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Le Bolchévik nº 212 |
Juin 2015 |
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L« unité nationale » est un leurre ! Pour une lutte de classe contre le pouvoir capitaliste !
Syriza : Ennemi de classe pour les travailleurs et les opprimés de Grèce
A bas lUnion européenne impérialiste !
Cet article a été publié par nos camarades du TOE (Groupe trotskyste de Grèce) et diffusé le Premier Mai à Athènes et Salonique.
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22 avril La victoire électorale de Syriza le 25 janvier a soulevé l’espoir d’un peu de répit chez beaucoup de travailleurs accablés par la crise économique et l’austérité imposée par l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI). Moins d’un mois après cette victoire, Syriza capitulait et acceptait une prolongation pour quatre mois des termes du mémorandum [accord signé en 2011 avec les impérialistes]. Il est déjà revenu sur de nombreuses promesses préélectorales. Malgré cela, beaucoup de travailleurs gardent encore l’espoir d’une amélioration au niveau de l’emploi, des salaires et des retraites, et ils ont la perception qu’au moins Syriza essaie de tenir tête à la troïka [Banque centrale européenne, Commission européenne, FMI]. Mais tôt ou tard il deviendra clair que Syriza ne peut pas remplir ses promesses. Parce que, comme nous l’expliquons dans notre déclaration pour les élections (voir le Bolchévik n° 211, mars), Syriza non seulement « s’est engagé à maintenir la Grèce dans l’UE, ce qui est une promesse d’imposer encore davantage la faim et le chômage, mais aussi parce qu’il ne représente en rien les intérêts de la classe ouvrière ».
Syriza a toujours promis de préserver le système capitaliste et de maintenir la Grèce dans l’UE et la zone euro. Cela signifie se soumettre aux objectifs de l’UE, à savoir de maximiser les profits capitalistes en détériorant les conditions de travail et de vie des ouvriers et des opprimés dans toute l’Europe, y compris dans les pays impérialistes comme l’Allemagne. Cela signifie aussi faire payer par les travailleurs les dettes accumulées par les capitalistes et leurs banques, ces parasites. Ce ne sont pas seulement les impérialistes, mais aussi la classe capitaliste grecque, qui ont profité de la destruction des droits des travailleurs et de l’austérité imposées par l’UE.
Notre parti, la Ligue communiste internationale, a toujours été contre l’UE impérialiste et l’euro y compris nos sections dans des pays impérialistes comme l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne. Pour nous l’UE est un consortium instable de puissances capitalistes : elle est basée sur des Etats-nations capitalistes et elle est dominée par les impérialistes, centralement l’Allemagne. L’UE est donc une union d’exploiteurs capitalistes contre les ouvriers pour gagner en compétitivité vis-à-vis de leurs rivaux tels que les Etats-Unis et le Japon. Pour cette raison, on ne peut pas réformer l’UE pour en faire une Europe « sociale » au service des travailleurs, contrairement à ce que prétendent Syriza et d’autres. A bas l’UE impérialiste !
Pour les élections du 25 janvier nous avons donné un soutien critique au Parti communiste (KKE) réformiste, du fait que nous nous opposons par principe au parti bourgeois Syriza et à l’UE impérialiste. Mais, comme nous l’expliquons dans notre propagande, nous avons appelé à voter pour le KKE tout en critiquant vivement son programme populiste nationaliste, qui constitue un obstacle à la lutte pour la révolution socialiste. Nous nous sommes opposés à donner la moindre voix à Syriza ou à toute organisation de gauche réformiste à ses basques, comme Antarsya. Et nous sommes irréconciliablement hostiles à ce gouvernement capitaliste soi-disant « de gauche ». Aucun soutien au gouvernement Syriza !
Les marxistes ne donnent de soutien à aucun gouvernement capitaliste, qu’il soit dirigé par un parti bourgeois comme Syriza ou même par un parti ouvrier réformiste comme le KKE. Cela vaut aussi bien au niveau national que local. Contrairement aux soi-disant marxistes qui font croire que les ouvriers peuvent s’emparer de l’Etat existant, Marx a expliqué dans la Guerre civile en France (1871) que « la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l’appareil d’Etat et de le faire fonctionner pour son propre compte ». Et, comme le disait Lénine dans l’Etat et la révolution (1917), la classe ouvrière doit « briser la machine d’Etat bourgeoise » et la remplacer par sa propre dictature de classe, la « dictature du prolétariat », basée sur des organes de pouvoir ouvrier tels que les soviets. A l’opposé de cette conception, les réformistes d’Antarsya ou autres répandent l’illusion que l’on pourrait faire pression sur ce gouvernement bourgeois pour qu’il réforme le capitalisme grec dans une direction socialiste. Les illusions populistes nationalistes répandues par la gauche, y compris le KKE, sont également contraires au marxisme et au léninisme en ceci qu’elles dissolvent la puissance sociale de la classe ouvrière dans un « peuple » grec où tous auraient soi-disant des intérêts nationaux communs contre les impérialistes et les grands monopoles.
