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Le Bolchévik nº 171 |
mars 2005 |
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Le capitalisme de néo-apartheid de l'ANC
L'Afrique du Sud ravagée par le sida
Nous reproduisons ci-dessous un article publié dans le n° 4 (printemps-été 2004) de Spartacist South Africa, le journal de la section sud-africaine de la Ligue communiste internationale.
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L'« Alliance tripartite » dirigée par les nationalistes bourgeois du Congrès national africain (ANC) célèbre « 10 ans de démocratie » et annonce fièrement la distribution de médicaments anti-rétroviraux (ARV) aux personnes atteintes du sida. Derrière l'autosatisfaction officielle, on retrouve l'obstruction criminelle à la mise en place des traitements et le rejet de la science qui, depuis le début, ont caractérisé la politique officielle sur le VIH/sida. La brutale réalité de l'Afrique du Sud est la convergence du déni du VIH et du système de profit capitaliste. Malgré cela, les ARV qui seront distribués sont les bienvenus parce que des vies seront sauvées, prolongées avec une meilleure qualité de vie – et ce n'est pas rien pour ceux qui vivent avec le VIH/sida.
Le développement des traitements ARV a transformé la vie des malades dans le monde entier. Ça n'a pas empêché [le président Thabo] Mbeki et les dirigeants de l'ANC de mener une campagne cruelle et idéologiquement réactionnaire contre ces traitements, campagne qui a compromis la mise en place des thérapies à base d'ARV, par rapport à ce qui serait possible même dans le cadre du capitalisme. Ceci s'est traduit par une accélération de l'épidémie en Afrique du Sud. Les assassins de l'ANC sont responsables de la mort d'au moins un millier de personnes par jour.
Le combat contre la pandémie du VIH/sida requiert une mobilisation de la société et de toutes ses ressources scientifiques et médicales. Mais la réalité du capitalisme, ce sont des inégalités sociales extrêmes et un accès inégal aux soins médicaux. L'Ouganda, l'Inde ou le Brésil sont tous des pays connaissant une misère profonde, où des maladies que les traitements rendent bénignes dans les pays industriels avancés sont encore fatales. Dans de telles circonstances, même la plus « rationnelle » des politiques anti-sida se traduira par une condamnation à mort pour une multitude de gens. En Afrique du Sud, le service de traumatologie de l'hôpital de Milpark, dans une banlieue chic de Johannesburg, et le même service à l'hôpital de Baragwanath, près de Soweto, sont deux mondes complètement différents. Nous disons : Ouvrez les hôpitaux privés ! Des soins médicaux gratuits et de qualité pour tous !
La puissante classe ouvrière sud-africaine doit faire sien le combat contre le gouvernement de néo-apartheid pour les traitements ARV. Le COSATU, le NACTU, la FEDUSA et les autres fédérations syndicales doivent réclamer pour tous leurs adhérents et pour tous les malades que les thérapies qui peuvent sauver des vies soient proposées à tous, qu'on déchire les brevets d'invention, et elles doivent exiger l'achat et la production immédiats des ARV nécessaires ! La classe ouvrière doit faire sien le combat pour l'expropriation sans indemnités des sociétés pharmaceutiques, ce qui est une mesure de santé publique vitale. Mais les bureaucrates syndicaux du COSATU et le Parti communiste sud-africain (SACP) sont les principaux obstacles à la lutte ouvrière dans ce pays, et jouent un rôle clé pour le gouvernement afin que celui-ci administre l'austérité capitaliste. Ceci démontre la nécessité urgente d'une direction lutte de classe dans les syndicats, pour arracher la classe ouvrière à l'emprise de l'Alliance tripartite.
En tant que communistes, qui voyons les choses sous l'angle de l'internationalisme prolétarien, nous savons que seule l'expropriation de la bourgeoisie peut éliminer les immenses inégalités sociales du capitalisme. Ce combat pour le socialisme révolutionnaire doit être engagé consciemment, et passe par la lutte pour l'indépendance politique complète de la classe ouvrière par rapport à tous les partis capitalistes. La tâche vitale et urgente est la construction d'un parti léniniste-trotskyste.
L'obstruction criminelle de l'ANC continue
Le 19 novembre 2003, le gouvernement approuvait un plan qui prévoyait en l'espace d'un an « au moins une unité de soins dans chaque district sanitaire », et dans les cinq ans « une unité de soins dans chaque municipalité ». Il promettait un traitement anti-rétroviral pour les malades avec un taux de CD4 inférieur à 200 et/ou des maladies opportunistes du sida, ce qui nécessitait une remise à niveau du système de santé et le recrutement et la formation de « milliers de professionnels de santé ». Des crédits substantiels y ont été alloués, mais dont seulement une partie sera directement consacrée à l'achat et à la distribution des médicaments.
