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Supplément à Spartacist Canada

janvier 2015

Les féministes de l’UQAM n’ont pas fait taire les marxistes !

Pour la libération des femmes par la révolution socialiste !

Femmes et Révolution

Cet article a été traduit de Spartacist Canada n° 183 (hiver 2014-2015).

Nous avons attiré la colère des bureaucrates étudiants féministes de l’UQAM cet automne lorsque nous, marxistes révolutionnaires, avons organisé un meeting public intitulé « Marxisme ou féminisme : pour la libération des femmes par la révolution socialiste ! »

La lutte contre l’oppression des femmes est un enjeu majeur au Québec comme dans toutes les sociétés capitalistes. Jusqu’au milieu du XXe siècle, l’Église catholique, une institution profondément anti-femmes, était alliée à la bourgeoisie canadienne-anglaise pour aider celle-ci à maintenir l’oppression nationale des Québécois. Par conséquent, les femmes étaient essentiellement des machines à bébés jusqu’à la ménopause ou une mort prématurée. Les luttes sociales des années 1960 et 1970 ont brisé l’emprise de l’Église, mais l’héritage de cette oppression profonde se fait encore sentir au Québec.

Cet héritage a conféré à l’idéologie féministe un statut qu’on pourrait qualifier de « religion laïque ». Des partis bourgeois jusqu’à la gauche réformiste, en passant par le parti nationaliste petit-bourgeois Québec solidaire (QS), cette idéologie est incontournable. Considéré à tort comme synonyme de la lutte pour le droit des femmes, le féminisme est tout ce qui est offert aux jeunes qui veulent se battre contre cette oppression. Mais pour les marxistes, la lutte pour l’émancipation des femmes est indissociable de la perspective d’une révolution ouvrière pour renverser le capitalisme.

Les racines de l’oppression des femmes

L’oppression des femmes est enracinée dans l’institution de la famille, laquelle est née avec l’avènement de la propriété privée. La famille est le mécanisme de transmission de la propriété d’une génération à l’autre — la monogamie de l’épouse devant assurer la paternité des héritiers. Elle sert en général de mécanisme social pour élever la prochaine génération et, sous le capitalisme où les jeunes sont en masse destinés à l’esclavage salarié, elle cherche à inculquer l’obéissance à l’autorité. La religion organisée et la famille assurent le maintien du conservatisme social et la conformité à l’idéal des « valeurs familiales ». L’institution de la famille renforce, comme l’a dit Friedrich Engels, « la suprématie de l’homme sur la femme, ainsi que la famille conjugale comme unité économique de la société » (L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, 1884).

Le système de la propriété privée, maintenu en place par l’État, ainsi que la famille, sont les aspects les plus fondamentaux et les plus étroitement entremêlés de la société de classe. On ne peut pas s’en débarrasser à coup de « réformes ». Pour réussir à libérer les femmes, il faut une révolution ouvrière socialiste renversant les rapports de propriété capitalistes. Nous nous battons pour défendre chaque acquis arraché à la bourgeoisie par de dures luttes, mais la conclusion inéluctable c’est qu’il faut se débarrasser du système capitaliste tout entier et créer un État ouvrier. Ce dernier reposera sur une économie collectivisée et planifiée où la production sera orientée vers les besoins humains et non le profit.

Le féminisme est un obstacle à la lutte pour la libération des femmes parce qu’il place la division entre les sexes (hommes contre femmes) au-dessus de la division entre les classes (travailleurs contre capitalistes), liant nécessairement les travailleurs — hommes et femmes — à leurs ennemis de classe. Notre meeting remettait en cause l’hégémonie politique du programme féministe. Cela a valu à nos affiches d’être arrachées et à notre meeting d’être diffamé par les bureaucrates étudiants dans une flagrante tentative de censure.

Pour poser des affiches à l’UQAM, il faut obtenir l’approbation d’une des associations étudiantes, un obstacle bureaucratique auquel nous nous sommes conformés. La réaction n’a pas tardé. Lorsque nos affiches ont été arrachées, nos camarades sont retournés à l’Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH) pour faire approuver d’autres affiches. Nous nous sommes heurtés à un « non » catégorique de la part des bureaucrates étudiants, sous prétexte que l’AFESH ne pouvait qu’endosser les activités « progressistes » et féministes.

Lorsque nous avons fait remarquer qu’il était absurde d’empêcher un évènement qui appuie la libération des femmes, une bureaucrate étudiante a répliqué : « allez poser vos affiches sans étampes et faites-vous les arracher ! » Invoquant ses « mandats féministes », l’AFESPED (qui représente les étudiants en science politique et droit) a aussi refusé d’approuver les affiches. Une bureaucrate étudiante, illustrant bien l’anticommunisme répandu dans ce milieu, s’en est même pris au slogan de Marx, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Ces associations étudiantes, perçues comme les bastions du militantisme étudiant au Québec, ont choisi de nous censurer plutôt que de débattre politiquement d’une stratégie pour la libération des femmes.