Le combat léniniste pour l’indépendance de classe du prolétariat
La Révolution d’octobre 1917 est la seule révolution ouvrière victorieuse dans l’histoire ; si elle a gagné, c’est parce qu’avait été forgé un parti d’avant-garde léniniste, qui s’était battu pour maintenir une totale indépendance politique et organisationnelle du parti ouvrier vis-à-vis de toutes les forces bourgeoises et petites-bourgeoises. Lénine écrivait dans une polémique contre les menchéviks : « Car l’ouvrier qui réfléchit sait que les plus dangereux des conseilleurs, ce sont précisément ces amis libéraux des ouvriers qui se chargent de défendre les intérêts de ces derniers et qui détruisent, en fait, l’indépendance de classe du prolétariat et son organisation » (« Tentatives de corruption des ouvriers par des thèses libérales », 31 janvier 1914). C’est une question vitale pour les révolutionnaires : quelle est la classe sociale dont un parti ou un mouvement représente vraiment les intérêts, même s’il tient un langage de gauche.
Une grande partie de la gauche grecque, y compris le KKE, présente à tort Syriza comme un parti ouvrier réformiste ou social-démocrate. Mais les partis de ce genre ont une base dans la classe ouvrière et une direction procapitaliste. Syriza n’a jamais eu de racines dans la classe ouvrière et il représente ouvertement les intérêts de classe de la bourgeoisie. La base de Syriza se trouve depuis le début dans la petite bourgeoisie : étudiants, petits entrepreneurs, agriculteurs et professions libérales et intellectuelles comme les médecins, les avocats et les enseignants. Pourquoi est-ce important ? Parce que, contrairement au prolétariat, cette section hétérogène de la société n’a pas d’intérêts de classe indépendants. Les couches supérieures de la petite bourgeoisie sont directement liées à la grande bourgeoisie alors que ses couches intermédiaires sont pressurées par les grands capitalistes. Même si les couches inférieures de la petite bourgeoisie sont souvent opprimées sous le capitalisme, elles n’ont pas d’intérêt de classe direct dans le renversement du capitalisme, et de ce fait elles tendent à suivre la bourgeoisie dans leur vision politique.
Dans la société capitaliste, ce qui distingue le prolétariat est son rapport avec les moyens de production ; son travail dans la grande industrie est la source des énormes profits de la classe capitaliste, provenant de l’exploitation de l’ouvrier qui ne possède rien à part sa force de travail. Cela donne au prolétariat le pouvoir d’arrêter le flux des profits de la bourgeoisie en faisant grève. De plus, le prolétariat ne peut en finir avec son exploitation qu’en détruisant la propriété privée des moyens de production, en arrachant usines, mines et banques des mains des capitalistes et en les mettant à disposition de la société dans son ensemble la collectivisation. C’est la raison pour laquelle seul le prolétariat a la force autant que l’intérêt historique de mener une révolution socialiste. Cette révolution non seulement en finira avec l’exploitation de classe, mais elle posera aussi les bases de l’élimination de toutes les formes d’oppression capitaliste dont souffrent les masses, notamment l’oppression des femmes et l’oppression raciale et nationale. La révolution socialiste mènera ainsi à la libération des couches opprimées de la petite bourgeoisie.
Contrairement au mythe propagé par la gauche grecque selon lequel la révolution sera menée par le « peuple », Marx écrivait dans le Manifeste du Parti communiste (1848) :
« De toutes les classes qui, à l'heure actuelle, s'opposent à la bourgeoisie, seul le prolétariat est une classe vraiment révolutionnaire. [
] Les classes moyennes, petits industriels, petits commerçants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie pour sauver leur existence de classes moyennes du déclin qui les menace. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices ; bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est en considération de leur passage imminent au prolétariat [
] ; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer sur celui du prolétariat. »
Par conséquent, la bataille pour renverser le capitalisme n’oppose pas le « peuple » révolutionnaire aux monopoles, mais les deux classes fondamentales et antagoniques sous le capitalisme : le prolétariat et la bourgeoisie. Le prolétariat doit chercher à gagner à son côté dans cette bataille les couches opprimées de la petite bourgeoisie. Mais il ne peut y parvenir qu’en combattant pour une solution révolutionnaire à la crise capitaliste et en montrant qu’on ne peut en finir avec l’oppression des masses que si la classe ouvrière prend le pouvoir et exproprie la bourgeoisie.
