomatique et financier crucial. En 1993, elle signait les Accords dOslo avec Israël.
Négociés sous la houlette de Washington, les Accords dOslo établissaient des ghettos contrôlés par les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Comme le faisait remarquer Joseph Massad, professeur à la Columbia University (Al-Ahram Weekly, 11 février), les termes américano-israéliens de laccord « nincluaient pas seulement la capitulation dOslo, mais aussi que lAutorité palestinienne nouvellement créée et contrôlée par le Fatah devait être bien armée, et que ses armes devaient avoir une nouvelle cible : le peuple palestinien lui-même. » A lépoque des accords, nous lancions cette mise en garde :
« Quoi quil arrive, ce marché grotesque sur le dos du peuple palestinien assujetti marque une étape décisive au Proche-Orient. Pour son acte, lOLP permet aux réactionnaires intégristes comme Hamas de se poser comme les seuls à combattre loccupation sioniste. Le nationalisme arabe petit-bourgeois est apparu comme limpasse banqueroutière et impuissante quil a toujours été. »
« Accord Israël-OLP pour un ghetto palestinien », le Bolchévik n° 125, novembre-décembre 1993
Depuis les Accords dOslo, Israël a créé 102 nouvelles colonies, et doublé la population des colonies existantes. Il y a maintenant environ 450 000 colons juifs en Cisjordanie, Jérusalem-Est compris. Plus de 700 points de contrôle militaires ont été construits pour contrôler les mouvements des Palestiniens dune ville à lautre, ainsi que pour entrer et sortir de Jérusalem et de Gaza. En 1994, une clôture électrifiée a été construite autour du ghetto de Gaza. Environ 34 % du budget de lAutorité palestinienne est consacré aux forces de sécurité, contre 8 % à la santé et 2 % à lagriculture. En 2001, le gouvernement dAriel Sharon a de facto renié Oslo, en lançant une série dattaques contre les territoires occupés qui ont dévasté linfrastructure de lAutorité palestinienne, et il a emprisonné, jusquà sa mort, Yasser Arafat dans son enceinte de Ramallah écrasée sous les obus.
Saccrochant désespérément à leur boulot de garde-chiourme dans les territoires occupés, les flics de lAP, recrutés par le Fatah, ont manifesté violemment contre la victoire du Hamas. Le Hamas a réagi en rengainant les menaces quil avait auparavant proférées de réorganiser les forces de sécurité, et sest engagé à soutenir les flics de lAP. Contrôler les Palestiniens dans les lambeaux de territoires « autonomes » est le « droit » que lOLP a arraché des mains dIsraël. Comme le fait remarquer la journaliste israélienne Amira Hass, Arafat « mesurait les succès par le nombre de Palestiniens quil contrôlait et qui étaient soumis à ses services de sécurité, plutôt quà létendue de leur liberté car il ny a pas de liberté dans des enclaves encerclées par une armée doccupation » (Counterpunch, 2 février).
Le pouvoir sioniste a soutenu le Hamas
En 1974, la Ligue arabe avait déclaré que lOLP était le « seul représentant légitime du peuple palestinien ». Quatre ans plus tard, le gouvernement de droite de Menachem Begin approuvait la demande du cheik Ahmed Yassin dautoriser lAssociation islamique, un groupe paravent des Frères musulmans égyptiens et le précurseur du Hamas. En tant quorganisation caritative officielle, le groupe de Yassin recevait un financement israélien. En 1986, lancien gouverneur militaire de Gaza, Yitzhak Segev, déclarait : « Nous accordons une aide financière à des groupes islamiques, via les mosquées et les écoles religieuses, afin de contribuer à créer une force qui se dressera contre les forces de gauche qui soutiennent lOLP. » Les islamistes, qui lançaient des attaques contre les laïques et les communistes, ne menaient aucune lutte politique ni militaire contre Israël.
