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Pour la révolution permanente du Maghreb à l’Egypte ! Tunisie : Le dictateur s’enfuit, les protestations continuent Pour des partis ouvriers révolutionnaires ! Le 14 janvier, le dictateur tunisien Zine el-Abidine Ben Ali fuyait son pays comme un voleur, après 23 ans de règne. Sa fuite pour l’Arabie saoudite faisait suite à plusieurs semaines de soulèvement ; celui-ci avait commencé quand une partie de la jeunesse était descendue dans la rue en réclamant du travail et en exigeant d’être traitée avec un peu de dignité par l’Etat. Parties de la ville de Sidi Bouzid, dans le centre du pays, les manifestations s’étaient rapidement étendues au pays tout entier et à de larges couches de la société tunisienne, dont la classe ouvrière. Elles s’étaient heurtées à une féroce répression policière ; même le bilan officiel fait état de plus de 100 morts au cours des cinq semaines de mobilisation, pour la plupart victimes des tirs de la police. Dans les heures qui ont suivi la fuite de Ben Ali, Mohammed Ghannouchi, son Premier ministre depuis plus de onze ans, s’est proclamé président. Alors que les manifestations continuent, et se heurtent de plus en plus à la répression policière, la plupart des fidèles serviteurs de Ben Ali ont été démis de leurs portefeuilles ministériels la dernière manuvre en date pour faire cesser les manifestations tout en maintenant en place le noyau dur de l’appareil gouvernemental. Pour l’instant, Ghannouchi est à nouveau Premier ministre. A l’appel de leur syndicat, les enseignants tunisiens ont fait grève pendant deux jours le 24 et le 25 janvier, et d’autres grèves, notamment dans les transports publics, ont éclaté pour chasser les patrons ben-alistes détestés, qui ces dernières années avaient imposé des conditions de travail toujours plus draconiennes. Une vidéo qui a fait le tour du Web montre les employés de Star, la plus grande compagnie d’assurances du pays, en partie contrôlée par un groupe français, en train de chasser le président de l’entreprise. Les Tunisiens en avaient assez du chômage, de la hausse des prix des produits alimentaires, de la corruption généralisée de Ben Ali, de sa famille et de ses comparses, et ils en avaient assez de la répression de son Etat policier ; ils ont héroïquement défié ses flics et ses hommes de main pour arracher les droits démocratiques les plus élémentaires. Sous Ben Ali, qui depuis 1987 était régulièrement réélu dans des élections grossièrement truquées, les opposants politiques étaient généralement cooptés ou écrasés. Maintenant la bourgeoisie et ses parrains impérialistes regrettent que leur despote déchu n’ait laissé aucun espace à une opposition aux « mains propres » qui aurait pu sauter en selle, ce qui a comme conséquence de prolonger l’instabilité en Tunisie et au-delà. Les aspirations démocratiques des masses demeurent une puissante incitation à la lutte. Il est vital que le prolétariat, la seule classe qui possède à la fois la puissance sociale et l’intérêt historique pour renverser le système capitaliste, émerge de ces luttes comme la force qui entraîne derrière elle la jeunesse au chômage, les pauvres des villes, les paysans, les femmes et les autres couches opprimées qui aspirent à l’émancipation. Les événements tumultueux dont la Tunisie est le théâtre représentent une ouverture extraordinaire pour populariser le programme marxiste pour la révolution socialiste, qui seule peut satisfaire les revendications des masses. Le soulèvement a été marqué par une mobilisation de toutes les classes sociales excepté les couches supérieures de la bourgeoisie tunisienne, dont beaucoup comptent parmi les copains de Ben Ali. Les drapeaux tunisiens sont partout. Ceci reflète une conscience nationaliste qui s’exprime aussi par des illusions largement répandues dans l’armée, dont le chef aurait refusé de tirer sur les manifestants civils et aurait, selon la rumeur, orchestré l’éviction de Ben Ali. Ce genre d’illusions est un danger mortel pour les travailleurs et les opprimés. Le départ de Ben Ali et les luttes d’influence auxquelles se livrent différentes forces politiques ont créé un vide politique ; il manque une avant-garde ouvrière marxiste qui mette en avant le programme de la révolution permanente : la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, qui luttera pour étendre sa victoire révolutionnaire aux centres de l’impérialisme mondial la seule manière de briser les chaînes du despotisme politique et économique ainsi que de l’arriération sociale. Pour un gouvernement ouvrier et paysan ! En Tunisie, comme dans d’autres pays à développement capitaliste retardataire, les acquis historiques associés aux grandes révolutions bourgeoises du XVIIe et du XVIIIe siècles en Grande-Bretagne et en France comme la démocratie politique et l’émancipation nationale ne pourront être obtenus aussi longtemps que la domination de la bourgeoisie perdurera. La Tunisie est un pays néocolonial dont la bourgeoisie est attachée par mille liens à l’impérialisme mondial, et en