La gauche réformiste baigne dans l’« unité nationale »
La troïka a jusqu’à présent bloqué le projet de Syriza de donner quelques miettes aux travailleurs pour stabiliser l’ordre capitaliste en Grèce. Dès lors Syriza est contraint de recourir de plus en plus à l’idéologie du nationalisme pour rassembler les travailleurs derrière la bourgeoisie grecque. Le nationalisme est une idéologie bourgeoise mensongère selon laquelle les ouvriers ont un intérêt national commun avec leurs propres exploiteurs capitalistes. C’est le genre de poison que distille Syriza. Non seulement il a donné le Ministère de la Défense aux Grecs indépendants (ANEL, un parti anti-immigrés, antijuif et homophobe), mais dès son arrivée au pouvoir le nouveau gouvernement a tenu à démontrer de façon ostentatoire sa haine nationaliste de la Turquie avec le voyage de Kammenos [le ministre grec de la Défense] à Imia [un îlot revendiqué par la Grèce et la Turquie] et la visite de Tsipras à Chypre pour dénoncer les « provocations » turques.
L’engagement de Syriza de rester dans l’UE était aussi un engagement à continuer à contrôler les frontières de la forteresse Europe raciste pour en empêcher l’entrée aux victimes des guerres et des famines causées par les impérialistes, qui de désespoir risquent leur vie pour essayer de venir ici depuis l’Asie, le Proche-Orient ou l’Afrique. Syriza avait prétendu qu’il contribuerait à améliorer le sort des immigrés, mais cette hypocrisie est mise à nu par la poursuite des raids policiers anti-immigrés et la collaboration avec les agences impérialistes comme Frontex. La classe ouvrière doit combattre les manuvres de la bourgeoisie grecque pour diviser afin de mieux régner en faisant des immigrés des boucs émissaires. Nous disons : Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! Non aux expulsions !
Loin de s’opposer à la campagne d’ « unité nationale » du gouvernement pour sauver le capitalisme grec, une bonne partie de la gauche a couru les manifestations progouvernementales, comme celle du 11 février place Syntagma [à Athènes]. Derrière des mots d’ordre inspirés des discours de Tsipras au parlement, comme « On ne nous fera pas chanter ! », des milliers de personnes ont pris part à des manifestations où abondaient les drapeaux grecs, pour montrer aux impérialistes que le « peuple » grec soutient le gouvernement dans ses négociations avec la troïka. Mais l’objet des négociations de la Grèce avec la troïka est la perpétuation de l’asservissement de la Grèce par les impérialistes, et non pas son arrêt. Tout ce que Syriza veut, c’est renégocier les termes de l’oppression.
Antarsya a montré au grand jour ses illusions dans le gouvernement Syriza en appelant le peuple à manifester le 11 février : « Le gouvernement doit satisfaire immédiatement les revendications du mouvement de masse. » Le Parti ouvrier révolutionnaire (EEK) n’a pas voulu être en reste de l’épanchement d’« unité nationale » derrière Syriza ; il a pris part aux manifestations progouvernementales de février, qu’il a saluées en les caractérisant d’« éclatante réponse combative à la troïka du capital » (« Non au chantage des voleurs impérialistes ! », Nea Prooptiki, 15 février). L’EEK revendique abusivement l’héritage de la Quatrième Internationale de Trotsky qui, dès sa fondation, s’était opposée aux alliances de « front populaire » entre des partis ouvriers et des forces bourgeoises. Mais c’est précisément à un front populaire que l’EEK a appelé en exigeant que Syriza, une formation bourgeoise, forme un gouvernement avec le KKE, un parti ouvrier réformiste (« Nous sommes heureux et nous demandons », 30 janvier).
Le KKE n’a pas pris part à cette débauche d’unité nationale et il s’est opposé aux manifestations de « consensus national » de la coalition gouvernementale. Mais dès qu’il s’agit de défendre les frontières de la Grèce capitaliste, et même sous un ministre d’extrême droite à la Défense nationale, le KKE stalinien range au placard son langage contre l’unité nationale. Il se plaint dans Rizospastis [le quotidien du KKE] du 8 mars que le gouvernement est en train d’affaiblir les intérêts nationaux de la Grèce vis-à-vis de la Turquie (« La notification turque (NOTAM) et le gouvernement »). C’est du poison pour la conscience de la classe ouvrière ; cela ne sert qu’à dévier la colère et le désespoir des masses travailleuses de son véritable ennemi, la bourgeoisie grecque, en les tournant contre les ouvriers des pays voisins tels que la Turquie.
