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Le Bolchévik nº 212

Juin 2015

Les grandes grèves de 1934 aux Etats-Unis

Une direction lutte de classe a fait la différence

Hier et aujourd’hui

Nous reproduisons ci-dessous la traduction d’un article publié en deux parties dans le journal de nos camarades américains Workers Vanguard (n° 1050 et 1051, 8 août et 5 septembre 2014).

* * *

L’année 1934 était la cinquième année de la Grande Dépression [la Crise de 1929]. Ce fut aussi l’année de la victoire de trois grandes grèves qui touchèrent des villes entières aux Etats-Unis : la grève des Teamsters (camionneurs) à Minneapolis, celle des ouvriers de l’automobile à Toledo et celle des dockers à San Francisco. Ces grèves victorieuses allaient ouvrir la voie à une poussée massive de luttes ouvrières et à la création de puissants syndicats industriels. Aujourd’hui, six ans ont passé depuis le début de la crise économique la plus importante depuis celle de 1929, mais les syndicats, ou ce qu’il en reste, continuent de prendre des coups dans une guerre de classes unilatérale. Les patrons et leur Etat s’acharnent contre la classe ouvrière et les pauvres, mais les mouvements de grève aux Etats-Unis restent à un niveau historiquement bas.

Comment expliquer la différence entre hier et aujourd’hui ? Le fait que les grèves de 1934 étaient dirigées par des « rouges » est d’une importance cruciale. A Minneapolis, les trotskystes de la Communist League of America (CLA) prirent la tête de trois grèves ouvrières dans le transport routier de cette ville, ce qui allait contribuer à transformer ce bastion de l’« open shop » [par opposition au système du « closed shop », le monopole syndical sur l’embauche] dans le Middle West américain en une ville où les travailleurs étaient syndiqués. A l’issue de ce processus, une petite section du syndicat de métier des camionneurs devint un syndicat industriel de plusieurs milliers de membres. A Toledo, les socialistes de gauche de l’American Workers Party [Parti des travailleurs américains, AWP] d’A.J. Muste jouèrent un rôle clé dans la grève contre la société Electric Auto-Lite. Cette victoire jeta les bases pour la création ultérieure de l’United Auto Workers (Syndicat unifié des travailleurs de l’automobile). A San Francisco, les membres et sympathisants du Parti communiste (PC) stalinien dirigèrent une grève des dockers, des marins et d’autres travailleurs du secteur maritime et portuaire, grève qui dura 83 jours et qui atteignit son apogée avec une grève générale de quatre jours. Dans cette lutte fut forgé un syndicat industriel regroupant les dockers de toute la côte Ouest des Etats-Unis.

Aujourd’hui, les bureaucrates syndicaux qui dirigent les fédérations syndicales AFL-CIO et Change to Win [Changer pour gagner] prétendent que des batailles ouvrières de ce genre ne sont plus possibles : la situation économique est trop mauvaise, les entreprises trop puissantes et l’arsenal des lois antigrèves trop bien garni ; lutter aboutirait à la destruction pure et simple des syndicats et à la délocalisation des emplois. Pourtant, les grèves de 1934 eurent lieu au beau milieu de la crise économique la plus dévastatrice de l’histoire. Après le krach boursier de 1929, les ouvriers étaient tétanisés à l’idée de perdre leur salaire, aussi maigre qu’il fût, et de rejoindre les rangs des millions de travailleurs au chômage, affamés et à la rue. En 1933, l’American Federation of Labor (AFL) comptait deux fois moins d’adhérents qu’en 1920.

Les syndicats affiliés à l’AFL étaient des syndicats de métier, ce qui renforçait les divisions sur le lieu de travail et rendait les syndicats plus vulnérables aux attaques des forces du capital. Souvent ces syndicats représentaient les travailleurs les mieux payés et les plus qualifiés, tenant à distance les travailleurs noirs et la plupart des immigrés. L’écrasante majorité des ouvriers qui travaillaient dans des entreprises géantes comme celles de l’automobile, de l’acier ou du caoutchouc n’étaient pas syndiqués, et l’aristocratie ouvrière qui dirigeait l’AFL les méprisait. Ces dignitaires ouvriers étaient à ce point dévoués à la préservation du capitalisme américain et de ses profits qu’ils s’étaient engagés au début de la Grande Dépression à ne permettre aucune grève – à la demande du gouvernement républicain honni de Herbert Hoover, avec qui ils étaient d’accord pour refuser toute aide de l’Etat aux chômeurs.

Mais les conditions mêmes qui avaient autant laminé et démoralisé les ouvriers, qui les avaient dressés les uns contre les autres dans une lutte pour la survie, allaient commencer à les pousser à se battre. En 1933, il y eut une légère reprise de l’économie. L’élection en 1932 du Président démocrate Franklin Delano Roosevelt et sa promesse d’un « new deal [nouvelle donne] pour le peuple américain » avaient aussi donné de l’espoir – un faux espoir – à la classe ouvrière. Une vague de grèves éclata l’année suivante, et les ouvriers se tournèrent massivement vers les syndicats de l’AFL, ceux-là même qui les avaient traités avec dédain, pour exiger qu’on les organise.

James P. Cannon, un des dirigeants de la CLA, écrivait à cette époque :

« Les ouvriers bougent. C’est ce qui est nouveau, c’est ce qui est important dans la situation actuelle. Les syndicats sont la première et la plus élémentaire forme d’organisation, à laquelle aucun substitut n’a jamais été inventé. Les ouvriers ont fait leurs premiers pas vers la consolidation de leur classe en entrant par cette porte […]. Aussi conservateurs que puissent être ces syndicats, aussi réactionnaire que soit leur direction actuelle, et indépendamment des réelles intentions du gouvernement Roosevelt quand il a encouragé et donné de l’élan à cette renaissance du mouvement syndical – malgré tout cela, le mouvement en lui-même représente une force élémentaire, une puissance qui peut, si elle est influencée correctement et au bon moment par l’avant-garde consciente, dépasser les formes absolues et frustrer tous les efforts réactionnaires. »

– « L’AFL, la vague de grèves et les perspectives syndicales », Militant, 14 octobre 1933

Dans les grandes grèves de 1934, la combativité croissante de la classe ouvrière allait fusionner avec une direction à la hauteur de la bataille. Chacune de ces grèves fut quasiment une guerre civile qui opposait les ouvriers à l’armée des briseurs de grève – nervis patronaux, flics et soldats de la Garde nationale. À chaque fois, des officines de l’Etat capitaliste soi-disant « amies des travailleurs » demandaient aux ouvriers de mettre fin à leur grève contre la promesse que des médiateurs du gouvernement négocieraient des « accords équitables ». Au sein même du « camp syndical », les dirigeants de la grève devaient affronter les bureaucrates de l’AFL à la botte du gouvernement, ces mêmes bureaucrates qui avaient attisé toutes les rivalités corporatistes, ethniques et raciales qui divisaient les travailleurs et minaient leurs luttes. Ce qui fit la différence, c’est que les ouvriers étaient armés politiquement et organisationnellement par des dirigeants qui comprenaient que la seule voie possible vers la victoire était celle de la mobilisation de leur force, en tant que classe, contre la classe capitaliste ennemie.

Roosevelt n’était pas « l’ami des travailleurs »

La bureaucratie de l’AFL-CIO colporte depuis longtemps le mythe que c’est l’Article 7(a) de la « Loi pour la reprise industrielle » [National Recovery Act, NRA] promulguée par le gouvernement démocrate de Roosevelt en 1933 qui a mené à la création de syndicats industriels, c’est-à-dire de syndicats inclusifs ayant vocation à représenter l’ensemble des travailleurs d’une même industrie. C’est un mensonge pratique, un alibi que les dirigeants syndicaux traîtres utilisent depuis des décennies alors qu’ils sacrifient des grèves et les syndicats eux-mêmes sur l’autel de la collaboration de classes – du lobbying législatif au prosélytisme en faveur du vote démocrate. En fait, toute la raison d’être de la NRA, comme son nom l’indique, était la « reprise » de la compétitivité du capitalisme américain. Cette loi suspendait la législation antitrust et créait des associations industrielles [cartels] dans le cadre desquelles les employeurs fixaient les quotas de production, les conditions de travail, le salaire minimum et la durée maximale du travail. Avec comme résultat la consolidation de monopoles capitalistes toujours plus puissants, qui purent extorquer des profits toujours plus élevés grâce à une exploitation de plus en plus brutale des travailleurs.

L’Article 7(a), qui stipulait que « tous les employés ont le droit de s’organiser et de négocier collectivement », fut ajouté principalement à l’instigation de John L. Lewis, le dirigeant dictatorial et parfois franc-tireur de l’United Mine Workers [Syndicat unifié des mineurs, UMW]. Le président de l’AFL, William Green, donna son soutien à l’Article 7(a), mais il continuait de craindre qu’un mouvement de syndicalisation vienne mettre à mal le « sanctuaire » du syndicalisme de métier réservé aux Blancs. (A propos de l’intelligence de Green, Lewis avait un jour lancé : « Green n’a pas de tête. Il a juste un cou allongé sur lequel des cheveux ont poussé. »)

Même si l’Article 7(a) était principalement un os à ronger jeté à la classe ouvrière, il reflétait aussi l’inquiétude croissante des capitalistes américains, ou en tout cas des plus perspicaces d’entre eux, face à l’agitation grandissante des ouvriers. Roosevelt était sans aucun doute le plus clairvoyant de tous. En outre, en tant que patricien appartenant à l’élite des propriétaires fonciers américains, il avait moins de scrupules à refréner certains excès des magnats capitalistes américains de l’industrie et de la finance – pour sauvegarder le système et désamorcer les luttes sociales.

