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Supplément à Spartacist Canada

janvier 2015

Le mouvement ouvrier doit s’opposer à la guerre raciste « contre le terrorisme »

États-Unis/Canada : Hors d’Irak et de Syrie !

L’article ci-dessous est la traduction d’un article de Spartacist Canada n° 183 (hiver 2014-2015).


Dans le mois qui a suivi l’entrée du Canada dans la guerre menée par les États-Unis contre l’État islamique (EI), les forces canadiennes ont effectué plus de 100 sorties aériennes. Lorsque les médias lui ont posé des questions sur les morts irakiens, le porte-parole militaire n’y a trouvé aucun intérêt : « Ce qui nous préoccupe ce ne sont pas les victimes, ce sont les effets sur le terrain », a-t-il dit. L’armée se garde bien de dévoiler le nombre de civils qu’elle a tués. Et alors que les médias mettent en garde contre les possibilités d’extension de la mission au-delà des objectifs initiaux et que les États-Unis envisagent une intervention au sol, le premier ministre Stephen Harper refuse d’exclure par avance quoi que ce soit.

Le gouvernement canadien a déployé quelque 600 soldats et dix avions de combat pour la guerre en Irak. Pendant ce temps à Ottawa, le régime conservateur poursuit la même guerre mais sous une forme différente, en introduisant de nouvelles lois « anti-terreur » qui vont saccager ce qui reste de libertés civiles ici. La relance de la guerre impérialiste au Proche-Orient a aussi alimenté une offensive contre les musulmans, qui sont depuis longtemps la cible du gouvernement et, dans la rue, des racistes. Les attaques contre les musulmans se sont multipliées, des mosquées sont vandalisées, et des associations et politiciens islamiques reçoivent des menaces.

La classe ouvrière a tout intérêt à s’opposer à la guerre d’Obama et Harper. Chaque revers militaire subi par les impérialistes créerait des conditions plus favorables pour la lutte des classes ici. D’un autre côté, si les travailleurs dans les centres impérialistes s’opposaient à la guerre, cela aiderait la lutte contre les déprédations impérialistes à l’étranger, lesquelles ravagent les pays au Proche-Orient et ailleurs.

En tant que marxistes, notre vision du monde est à tous les égards hostile à celle des islamistes réactionnaires de l’EI et à leurs objectifs. Nous condamnons les atrocités communales de tous les camps. En d’autres circonstances, des forces rétrogrades comme l’EI (qui a grandi au sein d’Al-Qaïda en Irak) servent parfois de laquais à l’impérialisme américain contre les luttes des travailleurs, des femmes et des minorités opprimées.

Auparavant, lors du conflit intercommunal entre Sunnites et Chiites qui déchirait l’Irak et la Syrie, les travailleurs du monde n’avaient aucun camp à soutenir. Cependant, le bombardement actuel mené par les États-Unis est une guerre impérialiste de brigandage, liée à la campagne menée par Washington et ses alliés pour renforcer l’assujettissement des peuples de cette région. À bas la guerre impérialiste contre l’EI ! Troupes canadiennes et américaines, hors d’Irak et de Syrie !

Harper et Mulcair, unis et solidaires

Le régime conservateur a utilisé la mort de deux soldats canadiens fin octobre pour renforcer le soutien à la guerre et aux nouvelles lois répressives. Le 20 octobre dernier, Martin Couture-Rouleau a foncé sur deux soldats avec sa voiture à Saint-Jean-sur-Richelieu, au sud de Montréal. Poursuivi par la police, il a été tué par balles lorsque son véhicule s’est renversé. Un des deux soldats est mort de ses blessures peu après. Deux jours plus tard, Michael Zehaf Bibeau tuait un soldat au Monument commémoratif de la guerre à Ottawa, puis entrait dans l’édifice principal du Parlement. Il a été abattu par une rafale de coups de feu, à quelques mètres du placard dans lequel s’était caché le Premier ministre.

Le lendemain au Parlement, Harper, le chef du NPD Thomas Mulcair et le chef libéral Justin Trudeau, unis et solidaires, ont échangé des accolades. Ces démonstrations d’« unité nationale » viennent naturellement chez ces politiciens; les trois chefs se battent à coup d’épée en carton lorsqu’il s’agit de bagatelles parlementaires, mais ils sont unis comme un seul homme sur les questions importantes, et ce, malgré le lien historique des néo-démocrates avec le mouvement ouvrier. Dans une allocution télévisée, Mulcair a salué « les braves hommes et femmes de nos corps policiers, des services de sécurité et de nos Forces canadiennes », entonnant : « nous avons aussi eu la chance de voir votre courage à l’œuvre. Vous avez incarné la force, la vaillance et les valeurs de tout le Canada ».