particulier à la France, l’ancienne puissance coloniale qui profite de la terrible oppression des masses tunisiennes et qui était le principal soutien du régime de Ben Ali. La ministre des Affaires étrangères française, Michèle Alliot-Marie, est allée jusqu’à proposer d’envoyer des éléments des forces de sécurité françaises pour aider à écraser le soulèvement. (Un avion cargo chargé de grenades lacrymogènes n’a été empêché de décoller pour la Tunisie qu’après l’annonce du départ de Ben Ali.) Plus d’un millier de sociétés françaises opèrent en Tunisie, où elles possèdent le gros du secteur financier et emploient plus de 100 000 personnes. L’impérialisme américain a lui aussi joué un rôle clé dans le soutien au régime de Ben Ali. Un des documents récemment publiés par Wikileaks cite un télégramme envoyé en juillet 2009 par l’ambassadeur américain en Tunisie : « Les Etats-Unis ont besoin d’aide dans cette région pour promouvoir nos valeurs et notre politique. La Tunisie est un endroit où, le temps venu, nous pourrions en trouver. » La subordination de la Tunisie à l’impérialisme sert à garantir l’exploitation brutale et l’oppression du peuple tunisien. Pour une libération nationale et sociale authentique, il faut mobiliser le prolétariat dans une attaque frontale contre les impérialistes et la bourgeoisie nationale, qui est l’ennemie mortelle des travailleurs et des opprimés tunisiens. De fait, alors que les manifestations se poursuivent, il y a un vrai danger que l’armée fasse un coup d’Etat pour stabiliser l’ordre bourgeois. Le 24 janvier, le général Rachid Ammar, le chef d’état-major de l’armée de terre, déclarait de façon menaçante à des manifestants que « l’armée nationale se porte garante de la révolution » (le Monde, 26 janvier). De son côté, le quotidien de droite le Figaro (18 janvier), un porte-voix du gouvernement français, menaçait ouvertement d’un coup d’Etat militaire comme prochaine étape pour sauver l’ordre bourgeois et la domination impérialiste en Tunisie : « Sauf à accepter ce gouvernement d’union nationale [avec les copains de Ben Ali] pour organiser de prochaines élections démocratiques, les Tunisiens n’ont aucun plan B pour rétablir la paix civile, sinon un recours à l’armée pour occuper le pouvoir. » Aujourd’hui en Tunisie, un groupe de propagande marxiste même petit qui mettrait en avant une série de revendications transitoires faisant le lien entre les aspirations démocratiques des masses et la lutte pour le pouvoir prolétarien pourrait avoir un énorme impact sur la suite des événements. Cela jetterait les bases pour construire un parti révolutionnaire capable de prendre la direction du prolétariat dans la lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan qui expropriera la bourgeoisie. Il faudra forger ce parti dans la lutte non seulement contre les copains de Ben Ali mais aussi contre les « réformateurs » bourgeois en tout genre ainsi que contre les intégristes islamiques réactionnaires. Une victoire prolétarienne en Tunisie aurait un effet galvanisant dans toute l'Afrique du Nord et dans tout le Proche-Orient, et elle serait un pont vers la révolution socialiste dans les pays capitalistes avancés, en particulier la France où résident environ 700 000 Tunisiens. Dans la Révolution permanente (1930), le dirigeant bolchévique Léon Trotsky résumait ainsi sa théorie de la révolution permanente : « Pour les pays à développement bourgeois retardataire et, en particulier pour les pays coloniaux et semi-coloniaux, la théorie de la révolution permanente signifie que la solution véritable et complète de leurs tâches démocratiques et de libération nationale ne peut être que la dictature du prolétariat, qui prend la tête de la nation opprimée, avant tout de ses masses paysannes. [
] La banqueroute du nationalisme tunisien Les dirigeants tunisiens, à commencer par feu Habib Bourguiba, le premier président du pays après son accession à l’indépendance en 1956, de même que les impérialistes et la presse bourgeoise internationale, ont longtemps fait du tapage sur la Tunisie en la présentant comme une exception en Afrique du Nord du fait de son développement, de son haut niveau d’éducation et de l’égalité des chances dont les femmes étaient censées bénéficier. Mais le sort de Mohamed Bouazizi, dont l’immolation par le feu a déclenché la révolte qui a conduit au renversement de Ben Ali, illustre la triste réalité de la vie dans la Tunisie d’aujourd’hui. Mohamed Bouazizi était devenu, à l’âge de dix ans, le principal soutien de toute sa famille en travaillant comme vendeur de légumes au marché. Il avait abandonné ses projets d’études et quitté l’école à 19 ans, sans diplôme, pour pouvoir nourrir sa famille et offrir à ses jeunes frères et surs une chance de rester à l’école. Ceux qui le connaissaient évoquent des années d’humiliations et de harcèlement de la part de la police locale, qui lui confisquait ses marchandises et lui infligeait des amendes sous prétexte qu’il n’avait pas de patente. Le 17 décembre, la police lui avait confisqué ses marchandises, elle