Des grèves avaient déjà commencé à éclater au début de 1933. Les millions d’ouvriers non syndiqués qui travaillaient dans les usines d’assemblage et les hauts-fourneaux commençaient à prendre conscience de leur nombre et de leur position stratégique en tant qu’élément vital de l’industrie américaine. L’Article 7(a) fut adopté dans la crainte que les syndicats de métier de l’AFL n’arrivent pas à contenir l’antagonisme croissant entre le travail et le capital, et dans un souci de maintenir ces ouvriers sous la coupe des lieutenants ouvriers à la solde du gouvernement dans la bureaucratie de l’AFL.

Cette apparente concession faite au mouvement syndical était conçue pour faire croire aux travailleurs que le gouvernement « protègerait » leurs intérêts. Des inspections du travail régionales (labor boards) furent créées pour faciliter l’arbitrage du gouvernement avant tout conflit potentiel. L’objectif était d’empêcher les grèves en empêtrant les travailleurs dans d’interminables procédures. Les ouvriers, qui depuis l’adoption de la NRA commençaient à rejoindre en grand nombre les syndicats existants de l’AFL, se rendirent rapidement compte que c’était une chose de se syndiquer, mais que c’en était une autre d’arracher la reconnaissance du syndicat par les patrons ou même d’obtenir une augmentation des salaires misérables fixés dans chaque industrie par la NRA.

Tout au long de la vague de grèves de 1933, la plus importante depuis le début des années 1920, les ouvriers luttèrent avec héroïsme. Mais leurs grèves furent soit trahies par les dirigeants de l’AFL qui se pliaient aux ordres des médiateurs envoyés par Roosevelt, soit brisées par les nervis armés des patrons et du gouvernement. Un rapport de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) publié au début de 1934 résumait ainsi les résultats du « New Deal » de Roosevelt pour le mouvement syndical : « Jamais les violations des droits des travailleurs n’avaient pris une telle ampleur, et par tous les moyens : ordonnances judiciaires, armée, police privée, shérifs-adjoints, mouchards, milices » (New York Times, 11 février 1934, cité par Art Preis dans Labor’s Giant Step [Un pas de géant pour les ouvriers], 1964).

Le ressentiment des ouvriers envers les dirigeants syndicaux traîtres grandissait en même temps que leurs illusions dans Roosevelt commençaient à se dissiper. La brutalité des attaques de la police et de l’armée laissa sa marque sur la conscience de la classe ouvrière, tout comme le courage avec lequel les grévistes résistèrent à ces offensives. Plus tard, ces facteurs allaient être des conditions préalables cruciales au réveil de la lutte de classe. Et les socialistes déclarés qui conduisirent à la victoire les camionneurs de Minneapolis, les dockers de San Francisco et les ouvriers de l’automobile de Toledo en 1934 allumèrent la mèche.

Trotskystes, staliniens et partisans de Muste

Parmi les dirigeants des camionneurs grévistes de Minneapolis figuraient Carl Skoglund et Vincent Ray Dunne, deux militants ouvriers de longue date. Dunne, dans sa jeunesse, avait été bûcheron, saisonnier agricole et travailleur itinérant sur la côte Pacifique du Nord-Ouest et dans d’autres régions, et dès cette époque il avait lutté aux côtés des pionniers du syndicalisme industriel au sein des Industrial Workers of the World [Travailleurs industriels du monde, IWW]. Skoglund avait dirigé dans ses jeunes années une grève pour la reconnaissance du syndicat dans une usine de papeterie, dans sa Suède natale où il avait adhéré au Parti social-démocrate. Mis sur liste noire pour activisme radical à cause de ses activités syndicales et politiques, Skoglund émigra aux Etats-Unis et dirigea l’aile gauche de la section scandinave du Parti socialiste américain. Comme beaucoup d’autres militants d’extrême gauche aux Etats-Unis, il fut enthousiasmé par la Révolution russe de 1917, la première insurrection prolétarienne victorieuse qui réussit à briser les chaînes de l’exploitation capitaliste. En 1919, il devint un des membres fondateurs du Parti communiste, auquel Dunne adhéra l’année suivante.

En Union soviétique, une bureaucratie de plus en plus puissante dirigée par Staline usurpa le pouvoir politique de la classe ouvrière, et à la fin des années 1920 elle avait répudié le programme révolutionnaire internationaliste du bolchévisme. Ceci eut un effet dévastateur sur le PC américain et les autres sections de l’Internationale communiste (Comintern), le centre organisateur de la révolution mondiale créé par Lénine et Trotsky. C’est dans ce contexte que Skoglund, Dunne et deux de ses frères, Miles et Grant, furent gagnés à la CLA, la jeune organisation du trotskysme américain. Opposés à la dégénérescence de la Révolution russe et du PC américain, les trotskystes restèrent fidèles au programme et aux principes du marxisme.

La classe ouvrière restait paralysée par la peur face aux ravages de la Grande Dépression. Les trotskystes, qui avaient été exclus du PC, étaient numériquement faibles et isolés. Dans ce contexte, ils considéraient que leur tâche principale était de regrouper leurs forces, de se réarmer politiquement, de recruter les éléments les plus conscients dans la classe ouvrière et ailleurs, et de se préparer pour les luttes de classe futures qu’ils savaient inévitables. Comme l’expliquait Cannon dans un article de 1932 :

« Les ouvriers communistes ne sont pas la classe ouvrière. Ils en sont seulement la couche la plus consciente, et aujourd’hui en Amérique cette couche est mince, numériquement insignifiante. Les ouvriers communistes ne peuvent pas à eux seuls livrer de vraies batailles de classe. Leur rôle est de lutter avec les ouvriers et au premier rang de ceux-ci. Pour l’instant, la tâche des communistes est de préparer les ouvriers pour les luttes à venir. Cette tâche consiste fondamentalement à “un patient travail d’explication”, d’agitation et de propagande, pour gagner les ouvriers à une perspective de lutte. »

– « La menace de l’illégalité », Militant, 19 mars 1932

A Minneapolis, Skoglund et les frères Dunne s’attelèrent au « patient travail d’explication » auprès de leurs collègues dans l’entreprise de charbon où ils étaient camionneurs pendant les premières années de la Grande Dépression. Au bout de trois ans, ils avaient gagné un noyau de travailleurs à l’idée de se battre pour mettre en place un syndicat industriel. Miles Dunne réussit aussi à convaincre le président de la toute petite section syndicale 574 des Teamsters, Bill Brown, de participer au comité d’organisation bénévole que les trotskystes étaient en train de mettre sur pied. Brown n’était pas un dirigeant typique de l’AFL : il avait un bon instinct de classe, et il en avait assez du syndicalisme de métier antigrèves imposé par la direction nationale du syndicat des camionneurs. Les militants ainsi rassemblés allaient devenir le groupe qui dirigea les grèves des camionneurs de 1934 à Minneapolis, avec à leur tête des militants et sympathisants de la Communist League of America.

Dans les années 1930, le Parti communiste était un parti totalement différent. Il avait été créé sous l’effet de la Révolution russe par les meilleurs militants d’une génération de socialistes et autres militants ouvriers radicaux américains, mais à la fin des années 1920 il avait perdu sa boussole marxiste. Il succombait à la pression d’une part de la prospérité d’un capitalisme américain alors en plein essor, ce qui sapait sa confiance révolutionnaire antérieure, et d’autre part de l’influence corruptrice des staliniens du Kremlin. Ce régime bureaucratique était lui-même le produit combiné des effets sur la société soviétique des occasions révolutionnaires manquées dans les pays plus avancés d’Europe de l’Ouest, particulièrement en Allemagne, et des années de guerre et de privations.

Les staliniens du Kremlin n’avaient pas éradiqué les acquis de la révolution d’Octobre. L’Union soviétique restait un Etat ouvrier, de la même façon que les syndicats demeurent des organisations de la classe ouvrière malgré leur direction bureaucratique. En même temps, tout comme les bureaucrates syndicaux traîtres mettent en danger l’existence même des syndicats par leur collaboration avec les patrons, le pouvoir de la bureaucratie soviétique représentait une menace pour le premier Etat ouvrier de l’histoire et il allait paver la voie à sa destruction finale.

Renonçant à la lutte pour la révolution prolétarienne dans les autres pays, la bureaucratie soviétique mit en avant l’idée antimarxiste qu’il était possible de construire le « socialisme dans un seul pays ». Les partis communistes dans le reste du monde furent transformés en simples avant-postes de la politique du Kremlin, à la recherche d’une « coexistence » avec l’impérialisme mondial. Ce processus s’accompagna de multiples oscillations, tantôt vers la droite et tantôt vers la gauche, de la ligne politique de Staline et de ses partisans.

A la fin des années 1920, Staline adopta une ligne aventuriste gauchiste face à l’hostilité implacable du monde capitaliste, et aussi pour couper l’herbe sous le pied à l’Opposition de gauche trotskyste, qui luttait contre les trahisons de la bureaucratie. Pour justifier ce tournant politique, le Comintern prétendit que le capitalisme entrait dans la « troisième période » de son existence, où la victoire de la révolution prolétarienne internationale était censée être imminente dans le monde entier – un pronostic contraire à la réalité sociale et politique. Les partis ouvriers sociaux-démocrates et les syndicats furent dénoncés comme « sociaux-fascistes ». Aux Etats-Unis, le PC déserta les syndicats de l’AFL pour former des « syndicats révolutionnaires » largement isolés des masses. Ceci eut pour résultat que les communistes se retrouvèrent dans leur écrasante majorité sur la touche pendant les luttes de 1933-1934.