Le plan du gouvernement est une mesure destinée à désamorcer les mobilisations dans le pays et à promouvoir l'image de la « nouvelle Afrique du Sud » à l'étranger ; il ne signifie pas un changement fondamental d'attitude. Après son discours sur l'état de la nation en février 2004, Mbeki a nié les décès provoqués par le VIH/sida en déclarant qu'il n'existait pas de chiffres de mortalité fiables permettant de savoir « ce qui tue les Sud-Africains ». En mars de la même année, le ministre des Finances Trevor Manuel déclarait que dépenser de l'argent pour des ARV, qu'il qualifiait de « trucs de vaudou », était du gaspillage. De son côté, la ministre de la Santé a intensifié sa campagne pour promouvoir la patate douce, en suggérant que la médecine traditionnelle pouvait remplacer les ARV. Une éventuelle mise en place des traitements ARV par le gouvernement Mbeki se fera en traînant les pieds, et l'accès à ces médicaments sera « semblable à une loterie et dépendra du lieu où vous habitez » (Mail & Guardian, 27 février-4 mars 2004).
En fait, sauf quand il s'agit d'insister sur le « rôle des guérisseurs traditionnels », la mise en œuvre de la plupart des éléments de ce plan sera sabotée. (Avec cette pandémie, toute concession faite au rôle « légitime » de la médecine traditionnelle va à l'encontre de la nécessité scientifique.) Le gouvernement a spécifiquement prévu que plus de 53 000 personnes bénéficieraient des traitements ARV à la fin du mois de mars 2004. En juin, seulement 3 667 recevaient des ARV par l'intermédiaire du plan national, et quatre provinces n'avaient même pas commencé leur distribution. C'est tragiquement peu comparé au nombre de personnes infectées par le VIH en Afrique du Sud, qui est estimé à 5,3 millions. Le gouvernement central a attendu février 2004 pour commencer à acheter des ARV, exacerbant ainsi de graves problèmes de distribution. Un responsable du Département de la Santé justifiait ces retards en expliquant qu'ils étaient dus à un accord commercial avec l'Inde et le Brésil, lequel permettrait à l'Afrique du Sud de devenir un important exportateur de médicaments anti-sida, conformément aux « principes généraux de l'accès des Noirs au pouvoir économique » (This Day, 3 mars 2004). L'ANC est plus que disposé à sacrifier les Sud-Africains de toute couleur infectés par le VIH sur l'autel des profits des entreprises pharmaceutiques nationales.
La promesse gouvernementale de remettre à niveau l'offre médicale est une promesse creuse. Le système de santé publique est en train de s'écrouler. Pendant la plus grande partie de l'année 2003, le Département de la Santé a souffert de pénuries aiguës de personnel. L'ANC n'a même pas réussi à mettre en place le modeste programme de « prophylaxie post-exposition » (PPE) pour fournir des ARV aux victimes ayant survécu à un viol. Au sujet du programme de prévention de la transmission de la mère à l'enfant inauguré en 2001, un article publié en 2003 dans le Mail & Guardian proclamait « Chaos dans les centres de traitement du sida infantile » (27 juin-3 juillet 2003). Lors d'un forum sur le sida organisé le 25 janvier 2004 par la Treatment Action Campaign (TAC – Campagne pour une action de traitement), un travailleur de la santé décrivait en termes poignants la surpopulation des hôpitaux, le manque d'infirmières et l'absence de réfrigération ou de médicaments pour la tuberculose, le diabète ou l'hypertension artérielle. Si votre enfant est malade, on peut vous donner du sirop de panado [un anti-douleur], et on vous dit de vous débrouiller vous-même ensuite. Dans les zones rurales, c'est cent fois pire. D'après le Département de la Santé lui-même, « la santé publique a souffert au cours des cinq dernières années d'un sous-financement chronique » (Mail & Guardian, 20-26 février 2004).
Un rapport initialement enterré par le gouvernement révèle que 46 % de tous les malades admis à l'hôpital dans ce pays sont séropositifs. On estime que 16 % des travailleurs de la santé mourront du sida entre 2002 et 2007 s'ils ne reçoivent pas d'ARV. L'urgence exige que l'on se procure immédiatement des ARV pour sauver des vies maintenant et protéger le secteur clé qu'est la santé. Mais c'est le profit, et non pas la nécessité sociale, qui motive les calculs du gouvernement de l'ANC.
Le régime de l'ANC, hommes de paille noirs des capitalistes blancs, licencie des milliers d'ouvriers (alors que le taux de chômage parmi la population africaine est de 50 %), perpétue une situation où l'éducation est un privilège des enfants de quelques profiteurs de l'ANC et de la classe capitaliste blanche, et ferme les hôpitaux. Il pense que toutes les vies n'ont pas la même valeur, et que seuls les gens non qualifiés, les chômeurs, les agriculteurs de subsistance et les femmes devraient être frappés. Il a décidé que l'hécatombe due au VIH/sida peut continuer, et que la Faucheuse balaiera tout mouvement pour exiger des traitements.
Cette hostilité calculée aux pauvres et aux personnes sans défense n'est pas seulement criminelle, elle est tragiquement erronée. Cette maladie frappe la population productive de la société, et en particulier la classe ouvrière. Au moins 100 000 élèves sont privés d'enseignants à cause du VIH/sida. Et une autre étude ordonnée par le gouvernement mais longtemps enterrée révèle les ravages parmi les travailleurs du service public. Chiffre effrayant, 46 % des décès d'adultes sont liés au sida. Le peu de prix accordé par l'ANC à la vie humaine souligne encore plus la brutalité et l'irrationalité inhérentes au système capitaliste.