avait renversé son étal et l’avait tabassé. Moins d’une heure plus tard, alors que les responsables locaux avaient refusé d’enregistrer sa plainte, il s’immolait par le feu. Sous le coup de l’indignation, des protestations éclataient à Sidi Bouzid. Mohamed Bouazizi est mort le 4 janvier. D’innombrables Tunisiens, ainsi que d’autres Maghrébins, principalement des jeunes, sont morts parce qu’ils avaient tenté le dangereux voyage en bateau vers les côtes de l’Italie et du reste de l’Europe, en quête d’un travail avec à l’arrivée la perspective d’une exploitation impitoyable et de l’oppression raciste, sous la menace constante de l’expulsion. Et même cette route se ferme de plus en plus hermétiquement à mesure que les impérialistes européens restreignent l’immigration. D’après Sami Aouadi, un dirigeant de l’UGTT, la fédération syndicale tunisienne, il y a aujourd’hui au moins 200 000 diplômés de l’enseignement supérieur au chômage en Tunisie ce qui représente 27 % de tous les chômeurs dans ce pays d’environ dix millions d’habitants. L’économie tunisienne repose sur l’agriculture et les industries agro-alimentaires, un peu de pétrole, les mines de phosphate de la région de Gafsa, le tourisme et un certain nombre d’industries. Le textile, avec une main-d’uvre majoritairement féminine, représente près de la moitié du secteur manufacturier, lequel avec notamment des usines de pièces détachées travaillant pour l’industrie automobile ou aéronautique et contrôlées par des capitaux français pèse environ un cinquième du PIB de la Tunisie. Il y a aussi un secteur des services de plus en plus important, avec un certain nombre de sociétés étrangères, en particulier des opérateurs de télécommunications français qui ont délocalisé leurs centres d’appel en Tunisie. Les salaires des ouvriers tunisiens sont huit fois plus faibles qu’en Europe de l’Ouest. Bien que la Tunisie ne soit pas un pays fortement industrialisé, elle possède un mouvement syndical significatif l’UGTT dit représenter environ 600 000 ouvriers d’industrie. L’UGTT a une histoire très particulière en Afrique du Nord, du fait qu’elle n’est pas totalement inféodée au gouvernement nationaliste bourgeois. Elle a engagé des actions de lutte de classe et s’est aussi livrée à une profonde collaboration de classes avec les nationalistes au pouvoir. Ben Ali avait apparemment mis au pas l’UGTT après de nombreuses années de répression, et ces dernières années les principaux dirigeants de la fédération syndicale étaient aussi membres de la direction du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali. Les dirigeants de l’UGTT avaient appelé à voter pour Ben Ali en 1999, en 2004 et à nouveau en 2009, à une époque où la population retouchait de façon sarcastique les affiches électorales de la campagne « Ben Ali 2009 » en « Ben Ali 2080 » et « Ben Ali 2500 ». Le 28 décembre, l’UGTT avait réclamé la libération des personnes emprisonnées après les manifestations à Sidi Bouzid et ailleurs. Toutefois, elle insistait que c’était « dans le but de contribuer à l’élaboration de propositions constructives en vue d’apaiser la situation dans cette région et de circonscrire ses retombées ». Sous la pression de sa base, et alors que les manifestations prenaient de l’ampleur, les communiqués de l’UGTT devenaient de plus en plus hostiles au gouvernement ; finalement, elle autorisait ses unions régionales à appeler à des grèves générales locales le 14 janvier, le jour de la fuite de Ben Ali. La direction de l’UGTT s’est alors précipitée dans le « nouveau » gouvernement, dont les postes clés, y compris l’Intérieur, demeuraient aux mains des sbires de Ben Ali. Une fois encore, c’est seulement sous la pression des manifestations de masse contre le « gouvernement de transition » bidon que les ministres de l’UGTT ont donné leur démission, en expliquant qu’ils restaient prêts à participer au gouvernement capitaliste à condition que le Premier ministre Ghannouchi soit le seul comparse de Ben Ali qui y siège. Comme l’expliquait en termes choisis Jilani Hammami, un dirigeant de l’UGTT, la centrale syndicale « a été le théâtre de débats houleux, opposant une direction liée au régime et des fédérations et des unions régionales qui ont appuyé le soulèvement populaire » (l’Humanité, 20 janvier). Récemment encore, l’UGTT a donné son aval au « gouvernement intérimaire » remanié dans le but (pas encore atteint à ce jour) d’étouffer les manifestations. La révolte de Gafsa en 2008 : un précurseur Le rôle contradictoire joué par les syndicats, ainsi que les divisions entre la base et la direction de ces syndicats, étaient aussi apparents lors de la révolte de Gafsa en 2008. Cette révolte a été un précurseur du soulèvement social actuel ; c’était jusque-là la mobilisation la plus significative qu’ait connue la Tunisie depuis la révolte du pain en 1984, qui avait éclaté après que Bourguiba avait décrété, sous les ordres du FMI, une hausse de 100 % du prix du pain. La région de Gafsa, où se trouvent des mines de phosphate, est particulièrement touchée par le chômage. La