Dans les années 1980, le gouvernement Shamir avait mis sur pied dans les territoires occupés des « Ligues de village » conservatrices, à base tribale. Les islamistes étaient devenus influents dans ces organes de collaboration, le pouvoir israélien aidait lAssociation islamique à prendre le contrôle de lUniversité islamique de Gaza et à se créer une base dans lintelligentsia, tout en finançant des programmes daide sociale pour aider les intégristes à gagner une base parmi les pauvres.
Avec le déclenchement de la première intifada, en 1987, les islamistes craignirent de perdre leur influence sils restaient à lécart. Le Hamas fut fondé au printemps 1988 comme mouvement politique islamique avec une branche armée. Le Hamas cherchait à fusionner la lutte nationale, auparavant un mouvement laïque avec une composante de gauche, et lintégrisme islamique réactionnaire. Malgré lantisémitisme virulent de sa charte, le pouvoir israélien favorisa le Hamas comme contrepoids à lOLP, et ne rompit les relations quà lautomne 1989, après avoir découvert que cette organisation avait tué deux soldats israéliens.
Les sionistes ont utilisé la montée du Hamas et de ses rivaux intégristes du Djihad islamique qui tous deux ont de plus en plus répliqué au terrorisme dEtat israélien en perpétrant des attentats-suicide contre des civils israéliens pour justifier leur torpillage des négociations de « paix » et lintensification de loppression du peuple palestinien. Lintensification de la répression et du terrorisme israéliens sanglants incluait les « assassinats ciblés » de dirigeants palestiniens, comme celui du cheik Yassin en 2004.
La répression antipalestinienne nest pas juste la politique de la droite dure du sionisme. Le parti Kadima a été fondé par lex-Premier ministre Sharon, aujourdhui dans le coma le responsable du massacre denviron 2 000 Palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila en 1982 en collaboration avec la « colombe » sioniste Shimon Peres. Kadima a adopté la ligne sioniste libérale, et raciste, que la raison principale du retrait de quelques terres en Cisjordanie est la préservation dune majorité juive en Israël. En écho, Amir Peretz, le dirigeant actuel du Parti travailliste (un parti totalement bourgeois), déclare que sil gagne les prochaines élections israéliennes : « Toutes les concessions que je ferai tous les accords que je conclurai seront basés sur la préservation dun Etat juif [
]. Donc le droit au retour [des Palestiniens] nest pas même une question pour la table de négociation. »
Les Palestiniennes dans le collimateur
Un article du New York Times du 3 février, « Les femmes, force secrète du Hamas, gagnent des voix aux élections et un nouveau rôle », décrit la montée de linfluence du Hamas parmi les Palestiniennes. Tout en prônant la ségrégation des femmes, le Hamas a réussi à gagner une base féminine en créant des services sociaux et en mettant davantage les femmes en avant dans ses activités. Ceci est en soi un terrible élément à charge contre la banqueroute politique des nationalistes palestiniens. Comme lexplique une jeune militante du Fatah, « le Fatah tenait le soutien des femmes pour acquis, et cest une des raisons pour lesquelles il a perdu ».
Le Hamas est issu des Frères musulmans, une organisation clérical-fasciste qui était devenue particulièrement influente en Egypte à la fin des années 1940. Sous le mot dordre « communisme = athéisme = libération des femmes », les Frères musulmans avaient organisé une campagne de terreur contre les communistes et les autres forces laïques. Le Hamas prêche la ségrégation sociale des femmes, le port du hidjeb (le voile islamique), et les lois anti-femmes de la charia. Avec le développement du Hamas, en particulier à Gaza, il y a eu une augmentation des « meurtres dhonneur » de femmes qui « déshonorent » leur famille en ayant des relations sexuelles hors mariage, en résistant aux mariages arrangés, en portant des vêtements occidentaux de « Jézabel », ou pour dautres transgressions de la loi islamique.