L'Afrique du Sud déchirée par la crise du sida
Les protestations en Afrique du Sud ont mis sous les feux de la rampe la perfidie du parti au pouvoir, y compris au niveau international. La « nouvelle » posture du gouvernement de l'ANC est en partie une concession visant à désamorcer les luttes contre sa politique réactionnaire, notamment de la part de la classe ouvrière. Il est significatif que des syndicats comme le National Union of Metal Workers of South Africa (NUMSA – Syndicat national des métallurgistes d'Afrique du Sud) et le National Union of Mineworkers (NUM – Syndicat national des mineurs) aient négocié des accords avec les patrons pour distribuer à des secteurs stratégiques du prolétariat (dans l'automobile, les mines d'or et de platine) des ARV qui permettront au capitalisme de continuer à débiter des profits. Ces initiatives partielles sont motivées par les intérêts stratégiques des capitalistes, mais elles reflètent aussi la montée de la colère et des frustrations à la base de la société.
Les divisions autour du VIH/sida au sein de l'ANC au pouvoir et de l'Afrique du Sud tout entière sont profondes. Un économiste de l'université du Cap écrit : « Le cabinet a été probablement forcé d'annoncer un programme de traitement par le simple poids de la pression publique et par un souci de désamorcer cette question avant les élections de 2004 » (Nicoli Nattrass, The Moral Economy of AIDS in South Africa [L'économie morale du sida en Afrique du Sud], 2004). En septembre 2003, Mbeki déclarait au Washington Post qu'il ne connaissait personnellement personne qui avait le virus ou qui était mort du sida. L'humoriste afrikaner Pieter-Dirk Uys lui répondit par une formule qui fit grand bruit : « Il ment et condamne ainsi sa nation à mort […]. Comme quand Steve Biko est mort et que le ministre de la "justice" de l'apartheid de l'époque, Jimmy Kruger, fit cette célèbre déclaration : "Ça me laisse froid." L'Afrique du Sud laisse froid Thabo Mbeki. » En octobre 2004 la TAC, qui avait auparavant lancé puis suspendu une campagne de désobéissance civile qui avait provoqué la colère du régime, recevait le prix Nelson Mandela pour la santé et les droits de l'homme pour sa lutte dans la « meilleure tradition du mouvement anti-apartheid ». Le président d'Anglo-American, le géant minier, a lui aussi bruyamment félicité la direction de la TAC.
L'Afrique et l'hypocrisie impérialiste
Pour leurs propres raisons, un certain nombre d'intérêts capitalistes sud-africains et étrangers préfèrent que Mbeki adopte une politique officielle formellement cohérente avec la science médicale. De fait, mettre fin au tollé provoqué par sa politique sur le sida auprès des impérialistes anglo-américains et des Nations Unies a été un facteur majeur dans la décision d'annoncer la distribution des ARV. Mais si les puissances impérialistes approuvent ce changement apparent, c'est parce que la puissance régionale qu'est l'Afrique du Sud est leur instrument préféré pour intervenir sur ce qu'ils appellent le continent « sans espoir ». Que l'ANC ait accordé l'asile au président haïtien Aristide déposé par les USA, qu'il se soit opposé à la guerre en Irak et qu'il ait soutenu le dirigeant palestinien Arafat, ne peut masquer le fait que l'ANC est un partenaire subordonné de la clique sanguinaire de Bush. Sous son règne, les capitalistes sud-africains ont fortement augmenté leurs investissements en Afrique sub-saharienne, et ils ont fourni des troupes pour des opérations de « maintien de la paix » impérialistes. Après la guerre d'Irak, le président américain Bush s'est rendu en Afrique du Sud et a déclaré que Mbeki était son homme de confiance pour le Zimbabwe.
La période récente a vu une intensification des manœuvres impérialistes pour le contrôle de l'Afrique. Les Etats-Unis installent des « centres de commandement antiterroristes » dans les pays d'Afrique de l'Est, à Djibouti, en Ethiopie, au Kenya et en Ouganda. D'après le journaliste Pierre Abramovici, les forces américaines ont été récemment impliquées dans une série d'opérations militaires au Sahel, la zone-tampon entre les champs pétrolifères d'Afrique du Nord et ceux du golfe de Guinée (le Monde Diplomatique, juillet 2004). Utilisant le prétexte de la « guerre contre le terrorisme », les impérialistes américains ont renforcé leurs liens avec les corps d'officiers africains, et s'installent pour protéger les sources d'approvisionnement et les voies d'acheminement de matières premières importantes comme le manganèse, le cobalt, le chrome, l'or, les diamants industriels et (surtout) le pétrole. On prévoit qu'au cours des dix prochaines années l'Afrique deviendra le plus important fournisseur de pétrole des Etats-Unis après le Proche-Orient, et les impérialistes convoitent les réserves d'Afrique occidentale et centrale, notamment au Nigeria, au Gabon, en Guinée-Equatoriale et en Angola. En réaction, la France et d'autres pays européens ont entrepris de réaffirmer leur « influence » dans leurs anciennes colonies, comme la Côte d'Ivoire.