CPG (Compagnie des phosphates de Gafsa), contrôlée par le gouvernement, est le principal employeur de la région. En 30 ans, elle a réduit ses effectifs de 14 000 à moins de 5 000 employés. Un soulèvement populaire a éclaté en janvier 2008 quand la compagnie minière a rendu publique une liste de personnes à embaucher qui favorisait les individus loyaux au gouvernement et à la direction régionale de l’UGTT. Comme la compagnie avait pour politique de ne pas remplacer les employés partant à la retraite, c’était la première occasion d’embauche depuis six ans ; du coup, les attentes étaient particulièrement fortes. Pendant plusieurs mois, les ouvriers, les femmes et les jeunes au chômage de la région minière manifestèrent. Leurs banderoles réclamaient « Du travail, la liberté et la dignité nationale », « Nous voulons des emplois, non aux promesses et aux illusions » et « Non à la corruption et à l’opportunisme ». En juin 2008 s’abattait la répression. Il y eut deux morts, qui s’ajoutaient à une autre personne tuée le mois précédent, des dizaines de blessés et de nombreuses arrestations. En novembre 2009, la plupart des prisonniers furent relâchés suite à une grâce présidentielle décidée par un régime Ben Ali de plus en plus instable, même si les condamnations étaient maintenues et les personnes relâchées soumises à un contrôle policier régulier. Fahem Boukadous, un journaliste qui avait couvert la révolte de Gafsa, a toutefois été condamné l’an dernier à quatre ans de prison et n’a été libéré que le 19 janvier. Le mouvement ouvrier, en Tunisie et au niveau international, doit exiger la libération immédiate de tous les combattants héroïques du soulèvement de Gafsa et de toutes les autres victimes de la répression bonapartiste ! Les militants locaux de l’UGTT ont joué un rôle clé dans la lutte de Gafsa, en particulier dans la ville de Redeyef. Mais les directions nationale et régionale ont dénoncé les protestations et ont même suspendu un des syndicalistes qui les dirigeaient Adnane Hajji, un enseignant qui fut par la suite condamné à plus de dix ans de prison. Alors que sur le papier l’UGTT est contre le travail temporaire, l’homme fort local du syndicat, Amara Abbassi, également membre du comité central du RCD et député au parlement, a créé une société d’intérim pour fournir de la main-d’uvre temporaire aux mines. Il a aussi créé d’autres sociétés d’intérim pour des travaux de maintenance, s’enrichissant, lui et sa famille, sur le dos des ouvriers surexploités. Dans le cadre du combat pour forger un parti ouvrier marxiste en Tunisie, il est vital de lutter pour remplacer la direction réformiste de l’UGTT par une direction lutte de classe attachée à défendre l’indépendance des syndicats vis-à-vis de la bourgeoisie et de son Etat. Pour une assemblée constituante révolutionnaire ! Dans la lutte pour le pouvoir ouvrier, il serait impossible à un parti marxiste en Tunisie de simplement rejeter le programme démocratique bourgeois. Au contraire, comme l’expliquait Trotsky en 1938 dans le Programme de transition, le document fondateur de la Quatrième Internationale, « il faut que les masses elles-mêmes dépassent ce programme dans la lutte ». Les masses laborieuses tunisiennes doivent aujourd’hui supporter un « gouvernement de transition » dirigé par un copain de Ben Ali et les élections sont reportées de six mois, afin de permettre au régime bourgeois qui se met en place de consolider son pouvoir. C’est pourquoi, contre les manuvres de la bourgeoisie tunisienne et de ses laquais de l’UGTT, nous appelons à des élections immédiates pour convoquer une assemblée constituante révolutionnaire, ce qui permettrait à la volonté de la population de s’exprimer librement après des décennies de silence sous la botte de Bourguiba et de Ben Ali. Cette revendication démocratique élémentaire ne sera pas satisfaite au moyen de marchandages parlementaires, mais seulement par une insurrection populaire victorieuse. En appelant à une assemblée constituante révolutionnaire, nous nous opposons aux réformistes qui appellent à une assemblée constituante avec en réalité en vue un marchandage parlementaire avec les autorités bourgeoises, dans l’espoir (illusoire) d’obtenir une forme démocratique de la domination bourgeoise. Le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), un groupe d’origine stalinienne qui a joué un rôle combatif dans le soulèvement de Gafsa, se distingue par ses dénonciations sans détour des combinaisons gouvernementales concoctées après la fuite de Ben Ali. Son porte-parole Hamma Hammami déclarait dans une interview à l’Humanité, le quotidien du Parti communiste français (17 janvier), que l’objectif du gouvernement provisoire était « de faire avorter le mouvement démocratique et populaire », et il ajoutait : « On ne demande pas l’impossible. Seulement la mise en place d’un gouvernement transitoire qui forme une assemblée constituante afin d’élaborer une constitution qui garantisse les droits fondamentaux, la liberté d’expression, d’association et de la presse [ ]. » Autrement