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Les pseudo-marxistes unis derrière le populisme petit-bourgeois Québec Solidaire ne sert pas les intérêts des travailleurs Pour l’indépendance du Québec ! Forgeons un parti ouvrier révolutionnaire binational ! Dans tout le pays, les dirigeants capitalistes utilisent le prétexte de la crise économique pour s’attaquer sauvagement aux emplois et au niveau de vie des travailleurs. Au Québec, le gouvernement libéral de Jean Charest a déposé un budget d’austérité prévoyant un gel des salaires dans la fonction publique et des frais modérateurs dans le système de santé, ce qui a provoqué une vague de protestations. A Montréal le 20 mars, plus de 75 000 syndiqués ont manifesté pour s’opposer aux attaques du gouvernement Charest contre les travailleurs du secteur public qui luttent pour une nouvelle convention collective. Onze jours plus tard, ce sont 12 000 personnes qui ont pris la rue pendant un après-midi de travail pour manifester contre le budget. Puis, le 1er Mai, 15 000 personnes ont pris part à la marche syndicale. Toutes ces manifestations ont été beaucoup plus importantes que partout ailleurs au Canada anglais, où les travailleurs sont frappés par des mesures d’austérité tout aussi sévères. Le fait est que depuis les années 1960, quels que soient les hauts et les bas de la lutte des classes, les batailles ouvrières au Québec sont généralement numériquement plus puissantes et souvent plus profondes qu’au Canada anglais. Ces conflits de classes sont en grande partie attisés par l’oppression nationale des Québécois francophones dans un Canada « uni » dominé par le chauvinisme canadien anglais. Au Québec, comme ailleurs, pour que la lutte contre les attaques capitalistes soit victorieuse, il faut une direction qui comprenne que les intérêts de la classe ouvrière et de la classe des exploiteurs capitalistes sont diamétralement opposés. L’exploitation et la misère sans fin qui sont caractéristiques de la société capitaliste ne seront éradiquées que lorsque la classe ouvrière, à la tête de tous les opprimés, renversera le pouvoir du capital et établira un État ouvrier, ouvrant ainsi la voie à un avenir socialiste égalitaire. La Ligue trotskyste/Trotskyist League lutte pour forger l’outil essentiel à la direction de ce combat : un parti ouvrier révolutionnaire basé sur le programme marxiste. Par contre, les différents groupes de la gauche réformiste actifs au Québec s’efforcent de lier les ouvriers à l’ennemi de classe, que ce soit en soutenant les bureaucrates syndicaux pro-capitalistes, en appuyant les nationalistes bourgeois québécois ou même, dans certains cas, en se faisant complices du pouvoir chauvin au Canada anglais. Au Québec, comme ailleurs, la gauche s’enlise de plus en plus dans la « politique du possible », surtout depuis 20 ans. Elle ne prétend plus avoir une perspective prolétarienne ou révolutionnaire, même simplement « pour la forme », mais propose plutôt des projets soi-disant plus « réalistes » de rapiéçage du capitalisme. Cette régression politique est due à la destruction contre-révolutionnaire, en 1991-92, de l’Union soviétique, premier État ouvrier au monde et issu de la révolution prolétarienne d’Octobre 1917. Cette défaite catastrophique a non seulement encouragé les capitalistes à redoubler leurs attaques, mais elle a aussi fait reculer (à des degrés divers) la conscience de la classe ouvrière au niveau mondial. Mêmes les couches les plus avancées du prolétariat ne voient en général plus le socialisme ou le communisme comme quelque chose de possible ou même de souhaitable. Quant à la grande majorité des groupes se disant socialistes, ils ont viré très fort à droite, que ce soit au niveau de leur idéologie officielle ou de leurs actions. Au Québec aujourd’hui, pratiquement tous les groupes se réclamant du marxisme se sont rassemblés dans Québec Solidaire (QS), une formation nationaliste petite-bourgeoise qui se présente comme une alternative de gauche aux deux principaux partis capitalistes, le Parti libéral fédéraliste et le Parti québécois