Pour l’internationalisme prolétarien !
Le gouvernement Syriza a amplifié la campagne pour quémander auprès de la bourgeoisie allemande d’Auschwitz qu’elle paie des milliards en réparation des horreurs infligées à la population grecque sous l’occupation nazie. La bourgeoisie grecque utilise cette campagne pour susciter une hostilité nationaliste parmi les Grecs à l’encontre de tous les Allemands. Nous combattons le mensonge que le « peuple » allemand serait collectivement responsable des crimes des impérialistes allemands. L’Allemagne est une société divisée en classes sociales dans laquelle les capitalistes au pouvoir exploitent et oppriment « leurs » propres travailleurs, comme le font les capitalistes partout.
Ces demandes de réparations, venant de la bourgeoisie grecque, ne sont que pure hypocrisie. Une grande partie de la bourgeoisie a collaboré avec les occupants nazis pendant que le reste s’alliait aux impérialistes « démocrates » britanniques et américains, lesquels ont massacré les masses révolutionnaires ouvrières et paysannes de Grèce, y compris en utilisant les bataillons de sécurité fascistes. La campagne de Syriza est une manuvre nationaliste destinée à détourner l’attention de la faillite de sa propre politique « anti-austérité », et elle n’a rien à voir avec une vraie justice pour les victimes des crimes de guerre impérialistes. Parmi ces crimes il y eut non seulement des massacres comme ceux de Distomo et Kalavryta [des « Oradour-sur-Glane » grecs], mais aussi l’Holocauste où la majorité de la population juive de Grèce fut exterminée. Les victimes du travail forcé et les familles de ceux qui ont été massacrés doivent bien sûr recevoir toute compensation financière qu’elles réclament.
En Allemagne, les ouvriers ont eux aussi vu ces dernières années leur salaire réduit et leurs conditions de vie se dégrader au nom de la rentabilité, et on dénombre 12,5 millions de pauvres, un chiffre effarant. C’est dans la classe ouvrière des pays impérialistes comme l’Allemagne que les ouvriers grecs doivent chercher des alliés pour lutter contre l’UE impérialiste et tous les exploiteurs. Comme l’écrivaient nos camarades en Allemagne en décembre 2011 : « Des luttes de classe en Allemagne et en France en solidarité avec les travailleurs grecs, italiens, espagnols et portugais permettraient d’amplifier le combat contre l’austérité ; elles aideraient aussi les travailleurs dans toute l’Europe à s’affranchir du nationalisme et à rompre avec leur propre bourgeoisie. »
Si tant est que des organisations de gauche ici appellent à ce que la Grèce quitte la zone euro et l’UE, elles le font dans une optique nationaliste et réformiste. Si la Grèce sortait de l’UE en résultat de luttes ouvrières combatives, ce serait un important pas en avant ; cela lui permettrait de dévaluer sa monnaie et contribuerait à ébranler l’ordre impérialiste en Europe. Mais ce n’est pas une solution en soi. La Grèce est un petit pays faiblement industrialisé qui n’a guère de ressources naturelles ; sous le capitalisme elle restera toujours dépendante de l’impérialisme. De plus, la crise économique dont souffre la Grèce fait partie d’une crise économique mondiale du système impérialiste. La seule issue pour les ouvriers et les opprimés, c’est la lutte pour la révolution socialiste ici et au niveau international, y compris dans les centres impérialistes. Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe !
L’appel du KKE à ce que la Grèce sorte de l’UE repose non sur l’internationalisme, mais sur le nationalisme. Contrairement à une perspective internationaliste révolutionnaire, le KKE déclare : « En Grèce existent les conditions matérielles pour la construction socialiste » ; il ajoute que celle-ci « peut assurer la satisfaction des besoins du peuple » (« Le programme du KKE », 19e Congrès, avril 2013). Pour les marxistes le socialisme signifie une société d’abondance matérielle basée sur la collectivisation et le développement qualitatif des forces productives les plus avancées, qui sont aujourd’hui concentrées dans les pays impérialistes. Comme Engels l’écrivait dans ses Principes du communisme (1847) :
« Cette révolution se fera-t-elle dans un seul pays ?