Nous nous opposons à la conception selon laquelle les associations étudiantes devraient adopter des « mandats » et des chartes politiques, puisque ceux-ci sont inévitablement utilisés pour censurer les idées dissidentes. Nous sommes pour le droit démocratique à la liberté d’expression pour tous les groupes étudiants, nous y compris. Nous n’avons aucun intérêt à bâillonner nos opposants politiques, incluant ceux qui soutiennent le système capitaliste que nous cherchons à détruire par une révolution socialiste. C’est précisément à travers la confrontation d’opinions politiques que l’on peut véritablement apprendre quelque chose.

Comme nous refusions d’être censurés, nous avons continué à distribuer nos journaux marxistes et à promouvoir notre meeting. Nous avons clairement polarisé une partie de la gauche sur le campus. Un militant étudiant nous a rapporté que « tout le monde parlait du meeting » et que cela créait une réelle controverse. Nous avons aussi porté notre lutte dans les assemblées générales étudiantes. Le 17 septembre, un camarade de la Ligue trotskyste a présenté une motion à l’assemblée générale de l’AFESPED qui affirmait : « Considérant que publiciser et tenir un meeting public est un droit démocratique qui relève de la liberté d’expression, que l’AFESPED étampe les affiches du meeting public “Marxisme ou féminisme : pour la libération des femmes par la révolution socialiste”. » Sous les interruptions répétées de la présidente, notre camarade a dénoncé la censure politique contre nous et a expliqué que c’est uniquement le programme du marxisme révolutionnaire qui peut ouvrir la voie à l’émancipation des femmes. C’est à une faible majorité que notre motion a été battue.

De toute façon, la tentative de censure a été un échec. Notre meeting, tenu le 20 septembre, a été un succès; il a attiré 25 personnes et donné lieu à des discussions animées. Les féministes qui s’y opposaient ne sont pas venues, se contentant de nous accuser à tort d’être indifférents à l’oppression des femmes, plutôt que d’accepter notre invitation à défendre leurs opinions dans un débat politique.

Pourquoi les marxistes s’opposent au féminisme

Le féminisme — y compris ses variantes « socialiste » ou « matérialiste » — n’a pas pour prémisse la destruction du système capitaliste, source principale de l’oppression des femmes aujourd’hui. Il s’agit au contraire d’une idéologie bourgeoise qui cherche à transformer le statut des femmes à l’intérieur de cette société. En fait, le but de beaucoup de féministes n’est rien de moins que de faire progresser une couche de femmes dans les conseils d’administration et dans les échelons supérieurs de l’université et des médias.

Comme la camarade qui a donné la présentation à notre meeting l’a expliqué :

« Si vous faites une division de la société entre hommes et femmes, comme le font les féministes de tous bords, vous vous voyez forcément en alliance avec toutes les femmes, y compris les femmes au pouvoir et qui défendent mordicus le capitalisme et qui n’ont pas grand-chose à faire avec la libération des femmes. Êtes-vous vraiment proche, au niveau des intérêts des femmes, des Pauline Marois, Michelle Obama, Hillary Clinton, Margaret Thatcher ? Pensez-vous que les gouvernements bourgeois, quand ils cherchent à interdire la prostitution, c’est pour protéger les femmes ? »

La logique du féminisme c’est la collaboration de classe. Cela signifie aussi s’appuyer sur l’État bourgeois pour « défendre les femmes ». Le rôle de l’État capitaliste est de défendre les intérêts des capitalistes. Il n’a pas pour rôle de mettre fin à la misère des opprimés !

La Charte des valeurs québécoises de l’ex-gouvernement péquiste est un parfait exemple de la faillite de cette stratégie, qui ne peut que renforcer les forces répressives de l’État. Présentée cyniquement comme une mesure en défense de la laïcité et de l’égalité entre hommes et femmes, cette loi aurait interdit le port de signes religieux « ostentatoires » pour toute personne travaillant dans une institution publique ou bénéficiant d’un financement public. Cela aurait mené à la mise à pied d’un grand nombre de travailleuses musulmanes et aurait empêché le petit nombre de femmes qui portent le voile intégral (niqab) au Québec de bénéficier de services publics.

La Charte a provoqué un déchaînement de préjugés antimusulmans et a aussi révélé les divisions au sein du milieu féministe québécois. Une « manifestation des Janettes » — ainsi baptisée en référence à Janette Bertrand, pionnière du féminisme — a rassemblé en soutien à la Charte des milliers de personnes brandissant des fleurs de lys. De son côté, la principale organisation féministe québécoise, la Fédération des femmes du Québec (FFQ), s’est opposée à l’interdiction faite aux femmes portant des signes vestimentaires religieux d’occuper des emplois dans la fonction publique. La FFQ a toutefois affirmé que les femmes portant le voile intégral devraient être bannies, car leurs niqabs « entravent la communication ».