dit, le PCOT, y compris quand il appelle à une assemblée constituante, veut simplement un gouvernement capitaliste, mais sans ceux qui ont un passé de collaboration avec Ben Ali. Notre appel à une assemblée constituante révolutionnaire doit être un pont entre les aspirations démocratiques actuelles légitimes des masses et la nécessité de la dictature du prolétariat, qui sera basée sur des soviets (conseils ouvriers), c'est-à-dire la démocratie prolétarienne, une forme plus élevée de démocratie qu'une assemblée constituante démocratique bourgeoise. Comme Trotsky le soulignait dans le Programme de transition, « les mots d'ordre démocratiques, les revendications transitoires et les tâches de la révolution socialiste ne sont pas séparés en époques historiques distinctes, mais découlent immédiatement les uns des autres ». Il ajoutait : « A une certaine étape de la mobilisation des masses sur les mots d’ordre de la démocratie révolutionnaire, les soviets peuvent et doivent surgir. Leur rôle historique dans chaque période donnée, en particulier leurs rapports avec l’assemblée nationale, est déterminé par le niveau politique du prolétariat, par la liaison entre celui-ci et la classe paysanne, et par le caractère de la politique du parti prolétarien. Tôt ou tard, les soviets doivent renverser la démocratie bourgeoise. Eux seuls sont capables de mener la révolution démocratique jusqu’au bout et d’ouvrir ainsi l’ère de la révolution socialiste. » La classe ouvrière a besoin de ses propres organes de pouvoir Dans des périodes de lutte de classe exacerbée, les syndicats, qui organisent habituellement les couches supérieures du prolétariat, deviennent trop étroits pour attirer les larges couches des masses en révolte, y compris les ouvriers non syndiqués. En même temps, les dirigeants bureaucrates traîtres des syndicats s’efforcent de garder le contrôle de la situation afin de faire capoter la lutte. Un parti marxiste aujourd’hui en Tunisie mettrait en avant la perspective de construire des organisations qui rassemblent toutes les masses en lutte : comités de grève, comités d’usine et, finalement, soviets. Trotsky insistait sur le fait que les soviets ne peuvent apparaître qu’au moment où le mouvement des masses entre dans une phase ouvertement révolutionnaire. Les soviets étaient initialement apparus pendant la Révolution russe de 1905 sous la forme de comités de grève ouvriers. Quand les soviets firent leur réapparition au cours de la Révolution russe de 1917, ils incluaient non seulement des ouvriers mais aussi des soldats et la paysannerie, devenant ainsi des organes de double pouvoir. Sous la direction du Parti bolchévique, la classe ouvrière prit le pouvoir en Russie, les soviets devenant les organes du pouvoir ouvrier. Après le départ de Ben Ali, des milices locales ont fait leur apparition pour défendre les quartiers contre les exactions des flics et des nervis alliés à Ben Ali. Ce qui est nécessaire, c’est que la classe ouvrière prenne la tête. Ceci veut dire organiser des comités d’usine, des organes de double pouvoir sur le lieu de production, et à partir de là constituer des milices ouvrières, auxquelles participeront les pauvres et les chômeurs des villes, pour l’autodéfense contre les nervis de l’Etat. Les comités d’usine devront, entre autres revendications fondamentales, lutter pour des emplois pour les chômeurs, pour la fin de l’intimidation et du harcèlement des travailleuses et pour l’égalité des salaires et prestations sociales pour les femmes. Les marxistes doivent aussi se battre pour que les travailleurs prennent en charge la distribution des produits alimentaires et le contrôle de leurs prix, face aux pénuries et à la corruption du marché noir. Dans le Programme de transition, Trotsky insistait que les tâches et les revendications d’organes de double pouvoir de ce type c’est-à-dire centrés sur le prolétariat et qui disputent le contrôle du pays à la bourgeoisie s’opposent à la nature même de l’ordre capitaliste : « Cependant, ces nouveaux organes et centres sentiront bientôt leur manque de cohésion et leur insuffisance. Aucune des revendications transitoires ne peut être complètement réalisée avec le maintien du régime bourgeois. Or, l’approfondissement de la crise sociale accroîtra non seulement les souffrances des masses, mais aussi leur impatience, leur fermeté, leur esprit d’offensive. Des couches toujours nouvelles d’opprimés relèveront la tête et lanceront leurs revendications. Des millions de besogneux, à qui les chefs réformistes ne pensent jamais, commenceront à frapper aux portes des organisations ouvrières. Les chômeurs entreront dans le mouvement. Les ouvriers agricoles, les paysans ruinés ou à demi ruinés, les couches inférieures de la ville, les travailleuses, les ménagères, les couches prolétarisées de l’intelligentsia, tous chercheront un regroupement et une direction. La « révolution par étapes » stalinienne veut dire la trahison Le Parti communiste stalinien (rebaptisé Ettajdid, ce qui signifie « renouveau ») et les autres partis réformistes