A cet égard, un responsable du Pentagone a fait savoir qu'un ingrédient clé de la sécurité régionale africaine « est représenté par des armées nationales capables et compétentes, et qui ne meurent pas du sida ». Forger une relation particulière avec l'armée sud-africaine et restaurer sa capacité de combat est une priorité pour les impérialistes américains. Récemment, des tests VIH pratiqués sur des soldats volontaires ont donné un taux de séropositivité incroyablement élevé de 87 %, et on estime que pour l'ensemble de l'armée il est compris entre 23 et 40 %. C'est donc par intérêt bien compris que les National Institutes of Health (NIH – Instituts nationaux de la santé) américains ont donné aux forces armées sud-africaines 35 millions de dollars (principalement destinés à acheter des ARV).
Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les autres gouvernements impérialistes, en dépit des critiques hypocrites qu'ils adressent à Mbeki, jouent les hommes de main des monopoles rapaces de l'industrie pharmaceutique. L'administration Bush mène une campagne internationale contre les ARV génériques et contre les préservatifs, et utilise des milliards de dollars d'aide comme une arme pour promouvoir les intérêts des sociétés pharmaceutiques américaines et des injonctions chrétiennes réactionnaires, en s'opposant à l'avortement et en prêchant l'abstinence. Comme les brevets de chaque composant sont détenus par des sociétés différentes, seuls les ARV génériques permettent d'administrer les traitements nécessaires en un seul comprimé (deux ou trois en un). C'est une amélioration qualitative dans des pays économiquement arriérés, où l'accès aux traitements médicaux et les moyens de transport sont limités.
Des médicaments bon marché pour le traitement du sida n'arrivent pas jusqu'en Afrique parce que les vampires capitalistes de Wall Street et de la City de Londres ne le veulent pas. Ceci n'empêche pas ces mêmes géants pharmaceutiques de déverser sur les pays africains toutes sortes de médicaments dont la mise sur le marché n'a pas encore été approuvée en Occident. Pire encore, à la fin des années 1990, 15 études sur la transmission de la mère à l'enfant financées par les Etats-Unis et l'ONU ont utilisé un placebo à la place de l'AZT – alors même que l'on savait que l'AZT empêchait efficacement ce type de transmission. Les calculs indiquaient que 1 502 enfants devaient mourir, ce qui rappelle (pour ne pas dire reproduit) la tristement célèbre expérience raciste de Tuskegee, financée par le gouvernement américain, au cours de laquelle des Noirs pauvres du sud rural américain furent privés des traitements disponibles contre la syphilis. C'est dans ce contexte que les éructations de Mbeki contre l'utilisation d'Africains comme « cobayes » peuvent trouver un écho chez des Africains désespérés par les souffrances qu'ils endurent.
Parce qu'elles perpétuent une situation de misère économique et d'arriération culturelle, les puissances impérialistes sont en fin de compte responsables de l'effroyable ampleur de l'épidémie du sida en Afrique sub-saharienne. Les années 1980 ont vu la plus grande partie du continent s'enfoncer dans une crise économique aggravée par les programmes d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale imposés sous le diktat des banquiers impérialistes. La dévastation économique totale du continent a été encore exacerbée par la destruction de l'Union soviétique qui jouait le rôle de contrepoids à l'impérialisme américain. Pendant la guerre froide, beaucoup de régimes du « tiers-monde » réussissaient à obtenir de l'aide économique et militaire en jouant Moscou et Washington l'un contre l'autre. Le désespoir économique et la banqueroute manifeste du nationalisme africain ont provoqué une résurgence de rivalités nationales, tribales et claniques, avec pour résultat, d'un bout à l'autre du continent, des guerres presque ininterrompues accompagnées de massacres tribaux ou claniques. Ces conflits sont eux-mêmes manipulés cyniquement par des politiciens impérialistes et africains qui poursuivent leurs propres objectifs. L'ONU, le FMI et l'impérialisme français portent une lourde responsabilité dans le génocide de 1994 au Rwanda, et une intervention de l'ONU au Darfour, une région du Soudan, n'est pas une solution. Du VIH/sida à l'aide « humanitaire » au Soudan, les larmes de crocodile sur le sort de l'Afrique ne sont que de l'hypocrisie impérialiste : Toutes les troupes des USA, de l'ONU, troupes britanniques et françaises, hors d'Afrique ! Troupes de l'ONU et sud-africaines, hors du Burundi et de la République démocratique du Congo ! Bas les pattes devant le Soudan !