Pendant la première intifada, quand des femmes sétaient mises en avant pour jouer un rôle dirigeant et courageux dans la résistance contre les forces doccupation israélienne, le Hamas avait intensifié son activité contre les « comportements anti-islamiques ». Pendant la première année de lintifada, le Hamas se distinguait par ses attaques contre les femmes non voilées. En mai 1988, de jeunes religieux ont fait irruption dans des salles de classe en exigeant que les écolières portent le hidjeb. Pendant lété 1989, des femmes dévoilées ont été lapidées à Gaza. Cette campagne pour forcer les femmes à remettre le voile était menée avec lapprobation de lOLP contrôlée par le Fatah et des groupes de gauche qui se sont mis à sa remorque. Symbole de la ségrégation des femmes dans la société, ce petit morceau de tissu noir oppressant destiné à symboliser la « décence » et la soumission des femmes, était promu au rang de symbole de la résistance nationale.
LOLP nessayait pas seulement de rafistoler sa popularité en chute libre en se mettant à la traîne des intégristes islamiques. En tant quorganisation nationaliste petite-bourgeoise, lOLP est incapable de lutter pour lémancipation des femmes. Comme nous lécrivions dans « Les Palestiniennes et lintifada » :
« LOLP vise à créer son propre régime bourgeois, qui serait à limage des Etats voisins. Au fond, ces nationalistes bourgeois sont hostiles à lémancipation des femmes, parce que celle-ci ne peut être acquise que par une révolution ouvrière qui ira jusquau bout, brisant les rapports de propriété bourgeois et toutes les institutions sociales associées. La victoire du prolétariat luttant pour ses propres intérêts de classe rompant les vieilles entraves de loppression jettera les bases dun bouleversement révolutionnaire de la vie quotidienne. Cest totalement opposé au programme de lunité nationale. »
Women and Revolution n° 39, été 1991.
Pour une révolution ouvrière arabo-hébraïque
Le conflit israélo-palestinien oppose des peuples interpénétrés : deux peuples qui se disputent le contrôle du même morceau de terre. Avec environ 50 % de la population palestinienne vivant hors des territoires occupés en Jordanie, au Liban, en Israël , la libération nationale des Palestiniens exige une perspective de révolution socialiste dans tout le Proche-Orient, y compris à lintérieur même dIsraël, le pays le plus puissant et économiquement le plus avancé de la région. Cela signifie reconnaître le droit du peuple de langue hébraïque à lautodétermination nationale. Réciproquement, pour arracher le prolétariat hébreu à lemprise de la bourgeoisie sioniste, il est nécessaire quil prenne fait et cause pour les droits nationaux des Palestiniens. Nous ne nous faisons pas dillusions : gagner le prolétariat hébreu à cette perspective ne sera pas une tâche facile. En fait, il faudra probablement la victoire de la révolution socialiste dans lun ou lautre des Etats du Proche-Orient pour arracher le prolétariat hébreu au chauvinisme sioniste.
LEtat sioniste nest pas seulement une catastrophe pour les Palestiniens cest aussi un piège mortel pour les Juifs. Aussi longtemps que se perpétue loppression sioniste des Palestiniens, les Juifs israéliens continueront à être les cibles de la haine et de la colère de plus de 100 millions dArabes qui les entourent. En Israël, 25 % des citoyens vivent dans la pauvreté, et les inégalités de revenus sont plus grandes quen Egypte et en Jordanie. La fausse conscience de la religion et du nationalisme face à un antisémitisme omniprésent est le ciment qui soude cette société aux multiples fractures.
Il faut arracher les masses ouvrières arabes à lemprise de lintégrisme et du nationalisme arabe, et les gagner à une perspective de révolution prolétarienne. Ceci nécessite de forger des partis marxistes révolutionnaires dans tout le Proche-Orient, pour unir le prolétariat arabe, perse, kurde et hébreu, sunnite et chiite, musulman et chrétien dans la lutte contre limpérialisme et contre les sionistes, les mollahs, les colonels, les cheiks et tous les autres régimes capitalistes. Il ny a pas dautre voie.
Traduit de Workers Vanguard n° 864, 17 février |
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