Mais sur la côte Ouest, l’organisateur local du PC, Sam Darcy, commençait à rejeter les idioties gauchistes de la troisième période. Après l’adoption de la NRA en 1933, les dockers affluèrent à l’International Longshoremen’s Association (ILA), affiliée à l’AFL ; il y avait parmi eux les sympathisants du PC et autres dockers combatifs que Sam Darcy avait commencé à coordonner. Connu sous le nom de groupe Albion Hall (du nom de leur lieu de réunion), ce cercle de travailleurs des transports maritimes allait devenir le noyau dirigeant de la grève des dockers en 1934. Parmi eux figurait le plus célèbre des dirigeants de la grève, Harry Bridges.

Le rejet de la troisième période par Darcy était un signe annonciateur du soutien que le PC allait bientôt apporter à l’administration Roosevelt. Mais à cette époque les staliniens parlaient encore la langue de la lutte de classe. Dans leur bulletin ronéoté intitulé Waterfront Worker [Le docker, WFW], publié depuis 1932, ils combattaient sans relâche les illusions dans Roosevelt et ses médiateurs créés par la NRA. Ils attaquaient aussi le syndicalisme de métier et la politique de collaboration de classes des dirigeants des syndicats de l’AFL. Ceux-ci, en négociant individuellement avec les employeurs pour briser les grèves des autres, avaient dressé les uns contre les autres les dockers et travailleurs du transport maritime, contribuant ainsi aux défaites répétées des grèves. Les sympathisants du PC, grâce au WFW et au fait qu’ils dirigeaient des actions ouvrières, armèrent politiquement les dockers et les préparèrent pour la bataille contre les armateurs, le gouvernement et leurs agents dans le mouvement syndical.

L’organisation d’A.J. Muste était une créature politique différente à la fois des trotskystes et des staliniens. Muste, un pasteur pacifiste, s’était prononcé pour la lutte de classe en 1919, alors qu’il figurait parmi les dirigeants de la grève des ouvriers du textile, majoritairement immigrés, à Lawrence dans le Massachusetts. En 1929, il fut l’un des fondateurs de la Conference for Progressive Labor Action [Conférence pour des actions ouvrières progressistes, CPLA] alors qu’il était directeur du Brookwood Labor College (université des travailleurs de Brookwood) à Katonah, dans l’Etat de New York. La CPLA avait pour but de faire pression sur l’AFL pour que celle-ci entreprenne des actions ouvrières « progressistes ». La Grande Dépression poussa la CPLA vers la gauche, ce qui reflétait la combativité croissante des ouvriers. La CPLA devint l’embryon de l’AWP, qui fut fondé en 1933.

Au début des années 1930, la CPLA se consacrait surtout à organiser les chômeurs. Dans le comté de Lucas, à Toledo, la Ligue des chômeurs de la CPLA mena des actions de masse combatives au terme desquelles les travailleurs sans emploi obtinrent une allocation financière. La CPLA luttait pour unifier les chômeurs derrière les luttes de la classe ouvrière plutôt que de les abandonner aux mains des patrons qui les utilisaient pour casser les grèves. Ceci allait faire basculer le rapport des forces dans le combat contre les jaunes, les flics et la Garde nationale, mobilisés pour écraser la grève d’Auto-Lite à Toledo en 1934.

Des trois directions des grandes grèves de 1934, les trotskystes étaient les seuls véritables marxistes. Ils accomplissaient la tâche vitale de forger un parti révolutionnaire regroupant les ouvriers les plus avancés et les plus conscients. Ils savaient que seul un parti de ce genre peut armer le prolétariat de la conscience politique nécessaire pour en finir avec le système capitaliste d’exploitation et d’oppression, et qu’il peut l’organiser à cette fin. A ce titre, les dirigeants de la grève des camionneurs à Minneapolis étaient les plus conscients et ceux qui voyaient le plus loin.

Cependant, à ce moment-là, les staliniens qui dirigèrent la grève des dockers ainsi que les partisans de Muste à Toledo défendaient un programme de lutte des classes, même si c’était de façon épisodique ou transitoire. Contrairement à ce qui se passait à la même époque pour d’autres grèves, la combativité des ouvriers n’était pas freinée par des dirigeants qui prêchaient l’idée mensongère qu’un « partenariat » entre travail et capital était possible. Au contraire, la force et la solidarité de masse des travailleurs étaient organisées et dirigées politiquement par des dirigeants qui rejetaient l’idée que les patrons seraient « raisonnables » ou leur Etat « neutre ». Conscients de l’ampleur des forces que déploierait l’ennemi de classe contre toute lutte syndicale, les dirigeants de ces grèves étaient prêts pour la guerre de classes. Et ce n’était pas un combat facile.

La « bataille de Toledo »

Toledo était une petite ville ravagée par le chômage, où les salaires étaient bas et où dominaient les usines d’équipementiers pour la gigantesque industrie automobile de Detroit. Après l’adoption de la NRA, les dirigeants de l’AFL avaient créé à contrecœur des syndicats « fédéraux » regroupant des ouvriers travaillant à la chaîne et relevant de différents métiers. La section fédérale 18384 de Toledo déclencha en février 1934 une grève pour des augmentations de salaires chez plusieurs équipementiers, dont Auto-Lite. Les bureaucrates de l’AFL acceptèrent de soumettre le conflit à l’arbitrage de l’inspection du travail locale créée par la NRA, et ils arrêtèrent la grève au bout de six jours. Environ 500 ouvriers d’Auto-Lite se mirent à nouveau en grève en avril, fatigués d’attendre que l’entreprise négocie.

Alors que 1 800 jaunes investissaient l’usine, une ordonnance judiciaire limita l’emploi des piquets de grève. Les grévistes firent alors appel à la Ligue des chômeurs du comté de Lucas organisée par la CPLA. Deux jeunes dirigeants de la Ligue envoyèrent une lettre au juge l’informant qu’ils continueraient malgré l’ordonnance à renforcer les piquets à Auto-Lite. Après avoir été arrêtés et jugés et ayant reçu l’interdiction de rejoindre les piquets, les membres de la Ligue et les grévistes qui étaient venus en force à l’audience sortirent du tribunal et allèrent directement sur les piquets de grève. A la fin du mois de mai, plus de 10 000 personnes étaient sur les piquets de grève.

Le 23 mai, une armée d’hommes de main de la compagnie et de flics mobilisés pour escorter les jaunes à l’entrée et à la sortie de l’usine aspergèrent les grévistes de gaz lacrymogène. Ceux-ci, armés seulement de briques et de pierres, construisirent des barricades. Sans céder de terrain, ils assiégèrent l’usine avec les jaunes à l’intérieur. La police se replia, et on envoya 900 soldats de la Garde nationale pour ouvrir un passage et faire sortir les jaunes. Les soldats, qui tiraient à bout portant en direction des piquets, tuèrent deux ouvriers et en blessèrent 25. C’était le début de la « bataille de Toledo », qui allait durer six jours : les combats contre les troupes se livraient sur les toits et dans les rues. Le 31 mai, la compagnie accepta de renvoyer les jaunes et d’arrêter la production jusqu’à ce qu’un accord de fin de grève soit signé. On retira aussi les soldats démoralisés de la Garde nationale, qui avait elle aussi subi des pertes importantes.

A ce moment-là, tous les syndicats locaux affiliés à l’AFL, sauf un, avaient voté pour une grève générale, malgré les efforts des dirigeants pour convaincre leur base de demander à Roosevelt d’intervenir en leur faveur. Le 1er juin, 40 000 ouvriers et partisans de la grève se rassemblèrent devant le tribunal du comté. Trois jours plus tard, les patrons d’Auto-Lite capitulaient. Ils signèrent un accord pour six mois qui incluait des augmentations de salaires supérieures au minimum de la NRA. Surtout, l’accord reconnaissait le syndicat comme unique interlocuteur autorisé à négocier dans l’usine, contrairement à une décision précédente de l’Inspection du travail pour l’automobile de Roosevelt qui imposait une représentation proportionnelle des syndicats de chaque entreprise selon les résultats des élections professionnelles. A la fin de l’année, les syndicats étaient implantés dans 19 usines automobiles supplémentaires dans le comté de Lucas.

Parmi les participants à la bataille de Toledo, il y avait Art Preis qui appartenait à la Ligue des chômeurs et qui allait devenir et rester jusqu’à la fin de sa vie membre du Socialist Workers Party (SWP), le successeur de la CLA. Dans son livre Labor’s Giant Step (1964), il livre le témoignage suivant :

« Ce fut à ce moment-là, quand les grèves se faisaient écraser les unes après les autres, que la lutte des ouvriers d’Electric Auto-Lite à Toledo vint illuminer l’horizon de la lutte de classe américaine. Elle allait être pour les ouvriers américains une leçon inoubliable sur comment affronter toutes les officines du gouvernement capitaliste – les tribunaux, les inspections du travail et les forces armées – et gagner. »

L’une des leçons essentielles de cette grève est le rôle que peuvent jouer les chômeurs dans les luttes ouvrières, s’ils sont organisés et dirigés par des militants lutte de classe.