nationaliste bourgeois. La convention hautement médiatisée de QS s’est tenue en novembre dernier [2009], un an après l’élection de son premier député à l’Assemblée nationale. Le programme qui y a été discuté se gardait bien de toute remise en cause, si timide soit-elle, du système capitaliste, parlant plutôt de construction d’une « alliance démocratique, sociale et nationale » avec le PQ et d’autres en faveur de « la souveraineté populaire ». Depuis sa fondation en 2006, le discours de QS n’est jamais allé plus loin que le radicalisme bourgeois de gauche. Ses « principes et orientations » fondateurs prônent la « démocratie », le pacifisme et l’environnementalisme — toutes des variantes de l’idéologie bourgeoise — mais pas le socialisme ni la lutte des classes, et cela explicitement. De par sa composition sociale et son orientation politique, QS n’est pas tellement différent du PQ à ses débuts, avant qu’il n’accède au pouvoir à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Un ministre de la justice de droite à l’époque avait qualifié René Lévesque, dirigeant fondateur du PQ, de « Fidel Castro du Québec », alors que toute une gamme de radicaux et de nationalistes de gauche se ralliaient au nouveau parti. Bien sûr, malgré leurs discours occasionnels sur un « projet de société » nouveau, Lévesque et le PQ n’ont jamais prétendu être socialistes ou pro-classe ouvrière. Mais Québec Solidaire de nos jours ne le prétend pas non plus. Cela ne constitue pas le moins du monde un obstacle pour la galerie de charlatans pseudo-marxistes rassemblés dans QS. On y trouve Socialisme International (SI), dont le dirigeant québécois Benoît Renaud joue aussi le rôle de secrétaire général de QS. Gauche Socialiste (GS), section québécoise du Secrétariat unifié (SU) de feu Ernest Mandel, et le Parti communiste du Québec (PCQ), une scission du Parti communiste du Canada (PCC) chauvin canadien, sont tous deux affiliés à QS en tant que « collectifs ». « La Riposte », adhérents de la Tendance marxiste internationale (TMI), et le Mouvement pour le Parti socialiste, affilié au Comité pour une internationale ouvrière (CIO) de Peter Taaffe sont aussi récemment entrés dans QS. Les opportunistes inénarrables du PCC font également du travail dans QS. Tous ces groupes appuient, sans critique majeure, la direction de QS. Malgré quelques liens ténus avec des bureaucrates syndicaux « de gauche » au Conseil central de Montréal de la Centrale des syndicats nationaux (CSN), QS ne possède aucune base organique dans la classe ouvrière québécoise et n’en recherche d’ailleurs aucune. Certains groupes de gauche — tels La Riposte et « Masse Critique », cette dernière animée par l’ancien dirigeant maoïste Roger Rashi — voudraient que QS cherche à établir des liens plus étroits avec le mouvement ouvrier organisé. Mais ils n’aspirent qu’à créer une version québécoise du NPD social-démocrate ou, au mieux, une formation réformiste « de gauche » du genre du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en France. Citant le NPA en exemple (et saluant au passage le « socialisme du 21e siècle » du dirigeant populiste bourgeois vénézuélien Hugo Chávez), Rashi écrit : « Ces diverses expériences de la gauche-de-la-gauche doivent être replacées dans le contexte historique plus large de la reconstruction de la gauche après l’effondrement du socialisme soviétique et la faillite de la troisième voie social-démocrate…. Dans cette perspective, les expériences à “gauche-de-la-gauche” dans les pays occidentaux et celles du “socialisme du 21e siècle” en Amérique latine, prennent une nouvelle dimension et importance historique. » — « Québec solidaire : une formation politique à la “gauche de la gauche” ? », Presse-toi à gauche, 15 décembre 2009 Le NPA fut fondé en 2009 pour succéder à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), section-phare du SU. Loin d’être à la « gauche-de-la-gauche », la constitution de ce nouveau parti représente un pas vers la droite même pour la LCR sociale-démocrate. Comme l’ont fait remarquer nos camarades de la Ligue trotskyste de