ont trahi en pratiquant la collaboration de classes pendant des dizaines d’années. Avec comme résultat que les masses ouvrières et opprimées de Tunisie n’identifient pas aujourd’hui leurs luttes avec le combat pour le socialisme. Après des décennies de dictature brutale, il existe de profondes illusions dans la démocratie bourgeoise et le nationalisme bourgeois. Les groupes de gauche tunisiens ont montré qu’ils n’ont rien appris de leurs trahisons passées : beaucoup d’entre eux avaient soutenu l’arrivée au pouvoir du général Ben Ali en 1987, quand il avait déposé Habib Bourguiba, le « président à vie » d’alors. Nous écrivions à l’époque : « Les prétendues gauches tunisiennes sont en train de donner le bénéfice du doute, sinon leur soutien, au nouveau bonaparte, le général Ben Ali, en espérant une libéralisation du régime » (le Bolchévik n° 79, janvier 1988). Aujourd’hui, ces groupes de gauche continuent à se prosterner devant l’appareil dirigeant. Ahmed Ibrahim, un dirigeant d’Ettajdid, a déclaré en saluant le discours conciliant prononcé par Ben Ali la veille de sa fuite : « C’est un bon début, pour tourner la page de l’autoritarisme » (le Monde, 15 janvier). Ettajdid est allé jusqu’à participer au gouvernement formé après la chute du dictateur. Historiquement, dans le tiers-monde, les staliniens ont préconisé une « révolution par étapes », avec une première étape démocratique, censée être menée en alliance avec une mythique aile « progressiste » et « démocratique » de la bourgeoisie, et qui serait ensuite suivie dans un avenir indéterminé par une deuxième étape, la révolution socialiste. A chaque fois, ces chimères se sont terminées par un bain de sang des travailleurs ; la deuxième étape n’est jamais venue. Une fois que les capitalistes ont stabilisé leur pouvoir avec l’aide des staliniens, ils déclenchent un massacre des communistes et des militants ouvriers, comme ce fut le cas par exemple avec la révolution irakienne de 1958 (voir « Proche-Orient, années 1950 : révolution permanente contre nationalisme bourgeois », Spartacist édition française n° 35, printemps 2003). Mais aujourd’hui, des groupes comme le PCOT ne vont même pas plus loin que de mentionner la première étape d’instauration de la « démocratie » c’est-à-dire un pouvoir bourgeois réformé. Tout récemment, le PCOT a adhéré à un bloc de collaboration de classes qui s’appelle le « Front du 14 janvier » le jour où Ben Ali a quitté le pays aux côtés de plusieurs petites formations bourgeoises, dont des nationalistes nassériens et baassistes. Le programme de ce front est totalement bourgeois et inclut la revendication d’« une nouvelle politique de sécurité fondée sur le respect des droits de l’homme et la supériorité de la loi ». Loin de défendre la conception marxiste élémentaire que l’armée fait partie intégrante de l’Etat capitaliste, le PCOT conforte les illusions dans celle-ci. Dans une déclaration datée du 15 janvier, il écrit : « L’armée constituée essentiellement des enfants du peuple est appelée à veiller sur notre sécurité et la sécurité du pays. Elle doit respecter les choix du peuple et son aspiration à la liberté, la dignité, la justice sociale [ ]. » Si le corps des officiers a effectivement chassé Ben Ali, c’est parce qu’il a compris que Ben Ali était devenu un mauvais plan pour le capitalisme tunisien. En fait, l’armée a été impliquée dans la répression sanglante du soulèvement de Gafsa en 2008, et elle jouera un rôle similaire dans l’avenir, d’autant plus certainement que se perpétuent des illusions dans son rôle de soi-disant « défenseur du peuple ». Le 20 janvier, l’armée a tiré en l’air à balles réelles pour disperser des manifestants qui se dirigeaient vers le siège du RCD à Tunis. L’armée, les flics, les juges et les gardiens de prison constituent le cur de l’Etat capitaliste, un organe d’oppression de classe destiné à préserver la domination bourgeoise par la violence. Dans la lutte pour leur propre pouvoir d’Etat, les travailleurs devront briser l’appareil d’Etat bourgeois, y compris en scissionnant l’armée suivant une ligne de classe les conscrits contre le corps des officiers bourgeois. Même à leurs moments les plus radicaux, les groupes de gauche tunisiens réclament au mieux une « république démocratique ». Ils ont abandonné toute prétention à lutter pour la révolution socialiste, ce qui reflète la régression dramatique du niveau de conscience qui a suivi la destruction contre-révolutionnaire de l’Etat ouvrier dégénéré soviétique en 1991-1992, une défaite catastrophique pour la classe ouvrière internationale. L’intégrisme islamique et la lutte pour la libération des femmes La banqueroute politique des groupes de gauche tunisiens pourrait fournir une ouverture aux intégristes islamiques. C’est une menace mortelle pour la classe ouvrière et particulièrement pour les femmes. Les intégristes islamiques n’ont joué aucun rôle visible dans la chute de Ben Ali, ce qui contraste avec le rôle joué par de nombreuses femmes qui y ont participé. La plupart des manifestants insistaient avec véhémence qu’ils n’étaient pas pour un régime islamique. Les mosquées étaient en effet étroitement contrôlées par le régime et soutenaient Ben Ali. Au niveau international, et notamment en France, la bourgeoisie avait pendant des années soutenu le régime sanglant de Ben Ali en expliquant qu’il était un rempart dans la « guerre contre le terrorisme » et qu’il était à l’avant-garde de la lutte pour la « laïcité ». Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone, les Etats-Unis et un certain nombre d’autres puissances impérialistes ont déclenché des guerres destructrices en Afghanistan et en Irak, ou y ont participé ; les impérialistes ont accru la répression à l’intérieur de leurs frontières, en particulier contre les minorités d’origine musulmane. En France, le gouvernement de front populaire dirigé par le Premier ministre socialiste Lionel Jospin, auquel participait le Parti communiste, a renforcé le plan Vigipirate de patrouilles conjointes de policiers et de militaires dans les transports publics ; Vigipirate est resté au niveau « alerte rouge » depuis 2005. Le gouvernement Jospin avait aussi fait adopter une « loi de sécurité quotidienne » qui renforçait les pouvoirs de la police, et qui a été ensuite renforcée par Nicolas Sarkozy, d’abord comme ministre de l’Intérieur et maintenant comme président. Bien que les impérialistes aient utilisé la « guerre contre le terrorisme » pour soutenir des dirigeants « laïques » comme Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte, en réalité ils ont longtemps favorisé la montée de l’intégrisme islamique comme rempart contre le communisme et même contre le nationalisme bourgeois de gauche. Cela vaut aussi pour les dirigeants arabes, qui répriment brutalement les intégristes d’une main tout en les favorisant de l’autre. Dans une interview accordée en 1994, Ben Ali lui-même déclarait que « dans une certaine mesure l’intégrisme est notre propre création, et il fut un temps où on l’encourageait afin de combattre la menace du communisme. Ce genre de groupes ont été encouragés dans les universités et ailleurs à cette époque, afin de contrebalancer les communistes et d’aboutir à un équilibre » (cité dans Political Islam : Essays from Middle East Report, ouvrage collectif publié sous la direction de Joel Beinin et Joe Stork, 1997). La société tunisienne est relativement laïque comparée à d'autres pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient. Beaucoup de femmes ne portent pas le voile, l'avortement a été libéralisé, la contraception est disponible et la polygamie interdite ; la « répudiation » (qui permet à un homme de divorcer de sa femme en prononçant simplement la phrase « je te répudie ») a été remplacée par le divorce civil. Ces droits ont été acquis pour la plupart sous le président Bourguiba, dans les années qui ont suivi l'indépendance, et dans une large mesure parce que la Tunisie avait un mouvement ouvrier qui était relativement indépendant de l'Etat. Cependant, comme nous l'écrivions il y a plus de 20 ans dans le Bolchévik n° 79, après la prise du pouvoir par Ben Ali, le Code du statut personnel tunisien est profondément inspiré par la loi islamique, qui contraint les femmes à se subordonner à leur père et à leur mari : « La femme non mariée reste sous l’autorité de son père qui doit “subvenir à ses besoins jusqu’au mariage”. Le mari doit verser à sa future épouse une dot dont le “montant doit être sérieux” et ceci avant la “consommation” du mariage [ ]. Après le mariage, elle doit obéissance à son mari. L’inégalité des sexes devant l’héritage est maintenue : la femme hérite de la moitié de la quote-part de l’homme. Le Code du statut personnel, la Constitution et le Droit tunisiens sont conçus comme un compromis boiteux, fragile, réversible, entre la loi islamique et la “modernité” bourgeoise. » Après 23 ans de pouvoir de Ben Ali, très peu de choses ont changé dans ce domaine, sauf que l’obéissance au mari n’est plus une obligation sanctifiée par la loi. Il y a toutefois un fait important : la part des femmes dans la population active est passée de juste 5,5 % au milieu des années 1960 à près de 30 % aujourd’hui, ce qui souligne leur rôle accru en tant que composante vitale du prolétariat. Fondamentalement, l’oppression des femmes est enracinée dans l’institution de la famille et dans la société de classes. Elle ne pourra être éradiquée qu’après qu’un Etat ouvrier révolutionnaire aura collectivisé l’économie et jeté les bases matérielles du remplacement de la famille par la socialisation de l’éducation des enfants (voir « La Révolution russe et l’émancipation des femmes », Spartacist édition française n° 37, été 2006). Les réformes obtenues sous Bourguiba et Ben Ali c’est à peu près le maximum que peuvent espérer les femmes sous le capitalisme dans un pays néocolonial de ce type. La lutte pour l’émancipation des femmes jouera un rôle vital dans la lutte pour la révolution socialiste en Tunisie. Les loyaux sociaux-démocrates de l’impérialisme français En réponse au soulèvement tunisien, la gauche social-démocrate