La grève des camionneurs à Minneapolis

Beaucoup de livres ont été écrits sur les événements et la direction des trois grèves de 1934, qui ont débouché sur la création d’un syndicat industriel dans l’industrie du transport routier de Minneapolis. On peut citer Teamster Rebellion (1972), de Farrell Dobbs, un jeune dirigeant des trois grèves, qui fut gagné au trotskysme alors qu’il participait à la toute première de ces batailles ; American City : A Rank and File History of Minneapolis [Ville américaine : Une histoire de Minneapolis vue de la base] (1937) de Charles Walker ; et plus récemment Revolutionary Teamsters [Camionneurs révolutionnaires] (2014) de Bryan Palmer.

Le dirigeant trotskyste américain James P. Cannon fit quelques années après les grèves un discours intitulé « Les grandes grèves de Minneapolis », où il en résumait les leçons fondamentales :

« Il n’y avait aucune différence de fond – en fait, je pense qu’il n’y avait pas la moindre différence sérieuse entre les grévistes de Minneapolis et les travailleurs impliqués dans une centaine d’autres grèves dans le pays à cette époque. Les travailleurs se battaient avec la plus grande combativité dans pratiquement toutes les grèves. La différence se trouvait dans la direction et dans la politique suivie. Dans pratiquement toutes les autres grèves, la combativité des ouvriers était freinée par le haut. Les dirigeants se laissaient impressionner par le gouvernement, la presse, le clergé et ceci ou cela. Ils tentaient de ramener aux salles de réunion un conflit qui se déroulait dans la rue et sur les piquets de grèves. A Minneapolis, la combativité de la base n’a pas été freinée ; elle a été organisée et dirigée d’en haut. […]
« Le mouvement ouvrier moderne doit être dirigé politiquement car il est confronté au gouvernement à chaque étape. Nos militants y étaient préparés parce qu’ils étaient politiques, inspirés par des conceptions politiques. La politique de la lutte de classe guidait nos camarades. On ne pouvait pas les tromper ou les avoir comme ce fut le cas de tant de dirigeants grévistes à cette époque grâce à ce mécanisme de sabotage et de destruction qu’est l’Inspection du travail avec toutes ses instances auxiliaires. Ils n’avaient pas la moindre confiance dans l’Inspection du travail de Roosevelt. Ils ne se sont pas laissé duper par l’idée que Roosevelt, ce président libéral et “ami des travailleurs”, allait aider les camionneurs de Minneapolis à gagner quelques cents de plus de l’heure. Ils ne se sont pas non plus laissé tromper même par le fait qu’il y avait à l’époque dans le Minnesota un gouverneur du Parti fermier-ouvrier, dont les gens présumaient qu’il était du côté des travailleurs.
« Nos militants ne croyaient en personne ni en rien d’autre que la politique de la lutte des classes et en la capacité des travailleurs de l’emporter grâce à leur force et leur solidarité de masse. »

The History of American Trotskyism, 1944

Les trois grèves qui touchèrent l’industrie du transport routier de la ville furent toutes organisées minutieusement : les dirigeants comprenaient que chaque succès même le plus modeste, comme la reconnaissance du syndicat, pouvait faire basculer le rapport des forces entre les deux parties en lutte. Le premier bras de fer fut une grève de trois jours des livreurs de charbon en février. Cette grève avait été stratégiquement planifiée pour frapper la compagnie pendant l’hiver, quand les températures descendent à moins vingt et quand les commandes et les profits sont au plus haut. Une bonne coordination des piquets permit d’interrompre complètement les livraisons pendant les trois premières heures de la grève. De jeunes ouvriers fraîchement syndiqués, sentant leur puissance en tant que classe, apportèrent une contribution innovante avec l’invention du piquet mobile – l’utilisation de voitures ou de camions pour barrer la route aux camions des jaunes. Ces « piquets volants » allaient être une arme essentielle dans les luttes de la classe ouvrière pour forger le Congress of Industrial Organizations [Congrès des syndicats industriels, CIO].

Pris au dépourvu, les patrons capitulèrent rapidement en signant un accord qui reconnaissait la section syndicale n° 574 comme représentant les grévistes pour les négociations. Cette victoire galvanisa les travailleurs dans toute la ville ; elle allait servir de tremplin pour la syndicalisation des travailleurs de toute l’industrie du transport routier – pas seulement les chauffeurs mais aussi les ouvriers des quais de chargement et des dépôts et les autres salariés. Les ouvriers du rang voyaient dans les trotskystes la véritable direction de la section, et le syndicat vota de reconnaître officiellement le comité organisateur bénévole. Les partisans de la CLA, qui savaient que la grève de février n’était qu’une escarmouche marquant le début des hostilités, commencèrent à préparer les ouvriers et leurs alliés aux batailles qui approchaient.

L’Alliance citoyenne, une association regroupant les capitalistes les plus riches et les plus influents de la ville, avait joué pendant vingt ans un rôle central pour écraser les grèves et interdire la ville aux syndicats. Elle embauchait des mouchards et des briseurs de grève, et la police locale était à ses ordres. Dans le camp ouvrier, les trotskystes se préparaient pour ce qui allait être, ils le savaient, une guerre totale. On installa le quartier général de la grève dans un garage. On s’arrangea pour qu’un atelier se charge de l’entretien et de la réparation des camions et des voitures qui allaient servir aux piquets mobiles. Les dirigeants de la grève maintenaient un contact permanent avec les chefs de piquet et surveillaient en continu les fréquences radio de la police, ce qui permettait de déployer les véhicules avec une précision militaire. On servait de la nourriture tous les jours dans une cantine au quartier général de la grève. Il y avait un auditorium pour les réunions de masse. On installa au quartier général de la grève un hôpital où des médecins et des infirmières étaient de garde 24 heures sur 24, pour que les ouvriers blessés ne soient pas obligés de courir le risque de se faire arrêter dans les hôpitaux de la ville.

On organisa les femmes de grévistes dans une organisation auxiliaire féminine, parce que, comme l’explique Cannon, « les femmes ont un intérêt vital dans la bataille, tout autant que les hommes ». Cette organisation allait devenir un des rouages importants de la grève. Les femmes non seulement avaient de nombreuses responsabilités au quartier général, mais elles organisaient aussi d’efficaces piquets devant l’hôtel de ville et les locaux de la presse bourgeoise. Suivant l’exemple de Toledo, les dirigeants de la grève et les membres de la CLA firent appel aux chômeurs pour renforcer les piquets, tout en mobilisant les travailleurs en défense des sans-emploi.

Toutes ces mesures étaient prises dans une section qui appartenait à l’un des syndicats de métier les plus conservateurs de l’AFL. Le président du syndicat des Teamsters, Daniel Tobin, était farouchement et implacablement opposé au syndicalisme industriel. Mais les trotskystes avaient correctement prévu que, quand les ouvriers commenceraient à s’organiser, ils se tourneraient probablement vers les syndicats déjà établis de l’AFL. Ils étaient donc dans une position qui leur permettait de briser de l’intérieur les chaînes du syndicalisme de métier, contrairement à ce que firent dans une très large mesure les staliniens : lancer des discours radicaux de l’extérieur de l’AFL. Comme elle appartenait à l’AFL, la section 574 pouvait facilement entrer en contact avec les autres sections affiliées à l’AFL pour mobiliser leurs membres en solidarité. La combativité et la détermination du comité de grève de la section 574 allait inciter des milliers de travailleurs dans toute la ville à se joindre aux actions des grévistes.

L’action conjointe la plus importante eut lieu dans les premiers jours de la deuxième grève, en mai. Les flics et des « adjoints spéciaux » organisés par l’Alliance citoyenne prirent l’initiative de laisser entrer sur la place centrale du marché des camions de jaunes, alors qu’ils venaient de tabasser jusqu’au sang des défenseurs non armés de la grève, dont des femmes, qui tenaient les piquets. Ils furent reçus par une armée d’ouvriers et de partisans de la grève armés de battes de baseball, de gourdins et de tuyaux en caoutchouc. La bataille qui s’ensuivit dura deux jours. Au plus fort des combats, 20 000 à 30 000 personnes défendaient la section 574. Le spectacle de flics et d’adjoints terrorisés prenant leurs jambes à leur cou fit la une des journaux et passa aux actualités dans tous les cinémas du pays, sous les acclamations des travailleurs dans le public : pour une fois, la classe ouvrière avait gagné. Cet événement est resté dans l’histoire sous le nom de « bataille de la fuite des adjoints ».

L’accord accepté finalement par la direction de la grève et approuvé par la base reconnaissait officiellement le syndicat, non seulement pour les camionneurs mais pour d’autres travailleurs du secteur. Comme n’importe quel accord de ce type, c’était un compromis, une trêve dans la guerre sans fin entre travail et capital. La différence était que les trotskystes du comité de grève de la section 574 en étaient conscients. Préparés à poursuivre la lutte jusqu’à la victoire, ils profitaient de chaque accalmie pour redonner des forces au camp du syndicat.

La section 574 devait faire face non seulement aux forces de l’ennemi de classe capitaliste mais aussi aux agents de celui-ci à l’intérieur du mouvement syndical : la bureaucratie de l’AFL. Les grèves de Minneapolis provoquèrent la colère de Tobin. Il essaya dans un premier temps de stopper la grève de février, mais sa lettre interdisant la grève arriva après la victoire. Puis il déclara que la grève de mai violait toutes les « lois » du syndicat, et il prononça un discours violemment anti-rouges contre les « vipères » radicales au sein de la direction de la grève. Ces vociférations apportaient de l’eau au moulin des patrons et de leur propagande antigrève, qui tourna à plein régime au moment où le syndicat préparait sa troisième grève.