La « vaillance » du gouvernement canadien et de son armée consiste à faire la guerre à des populations sans défense. Ce « courage à l’oeuvre » consiste à bombarder des civils depuis les airs.

Aux dires de tous, Couture-Rouleau et Zehaf Bibeau, tous deux convertis à l’Islam, étaient des individus dérangés qui ont agi seuls. Pourtant, avec une effronterie complètement prévisible, le gouvernement a émis de sinistres avertissements au sujet d’une menace « terroriste » concernant toute la population. Des policiers équipés militairement ont assiégé Ottawa pour la journée et des mesures de confinement ont été imposées aussi loin qu’à Victoria et Halifax. Les scribes des médias capitalistes ont couvert les meurtres avec sensationnalisme, geignant que le Canada avait « perdu son innocence » et « ne serait plus jamais le même. »

Innocence ? L’État capitaliste canadien est depuis longtemps un partenaire impérialiste subalterne et fidèle des États-Unis. À cette fin (et pour ne citer que quelques exemples) : au début des années 1950, le Canada a participé à une guerre anticommuniste en Corée qui couta la vie à trois millions de personnes en seulement trois ans. À compter de 2001, les États-Unis, le Canada et d’autres forces impérialistes ont envahi l’Afghanistan, bombardant et torturant, rasant village après village dans une contre-insurrection qui dura plus d’une décennie. En alliance avec leurs alliés de l’OTAN et ses lèches-bottes, ils ont fait pleuvoir la mort en Libye en 2011, amenant au pouvoir des factions rivales d’islamistes réactionnaires, dont les orgies de torture et d’assassinats ont complètement ravagé le pays.

Au Canada, le système capitaliste de profit est tellement impitoyable que trois ouvriers par jour en moyenne meurent d’accidents de travail. Il n’y a pourtant pas d’explosion de chagrin de la part de la bourgeoisie pour ces ouvriers, tués par l’accélération écrasante du travail ou par l’indifférence arrogante des patrons pour leur santé et leur sécurité. Sans oublier les peuples autochtones, qui ont été violement dépossédés et qui sont soumis à une incessante brutalité raciste par la classe capitaliste au pouvoir. Ou encore les réfugiés désespérés venus du monde néocolonial qui se voient refuser même des services de santé de base et qui sont expulsés par dizaines de milliers.

Glenn Greenwald, ancien journaliste du Guardian de Londres, soulignait, dans un article intitulé judicieusement « Le Canada, en guerre depuis 13 ans, choqué qu’un “terroriste” attaque ses soldats », la fausse naïveté des politiciens canadiens sur le fait que leurs soldats puissent devenir des cibles :

« Un pays ne peut pas courir partout en se vautrant dans la glorification de la guerre pendant des années, envahir et bombarder les autres, déporter des gens à l’étranger pour les faire torturer, sans risquer de ramener de la violence chez lui. Plutôt que d’être déroutante ou choquante, cette réaction est complètement naturelle et prévisible. La seule surprise dans tout ça, c’est que cela ne se produise pas plus souvent. »

The Intercept, 22 octobre

La vérité dérange, et les remarques de Greenwald furent mises au pilori par les médias capitalistes, comme on pouvait s’y attendre.

Le plus grand terroriste de la planète, c’est l’impérialisme américain. L’objectif des marxistes est de renverser la domination de la classe capitaliste aux États-Unis, au Canada et partout ailleurs par la mobilisation de la classe ouvrière politiquement consciente. Nous nous opposons donc aux actes de terrorisme individuels qui, même s’ils sont parfois commis par des militants de gauche égarés, sont inefficaces pour éradiquer l’oppression capitaliste et produisent inévitablement une intensification de la répression, déclenchée par ce même régime qu’ils cherchent à détruire. Néanmoins, les attaques à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa n’étaient pas des crimes du point de vue de la classe ouvrière — contrairement, par exemple, aux attentats terroristes indiscriminés de 2005 dans les transports publics de Londres qui s’attaquaient à la classe ouvrière multiethnique. Mais quand on rejoint les forces armées du Canada, la possibilité d’être victime de représailles contre les opérations militaires canadiennes fait partie du métier.

Le gouvernement déchiquette les droits démocratiques

Le projet de loi des conservateurs sur « la protection du Canada contre les terroristes » (loi C-44) a été accéléré après les évènements sur la colline parlementaire. Cette loi élargirait considérablement les pouvoirs de la police secrète du SCRS. Outrepassant plusieurs décisions des hauts tribunaux, la nouvelle loi permettrait aux agents du SCRS de servir comme témoins anonymes et l’autoriserait ouvertement à travailler dans les pays étrangers.