Québec solidaire, pour sa part, a appuyé la restriction de services publics pour les femmes portant le niqab. Les féministes sont soi-disant toutes sœurs, mais de toute évidence cette grande « sororité » n’inclut pas les femmes musulmanes portant le voile intégral. Dans leur union avec la réaction nationaliste, ces féministes n’ont clairement rien à offrir aux minorités et aux femmes de la classe ouvrière. Comme nous l’avons noté dans notre article s’opposant à la Charte :

« Malgré des acquis importants comme le droit à l’avortement et l’égalité devant la loi, le Québec bourgeois laïque qui est issu de la Révolution tranquille reste une société d’exploitation impitoyable n’offrant aucune perspective pour la libération des femmes (ni de personne d’autre). »

— « Non à la “Charte des valeurs québécoises” réactionnaire ! », Le Bolchévik n° 206, hiver 2013-2014.

Le Front d’action socialiste (FAS), une organisation réformiste originaire du milieu étudiant montréalais, est un de ces groupes qui donnent une teinte plus gauchisante au féminisme. Créé au printemps 2014, le FAS n’est pas dans QS, mais l’un de ses membres a fait partie de l’équipe de communication de ce parti populiste petit-bourgeois lors des récentes élections. Cela en dit long sur les prétentions socialistes du FAS !

Le FAS déclare qu’il est « résolument féministe », affirmant que le « patriarcat » est une « structure d’oppression » dont « l’existence ne dépend pas exclusivement du capitalisme » et qu’ « une lutte spécifique contre ce système est nécessaire pour mettre fin à l’oppression que vivent les femmes » (FAS, avril 2014). Une autre déclaration du FAS affirme : « Le féminisme est un mouvement d’émancipation qui vise à abolir les inégalités entre les hommes et les femmes comme celles que nous avons constatées sur les milieux de travail. Être féministe, c’est refuser d’être soumise et docile » (« La réalité des femmes sur les milieux de travail », sans date).

Ceci est une réponse purement individualiste au fait social de l’oppression des femmes. On ne peut y mettre fin ni par la « lutte contre le patriarcat », ni par une lutte contre la « docilité ». Pour citer Marx et Engels, « La “libération” est un fait historique et non un fait intellectuel. » On ne peut parvenir à la libération des femmes qu’en renversant le pouvoir capitaliste. Cela seul permettra de jeter les bases matérielles pour remplacer la famille et ses fonctions.

Marxisme : le programme pour la libération des femmes

Notre modèle est la Révolution bolchévique de 1917, qui a renversé le capitalisme et jeté les bases pour la création d’une société égalitaire. Les Bolchéviks avaient compris que sans un développement qualitatif de l’économie, la libération des femmes demeurait un rêve utopique. Néanmoins, le nouvel État ouvrier a fait tout ce qu’il pouvait pour exécuter sa promesse d’émancipation des femmes (voir « La révolution russe et l’émancipation des femmes », Spartacist [édition française] nº 37, été 2006). Une nouvelle loi instaurait un congé de maternité à plein salaire, des pauses pour l’allaitement et des salles de repos dans les usines. Deux décrets ont instauré le mariage civil et autorisé le divorce à la demande d’un des deux partenaires. De plus, l’homosexualité et l’avortement furent légalisés. Même aujourd’hui, plusieurs de ces acquis n’existent pas dans les sociétés capitalistes les plus avancées. La Révolution russe a fait plus pour la libération des femmes que 100 ans de féminisme, et cela malgré la dégénérescence stalinienne qui a suivi et qui a renversé beaucoup des acquis dont bénéficiaient les femmes.

Dès les premières années de notre tendance, nous avons fait de la lutte pour la libération des femmes un élément central de notre perspective. Nous avons entre autres publié la revue Women and Revolution [Femmes et révolution] (qui parait aujourd’hui dans la revue théorique de la Ligue Communiste Internationale, Spartacist). Sur la première page du premier numéro, le « Manifeste révolutionnaire des femmes » déclarait : « Notre but n’est pas l’égalité sous l’esclavage, mais la fin de l’esclavage ! Nous ne cherchons pas à nous libérer des hommes, mais la libération avec les hommes ! [...] Lutter pour la libération des femmes c’est lutter pour le socialisme » (mai-juin 1971). Nous nous consacrons à la construction d’un parti révolutionnaire qui mènera la lutte pour la révolution socialiste. Les femmes joueront un rôle dirigeant dans la construction de ce parti, l’outil nécessaire pour la libération de la classe ouvrière et de tous les opprimés.

 

Le Bolchévik nº Supplément à Spartacist Canada

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