Reniant l’accord conclu à la fin de la grève de mai, les patrons des entreprises de transport routier mirent les bouchées doubles pour écraser le syndicat, avec le soutien de l’Alliance citoyenne. On recruta 400 flics de plus et on les arma de mitrailleuses et de fusils équipés de baïonnettes, tandis que la presse faisait un tapage que la section 574 des Teamsters et sa « direction communiste » préparaient la prise révolutionnaire de la ville. La section 574, forte maintenant de 7 000 membres, vota à nouveau la grève le 16 juillet.

Pour la première fois dans l’histoire du mouvement ouvrier américain, les travailleurs avaient leur propre quotidien de grève pour les guider, l’Organizer. Contrecarrant la confusion et la démoralisation qui émanaient de la presse anti-rouges et antisyndicale à la solde des patrons, l’Organizer disait la vérité aux ouvriers et les préparait à se battre. Le journal fut, selon James P. Cannon, la « contribution suprême » du trotskysme aux grèves de Minneapolis. Et Cannon, Max Shachtman et d’autres dirigeants de la CLA étaient sur place pour aider à sortir le journal et pour donner à leurs camarades dans la direction de la grève un soutien et une orientation politiques vitaux.

Dans les premiers jours de la grève de juillet, les flics ouvrirent le feu sur un camion rempli d’ouvriers qui se rendaient sur les piquets. Il y eut plus de 67 blessés, dont deux moururent par la suite : le gréviste Henry Ness et John Belor, membre de la Ligue des chômeurs. Les travailleurs de la ville explosèrent de colère, et 40 000 personnes participèrent aux obsèques de Ness. Ce jour-là, les flics acceptèrent sagement de rester chez eux, et les ouvriers s’organisèrent eux-mêmes pour assurer la sécurité du cortège qui se dirigea en silence vers le cimetière.

Le gouvernement avait envoyé des médiateurs fédéraux pour négocier la fin de la grève. La façon dont les dirigeants de la grève traitèrent avec eux, tout comme ils l’avaient fait avec les autres médiateurs pendant la grève de mai, fut décisive. Contrairement à d’autres dirigeants de grève, les trotskystes ne se laissaient pas duper par les prétentions frauduleuses du gouvernement Roosevelt et de ses représentants à être des « amis des travailleurs ». En tant que marxistes, ils savaient que l’Etat capitaliste et toutes ses institutions n’étaient pas neutres, mais qu’ils représentaient les intérêts des patrons et qu’ils étaient prêts à les défendre. Quand les dirigeants de la grève rencontraient les médiateurs, ils ne cédaient pas d’un pouce et refusaient de marchander des accords de maquignon derrière le dos de la base, une pratique qui aujourd’hui encore conduit tant de grèves à leur perte.

Les dirigeants de la section 574 avaient aussi affaire à un habile manipulateur en la personne de Floyd B. Olson, le gouverneur du Minnesota qui appartenait au Parti fermier-ouvrier et auquel les dirigeants de l’AFL dans cet Etat faisaient allégeance. Comme Olson aimait à se faire passer pour un agitateur radical et un défenseur des ouvriers, il suscitait beaucoup d’illusions parmi les travailleurs. A la veille de la grève de mai, il envoya un message écrit à une réunion qui rassemblait tous les adhérents de la section 574 et ses partisans. Il leur enjoignait de « s’unir pour votre propre protection et votre bien-être ». Les trotskystes voulaient obtenir une déclaration officielle de soutien à la campagne du syndicat de la part d’Olson et utiliser sa prétendue solidarité pour gagner un plus large soutien à la lutte de la section 574. En même temps, ils savaient que le gouverneur « fermier-ouvrier » était le commandant en chef des forces armées capitalistes dans le Minnesota.

Les dirigeants du syndicat avaient réussi à convaincre Olson de ne pas déployer la Garde nationale contre la grève de mai, en jouant sur sa peur de perdre le soutien politique du mouvement syndical aux prochaines élections. Mais en tant que gouverneur de l’Etat, sa tâche était de défendre les intérêts des patrons. Pendant la grève de juillet, il joua sa carte antigrève.

Quand les entreprises de transport routier rejetèrent un accord qu’avaient concocté les médiateurs fédéraux, Olson proclama la loi martiale et déploya la Garde nationale dans les rues de la ville. Alors que les dirigeants traîtres de l’AFL au sein du Labor Council local [le bureau exécutif de l’union locale du syndicat] s’inquiétaient de l’éventuel préjudice porté à la carrière politique du gouverneur, la section 574 rassembla des milliers de travailleurs et les appela à défier la troupe et à reformer des piquets de masse. Cannon et Shachtman, qui avaient été arrêtés par la police, furent parmi les premiers à être remis à la Garde nationale. Les soldats envahirent rapidement le quartier général de la grève et arrêtèrent de nombreux dirigeants de premier plan. Certains passèrent entre les mailles du filet, et d’autres membres de la section 574 qui s’étaient aguerris dans les batailles précédentes prirent la place de ceux qui avaient été arrêtés.

L’objectif d’Olson avait été de se débarrasser de la direction trotskyste du syndicat et d’obliger la base à élire de nouveaux dirigeants qui mettraient fin à la grève. Mais comme Charles Walker l’écrivit dans American City, « la grève avait été menée d’une telle façon que des rangs étaient sortis des milliers de dirigeants intermédiaires, et que les grévistes qui défendaient les piquets savaient à ce moment-là quel était leur travail. L’arrestation des dirigeants, au lieu de décapiter le mouvement, l’avait animé, au moins temporairement, d’une fureur démoniaque. » Comme les grévistes formaient à nouveaux des piquets de masse, Olson libéra les dirigeants syndicaux qui avaient été emprisonnés et rendit le quartier général de la grève aux grévistes. Mais il ne retira pas la Garde nationale.

Après cinq semaines de combats acharnés, l’association des employeurs céda et accepta un accord. La section 574 obtint de représenter lors de négociations avec les employeurs 60 % des travailleurs du transport routier de la ville. Les années suivantes, les militants trotskystes dans le syndicat syndiquèrent les camionneurs qui n’étaient pas encore syndiqués à Minneapolis, puis ils lancèrent une fructueuse campagne de syndicalisation dans tout le Middle West, campagne qui allait jeter les bases pour faire du syndicat des Teamsters l’un des syndicats industriels les plus puissants des Etats-Unis.

La grève générale de San Francisco

La grève du transport maritime sur la côte Ouest, qui devait durer 83 jours, fut déclenchée le 9 mai. On était à la veille de la deuxième grève des camionneurs de Minneapolis, et la deuxième grève de Toledo était en cours. La plus grande et la plus longue de ces grèves qui touchèrent des villes entières en 1934 fut celle de la côte Ouest, qui toucha les ports de toute la côte Pacifique, de Los Angeles jusqu’à Seattle. Mais les événements déterminants, et d’abord et avant tout une grève générale de quatre jours, se déroulèrent à San Francisco. Cette bataille transforma San Francisco, pour les décennies qui suivirent, en une ville syndiquée. Cette grève a été abondamment commentée dans les études sur l’histoire du mouvement syndical et dans de multiples travaux universitaires et autres. Le récit probablement le plus détaillé figure dans le livre de Mike Quinn The Big Strike [La grande grève], publié en 1949. La grève des dockers est également abordée en détail dans Labor’s Giant Step d’Art Preis (1964), Strike ! [Grève !] de Jeremy Brecher (1972) et Workers on the Waterfront [Travailleurs des docks] de Bruce Nelson (1990), qui est aussi une superbe étude de l’histoire « des marins, des dockers et du syndicalisme » jusqu’aux années 1930.

Sur la grève des marins de la côte Ouest de 1934, Nelson écrit :

« Parmi les nombreux fils conducteurs qui ont fait la force de la grande grève, quatre ressortent car ils sont cruciaux : premièrement la combativité, la ténacité et la discipline des grévistes face à un adversaire qui usait d’un arsenal allant des vigiles privés et des milices jusqu’aux baïonnettes et aux mitrailleuses de la Garde nationale ; deuxièmement, une solidarité qui avait balayé les vieux antagonismes entre métiers et qui atteignit son point culminant sous la forme d’une grève générale ; troisièmement, une indépendance et un esprit d’initiative des ouvriers du rang qui se traduisit souvent par une défiance vis-à-vis de l’AFL, de ses normes et de ses responsables ; et enfin, face à une vague de propagande anticommuniste de plus en plus hystérique et violente, une volonté de la part des ouvriers d’évaluer de façon indépendante la présence des rouges dans la grève, à partir du seul point de vue des ouvriers, et une tendance croissante à considérer les accusations anti-rouges comme un instrument des employeurs. »

On ne peut pas nier la détermination, la combativité et le courage des ouvriers du rang dans les syndicats. Mais un facteur crucial était le fait que les ouvriers avaient une direction qui, à cette époque, était animée par un programme lutte de classe. Les ouvriers étaient conscients de l’importance de cette direction, et c’est pour cette raison qu’ils n’ont pas gobé l’hystérie anticommuniste des patrons.