« Non. La grande industrie, en créant le marché mondial, a déjà rapproché si étroitement les uns des autres les peuples de la terre, et notamment les plus civilisés, que chaque peuple dépend étroitement de ce qui se passe chez les autres. [
] La révolution communiste, par conséquent, ne sera pas une révolution purement nationale. [
] Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel. »
Le programme du KKE rejette donc un principe fondamental du marxisme.
Pour des mobilisations prolétariennes de masse pour stopper les fascistes !
En prônant le nationalisme grec réactionnaire, Syriza et les réformistes renforcent l’idéologie qui nourrit les fascistes. Quiconque a des yeux pour voir remarque qu’Aube dorée et les autres forces d’extrême droite se préparent pour l’échec de Syriza afin de se présenter comme les « sauveurs » de la nation menacée de destruction par l’UE et la « gauche ».
Si la petite bourgeoisie ruinée et les masses de chômeurs ne voient pas la classe ouvrière combattre pour un programme de revendications radicales pour en finir avec le chômage et la pauvreté de masse, elles seront de plus en plus attirées par les solutions « radicales » proposées par les fascistes. Les fascistes détournent du grand capital l’indignation et le désespoir de la petite bourgeoisie et ils exploitent le dégoût des masses envers la politique parlementaire de la « gauche ». Comme l’écrivait Léon Trotsky dans les années 1930 alors que croissait la menace fasciste en France : « Ainsi, le grand capital ruine d'abord les classes moyennes puis, à l’aide de ses mercenaires, les démagogues fascistes, il tourne contre le prolétariat la petite bourgeoisie sombrant dans le désespoir » (Où va la France ?, octobre 1934).
Cela souligne que le mouvement ouvrier organisé doit sans tarder lutter pour stopper la menace fasciste avant qu’elle n’ait crû encore davantage. En dépit de son antifascisme en paroles, en pratique la gauche grecque désarme politiquement les travailleurs et les opprimés dans la lutte contre le fascisme. Ainsi les dirigeants syndicaux traîtres, y compris ceux du PAME (le front syndical du KKE) font preuve d’une passivité criminelle face aux fascistes. L’objectif historique des fascistes est de détruire le mouvement ouvrier organisé et de supprimer les libertés politiques lorsque les capitalistes ne peuvent plus gouverner avec la machine étatique « démocratique ». Des dizaines et des centaines de milliers de travailleurs sont régulièrement mobilisés dans la rue par les syndicats et PAME pour toutes sortes de manifestations. Pourtant cette force sociale n’est pas mobilisée là où cela compte le plus : pour empêcher les forces beaucoup plus petites d’Aube dorée de tenir leurs rassemblements de masse, lesquels servent à donner confiance en soi aux fascistes pour mener des attaques sanglantes contre les immigrés, les militants de gauche et les homosexuels.
Une démonstration de force grâce à un front unique ouvrier de masse non seulement renverrait les fascistes dans leur trou, elle ferait aussi sentir aux ouvriers leur propre puissance. De cette manière le prolétariat, qui peut couper les profits capitalistes, peut montrer dans l’action qu’il a confiance en lui-même et gagner à ses côtés des couches de la petite bourgeoisie opprimée. Des milliers d’ouvriers doivent également être organisés, par leurs syndicats, en milices de défense pour protéger les victimes des bandes fascistes dans les quartiers. Le front unique ouvrier montre que la question n’est pas la « démocratie » contre le fascisme, mais classe contre classe. Il représente pour les révolutionnaires un moyen de se battre pour la direction de la classe ouvrière en lutte, et il doit donc reposer sur le principe énoncé par Lénine : marcher séparément, mais frapper ensemble. Cela veut dire que les révolutionnaires continuent, au sein du front unique, leurs polémiques pour démasquer les réformistes et les dirigeants syndicaux traîtres.