Le calvaire de Maher Arar, la plus célèbre victime canadienne de la « guerre contre le terrorisme », donne une bonne idée des conséquences qu’auraient cette loi. Citoyen canadien, Arar a été désigné par le SCRS et la GRC aux autorités américaines comme « suspect d’être lié au mouvement terroriste d’Al-Qaïda ». Le FBI a arrêté Maher Arar à New York en 2002, lors d’une escale alors qu’il rentrait de vacances. Renvoyé en Syrie, son pays natal, Arar a été emprisonné pendant près d’un an à la suite d’une « restitution extraordinaire », cette pratique notoire des États-Unis pour délocaliser la torture chez des dictateurs de service. Ottawa a fait obstruction à tous les efforts pour libérer Arar, puis a couvert ses traces avec de nouvelles diffamations lorsqu’il a finalement été libéré.

On rapporte que les conservateurs concoctent un autre projet de loi qui criminaliserait la « non-dénonciation d’actions terroristes » sur internet et étendrait les mandats d’arrestations préventives au-delà de ce qui est déjà permis. L’an dernier, le gouvernement a renouvelé les lois d’arrestations préventives introduites temporairement sous le gouvernement libéral en 2001. La nouvelle loi renforcerait ces mesures orwelliennes, qui interdisent des « crimes par la pensée » commis par des personnes qui n’ont précisément rien fait. Le régime conservateur s’est déjà arrogé le droit de priver des gens de passeport et de citoyenneté. Bien que les musulmans soient la cible immédiate, la portée que peut avoir ce type de loi est beaucoup plus étendue. Les premiers syndicats canadiens ont été mis hors-la-loi pour « conspirations criminelles ». Durant les années 1940 et 1950, lors de la guerre froide anticommuniste, les droits démocratiques des militants de gauche et des syndicalistes avaient été déchiquetés.

L’État canadien, qui mène des guerres à l’étranger et poursuit la « guerre contre le terrorisme » ici, est un outil de la classe capitaliste. Constitué à la base de bandes d’hommes armés — la police, l’armée, les tribunaux et les prisons — cet État a pour rôle d’assurer la suprématie du profit. Sa cible ultime est nécessairement le mouvement ouvrier organisé, dont les intérêts sont fondamentalement hostiles au système de profit. La tâche de la classe ouvrière, c’est d’unir ses propres rangs malgré les différences ethniques, raciales et religieuses pour s’opposer à la guerre impérialiste, à l’hystérie antimusulmane et à l’offensive pour la « sécurité nationale ». C’est à cette condition seulement que les travailleurs pourront confronter dans l’unité leurs ennemis de classe, les employeurs, et qu’ils pourront commencer à libérer tous les opprimés de leurs souffrances. Le mouvement ouvrier doit s’opposer à la guerre raciste « contre le terrorisme » !

Les sociaux-démocrates dans le camp de l’impérialisme

La direction actuelle des syndicats rejette la perspective de lutte de classes, et fait plutôt l’éloge des forces armées de l’ennemi de classe. Sid Ryan, président de la Fédération ontarienne du travail, a réagi aux évènements de la colline parlementaire en condamnant l’assassinat du soldat comme étant un « effroyable acte de violence ». Il a même remercié les flics qui ont terrorisé les travailleurs d’Ottawa durant les mesures de confinement — ou « qui les ont gardés en sureté durant la crise », comme dirait Ryan.

Pour sa part, Mulcair, le chef du NPD, a pleurniché sur le fait que les conservateurs ne devraient pas « se dépêcher d’adopter un projet de loi partisan », mais plutôt « collaborer, former un comité spécial et examiner rigoureusement les mesures de sécurité actuellement en vigueur au Canada, avant de proposer un train de nouvelles mesures. » L’impérieux Harper a choisi de couper court aux débats parlementaires, privant ainsi les néo-démocrates de l’occasion d’améliorer sa nouvelle loi répressive.

Depuis des années, la pratique normale du NPD est d’endosser les lois « anti-terreur » en principe, puis de voter contre elles en invoquant des détails techniques. Les lois sont adoptées et le NPD, dont le vote n’est pas décisif de toute façon, maintient une duplicité dans son positionnement politique qui cadre à la fois avec la « loi et l’ordre » patriotiques et l’image « progressiste » du parti.