Avant cette grève, San Francisco était connue comme l’un des bastions de l’« open shop » aux Etats-Unis, une situation qui était la conséquence de la défaite cuisante d’une grève des dockers en 1919. Les dockers travaillaient quasiment comme des esclaves sous la trique d’un syndicat-maison – le système dit du « carnet bleu » [d’après la couleur du livret que devaient posséder les ouvriers]. Ce « syndicat » faisait régner la loi des intermédiaires corrompus qui avaient le pouvoir de décider quotidiennement qui serait ou non embauché dans les équipes de manutention. Avant 1933, l’International Longshoremen’s Association de San Francisco n’était un syndicat guère que sur le papier. Au niveau national, le syndicat était dirigé d’une main de fer par son président Joseph Ryan. Celui-ci était à la botte des armateurs et des politiciens capitalistes qui le récompensaient généreusement pour ses services. Il était tristement célèbre pour son habitude de recruter des nervis et des assassins pour littéralement se débarrasser des militants syndicaux et empêcher toute grève sur le port de New York.

Après avoir adhéré à l’ILA (comme des milliers d’autres dockers de la côte Ouest) à l’été 1933, les militants et sympathisants du PC au sein du groupe d’Albion Hall se constituèrent en un groupe de syndicalistes qui allait réussir à concurrencer Ryan et ses sbires à la direction du syndicat sur la côte Ouest. Le bulletin du groupe, le Waterfront Worker, avait publié des articles qui préparaient les syndiqués à affronter les employeurs et le gouvernement. Expression de la colère montante et de l’esprit de plus en plus combatif des dockers, le WFW avançait une stratégie pour gagner. Il insistait non seulement sur la nécessité de briser le syndicat patronal « carnet bleu » honni, mais aussi de rompre avec le syndicalisme de métier réservé aux Blancs de la bureaucratie de l’AFL, qui avait mené aux défaites à répétition des grèves des dockers, des marins et autres travailleurs du transport maritime.

Le WFW s’attaquait de front au racisme historique du syndicat des dockers de la côte Ouest, et notamment à son refus d’accepter l’adhésion de dockers noirs. Cette exclusion raciste permettait aux employeurs d’utiliser les travailleurs noirs pour briser les grèves. En 1934, les dockers noirs étaient peu nombreux à San Francisco. Isolés dans des équipes ségréguées sur deux docks, ils suscitaient chez beaucoup la méfiance, ou même la haine, pour avoir joué le rôle de jaunes lors de précédentes grèves des dockers. Devant le danger mortel que représentait cette animosité raciale pour la lutte syndicale, le WFW réclamait des équipes racialement intégrées sur les docks et appelait à lutter pour intégrer les ouvriers noirs dans le syndicat.

Le groupe d’Albion Hall gagna en autorité après avoir dirigé plusieurs actions syndicales sur les docks de San Francisco. Il avançait une série de revendications. La principale était la mise en place d’un bureau d’embauche syndical pour casser le contrôle absolu que les employeurs exerçaient sur l’embauche avec le marché aux esclaves du recrutement à la journée. De plus, le groupe voulait en finir avec l’opposition des ports entre eux et des ouvriers les uns contre les autres, en obtenant un accord qui couvrirait tous les ports de la côte Ouest et en cimentant l’unité combative de tous les ouvriers du secteur maritime et portuaire, syndiqués et non syndiqués. Les revendications du groupe d’Albion Hall furent adoptées lors d’une convention organisée en février-mars 1934, et qui réunissait des délégués élus par la base représentant 14 000 dockers de la côte Ouest. A la suite de cette convention, les syndiqués votèrent à une écrasante majorité en faveur de la grève. Les membres du groupe d’Albion Hall furent élus au comité de grève de San Francisco, avec à leur tête Harry Bridges.

Après de multiples efforts du gouvernement fédéral de Roosevelt et des chefs traîtres de l’ILA pour éviter une grève des dockers en proposant une médiation et un accord, les dockers cessèrent le travail le 9 mai sur toute la côte Ouest. Les syndicats de marins, qui avaient leurs propres revendications au sujet de leur convention collective, rejoignirent rapidement le mouvement. Fin mai, au moins 25 000 travailleurs du transport maritime avaient cessé le travail. Les premiers jours de la grève, les employeurs recrutèrent près d’un millier de jaunes à San Francisco, dont un contingent conséquent appartenant à l’équipe de football américain de l’université de Berkeley. Les Teamsters jouèrent un rôle crucial pour empêcher les cargaisons déchargées par les jaunes de quitter les ports. Ils décidèrent de respecter les piquets de grève, bravant ainsi Mike Casey, dirigeant de longue date de la section locale des Teamsters à San Francisco et allié fidèle des employeurs et des autorités municipales ; Casey avait ordonné aux membres de son syndicat de briser de précédentes grèves des dockers.

Le premier jour de la grève, Henry Schmidt, l’un des dirigeants de la grève et membre du groupe d’Albion Hall, se rendit sur le quai où la plupart des dockers noirs travaillaient encore ; il était venu accompagné de l’un des rares membres noirs du comité local de l’ILA à San Francisco, et il appela les dockers à rejoindre la grève et le syndicat. Environ 75 dockers noirs adhérèrent à l’ILA, et beaucoup d’entre eux rentrèrent là où ils habitaient pour convaincre d’autres dockers de ne pas se laisser avoir par les appels des employeurs à briser la grève. En cassant la barrière de couleur raciste – qui était et est toujours une arme essentielle des capitalistes américains pour diviser et soumettre les ouvriers en lutte –, les dirigeants de la grève écrivirent une page importante de l’histoire syndicale aux Etats-Unis, et qui devait se révéler vitale pour les batailles qui aboutirent à la création du CIO. Les dockers noirs membres de la section locale de l’ILA dans la région de San Francisco, dont le nombre allait croissant, devinrent un bastion combatif du syndicat au niveau national.

Vu l’importance du transport maritime dans l’économie des Etats-Unis, la grève de la côte Ouest dut contrer des interventions gouvernementales encore plus intenses que les grèves de Minneapolis et de Toledo. Roosevelt intervint personnellement pour reculer la première date limite fixée pour le début de la grève, ce que les bureaucrates de l’ILA acceptèrent. Après le déclenchement de la grève, Edward McGrady, secrétaire d’Etat adjoint au Travail, fut envoyé sur place pour essayer de l’arrêter. Ryan et plusieurs autres chefs de l’AFL travaillèrent de mèche avec les armateurs et le gouvernement, aussi bien au niveau national que local – un exemple flagrant de la perfidie de la bureaucratie syndicale. Daniel De Leon, un des premiers socialistes américains, avait qualifié à juste titre les pontes de l’AFL de « lieutenants ouvriers de la classe capitaliste » – une expression restée célèbre.

Ryan s’envola vers la côte Ouest pour imposer à la base les accords négociés en coulisse. Mais la base le renvoya sèchement dans les cordes en l’accueillant par des sifflets, aux cris de « jaune » et d’« imposteur ». Mike Casey, le dirigeant des Teamsters qui avait lui aussi participé à ces négociations, avait promis de faire reprendre le travail aux membres de son syndicat pour transporter les cargaisons des jaunes. Après avoir vu la réception réservée à Ryan par les dockers, Casey renonça rapidement à sa promesse.

Comme l’économie chancelait sous l’impact de la grève, l’Association industrielle de San Francisco – conglomérat des plus puissants intérêts financiers et capitalistes de la ville – entra dans l’arène pour prendre en charge le brisage de la grève et faire rouvrir le port. Un torrent d’attaques fut lancé contre la direction de la grève, accusée de communisme, pour préparer l’« opinion publique » à une attaque sanglante contre les ouvriers. La presse de William Randolph Hearst vilipenda la grève et dénonça un affrontement dressant « LE COMMUNISME CONTRE LE SYNDICALISME AMERICAIN », tandis que Frank Merriam, le gouverneur républicain de Californie, fustigeait la « horde d’agitateurs professionnels irresponsables » qui dirigeaient des « grèves de sabotage ». Ces éructations trouvèrent un écho à la direction du Conseil syndical central (CLC) de San Francisco, qui adopta le 22 juin une motion conseillant « fortement à l’International Longshoremen’s Association, à ses membres et ses représentants, de désavouer tout lien avec l’élément communiste sur les docks ».

La bataille principale se déroula le 5 juillet. Comme la municipalité avait promis de rouvrir le port ce jour-là, plus de 2 000 grévistes se massèrent sur les docks pour bloquer tout mouvement des cargaisons jaunes. Une armée de flics et de shérifs adjoints bombarda la foule à coups de gaz lacrymogène et « vomitif ». Les piquets de grève reculèrent en remontant la rue Rincon Hill. Armés seulement de bâtons et de pierres, ils érigèrent des barricades, affrontèrent la police et se retirèrent vers les hauteurs. Après plusieurs heures de combat, les grévistes parvinrent au local de l’ILA. Arrivés là, ils tombèrent dans une embuscade tendue par des centaines de flics qui ouvrirent le feu sur ceux qui se trouvaient hors du local et jetèrent des grenades lacrymogènes à l’intérieur pour pousser les autres ouvriers à sortir et à s’exposer à leurs tirs. Plus de 70 ouvriers furent blessés par balles, la plupart dans le dos. Dans la rue inondée de sang gisaient sans vie Howard Sperry, membre de l’ILA, et Nick Bordoise, sympathisant du PC et membre du syndicat des cuisiniers.