L'oppression des femmes et la pandémie
En Afrique du Sud, le visage du VIH/sida est celui de la femme africaine. Comme nous l'écrivions dans le premier numéro de Spartacist South Africa, entièrement consacré au sida, la question femme est la question sociale brûlante aujourd'hui dans ce pays :
« Plus qu'avec aucune autre maladie dans l'histoire moderne, chaque étape de la recherche pour contrôler et soigner le VIH/sida a été entravée par le système capitaliste dont le moteur est le profit, ainsi que par le fatras idéologique arriéré, répressif, raciste et anti-femmes qui l'accompagne […]. Et parce qu'il s'agit d'une maladie sexuellement transmissible, l'oppression spécifique que subissent les femmes sous le capitalisme crée un obstacle majeur à un remède. Toute la culpabilité, la honte et les tabous répressifs autour du sexe destinés à asservir les femmes par l'intermédiaire de la morale bourgeoise jouent aussi un rôle majeur dans le sabotage d'une réponse scientifique au sida. »
Les femmes africaines âgées de 15 à 24 ans risquent deux fois et demie plus d'être contaminées par le VIH que les hommes de la même tranche d'âge. Cette disparité est pour partie le résultat du fait biologique que le VIH se transmet plus facilement de l'homme à la femme. L'activité sexuelle commence aussi en général beaucoup plus tôt pour les femmes, généralement avec des partenaires plus âgés de cinq à sept ans (ce qui accroît le risque de contamination), et souvent sous forme de « sexe pour survivre » pour se procurer des produits de première nécessité, le transport ou les frais scolaires. Ceci est aggravé encore par l'insistance très répandue parmi les hommes à avoir des rapports nyama enyameni (chair contre chair), et par la croyance largement répandue que le sida est une « maladie de femme ».
L'abominable viol collectif suivi d'assassinat de l'activiste anti-sida de la TAC Lorna Mlofana dans les toilettes d'un shebeen [bar de township] est emblématique du mépris et de l'oppression des femmes, et de leur intersection avec le VIH/sida. Lorna Mlofana a été tabassée et tuée après avoir dit à ses agresseurs qu'elle était séropositive. Son médecin à la clinique de Khayelitsha expliquait que Mlofana, qui avait 21 ans et était la mère d'un petit garçon de trois ans, prenait des médicaments anti-rétroviraux depuis deux ans, que c'était une femme en bonne santé qui parlait courageusement de la maladie pour éduquer et combattre les préjugés qui s'y attachent. Nous nous solidarisons avec la vigoureuse protestation de la TAC contre cet abominable crime.
Il y a chaque année en Afrique du Sud environ 50 000 cas officiellement déclarés de viol. Un peu moins du tiers des jeunes filles scolarisées affirment avoir été victimes d'un viol, et 70 % disent avoir subi des rapports sexuels sous la contrainte. Le mythe qu'un rapport sexuel avec une vierge peut soigner le sida est devenu un catalyseur supplémentaire dans la multiplication des cas de viols de jeunes filles. Une journaliste sud-africaine qui a été violée et s'est battue contre des obstacles bureaucratiques pour obtenir un traitement AZT afin de prévenir la contamination par le VIH, écrit que « nous ne mettrons pas fin à l'épidémie si nous ne comprenons pas le rôle de la tradition et de la religion – et d'une culture où le viol est endémique et est devenu une des principales voies de transmission de la maladie aux jeunes femmes ainsi qu'aux enfants ». Mbeki a traité cette journaliste de « raciste » pour avoir fait cette remarque. En fait, les conceptions traditionnelles sont fréquemment associées et mêlées aux doctrines religieuses de l'Eglise chrétienne et des missionnaires qui font du sexe une question de « morale », renforçant ainsi les préjugés autour du sida. Le contrôle de cette pandémie est inconcevable sans une lutte en profondeur contre cette attitude rétrograde d'arriération sociale.
L'oppression des femmes et des enfants est intimement liée au rôle de la famille bourgeoise monogame sous le capitalisme, où les femmes sont traitées comme la propriété des hommes, destinées à élever la prochaine génération d'esclaves salariés. L'oppression des femmes peut prendre une forme encore plus extrême dans la famille traditionnelle africaine, en particulier quand la polygamie est encore acceptée. La seule solution est la destruction du système capitaliste par la classe ouvrière, qui expropriera la classe capitaliste grâce à une révolution socialiste victorieuse et préparera l'instauration d'une société sans classes. La base matérielle existera alors pour remplacer la famille, grâce à la collectivisation des corvées ménagères et de l'éducation des enfants.
L'oppression et les mauvais traitements à l'encontre des femmes sont renforcés par les pratiques anti-classe ouvrière, anti-femmes et anti-pauvres du régime. Il y a un gouffre entre la politique officielle, telle qu'elle est énoncée par la « constitution la plus progressiste du monde », et la réalité. Seules 45 % des 309 cliniques censées pratiquer des avortements offrent effectivement cet acte médical vital. Alors que les femmes sont forcées à rester au chômage pour s'occuper des malades et des mourants à la maison, un nombre toujours croissant d'orphelins du sida se battent pour survivre. L'ANC ne s'est jamais prononcé publiquement contre la pratique largement répandue de la lobola (le prix de l'épousée), qui réduit les femmes au rang d'une simple marchandise, ou contre l'excision encore pratiquée ouvertement dans les régions rurales et secrètement dans les townships.