France : « Pour mettre les points sur les “i”, le congrès du NPA s’est décidé à une claire majorité pour la dénomination “nouveau parti anticapitaliste” plutôt que “parti anticapitaliste révolutionnaire”. De rajouter le mot “révolutionnaire”, comme le proposaient, pour couvrir leur propre réformisme, les charlatans de l’ancienne minorité de Lutte ouvrière (LO) et autres militants de gauche qui ont adhéré au NPA, n’aurait rien changé. Mais de l’ôter, ainsi que toute référence au communisme, à Lénine ou Trotsky, ou même à Marx à l’exception de deux citations du Manifeste du Parti communiste, est une promesse explicite à la bourgeoisie qu’ils sont des ennemis de la révolution socialiste. » — « Les sociaux-démocrates du NPA trahissent la classe ouvrière et les opprimés », Le Bolchévik nº 187, mars 2009 Les « regroupements » réformistes et populistes comme le NPA et Québec Solidaire ne représentent pas « un pas en avant » pour la classe ouvrière : ils représentent de nouveaux obstacles au combat pour forger un parti d’avant-garde marxiste. Le réformisme et la question nationale L’un des principaux débats lors de la convention de QS a porté sur quelle attitude avoir par rapport à l’indépendance du Québec. Étant donné que cette organisation est essentiellement composée de francophones déçus par le PQ, il n’est pas surprenant que QS ait adopté une position prônant l’indépendance (ou, indistinctement, la souveraineté). Le PCC et La Riposte, branche québécoise du groupe Fightback au Canada anglais, se sont opposés à cette décision. Pour La Riposte, le soutien à l’indépendance est une capitulation devant « l’aile droite » et c’est « un crime » de se focaliser sur cette question (« Le congrès de Québec Solidaire 2009, une opportunité manquée », marxiste.qc.ca, 1er février). Ils comparent même la question nationale à un « débat d’ordre sémantique » ! La Riposte, tout en prétendant être pour le droit à l’autodétermination du Québec, articule en fait une position opposée à l’indépendance du Québec et en faveur d’une alliance de QS avec le NPD canadien anglais — un parti qui a toujours défendu l’« unité canadienne » chauvine contre les droits nationaux du Québec. Une telle position aurait été catégoriquement rejetée par le dirigeant bolchévique V.I. Lénine, qui affirmait plutôt : « Ne peut être socialiste un prolétariat qui prend son parti de la moindre violence exercée par “sa” nation à l’encontre d’autres nations. » (« Le socialisme et la guerre », juillet-août 1915). D’autres groupes approuvent la position de QS sur la question nationale. Mais l’approche de groupes comme Gauche Socialiste et le PCQ n’a rien à voir avec le léninisme et tout à voir avec leur soutien au nationalisme bourgeois « progressiste ». GS et les groupes du SU qui l’ont précédé ont toujours appuyé les législations discriminatoires imposant l’usage du français comme langue unique, telle la Loi 101 introduite par le premier gouvernement péquiste à la fin des années 1970. Cette loi anti-démocratique interdit l’enseignement en anglais pour les enfants d’immigrés et limite fortement l’affichage dans toute autre langue que le français. Le PCQ, quant à lui, a intégré la Fleur de lys nationaliste dans son emblème et a ouvertement appuyé le Bloc Québécois nationaliste bourgeois au cours d’élections parlementaires fédérales. Les marxistes révolutionnaires authentiques prônent l’indépendance du Québec dans le cadre d’un programme de lutte de classes contre toutes les ailes de la bourgeoisie. Cela signifie en premier lieu se battre contre le chauvinisme anglophone dominant, encouragé par le NPD et la bureaucratie syndicale centrale. En soutenant l’indépendance nous cherchons aussi à arracher les travailleurs québécois à l’emprise de leurs propres exploiteurs francophones, ainsi qu’à celle des nationalistes bourgeois du PQ et du Bloc québécois. Nous sommes opposés aux lois linguistiques discriminatoires, tant au Canada anglais qu’au Québec, et demandons des droits linguistiques égaux pour tous, y compris en matière d’éducation et dans les services gouvernementaux. La