A la fin de la journée, le gouverneur Merriam donna l’ordre à la Garde nationale d’occuper les docks. On distribua des fusils munis de baïonnettes et des mitrailleuses à environ 2 000 soldats qui reçurent l’ordre de « tirer pour tuer ». L’équilibre des forces avait dramatiquement changé au détriment des grévistes. Comme l’expliqua Harry Bridges : « Nous ne pouvons pas tenir tête aux policiers, aux mitrailleuses et aux baïonnettes de la Garde nationale. »

Mais les termes de l’équation allaient bientôt changer. L’idée d’une grève générale faisait déjà son chemin chez les syndiqués dans la région de San Francisco, mais un événement particulier vint la déclencher. Le 9 juillet, à San Francisco, des dizaines de milliers d’ouvriers défilèrent dans le silence et le recueillement en remontant Market Street, un cortège funèbre pour les deux grévistes assassinés. Même le rapport officiel de l’Association industrielle témoigna de l’impact de cette puissante démonstration de discipline prolétarienne : « Au moment où le dernier manifestant finissait de défiler, la certitude d’une grève générale, qui jusqu’à ce moment-là était apparue à beaucoup comme le rêve visionnaire d’un petit groupe d’ouvriers les plus radicaux, devint pour la première fois un objectif pratique et réalisable » (cité dans The Big Srike).

Défiant à nouveau Casey, les Teamsters entrèrent en grève le 12 juillet. A ce moment-là, plus de 60 syndicats avaient voté la grève générale. La colère de la classe ouvrière et sa détermination à faire grève faisant boule de neige, les représentants locaux de l’AFL dans le CLC cherchèrent à contenir le mouvement en s’autoproclamant dirigeants d’un comité de « stratégie de grève ». La grève générale débuta le 16 juillet et prit fin quatre jours plus tard. Les grévistes dressèrent des piquets de grève sur les autoroutes menant vers la ville. Aucun déplacement ne devait s’effectuer sans la permission du comité de grève, et les ouvriers maintenaient la discipline et l’ordre prolétariens. San Francisco était paralysé, avec au moins 100 000 ouvriers en grève. Mais les employeurs et le gouvernement avaient un atout dans leur manche, les bureaucrates traîtres de l’AFL.

Pendant toute la durée de la grève générale, le chef Edward Vandeleur maintint le contact avec la municipalité de San Francisco et avec le général Hugh Johnson, directeur de l’agence gouvernementale de médiation créée par la NRA. Après seulement deux jours de grève, le comité de grève du CLC proposa une résolution réclamant une médiation du gouvernement sur toutes les questions touchant à la grève des dockers. Cette résolution fut adoptée à une très courte majorité à l’issue d’un scrutin serré, malgré la violente opposition des dockers et des marins.

Le même jour, la police, la Garde nationale et des milices de briseurs de grève déclenchèrent une campagne de terreur. Une série de descentes de police eurent lieu dans les locaux du Marine Workers’ Industrial Union [Syndicat industriel des travailleurs du transport maritime] lié au PC, du Daily Worker, le journal du PC, et de plusieurs autres organisations et lieux de réunion de la gauche radicale. Locaux, mobilier et matériel furent saccagés, et les personnes qui se trouvaient là passées violemment à tabac, après quoi les victimes de ces exactions furent arrêtées.

Le 19 juillet, les bureaucrates du CLC proposèrent une motion d’arrêter la grève générale, en évoquant la perspective d’une proclamation de la loi martiale et de l’arrestation des délégués syndicaux. Cette motion fut adoptée à une courte majorité (191 voix contre 174) alors que la plupart des délégués s’étaient abstenus, et la grève fut arrêtée après quatre jours. Le gouverneur de Californie, Merriam, se félicita que « la direction sensée, intelligente et lucide des organisations syndicales l’ait emporté face aux avis irréfléchis des agitateurs communistes et radicaux ». Le maire Angelo Rossi congratula lui aussi « les vrais dirigeants du mouvement ouvrier organisé » et fut en retour félicité par Joseph Ryan, le président de l’ILA.

Le dos au mur, les dockers votèrent le 21 juillet d’accepter la médiation. Respectant leur engagement de rester en grève jusqu’à ce que tous les syndicats du transport maritime aient voté la reprise, les dockers ne retournèrent au travail que dix jours plus tard. Les ouvriers du transport maritime et les dockers reprirent le travail le 31 juillet, après avoir remonté ensemble l’Embarcadero [la grande avenue du front de mer de San Francisco] dans une impressionnante démonstration de discipline et de combativité prolétariennes.

Bien qu’obligés de se soumettre à la procédure de médiation qu’ils avaient rejetée à maintes reprises, les dockers et les marins retournèrent au travail armés de confiance dans la force de leur classe. Par des grèves partielles répétées, dans les mois qui suivirent ils chassèrent tous les jaunes des docks et mirent en place des règlements et des conditions de travail qui allaient à l’encontre des termes de l’accord de fin de grève.

Cet accord issu de la médiation prévoyait des bureaux d’embauche gérés conjointement par les employeurs et les syndicats. Il stipulait que l’ILA avait le contrôle de la répartition du travail, mais que les employeurs pouvaient encore choisir parmi les ouvriers disponibles. Comme le syndicat contrôlait la répartition du travail et que les dockers étaient prêts à tenir tête à tout employeur refusant de recruter des candidats présentés par le bureau d’embauche, l’ILA réussit à imposer son contrôle sur l’embauche. Toutefois, les mêmes dirigeants de la grève qui avaient armé politiquement les ouvriers pour affronter les patrons et leur gouvernement allaient finir par soutenir l’administration du Parti démocrate de Roosevelt et lui subordonner les luttes ouvrières.

Conséquences

Les grèves de 1934 à Toledo, Minneapolis et San Francisco avaient ouvert la voie aux batailles de classe de la fin des années 1930 qui aboutirent à syndiquer dans le CIO les ouvriers de la grande industrie. Les syndicats favorables à la campagne pour syndiquer les ouvriers d’industrie avaient initialement été organisés en comité à l’intérieur de l’AFL par John L. Lewis et d’autres responsables syndicaux, mais ils furent exclus de l’AFL en 1936. Ceci reflétait la détermination des bureaucrates des syndicats de métier de n’admettre dans la « maison des travailleurs » que des ouvriers qualifiés. L’AFL et le CIO allaient rester des fédérations séparées pendant près de vingt ans.

Dans son livre John L. Lewis : An Unauthorized Biography [Une biographie non autorisée] (1949), Saul Alinsky décrit ce qui avait conduit Lewis à être le fer de lance de la création du CIO :

« Lewis avait été témoin de l’agitation et des flambées de violence pendant l’été 1934. Il avait vu les frères Dunne, à Minneapolis, conduire une grève générale des camionneurs vers une quasi guerre civile. Le sang avait coulé à Minneapolis.
« A San Francisco, une grève générale dont le fer de lance était le syndicat des dockers de Harry Bridges avait paralysé la grande ville de l’Ouest pendant quatre jours.
« Avant la fin de cette année-là, sept cent mille ouvriers avaient fait grève. Lewis voyait les présages révolutionnaires s’accumuler dans l’industrie américaine. Il savait que les ouvriers bouillaient d’impatience et désiraient ardemment se syndiquer. »

Les trois grèves qui en 1934 avaient embrasé des villes entières avaient été dirigées par des militants de gauche ; cela alarmait Lewis, qui était déterminé à empêcher les communistes et les socialistes de prendre la direction des ouvriers radicalisés. Malgré son conservatisme politique et son aversion pour la démocratie syndicale, Lewis était en même temps un bureaucrate clairvoyant, qui percevait la nécessité de construire des syndicats industriels dans la grande industrie.

Lewis avait purgé les rouges de l’UMW et avait éradiqué tout vestige d’opposition à son pouvoir dictatorial dans le syndicat. Il percevait à présent l’utilité des syndicalistes talentueux et expérimentés du PC dans la lutte pour construire le CIO. La condition politique préalable qui allait lui permettre d’intégrer des membres et des sympathisants du PC comme cadres syndicaux fut le tournant du parti en 1935 : le PC se mit à soutenir Roosevelt, présenté comme le représentant d’une soi-disant « aile progressiste » de la bourgeoisie américaine. L’impulsion pour ce tournant fut l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933 en Allemagne, une défaite monstrueuse pour laquelle la politique stalinienne de la « troisième période » portait une responsabilité non négligeable.

Les staliniens et les sociaux-démocrates allemands, qui bénéficiaient du soutien de millions d’ouvriers, ne firent rien pour mobiliser ceux-ci dans des actions unies pour écraser les chemises brunes de Hitler. Les dirigeants du Parti social-démocrate avaient depuis longtemps choisi le camp de leur « propre » bourgeoisie, s’opposant à la lutte pour le pouvoir ouvrier. Pour sa part, le PC tirait criminellement un trait d’égalité entre les sociaux-démocrates et les troupes de choc fascistes des capitalistes. A la suite du désastre qui s’ensuivit en Allemagne, Staline jeta aux orties la rhétorique ultra-radicale de la « troisième période ». En 1935, les partis communistes partout dans le monde reçurent l’ordre de s’allier à la bourgeoisie « démocratique » contre l’Allemagne nazie, au nom du « front populaire contre le fascisme ».

Les communistes aux Etats-Unis, ou ailleurs dans le monde, avaient bien des années plus tôt abandonné les principes de classe marxistes au service de la politique de la bureaucratie stalinienne de Moscou ; aussi, peu d’entre eux protestèrent. Ils  étaient tous trop bien habitués à changer de position politique en un éclair. A bien des égards, Darcy, Bridges et compagnie, qui avaient rompu avec le PC quand celui-ci, pendant la « troisième période », qualifiait les syndicats de l’AFL de « social-fascistes », et qui avaient adhéré à l’ILA, étaient simplement des front-populistes avant l’heure.