Le nationalisme bourgeois est l'obstacle principal à la conscience révolutionnaire
Mbeki, qui a reçu une éducation occidentale, et beaucoup de nationalistes bourgeois de l'ANC professent des théories du complot et nient la réalité du sida. Mbeki et ses ministres se répandent en infâmes calomnies raciales contre ceux qui réclament des ARV. La ministre de la Santé a ainsi publiquement qualifié Mark Heywood, le dirigeant combatif de la TAC, d'« homme blanc » qui dit à « nos Africains » que « vous devez toyi toyi [une danse de protestation martiale] ici ». Dans un discours prononcé en 2001 à l'université de Fort Hare, Mbeki a calomnieusement attribué aux scientifiques spécialistes du sida la position que les Africains seraient des « porteurs de microbes et des êtres humains de catégorie inférieure » qui doivent « adopter des choix étranges pour empêcher un peuple dépravé et malade de périr d'une maladie qu'il s'est lui-même infligée ». De façon semblable, l'ANC chante les louanges de la « renaissance africaine » et fait énergiquement la promotion de l'autorité des « chefs tribaux » et des « guérisseurs traditionnels ».
Le refus cynique du gouvernement ANC d'admettre la crise autour du sida est aussi motivé par son hostilité atavique sur la question gay. On entend souvent dire que l'homosexualité n'est pas « africaine ». L'association du sida avec l'homosexualité, les consommateurs de drogues ou tout autre groupe particulier a toujours servi de couverture idéologique pour l'incapacité concrète à lutter contre ce fléau. Il n'y a pas de « maladie homosexuelle » ou de « maladie hétérosexuelle ». Le VIH est un virus. Nous luttons pour les pleins droits démocratiques pour les gays et les lesbiennes.
De même, le gouvernement dirigé par l'ANC orchestre et manipule une campagne anti-immigrés. Aujourd'hui, ce sont les immigrés et les demandeurs d'asile qui sont rendus, à tort, responsables du fléau du sida. Ces ouvriers migrants, y compris les immigrés « clandestins », sont un lien vivant entre le prolétariat sud-africain et les ouvriers de toute la région. Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés !
Les dénonciations « africanistes » proférées par Mbeki et consorts contre la science occidentale, leurs dénonciations racistes et leurs « solutions africaines » sont destinées à dissimuler le fait que le régime nationaliste bourgeois de l'ANC est l'agent politique principal de l'impérialisme mondial et de la classe capitaliste sud-africaine. Le nationalisme de l'ANC est une source inépuisable de conscience rétrograde sur le VIH/sida et l'oppression des femmes. Pour briser les chaînes du capitalisme de néo-apartheid et opérer une authentique libération nationale et sociale, la classe ouvrière doit transcender l'idéologie du nationalisme, la croyance erronée que les Africains noirs – brutalement opprimés par le pouvoir blanc en Afrique du Sud – ont tous un intérêt commun qui l'emporte sur les divisions de classe. Tous les travailleurs de ce pays – zoulous ou xhosas, indiens ou métis, immigrés ou nés dans ce pays, africains ou blancs – ont un intérêt commun à lutter contre l'austérité capitaliste et le néo-apartheid de l'ANC.
Rompez avec l'Alliance tripartite dirigée par l'ANC !
L'Alliance tripartite entre le mal-nommé SACP, le COSATU et l'ANC est un front populaire nationaliste au moyen duquel la classe ouvrière africaine est dépossédée et enchaînée à ses exploiteurs. Le SACP et le COSATU servent d'intermédiaire pour transmettre la pression à la base de la société en faveur de la mise à disposition d'ARV bon marché. Ils utilisent les divergences sur l'épidémie au sein du parti au pouvoir pour réclamer un changement de la position gouvernementale officielle sur la distribution d'ARV. Mais ils participent simultanément d'une division du travail qui mobilise le soutien à l'ANC et maintient toute expression de mécontentement envers le régime de Mbeki et son déni du VIH dans des limites « inoffensives ». Ils cherchent ainsi à enchaîner les opprimés à ceux qui sont, littéralement, leurs bourreaux.
L'année dernière, à la conférence du COSATU, les chefs du SACP et du COSATU ont écarté l'idée d'une rupture de l'Alliance tripartite, et ont annoncé un programme de coopération à long terme (jusqu'en 2015). Les opposants à l'Alliance se sont vu déclarer que leurs identités étaient connues et qu'ils devaient partir. Les chefs du COSATU et le SACP ont fait le choix conscient de ne pas utiliser la tribune nationale pour mobiliser la société sud-africaine sur le VIH/sida. Toute manifestation d'indignation était proscrite en présence de la ministre de la Santé et d'autres dignitaires de l'ANC. Au contraire, dans son discours devant le COSATU, le Secrétaire général du SACP Blade Nzimande a exhorté à renouveler l'ANC par une infusion massive de travailleurs d'ici les prochaines élections. Une résolution qui impose au gouvernement l'obligation de distribuer des ARV a été adoptée. Mais la vérité, qui nous a été rapportée par un lecteur de Spartacist South Africa membre du COSATU, est qu'au sein même du COSATU il n'y a pas de structure adéquate pour s'occuper de l'épidémie, alors même que des adhérents meurent quotidiennement.
Le SACP fait partie intégrante de l'administration de l'Etat capitaliste, qui est un instrument pour réprimer les intérêts de la classe ouvrière et des opprimés. Le Secrétaire général du SACP est ministre de la Sûreté et de la Sécurité, où il contrôle directement la police, et Ronnie Kasrils est le ministre responsable de la National Intelligence Agency (NIA – Agence nationale d'espionnage), laquelle est en première ligne de l'intimidation, voire pire, des « mouvements sociaux ». Le rôle de couverture de l'ANC sur le VIH/sida joué par le SACP restera comme une des trahisons marquantes dans son histoire sordide de politique de collaboration de classes (front-populiste).