Un obstacle essentiel à une puissante lutte de front unique contre les fascistes se trouve dans les profondes illusions propagées par la gauche dans l’Etat capitaliste « démocratique ». Les promoteurs les plus explicites de ces illusions sont le Parti ouvrier socialiste (SEK, lié au SWP britannique) et son Mouvement uni contre le racisme et la menace fasciste (KEERFA) qui ne cessent d’appeler à « la prison pour les assassins néo-nazis ». Le SEK va jusqu’à en appeler au ministre qui supervise la police pour qu’il « nettoie les enclaves d’Aube dorée qui existent à l’intérieur de la police » (Ergatiki Allilegui, 11 mars). Ces appels à stopper les fascistes sont adressés au système capitaliste qui leur a lui-même donné naissance. Trotsky disait, contre de telles illusions réformistes dans l’Etat :
« Imaginons que la police de Daladier-Frossard [le premier, dirigeant du Parti radical, le deuxième, du Parti socialiste] “désarme” les fascistes. La question est-elle résolue ? Qui désarmera la même police qui, de la main droite rendrait aux fascistes ce qu’elle leur aurait pris de la gauche ? La comédie du désarmement par la police n’aurait fait qu’accroître l’autorité des fascistes qui auraient fait figure de véritables combattants contre l’Etat capitaliste. »
Où va la France ?, octobre 1934
Si le SEK et Antarsya parlent de construire un « front unique », il s’agit pour eux d’un mouvement de collaboration de classes avec Syriza, une force bourgeoise. Même si un front unique de masse de la classe ouvrière doit inclure tous les ouvriers antifascistes, y compris ceux qui soutiennent encore Syriza, le PASOK ou d’autres partis bourgeois, nous n’appelons pas ces partis à se joindre au combat contre le fascisme. Et cela parce que nous comprenons que le fascisme est une excroissance du système capitaliste lui-même et que les appels aux capitalistes pour arrêter les fascistes ne peuvent servir qu’à détourner les ouvriers de la lutte révolutionnaire. Le front unique est une tactique pour mener une action commune sur des revendications précises comme stopper une provocation fasciste et non pas un bloc politique permanent comme celui que le SEK et Antarsya ont construit.
Non pas le « pouvoir populaire » mais le pouvoir ouvrier !
Pour justifier sa passivité face aux fascistes, le KKE argumente que « la seule voie pour abolir le fascisme » est la révolution socialiste, ce qui est vrai. Mais cela signifie-t-il que d’ici là les ouvriers n’ont pas à se défendre ni à défendre les opprimés ? Le chômage, l’oppression des femmes et le racisme ne sont-ils pas également inhérents au capitalisme ? Les ouvriers ne doivent-ils pas les combattre ici et maintenant ? Les ouvriers devraient-ils se laisser massacrer par les fascistes ? Qui alors dirigera la révolution socialiste ? La lutte contre le fascisme aujourd’hui doit être nécessairement liée à la lutte pour éliminer le fascisme une fois pour toutes par le renversement du capitalisme. Le refus du KKE de combattre pour défendre le mouvement ouvrier contre la menace fasciste démontre qu’il n’a pas pour programme d’organiser les ouvriers pour la prise révolutionnaire du pouvoir.
Le KKE pourrait dire qu’il veut « isoler » les fascistes idéologiquement, mais lorsqu’il en appelle à un intérêt national du peuple, il se fait l’écho du populisme de droite : « Hommes et femmes des Forces Armées et des Corps de Sécurité, nous Vous Appelons à Soutenir le KKE, dans l’Intérêt du Peuple et dans l’Intérêt de notre Patrie » (Déclaration du KKE pour les élections européennes, avril 2014). Le Manifeste du Parti communiste ne déclare-t-il pas que « Les ouvriers n’ont pas de patrie » ? Les appels nationalistes du KKE à l’appareil répressif de l’Etat capitaliste n’ont rien de commun avec le marxisme ou le léninisme. La revue du KKE Kommounistiki Epitheorisi (n° 1, 2015) contient un long article, « Etat et gouvernement bourgeois », où l’on cite sans fin Lénine sur la nature oppressive de l’Etat et la nécessité de le renverser. Mais ces paroles sont démenties par les actes du KKE. Le KKE n’a-t-il pas présenté aux élections Giannis Douniadakis, amiral retraité de la marine grecque et membre du Mouvement pour la défense nationale (KETHA) qui lutte pour « une orientation patriotique des forces armées » de la Grèce capitaliste ? Et le KKE n’a-t-il pas envoyé à maintes reprises des délégations pour montrer sa solidarité avec des organisations réactionnaires de police faussement appelées « syndicats » ?
Les flics ne font pas partie du mouvement ouvrier. Ce sont des nervis de l’Etat capitaliste. Leur rôle, ce n’est pas de « protéger les citoyens », mais de préserver la bourgeoisie des luttes du prolétariat ; c’est d’arrêter et de torturer les immigrés, d’écraser les piquets de grève, de briser les grèves au côté des jaunes embauchés par les grands et petits capitalistes pour défendre leur propriété privée, et d’étouffer les protestations étudiantes. On l’a vu le 17 avril avec les arrestations d’anarchistes à l’université d’Athènes, sous les ordres de Tsipras. Bas les pattes devant les anarchistes ! Illustrant parfaitement leur rôle de briseurs de grève, les flics ont attaqué la grève de l’aciérie d’Aspropyrgos qui durait depuis plusieurs mois. En dépit de cela, la direction du KKE n’a aucun problème à offrir sa « solidarité » aux organisations de police dont les flics ont cassé cette grève grève dans laquelle PAME faisait partie de la direction ! Flics, matons et vigiles, hors des syndicats !