Les militants et sympathisants du PC allaient compter parmi les dirigeants des gigantesques luttes de la classe ouvrière qui forgèrent le CIO à la fin des années 1930. Ces grèves portèrent le mouvement syndical américain à un niveau sans précédent, et ouvrirent la voie à un développement plus poussé de la conscience de classe dans la classe ouvrière – dont les éléments les plus avancés étaient réceptifs à l’idée de former un parti ouvrier en opposition aux deux partis capitalistes. Mais les staliniens et d’autres dirigeants des grèves canalisèrent ces ouvriers vers le soutien au Parti démocrate de Roosevelt. Comme l’expliquait succinctement Léon Trotsky dans « Les syndicats à l’époque de la décadence impérialiste » (1940) :

« La montée du CIO met en évidence les tendances révolutionnaires qui se manifestent dans les masses travailleuses. Cependant, remarquable et significatif au plus haut degré est le fait que la nouvelle organisation syndicale de gauche, à peine fondée, tombait sous la coupe de l’Etat impérialiste. La lutte entre les dirigeants de l’ancienne fédération et ceux de la nouvelle se réduit dans une large mesure à une lutte pour parvenir à la collaboration avec Roosevelt et son cabinet pour obtenir leur appui. »

Seuls les trotskystes de la CLA, dont les militants et sympathisants avaient dirigé les grèves des Teamsters à Minneapolis, restèrent fidèles aux principes et au programme du marxisme révolutionnaire. L’AWP dirigé par A.J. Muste fusionna avec la CLA à la suite des grèves de Toledo et Minneapolis pour fonder le SWP en 1934. Mais Muste retourna vite à la chaire du pacifisme religieux. Par la suite, il prêcha la stratégie de la non-violence aux futurs dirigeants libéraux du mouvement des droits civiques et, dans les dernières années de sa vie, aux manifestants contre la guerre du Vietnam. D’autres dirigeants de cette organisation firent à leur manière la paix avec la société capitaliste. Néanmoins, un certain nombre de vétérans de « la bataille de Toledo », membres de l’AWP, restèrent fidèles au trotskysme, c’est-à-dire aux idéaux et aux buts qui avaient inspiré la Révolution russe de 1917.

A partir de leur base à Minneapolis, les trotskystes étaient au premier rang pour organiser les camionneurs dans tout le Middle West, transformant les Teamsters, qui avaient été faibles et divisés par métiers, en un puissant syndicat industriel. Cette évolution fut entravée par l’administration Roosevelt qui, avec la complicité agissante de Daniel Tobin, le président des Teamsters, accusa les trotskystes de sédition pour leur opposition à la boucherie impérialiste de la Deuxième Guerre mondiale. Le noyau dirigeant du syndicat à Minneapolis ainsi que la direction nationale du mouvement trotskyste – 29 personnes en tout – furent inculpés et 18 d’entre eux emprisonnés. De façon criminelle, le PC avait soutenu la persécution des trotskystes par le gouvernement.

Alors que les staliniens ont l’habitude de présenter la Deuxième Guerre mondiale comme une grande guerre démocratique contre le fascisme, les trotskystes savaient que, comme la Première Guerre mondiale, il s’agissait d’un conflit entre puissances impérialistes pour repartager le monde. Les trotskystes appelaient à la défaite de tous les belligérants impérialistes, et ils ne se rangèrent dans le camp d’aucune des puissances en conflit, ni des Alliés ni de l’Axe. En même temps, ils luttèrent de façon inébranlable pour la défense militaire inconditionnelle de l’Union soviétique, un Etat ouvrier bureaucratiquement dégénéré.

Loin de là les staliniens : ils furent pendant cette guerre les soutiens les plus farouches de l’impérialisme américain, qu’ils présentaient comme un soi-disant allié « antifasciste » de l’Etat ouvrier soviétique contre l’Allemagne de Hitler. Dans le syndicat des dockers de la côte Ouest, Bridges avait imposé et fait respecter un engagement à ne pas faire grève et à augmenter fortement les cadences sur les docks pour participer à l’effort de guerre. Il joua aussi un rôle majeur dans l’écrasement d’une grève déclenchée en 1944 par les travailleurs des grands magasins Montgomery Ward, dans le Middle West. Il ordonna au syndicat des dockers ILWU de la côte Ouest, désormais affilié au CIO, de charger les cargaisons des jaunes, et demanda à tous les travailleurs de s’engager de manière permanente à ne pas faire grève, non seulement pendant la guerre, mais « indéfiniment par la suite ».

Pour un parti ouvrier révolutionnaire !

Comme le dit le proverbe, le crime ne paie pas. Quelques années après la fin de la guerre, les dirigeants du Parti communiste furent eux-mêmes inculpés, aux termes de la loi Smith, pour avoir prôné le « renversement par la violence » du gouvernement des Etats-Unis. Bridges lui-même fut traîné devant les tribunaux et menacé d’expulsion [il était né en Australie] après avoir été accusé d’être membre du PC. Nous ne nous réjouissons nullement de l’amère ironie de cette situation : les staliniens furent eux-mêmes poursuivis au moyen de lois qu’ils avaient eux-mêmes demandé avec insistance à l’Etat capitaliste d’utiliser contre des trotskystes. Ces procès furent les premières salves de la première guerre froide contre l’Union soviétique, l’« alliée » de l’impérialisme américain pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Les communistes et autres militants qui avaient dirigé les batailles pour la construction du CIO furent chassés des syndicats. Cette chasse aux sorcières fut codifiée dans la loi Taft-Hartley de 1947, qui exigeait des représentants syndicaux un « serment de loyauté » et interdisait les grèves de solidarité, le boycott des marchandises jaunes et autres armes de la lutte de classe qui avaient construit les syndicats. En 1949-1950, onze syndicats associés au PC, dont l’ILWU, furent exclus du CIO. Les purges anti-rouges consolidèrent le pouvoir d’une bureaucratie procapitaliste et anticommuniste dont la loyauté première allait à l’impérialisme américain.

Les bureaucrates ont dénoncé et continuent à dénoncer Taft-Hartley comme une « loi esclavagiste ». Mais les dirigeants syndicaux traîtres ont eux-mêmes aidé à imposer ces chaînes, et ils s’inclinent depuis lors devant les lois antigrève du gouvernement, sapant ainsi la capacité de lutte des syndicats. Un cap fut franchi en 1981 lorsque les chefs syndicaux laissèrent Reagan écraser la grève du syndicat des contrôleurs aériens PATCO. En même temps qu’elle exprimait du bout des lèvres une « solidarité » impuissante, la direction de l’AFL-CIO ne fit rien pour mobiliser les puissants syndicats des compagnies aériennes dans une grève pour bloquer les aéroports. La conséquence : trente ans de cassage des syndicats qui ont comme un tsunami dévasté le mouvement ouvrier organisé.

Les dirigeants de la vieille AFL avaient la lutte de classe en horreur. Aujourd’hui, les chefs syndicaux affirment qu’il est simplement impossible pour les syndicats de lutter. Au lieu de quoi, pour préserver une base de cotisations en baisse, ils s’en prennent aux autres syndicats dans des batailles fratricides pour savoir qui a le droit de syndiquer telle ou telle catégorie de salariés – une régression vers l’époque des coups de poignard dans le dos que se portaient mutuellement les syndicats de métier, des pratiques qu’il avait fallu surmonter pour organiser les syndicats industriels. Au lieu de mobiliser pour lutter contre les capitalistes, les bureaucrates colportent le mensonge que les travailleurs ont intérêt à préserver les profits capitalistes. Cette collaboration de classes est codifiée dans la subordination du mouvement ouvrier aux partis de la classe capitaliste ennemie, notamment les démocrates.

Certes, il n’est pas facile aux travailleurs de gagner face aux forces déployées contre eux. La situation est d’autant plus préoccupante que les luttes de classe et les luttes sociales ont reflué – une situation aggravée par des décennies de trahisons de la bureaucratie syndicale. Mais la bourgeoisie, aidée par ses lieutenants ouvriers, ne peut pas éradiquer la lutte de classe née du conflit d’intérêts inconciliables entre les ouvriers et leurs exploiteurs. Les conditions mêmes qui étranglent aujourd’hui les ouvriers peuvent les propulser et les propulseront dans la bataille, au côté de leurs alliés, contre l’ennemi de classe. Gagner ces batailles est, au fond, une question de direction.

Les grèves de 1934 ont montré ce que des syndicats combatifs pouvaient réaliser dans une période de haine de classe et de mécontentement social en augmentation. Sous une direction qui saisissait la nature de classe de la société capitaliste américaine et la puissance sociale de ceux qui par leur travail la font fonctionner, les ouvriers ont surmonté d’immenses obstacles et ont gagné. C’est de telles batailles qu’il est nécessaire de mener aujourd’hui pour syndiquer le nombre croissant des travailleurs non syndiqués. Pour que les travailleurs l’emportent sur leurs exploiteurs, il est essentiel de les gagner à un programme politique marxiste, qui fasse le lien entre la lutte syndicale et la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire multiracial capable de diriger la lutte pour en finir par la révolution socialiste avec tout ce système d’esclavage salarié. Même si nos forces actuelles sont réduites, le but de la Spartacist League, comme celui de nos prédécesseurs trotskystes, est de gagner les ouvriers, par une patiente éducation et dans le cours de la lutte, au programme et à la perspective de forger le parti de la révolution ouvrière internationale.

 

Le Bolchévik nº 212

Le Bolchévik nº 212

Juin 2015

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