classe ouvrière québécoise, qui s’est développée avec l’industrialisation du début du 20e siècle, a été à la fois victime de l’oppression nationale et force motrice de la lutte contre cette même oppression. Au début des années 1960, la bourgeoisie québécoise a commencé à se consolider grâce à des réformes comme la nationalisation de l’hydroélectricité, remplaçant l’establishment des capitalistes anglophones de Westmount et leurs fidèles satrapes dans l’église catholique. C’est ce qu’on appelle la Révolution tranquille : d’arrière-pays ensoutané, le Québec s’est transformé en une société capitaliste moderne. Le français devint la langue principale de la vie quotidienne, civique et commerciale, contrastant avec le passé où l’on disait aux travailleurs québécois de « Speak White » (« parlez blanc ») lorsqu’ils s’adressaient aux superviseurs anglophones. À partir des années 1970, en partie à cause des nouvelles lois restrictives sur la langue, les Québécois commencèrent aussi à assimiler un nombre important de nouveaux immigrés ainsi que leurs enfants. Durant toute cette période, il y eut plusieurs vagues de luttes combatives qui culminèrent avec la grève générale de mai 1972, lorsque les travailleurs prirent le contrôle de villes entières. Ces luttes furent critiquées par les dirigeants chauvins du mouvement ouvrier anglo-canadien. David Lewis, dirigeant NPD, approuva publiquement l’emprisonnement des chefs syndicaux québécois, tandis que Donald McDonald, président du Congrès du Travail du Canada, expliquant clairement que le CTC était contre la grève, déclara : « le CTC n’est pas intéressé et ne prendra part à aucune tentative de renverser un gouvernement démocratiquement élu » (Globe and Mail, 15 mai 1972). S’alliant ouvertement au gouvernement d’Ottawa contre le « séparatisme » québécois, un rapport de l’exécutif à la convention du CTC ajoutait : « Il est donc essentiel que le Congrès et ses syndicats affiliés s’opposent aux éléments qui, où que ce soit au Canada, plaident pour la destruction de la Confédération ou pour une réduction des pouvoirs fédéraux afin de poursuivre des objectifs régionaux égoïstes. » L’hostilité des chefs du CTC, qui est due au fait qu’ils jouent le rôle de lieutenants ouvriers de la classe capitaliste canadienne, contribua à pousser les ouvriers québécois dans les bras du PQ nationaliste bourgeois, qui gagna ses premières élections en 1976. Le PQ se tourna ensuite contre le mouvement ouvrier, surtout après la défaite référendaire de 1980, cassant des grèves et imposant des mesures d’austérités draconiennes. C’est ce qu’il fera d’ailleurs de nouveau après la défaite du deuxième référendum sur la souveraineté en 1995. Mais les dirigeants traîtres du mouvement ouvrier québécois restèrent et restent encore fidèles au PQ, utilisant le nationalisme bourgeois pour faire dérailler les luttes ouvrières. Étant donné que le Québec est retenu de force dans un Canada « uni », la classe ouvrière est profondément divisée sur des bases nationales. Le chauvinisme anglais et le nationalisme québécois, qui se nourrissent mutuellement, servent à enchaîner les travailleurs à leurs propres exploiteurs et à fomenter le racisme contre les minorités ethniques dans chacune des nations. L’indépendance du Québec ne mettra évidemment pas fin à l’exploitation et à l’oppression intrinsèques du système capitaliste. Mais en enlevant la question nationale de l’ordre du jour politique, elle permettrait de mettre en avant les questions de classe, qui sont les questions fondamentales. Les réformistes et l’État bourgeois Qu’ils appuient le statu quo anglo-chauvin ou le nationalisme québécois, les groupes pseudo-marxistes actifs dans QS ont tous la même attitude réformiste envers l’État capitaliste. Ils se plaignent bien parfois que les dirigeants de QS ne s’occupent pas assez de lutter « dans la rue », mais en réalité ils défendent tous le programme électoraliste de QS, qui prétend qu’en se faisant élire à l’Assemblée nationale du Québec on peut faire des avancées sociales fondamentales. C’est totalement faux : pour