La TAC, groupe de pression combatif focalisé sur une seule question, est née du sentiment largement répandu de désespoir engendré par la situation, et joue le rôle d'auxiliaire politique de l'ANC. Le régime de l'ANC emploie la répression contre l'Anti-Privatisation Forum (APF – Forum anti-privatisation), la détention et la torture contre le Landless Peoples Movement (LPM – Mouvement des sans-terre). La TAC, un autre de ces « mouvements sociaux », est considérée comme davantage acceptable à cause de son soutien indéfectible à l'ANC. (Ceci n'a cependant pas empêché les chefs du COSATU de mettre en garde la TAC qu'il valait mieux que son éphémère campagne de désobéissance civile ne remette pas en cause l'« autorité » de l'Etat.) Etant donné l'ampleur destructrice sans précédent de l'épidémie, un régime figé dans le déni qui refuse de fournir des médicaments pouvant sauver des milliers de vies, et l'intransigeance des sociétés pharmaceutiques sur les prix et contre les génériques meilleur marché, « des actions de protestation incessantes et combatives sembleraient aller de soi ». Mais, comme le remarque même la presse bourgeoise qui applaudit les tactiques de ce groupe, elles constituent simplement un « chuchotement » sur « l'échelle mobile d'une cause révolutionnaire populaire » (Sunday Independent, 7 décembre 2003).
Le 25 janvier 2004, la TAC a organisé à l'Hôtel de Ville de Johannesburg un « forum populaire sur le sida » pour construire un « véritable partenariat de mise en œuvre » avec le gouvernement. Au cours de cet événement, la direction a exigé du public qu'il n'exprime pas son indignation de façon trop combative. Une malade du sida a pris la parole et, montrant du doigt Mbhazima Shilowa, le Premier ministre ANC de la province de Gauteng, déclara : « Nous saignons et le gouvernement ne fait rien. » Quand elle eut terminé, un groupe de jeunes s'avança vers le devant de la salle et exécuta un toyi toyi aux cris de « Manto [la ministre de la Santé] et Mbeki nous trahissent. Nous allons leur donner une minute pour déguerpir. » Ceci amena la TAC à expliquer que la maladie de cette femme était la source de ses propos, et que pour la TAC le gouvernement n'était pas l'ennemi. Quand Shilowa s'est levé pour prendre la parole, les mots d'ordre et les toyi toyi ont repris : « L'élite noire est la cause de cette souffrance. » Le discours de Shilowa était une insulte, et au fond de la salle les jeunes ont commencé à écrire des pancartes : « Patates douces, huile d'olive, elle [Manto] doit commencer elle-même à les goûter » et « Phansi nge Beet Root [A bas les betteraves] ». Sur une autre pancarte : « Si vous voulez des voix, allez au cimetière le plus proche. » Les membres de la TAC ont couru dans la salle pour récupérer les pancartes offensantes.
Toute la stratégie de la TAC montre les limites qu'impose le choix de maintenir la lutte pour des soins médicaux et des conditions de vie décents dans les bornes du capitalisme, en particulier quand une immense majorité de la population mondiale vit dans la pauvreté. Politiquement loyale envers l'ANC, sa stratégie d'« aiguillon » qui fait pression sur le régime a transformé la TAC en flics politiques qui répriment la colère immense et justifiée contre le gouvernement. Les activistes désenchantés de la TAC doivent rompre avec l'activisme focalisé sur une seule question et avec l'ANC, et lutter contre le système de profit capitaliste qui apporte exploitation, pauvreté et guerre.
Un opposant « de gauche » au marxisme révolutionnaire
Le Democratic Socialist Movement (DSM – Mouvement socialiste démocratique), affilié au Comité pour une Internationale ouvrière de Peter Taaffe, se présente comme à gauche de l'ANC/SACP. Le DSM s'est opposé au déni du VIH/sida par Mbeki, et il a critiqué la TAC pour, entre autres, avoir défendu les profits des sociétés pharmaceutiques. Il écrit que « la bataille contre le sida ne peut pas être gagnée dans les tribunaux, mais dans la lutte contre le capitalisme lui-même » (Izwi Labasebenzi, juin 2002). Il critique la manière dont le dirigeant de la TAC Zackie Achmat se présente, à savoir comme un « membre loyal de l'ANC étonné par la position apparemment inexplicable de son dirigeant, Mbeki ». Ceci pourrait conduire certaines personnes à prendre le DSM pour un véritable défenseur des opprimés. Rien n'est plus éloigné de la vérité. Venant d'un groupe qui a passé une vingtaine d'années (!) à l'intérieur de l'ANC en tant que soi-disant Marxist Workers Tendency (MWR – Tendance ouvrière marxiste), attaquer Achmat pour sa loyauté servile envers l'ANC implique une sacrée amnésie vraiment opportune. Ignorant ce qui est clairement écrit dans la « Charte de la liberté », le DSM répète à l'envi que le programme capitaliste de l'ANC a commencé en 1996 avec l'imposition du GEAR (Growth Employment And Redistribution – Croissance, emploi et redistribution), le programme de réformes économiques du gouvernement Mbeki. Mais l'ANC ne vient pas de mal tourner récemment. Il a toujours été explicitement capitaliste. La MWT est restée dans l'ANC quand celui-ci a négocié la trahison historique des masses africaines en 1994. Elle était dans l'ANC quand le gouvernement Mandela a lancé la répression contre la grève nationale des infirmières et a licencié 6 000 d'entre elles dans la province du Cap-Oriental en 1995. Son opposition actuelle à l'ANC, y compris sur le VIH/sida, ne diminue pas la responsabilité qu'elle porte pour les crimes de l'ANC, qu'elle a aidé à mettre au pouvoir.