française colporte des illusions dans l’impérialisme français. Bien sûr, tout le monde a critiqué la proposition de la ministre des Affaires étrangères française d’envoyer des forces de sécurité pour soutenir Ben Ali. Au fond, ces sociaux-démocrates sont furieux que le soutien grotesque du gouvernement Sarkozy au régime de Ben Ali risque d’affaiblir les positions de l’impérialisme français dans la Tunisie de l’après-Ben Ali, notamment vis-à-vis des rivaux américains de l’impérialisme français ; ceux-ci étaient en privé très critiques du régime de Ben Ali et auraient donné le feu vert au général Ammar pour que celui-ci ordonne à Ben Ali de quitter le pays. Alors que l’impérialisme américain propose hypocritement d’aider à organiser des « élections libres » en Tunisie, Jean-Marc Ayrault, une huile du Parti socialiste français, se lamente de voir que les prises de position du gouvernement français « disqualifient la France aux yeux du monde et des Tunisiens ». La gauche social-démocrate appelle donc aujourd’hui ce même gouvernement Sarkozy à devenir une force pour le bien en Tunisie. Le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui de 2000 à 2002 était ministre dans le gouvernement bourgeois de Jospin, a distribué à Paris le 13 janvier, la veille de la fuite de Ben Ali, une déclaration demandant « au gouvernement de M. Sarkozy ainsi qu’à l’Union Européenne [UE] d’utiliser les multiples moyens de pression dont ils disposent pour contraindre Ben Ali à écouter les revendications populaires et à engager sans tarder les profondes réformes démocratiques qui s’imposent dans le pays ». Dans la même veine, le Parti communiste demandait à Sarkozy et aux autres dirigeants de l’UE « de condamner la répression et de prendre des sanctions politiques, économiques et financières contre le régime de Ben Ali » (l’Humanité, 14 janvier). Ce texte était imprimé le jour même où le gouvernement français se préparait à expédier en Tunisie un avion chargé de grenades lacrymogènes ! Il n’y a pas lieu d’être surpris : les sociaux-démocrates et les staliniens ont défendu avec constance les intérêts de l’impérialisme français, depuis la guerre contre l’indépendance algérienne menée par le gouvernement du socialiste Guy Mollet dans les années 1950, avec le soutien du Parti communiste, jusqu’à la défense des intérêts actuels de la France en Afrique. Le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot est un peu plus sophistiqué dans ses efforts pour faire pression sur le gouvernement. Tout en appelant la France à abandonner ses « petits arrangements néocolonialistes » dans ses anciennes colonies de Tunisie et d’Algérie, le NPA, dans un tract distribué le 13 janvier à Paris, qualifiait d’« intolérable » le « quasi silence du gouvernement français » sur le soulèvement tunisien. En France, le NPA s’emploie à subordonner la classe ouvrière à la bourgeoisie par la collaboration de classes ; semblablement, en Tunisie, il fait la promotion du « Front du 14 janvier » où figurent le PCOT et plusieurs petits partis bourgeois. Pour la révolution permanente ! L’impact du soulèvement tunisien se fait déjà sentir dans toute l’Afrique du Nord et le Proche-Orient (voir notre article sur l’Egypte). En pleine crise économique internationale, les masses subissent de plein fouet dans des pays comme l’Egypte la hausse des prix des produits alimentaires et des carburants, provoquée par la spéculation débridée de la finance capitaliste internationale (voir « L’impérialisme affame les pauvres du monde entier », Workers Vanguard n° 919 et 920, 29 août et 12 septembre 2008, sur la précédente crise alimentaire provoquée par la spéculation). L’Egypte explose. En Algérie se sont étendues à tout le pays les manifestations contre le président à la santé chancelante Abdelaziz Bouteflika, figure de proue de l’armée qui domine l’Algérie depuis l’indépendance. Une révolution ouvrière en Tunisie aurait un immense impact dans toute l’Afrique du Nord et dans tout le Proche-Orient. Des soulèvements ouvriers pourraient balayer tous ces régimes pourris et commencer à répondre aux aspirations des masses qui réclament des emplois, la liberté et la justice. La France impérialiste, le parrain néocolonial de toute la région du Maghreb, serait profondément ébranlée, du fait notamment de la position stratégique que les millions de travailleurs d’origine maghrébine occupent dans le prolétariat français. Il est essentiel de forger des partis ouvriers révolutionnaires semblables au Parti bolchévique, qui avait conduit la classe ouvrière de Russie au pouvoir pendant la révolution d’Octobre 1917 des partis fidèles au programme de la révolution permanente, qui répond aux besoins pressants des masses et les conduit invariablement à une seule conclusion finale : la conquête du pouvoir par le prolétariat. C’est le programme de la Ligue communiste internationale. Pour une fédération socialiste de l’Afrique du Nord ! Cet article a été d’abord publié en anglais dans le journal de nos camarades américains, Workers Vanguard n° 973, 4 février. |