mettre fin à la misère et à l’exploitation capitaliste, il faut renverser l’État bourgeois et le remplacer par un État ouvrier, la dictature du prolétariat. Comme l’expliquait Lénine en 1918 : « Mille barrières s’opposent à la participation des masses travailleuses au parlement bourgeois (lequel, dans une démocratie bourgeoise, ne résout jamais les questions majeures; celles-ci sont tranchées par la Bourse et par les banques). Et les ouvriers savent et sentent, voient et saisissent à merveille que le parlement bourgeois est pour eux un organisme étranger, un instrument d’oppression des prolétaires par la bourgeoisie, l’organisme d’une classe hostile, d’une minorité d’exploiteurs. » — La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky GS, le PCQ, La Riposte et les autres dépeignent l’État capitaliste — qui est essentiellement un organe de répression contre la classe ouvrière (flics, tribunaux et prisons) — comme un moyen de parvenir au progrès social. Ils ne s’opposent d’ailleurs pas aux généreuses subventions que QS reçoit de l’État capitaliste pour financer ses activités (quelque 400 000 dollars pour 2008 seulement). Les organisations affiliées à GS en France, la LCR autrefois et maintenant le NPA, reçoivent aussi de l’État bourgeois des subsides qui approchent le million d’euros par an. Quant à nous, trotskystes, nous avons toujours refusé par principe de prendre quelque argent que ce soit de l’État capitaliste, comité exécutif de l’ennemi de classe. Qui paye les violons choisit la musique. La gauche réformiste québécoise : les staliniens… Pour comprendre la faillite politique des différents groupes de gauche dans QS, il est utile d’examiner leurs origines politiques. Le PCQ et le PCC sont des produits dérivés de la contre-révolution politique stalinienne amorcée en Union soviétique en 1923-24. Dans le jeune État ouvrier soviétique, après des années de guerre et d’isolement et suite à la défaite de la révolution ouvrière en Allemagne, bastion industriel d’importance capitale, une bureaucratie dirigée par J.V. Staline usurpa le pouvoir politique des mains du prolétariat soviétique épuisé et démoralisé. Les staliniens, sans renverser les acquis historiques de la Révolution d’Octobre (le renversement du pouvoir capitaliste et le contrôle de l’industrie et du commerce extérieur par l’État) en rejetèrent toutefois les objectifs révolutionnaires et internationalistes. Au nom du dogme de la construction du « socialisme dans un seul pays », ils adoptèrent au contraire une politique de « coexistence pacifique » avec l’impérialisme. Les partis communistes dans le monde entier furent transformés en organisations réformistes recherchant les bonnes grâces des capitalistes « progressistes ». Au Canada, le PCC stalinien soutient le nationalisme canadien depuis des dizaines d’années et a donc toujours été profondément hostile aux aspirations nationales du Québec — ce qui est la cause de multiples scissions avec ses affiliés québécois qui eux soutiennent le nationalisme québécois. Dans les années 1960 et au début des années 1970 il y eut une radicalisation de la jeunesse au niveau mondial, motivée au départ par la solidarité envers les luttes des peuples opprimés, comme à Cuba, au Vietnam et ailleurs. Suite à la grève générale de mai-juin 1968 en France, qui montrait la possibilité d’une révolution ouvrière au cœur de l’Europe, beaucoup de ces jeunes militants de gauche furent attirés par le marxisme, du moins tel qu’ils le concevaient. Au Québec, la grande majorité de ces jeunes furent gagnés à la frange stalinienne alors la plus gauchisante (en parole) qui adhérait aux thèses du dirigeant chinois Mao Zedong. Vers le milieu des années 1970, les groupes se définissant comme « marxistes-léninistes » (maoïstes) comptaient des milliers de membres au Québec. Mais le maoïsme était (et demeure) une variante de la collaboration de classe stalinienne, n’ayant rien à voir avec le marxisme authentique. Dans les années 1970, la bureaucratie chinoise de Mao, profondément hostile à l’Union soviétique suite à la rupture sino-soviétique, conclut