L’amendement proposé par Mulcair le 6 octobre à la motion de Harper autorisant la nouvelle guerre en Irak était pétri des mêmes intentions. Le chef du NPD proclamait son « appui inconditionnel aux courageux hommes et femmes des Forces armées canadiennes » et conseillait au gouvernement de « contribuer à la lutte contre l’EIIL [EI], y compris par l’affectation de ressources militaires au transport d’armes pour une période d’au plus trois mois. » L’amendement du NPD demandait au gouvernement de « ne pas déployer les Forces canadiennes dans le cadre d’opérations de combat », mais plutôt sous la couverture de « l’aide humanitaire ». Suite au rejet de leur amendement et après s’être bien drapés dans l’unifolié, les néo-démocrates ont voté contre la motion de Harper.

La gauche réformiste cède aussi à l’humeur patriotique. Le 25 octobre dernier à Toronto, lors d’un petit rassemblement contre la guerre, l’organisatrice Faline Bobier — militante bien connue des International Socialists (I.S.) qui signe des articles dans leur journal le Socialist Worker — s’est donné le mal de condamner les attaques contre les soldats canadiens, déclarant : « Nous, dans le mouvement pour la paix, sommes en solidarité aujourd’hui avec la famille et les amis de Nathan Cirillo, caporal de 24 ans qui a été tué à Ottawa cette semaine, et également avec la famille et les amis de Patrice Vincent, l’adjudant de 53 ans […] » (Toronto Video Activist Collective, YouTube). Ceci n’était pas un égarement. Dans le numéro de novembre du Socialist Worker, on pouvait lire au dos « Véritable soutien aux troupes ». Nous, marxistes, disons : « Pas un sou, pas un homme pour l’armée canadienne ! »

Comme ils l’avaient fait lors de manifestations plus importantes contre l’occupation impérialiste de l’Afghanistan et de l’Irak, les diverses coalitions anti-guerre ont fait pression sur les capitalistes pour qu’ils redirigent les dépenses militaires vers des programmes sociaux (voir par exemple des slogans comme « Money for health care, not warfare! [De l’argent pour la santé, pas pour la guerre !] ». Cette perspective suppose que l’État capitaliste meurtrier pourrait servir les intérêts des opprimés si on faisait suffisamment pression sur lui avec de grandes manifestations. Au contraire, pour faire avancer la lutte contre la guerre impérialiste et contre la misère croissante ici, il faut mobiliser le pouvoir social de la classe ouvrière contre les capitalistes.

La classe ouvrière, qui a un rôle central dans la production sociale, possède seule le pouvoir de paralyser le système capitaliste. En luttant pour leurs propres intérêts de classe, y compris avec des grèves contre l’austérité et les mises à pieds, les travailleurs peuvent bloquer les profits, qui sont d’une importance vitale pour les employeurs. Ces luttes économiques pourraient paver la voie à des luttes politiques, comme des grèves et manifestations ouvrières menées directement contre la « guerre contre le terrorisme » ici et à l’étranger. Mais pour cela il faut lutter contre la politique des bureaucraties syndicales, du NPD et des réformistes à sa remorque, qui prêchent tous directement ou indirectement que les travailleurs et les patrons ont des intérêts communs.

Il y a de nombreuses tensions sociales au Canada aujourd’hui : il y a les luttes des travailleurs, payés au salaire minimum, pour la syndicalisation et un salaire décent; la colère contre les incessantes vagues de licenciements et fermetures d’usines; les manifestations syndicales et étudiantes de plus en plus importantes contre l’austérité au Québec; les actions militantes par les peuples autochtones et leurs partisans contre la pauvreté et l’humiliation raciste. Ce qu’il manque c’est une perspective politique qui conçoit que la classe ouvrière doit être à l’avant-garde de la lutte pour ses propres intérêts et ceux de tous les opprimés.

La lutte pour faire des syndicats non pas des instruments de collaboration avec leurs ennemis de classe, mais plutôt des organes de lutte de classe, est liée à la lutte pour forger un parti ouvrier marxiste qui pourra tirer les leçons des luttes passées, ici et à l’étranger. La Ligue trotskyste/Trotskyist League se consacre à la lutte pour la construction d’un tel parti, à travers sa propagande et ses interventions dans les luttes ouvrières et les luttes sociales. Rejoignez-nous dans la lutte pour la révolution socialiste, la seule voie vers une société dans laquelle ceux qui travaillent seront au pouvoir, et où les guerres impérialistes sanglantes et interminables ne seront qu’un souvenir amer d’un passé lointain.

 

Le Bolchévik nº Supplément à Spartacist Canada

Supplément à Spartacist Canada

janvier 2015

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Femmes et Révolution