Ce qu’il y a vraiment derrière les bavardages du KKE sur « le peuple » contre les « monopoles », c’est une adaptation au « petit capital » contre le « grand capital ». La Grèce a un prolétariat industriel très petit et une petite bourgeoisie urbaine proportionnellement considérable. Le secteur privé grec est très majoritairement constitué de petites entreprises, où la majorité des travailleurs ne sont pas syndiqués. Les révolutionnaires doivent lutter pour gagner les syndicats à l’organisation d’une campagne massive pour syndiquer ces travailleurs, et pour abroger la loi qui fait obstacle à la formation d’un syndicat dans les entreprises de moins de 21 employés. Mais le KKE déclare dans son document « Pour les auto-entrepreneurs professions libérales, artisans et commerçants Thèses du comité central du KKE » que le parti doit organiser les « auto-entrepreneurs ayant des employés », c’est-à-dire les exploiteurs de ces travailleurs ! Cette orientation politique vers le petit exploiteur est un exemple concret de comment le KKE dissout la classe ouvrière dans le « peuple ».
La véritable force sociale capable d’effectuer une transformation révolutionnaire en Grèce se trouve non dans un front large du peuple, comme le soutient le KKE, mais dans le prolétariat, petit mais combatif, c’est-à-dire les marins, les dockers, les travailleurs des transports et chemins de fer, les mineurs, les électriciens. C’est elle, la classe qui a la force pour bloquer la production, arrêter le flux des profits, s’emparer des moyens de production et renverser la bourgeoisie. La relative faiblesse du prolétariat grec, du fait de sa petite taille, souligne la nécessité de chercher des alliés hors du pays. Une révolution ouvrière en Grèce inspirerait le soutien du puissant prolétariat des pays plus grands, de Turquie, d’Espagne ou d’Allemagne.
C’est la classe ouvrière, et non pas le « peuple », qui a pris le pouvoir en Russie en octobre 1917. C’était la révolution prolétarienne qui a instauré la dictature révolutionnaire du prolétariat soutenu par la masse des paysans opprimés, non pas le « pouvoir populaire ». Lénine appelait, dans les Tâches du prolétariat dans notre révolution (10 avril 1917), à « verser du vinaigre et du fiel dans l’eau sucrée des phrases démocratiques révolutionnaires », à la « préparation [et au] groupement des éléments du parti prolétarien conscient, du parti communiste » et à la « désintoxication du prolétariat en proie à la griserie “générale” petite-bourgeoise ». C’est avec un tel programme de classe, indépendant et tranchant, que Lénine et Trotsky ont conduit le prolétariat au pouvoir. C’est l’opposé de ce qu’a fait la direction du KKE dans les années 1940 en Grèce : elle a trahi une révolution en subordonnant les ouvriers à l’alliance stalinienne avec les impérialistes « démocratiques » dans la Deuxième Guerre mondiale (voir « La Grèce dans les années 1940 : une révolution trahie », Spartacist, édition anglaise n° 64, été 2014).
La LCI est vraiment léniniste-trotskyste ; elle a combattu jusqu’au bout pour défendre les acquis de la révolution d’Octobre malgré la dégénérescence de l’Union soviétique sous le stalinisme. Nous avons inconditionnellement défendu l’Union soviétique contre les forces internes et externes de la contre-révolution capitaliste. Nous sommes les seuls à avoir combattu sur le terrain en 1989-1990 dans l’Etat ouvrier déformé d’Allemagne de l’Est, et en 1991-1992 en Union soviétique, pour stopper le développement de la contre-révolution capitaliste. Nous avons appelé à des révolutions politiques ouvrières pour chasser les bureaucrates staliniens et instaurer des régimes de démocratie ouvrière, et à l’extension internationale de la révolution. Le KKE au contraire a soutenu Gorbatchev ainsi que ses réformes économiques qui ont ouvert la voie au capitalisme. Le KKE avoue dans une piètre autocritique : « La conférence de 1995 a critiqué le fait que notre parti a accepté inconsidérément la politique de la perestroïka, estimant qu’il s’agissait d’une réforme en faveur du socialisme » (Résolution du 18e Congrès sur le socialisme, février 2009). Contrairement à ce qu’il prétend, le KKE ne porte pas le drapeau de l’Octobre rouge, mais la bannière pourrie du stalinisme, qui a creusé la tombe de la révolution d’Octobre.