une alliance contre-révolutionnaire antisoviétique avec l’impérialisme américain. C’est ce qui la conduisit à appuyer des despotes proaméricains comme le shah d’Iran, à soutenir les dirigeants suprématistes blancs d’Afrique du Sud contre l’Angola noir, allié aux soviétiques, ou à réclamer un renforcement de l’OTAN. Tirant les conclusions logiques de la collaboration de classe stalinienne sur leur terrain national, les maoïstes québécois donnèrent leur appui à un Canada « uni » pour soi-disant pouvoir résister aux deux « superpuissances » : les États-Unis et surtout l’Union soviétique. Le plus grand de ces groupes maoïstes, la Ligue communiste canadienne (marxiste-léniniste) de Roger Rashi — qui se dénommera plus tard Parti communiste ouvrier — mena une campagne publique pour renforcer les forces armées canadiennes contre « les appétits voraces des superpuissances » (The Forge, 3 juin 1976). Au début de la nouvelle guerre froide antisoviétique de Washington à la fin des années 1970, les grandes organisations maoïstes du Québec s’écroulèrent sous le poids de leurs propres contradictions et disparurent bientôt. On retrouve aujourd’hui parmi les dirigeants des organisations bourgeoises et petites bourgeoises du Québec toute une série d’anciens maoïstes maintenant bien dressés, comme Françoise David, dirigeante de QS et Gilles Duceppe, le chef du Bloc québécois. L’actuel Parti communiste révolutionnaire (PCR) se réclame de cette triste tradition du maoïsme. Le PCR est à peu près le seul groupe soi-disant marxiste au Québec qui dit s’opposer de la gauche à QS qu’il accuse d’être un « wannabee PQ » (Le Drapeau rouge express, 9 novembre 2008). Mais le PCR n’offre absolument aucune alternative aux travailleurs et aux jeunes radicalisés. Sur la question nationale, il continue à avancer la position traditionnelle des maoïstes contre l’indépendance du Québec, qu’il qualifie de « projet 100 % bourgeois » (« Programme du Parti communiste révolutionnaire »). À tout le mieux, cette position ignore la réalité de l’oppression nationale; au pire, elle mène à capituler directement à la démagogie sur « l’unité canadienne » de la bourgeoisie canadienne et de ses agents dans le mouvement ouvrier. Comme nous l’avons vu, c’est exactement ce qui s’est produit avec les maoïstes des années 1970. La perspective de collaboration de classe du PCR est explicite dans son « Programme », qui affirme que « la voie de la révolution au Canada » c’est « la guerre populaire prolongée ». La « guerre populaire » à la Mao est diamétralement opposée à la perspective prolétarienne qui est essentielle au marxisme. Grâce à son rôle névralgique dans la production capitaliste — dans les usines, les mines et les transports — la classe ouvrière est la seule classe ayant la puissance sociale de renverser l’ordre bourgeois. Alors que le PCR tente de dissoudre la classe ouvrière dans « le peuple », les vrais marxistes combattent pour une révolution socialiste dans laquelle les ouvriers se font les champions de la cause de tous les opprimés. …et les pseudo-trotskystes Avec la dégénérescence stalinienne de l’URSS, ce sont les forces regroupées autour de Léon Trotsky qui poursuivirent la lutte pour le marxisme authentique. Trotsky, qui avait dirigé avec Lénine la Révolution d’Octobre, demeura fidèle au programme internationaliste qui avait animé cette révolution. Mais les groupes se disant trotskystes aujourd’hui à l’intérieur de Québec Solidaire ont abandonné depuis longtemps (ou n’ont même jamais défendu) les principes fondamentaux du trotskysme, en particulier l’indépendance de classe du prolétariat par rapport à toutes les ailes de la bourgeoisie (l’ennemi de classe), ainsi que la défense, contre l’impérialisme et la contre-révolution, des pays où le capitalisme a été renversé — et cela malgré leurs régimes bureaucratiques. La TMI et le CIO proviennent tous deux de la Militant Tendency, une formation réformiste qui fut enfouie pendant des dizaines d’années à l’intérieur du Parti travailliste britannique pro-impérialiste. Gauche Socialiste et leurs