Il faut forger un parti léniniste-trotskyste !
L'Afrique du Sud est un exemple de ce que les marxistes appellent le développement inégal et combiné. Les technologies pour construire des réacteurs nucléaires et les épidémies chroniques de choléra coexistent de façon malsaine. Dans les rues de Durban, on trouve des vendeurs de muthi (remèdes traditionnels) qui offrent des poudres mystérieuses et des poudres d'os pour guérir les ravages du sida, à côté de la technologie avancée nécessaire pour faire fonctionner l'un des ports industriels les plus actifs du monde. Industries modernes et complexes miniers ont été construits grâce à la surexploitation des travailleurs noirs par la classe capitaliste blanche. La minorité blanche privilégiée jouit d'un niveau de vie comparable aux enclaves les plus prospères de l'Amérique du Nord et de l'Europe de l'Ouest, y compris l'accès aux meilleurs soins médicaux disponibles pour qui a les moyens de payer. Mais il existe une puissante classe ouvrière qui sera le fossoyeur de l'ordre social du néo-apartheid.
En Afrique du Sud, avec son développement économique significatif dans les centres urbains clés et ses soins médicaux relativement avancés, les ARV pourraient être distribués massivement. Le Botswana, pays moins développé, distribue gratuitement des ARV à 17 400 personnes, qui ne représentent toutefois qu'une petite partie des 260 000 séropositifs (le gouvernement estime que 100 000 personnes ont un besoin immédiat d'ARV). Mais sous le capitalisme de néo-apartheid, même la politique la plus rationnelle et la plus humaine pourrait bien ne pas être suffisante pour sauver les vies de millions de gens dans ce pays, y compris de secteurs entiers du prolétariat sud-africain. La pauvreté, l'homophobie, l'oppression des femmes et les « institutions traditionnelles » continueront à entraver toute approche de cette maladie, affectant fortement la distribution des traitements. La disponibilité des médicaments et l'utilisation rationnelle de la technologie sont empêchées par les services médicaux privés et les sociétés pharmaceutiques avides de profits. Dans les zones rurales, l'absence d'infrastructures, de transports et de réfrigération constituent des obstacles supplémentaires.
L'Afrique du Sud possède le prolétariat le plus puissant du continent. Il y a dans ses rangs beaucoup d'adhérents à une vision socialiste de la société. Ce prolétariat n'a pas été vaincu au combat, même si sa libération a été repoussée de façon « négociée », au moins temporairement. Dans les puissantes grèves contre les privatisations des trois dernières années, on n'a pas entendu la revendication minimale d'ARV gratuits pour tous, tout de suite ! Cela déstabiliserait profondément l'ANC et l'Afrique du Sud, car ce pays est gravement divisé par cette crise.
Le chômage de masse, la soif de terres, le déplacement de la population africaine dans les townships, le système des travailleurs migrants avec les foyers pour hommes seuls – tout l'édifice de l'inégalité sociale –, ce sont les caractéristiques essentielles du capitalisme de néo-apartheid aujourd'hui. Si elle doit se battre pour sa propre libération contre l'exploitation capitaliste, la classe ouvrière sud-africaine doit prendre la tête de la bataille contre l'obstruction de l'Alliance sur le sida. Elle doit s'opposer à l'oppression brutale des femmes, des immigrés et des pauvres des campagnes. Elle doit prendre fait et cause pour les millions de gens qui croupissent dans les bidonvilles misérables du pays.
Spartacist South Africa se consacre à la tâche de construire un parti d'avant-garde internationaliste et révolutionnaire, ce qui sera un pas décisif pour libérer la puissance du prolétariat sud-africain. Ce parti combattra toute manifestation d'oppression sociale et de tyrannie policière. Il sera, selon la formule de Lénine, un « tribun du peuple ». La classe ouvrière sud-africaine doit être un instrument de sa propre émancipation, et de celle de tous les opprimés, en détruisant le capitalisme dans l'Afrique sub-saharienne. Cependant, le fléau du sida ne peut pas être éliminé dans les limites des frontières de l'Etat sud-africain, héritées du colonialisme. La survie de la révolution socialiste dans le sous-continent nécessite son extension internationale aux bastions métropolitains de l'impérialisme en Occident et au Japon. C'est la tâche que s'est fixée la Ligue communiste internationale. C'est alors, et alors seulement, que les ressources sociales nécessaires et les techniques médicales et scientifiques les plus avancées seront mises au service de toute l'humanité pour s'attaquer véritablement au fléau du VIH/sida.
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