La lutte pour une direction révolutionnaire
Un numéro récent de la revue théorique du KKE contient une polémique contre les organisations Lutte ouvrière [EA sans rapport avec l’organisation française LO] et Nouvelle graine (NS) ; cet article amalgame malhonnêtement le document fondateur de la Quatrième Internationale trotskyste, le « Programme de transition » (1938), avec sa déformation par les réformistes. Le KKE affirme : « Tous les Programmes de transition reposent sur l’acceptation directe ou indirecte que le mouvement ouvrier peut dans certaines conditions imposer de façon déterminante sa volonté au pouvoir capitaliste, dans le cadre du capitalisme, sans le renversement de l’Etat bourgeois et sans le pouvoir de la dictature du prolétariat » (Kommounistiki Epitheorisi n° 1, 2015). En réalité, le Programme de transition déclare clairement : « La tâche stratégique de la IVe Internationale ne consiste pas à réformer le capitalisme, mais à le renverser. Son but politique est la conquête du pouvoir par le prolétariat pour réaliser l’expropriation de la bourgeoisie » (l’Agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale). Il est mesquin de calomnier Trotsky, qui a dirigé avec Lénine la révolution d’Octobre, en citant des groupes réformistes comme EA, NS ou Antarsya.
Le Programme de transition a été formulé suite à la Crise de 1929, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale ; il avance des revendications transitoires « partant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et conduisant invariablement à une seule et même conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat ». Le Programme s’opposait à la fois aux illusions social-démocrates dans une réforme pacifique du capitalisme, et aux alliances staliniennes de front populaire avec les partis bourgeois. Le KKE rejette les revendications transitoires parce que son programme est réformiste et que par conséquent il n’a pas besoin d’un « pont » entre ses revendications minimales, comme « restaurer par la loi le salaire minimum à 751 euros au moins pour tous », et le combat pour la révolution socialiste.
L’urgence aujourd’hui, ce n’est pas simplement de restaurer les salaires et les conditions de vie au niveau où ils étaient avant le mémorandum [de la troïka], mais de poser des revendications transitoires qui, de par leur nature même, ne peuvent pas être satisfaites par une société bourgeoise en crise. Face au chômage massif, particulièrement parmi les jeunes, nous exigeons des emplois pour tous en raccourcissant la semaine de travail sans perte de salaire ! Dans une société où le salaire minimum condamne les salariés pauvres à brûler du bois pour se chauffer et à envoyer leurs enfants à l’école le ventre vide, nous exigeons une échelle mobile des salaires pour maintenir la parité avec le coût de la vie. Si ces revendications sont « irréalistes » pour la bourgeoisie, alors cela montre aux masses que le système entier d’esclavage salarié doit être renversé.
En luttant pour défendre tous ceux qui sont ruinés par la crise capitaliste, la classe ouvrière doit combattre pour syndiquer les nombreux ouvriers non syndiqués et défendre les ouvriers immigrés, qui constituent une composante vitale du prolétariat urbain et rural. Contrairement à Syriza qui mendie des miettes auprès des impérialistes nous disons : Annulation de la dette ! Expropriation des banques ! Ces revendications donnent la base pour mobiliser systématiquement les masses pour la révolution prolétarienne.
L’obstacle principal qui empêche la classe ouvrière de parvenir à une conscience révolutionnaire, ce ne sont pas les conditions « objectives », mais le caractère opportuniste de la direction existante du mouvement ouvrier et en particulier du KKE. Ce qu’il faut c’est un parti révolutionnaire comme le Parti bolchévique de Lénine et Trotsky. Ce parti dirigera la classe ouvrière avec une vision claire de qui est le véritable ennemi de classe ; il agira en tribun du peuple léniniste réagissant contre toute manifestation d’exploitation et d’oppression. Il sera forgé dans la lutte contre la ruine capitaliste et la réaction fasciste. Ce parti ne saurait être « national » ; il doit appartenir à un seul parti révolutionnaire international, avec des sections dans tous les pays. Nos prédécesseurs trotskystes écrivaient en 1934 : « Comme hier, nous continuerons aujourd’hui à travailler de toutes nos forces pour toutes les théories fondamentales de Marx, Engels, Lénine et Trotsky, qui se sont totalement vérifiées et qui ont été confirmées des milliers de fois et de tous côtés » (« Pour la Quatrième Internationale ! », New International). La perspective du Groupe trotskyste de Grèce est de lutter pour un tel parti, membre d’une Quatrième Internationale reforgée.
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