co-penseurs du NPA en France sont les descendants des forces rassemblées autour de Michel Pablo et Ernest Mandel, qui rompirent avec le trotskysme révolutionnaire au début des années 1950 en faveur d’un « entrisme profond » dans divers partis staliniens, sociaux-démocrates ou nationalistes bourgeois. Ils virèrent rapidement à droite dans les années 1980 sous l’impact de la nouvelle offensive antisoviétique de l’impérialisme américain, et donnèrent leur appui à tous les mouvements contre-révolutionnaires dirigés contre l’URSS, de Solidarność en Pologne (le seul « syndicat » que Ronald Reagan et Margaret Thatcher aient jamais soutenu) jusqu’aux égorgeurs moudjahiddines afghans anti-femmes qui tuaient les soldats soviétiques. Cette position était également celle de SI, une organisation anti-communiste dont les fondateurs refusèrent de défendre les États ouvriers déformés chinois et nord-coréen contre l’impérialisme américain, britannique et canadien lors de la Guerre de Corée de 1950-53. En 1991-92, ces groupes ont applaudi les forces de la contre-révolution « démocratique » qui ont détruit l’Union soviétique. Après avoir contribué leur modeste part à cette catastrophe, ils mentent maintenant aux ouvriers en affirmant que la voie de l’émancipation sociale passe par la construction de formations non prolétariennes et petites bourgeoises comme Québec Solidaire. La révolution prolétarienne, toujours la seule solution De concert avec nos camarades de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste), la Ligue trotskyste/Trotskyist League s’est battue jusqu’au bout pour défendre l’URSS et les États ouvriers bureaucratiquement déformés d’Europe de l’Est, tout en appelant les ouvriers à renverser les staliniens corrompus et à les remplacer par le pouvoir révolutionnaire des conseils ouvriers (soviets). Nous avons salué l’intervention soviétique de 1979 en Afghanistan comme un acte d’autodéfense de l’URSS et comme seul espoir de progrès social et de libération pour les femmes dans ce pays retardataire. Nous nous sommes opposés à la tentative de coup d’État contre-révolutionnaire de Solidarność en 1981, qui aurait mis la Pologne sous la botte de l’impérialisme américain et de l’église catholique. Et nous nous sommes battus contre l’effondrement de l’URSS, appelant les ouvriers soviétiques à stopper la contre-révolution d’Eltsine-Bush. Nous continuons aujourd’hui à défendre les États ouvriers restants — la Chine, le Vietnam, la Corée du Nord et Cuba — contre l’impérialisme et la contre-révolution, tout en appelant à des révolutions politiques prolétariennes pour établir des régimes basés sur la démocratie prolétarienne et l’internationalisme marxiste. Notre modèle demeure la Révolution d’Octobre 1917, qui nous sert aussi de guide dans notre approche de la question nationale dans les États multinationaux comme le Canada. La défense du droit à l’autodétermination pour les nationalités minoritaires opprimées dans la « prison des peuples » tsariste fut cruciale pour la victoire des bolchéviks. En même temps, les bolchéviks étaient opposés à l’idéologie du nationalisme, qui est contraire aux intérêts internationalistes de la classe ouvrière. Tout en étant pour l’indépendance du Québec, nous luttons pour que les travailleurs rompent politiquement tant avec le NPD anglo-chauvin qu’avec le PQ bourgeois nationaliste, et pour qu’ils rejettent l’idéologie du nationalisme ainsi que les attaques anti-immigrés et anti-autochtones qui en sont le corollaire. Ce qu’il faut c’est une perspective de lutte pour la révolution socialiste dans toute l’Amérique du Nord, et au-delà, ce qui est une étape cruciale vers une société communiste mondiale où chacun donne selon ses capacités et reçoit selon ses besoins. Les ouvriers et jeunes militants de gauche qui cherchent à mettre fin au système capitaliste violent, corrompu et en faillite, doivent nous rejoindre dans le combat pour forger un parti ouvrier marxiste. Ce parti luttera pour l’émancipation de la classe ouvrière et celle de tous les opprimés. —traduit de Spartacist Canada no165, été 2010 |