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Supplément à Spartacist Canada, septembre 2013

 

Pour un parti ouvrier révolutionnaire et binational !

Gouvernement PQ : austérité et répression

L’article suivant est traduit de Spartacist Canada 177 (été 2013). Depuis sa publication, le gouvernement du Parti québécois a passé fin juin une loi de retour au travail pour casser, après deux semaines, la grève des travailleurs de la construction. Cette grève de tous les secteurs de l’industrie de la construction au Québec, la première depuis 1986, a mobilisé 175 000 travailleurs pour exiger l’indexation des salaires et s’opposer aux attaques sur les conditions de travail et la compensation des heures supplémentaires.

Il y a un an, la plus grande grève étudiante de l’histoire du Canada secouait le Québec. Des centaines de milliers d’étudiants et leurs alliés, dont de nombreux syndicalistes, descendirent dans la rue contre le gouvernement libéral de Jean Charest et son programme d’austérité, qui s’en prenait à des pans entiers de la société québécoise. Plus de 3300 manifestants furent arrêtés et de nombreux autres blessés lors de violentes charges policières; Charest avait donné carte blanche aux flics et aux tribunaux capitalistes pour briser la grève.

Nombreux étaient les travailleurs et les jeunes qui espéraient que les nationalistes bourgeois du Parti québécois auraient une politique plus « progressiste » lorsqu’ils ont chassé les Libéraux à l’occasion des élections provinciales de septembre dernier. Mais le gouvernement PQ a poursuivi la même politique que Charest. Les frais de scolarité continuent d’augmenter, même si c’est plus lentement. La taxe sur la santé, universellement haïe, n’a pas été supprimée. On coupe dans les services sociaux, surtout pour ceux qui dépendent de l’aide sociale. Et la répression contre les étudiants et autres militants de gauche ne faiblit pas : plus de 1000 arrestations à Montréal depuis mars.

Ces attaques font partie de l’offensive mondiale des capitalistes contre les travailleurs et les opprimés. Dans un tract distribué l’été dernier, nous disions aux étudiants en grève que « s’il y a une leçon à tirer des récentes batailles, c’est que se tourner vers des partis capitalistes ‘progressistes’ ou les agents sociaux-démocrates des patrons mène au désastre » (« Etudiants, alliez-vous à la classe ouvrière ! », SC n° 174, automne 2012). Nous avons fait remarquer que quel que soit le parti qui allait remporter les élections, il allait continuer cette offensive contre les programmes sociaux, le mouvement ouvrier, les jeunes et les minorités. Quelques mois seulement après la formation du gouvernement péquiste, il n’était que trop clair que nous disions vrai.

Le PQ se sert des appels à la « solidarité nationale » contre la domination anglo-canadienne pour s’assurer le soutien des travailleurs québécois et des jeunes. Mais chaque fois qu’il se retrouve aux commandes, c’est clairement pour servir les intérêts des capitalistes. Le premier gouvernement péquiste de Réné Lévesque avait cassé des grèves du secteur public au début des années 80. Quinze ans plus tard, Lucien Bouchard avait sabré sans retenue dans les services sociaux au nom du « déficit zéro ». Et maintenant c’est à la première ministre Pauline Marois de prendre le relais : elle s’est donnée pour tâche d’équilibrer les comptes de l’Etat sur le dos des plus démunis d’ici mars de l’année prochaine.

La réduction des prestations d’aide sociale, qui sont déjà parmi les plus basses du Canada, figure en première ligne des coupes budgétaires. Les plus de 55 ans recevront 129 $ par mois en moins, tandis qu’un programme d’aides aux familles ayant des enfants en bas âge a été carrément supprimé. Ces mesures cruelles ont provoqué des manifestations dans plusieurs villes. « Essaye de vivre avec un chèque de 604 $ par mois, c’est tout simplement impossible. On a été trahis d’un bout à l’autre par le PQ » accuse un manifestant à Montréal (tvanouvelles.ca, 13 mars). Un autre se plaint avec amertume : « Les gens sont déjà affamés, ils sont déjà dans la rue ». Le gouvernement a aussi coupé 56 millions de dollars de subventions aux garderies, ce qui à poussé 8000 personnes à aller manifester le 11 mai.

Quant à la répression contre les militants de gauche, elle est souvent encore pire que sous les Libéraux. Les municipalités de Montréal et de Québec ont profité de la loi anti-manifestation draconienne passée par les Libéraux au plus fort de la grève étudiante, pour édicter leurs propres règles (à Montréal, la loi P6); ils interdisent désormais toute manifestation dont l’itinéraire n’a pas été dévoilé à l’avance, ainsi que le port de masques dans les manifs. Arrivé au pouvoir, le PQ a annulé la loi des Libéraux, mais seulement pour mieux défendre ces règlements municipaux !

Il y a eu une nouvelle vague d’arrestations après un rassemblement de 10 000 personnes appelé par l’ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante) fin février, contre l’indexation des frais de scolarité par le PQ. De nombreux étudiants ont alors essayé d’organiser des manifestations nocturnes, comme on en voyait régulièrement l’année dernière. Mais dès le début les commerçants ont exigé des mesures drastiques pour éviter une répétition des événements de l’année dernière. Les flics ont arrêté 72 personnes lors d’un rassemblement étudiant le 5 mars. Dix jours après, il y eu 250 interpellations à l’occasion de la manifestation annuelle contre les violences policières. Le 22 mars, lors d’une manifestation organisée pour marquer l’anniversaire de la première grande marche de la grève étudiante, 200 des 500 manifestants étaient arrêtés dans la première demi-heure. Le 5 avril c’est 279 manifestants protestant contre le règlement P6 qui étaient arrêtés.

Cette campagne d’intimidation culmina le 1er mai. La Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) avait organisé un rassemblement devant le fameux Club 357c, où les entrepreneurs et politiciens québécois de tous bords conduisent leurs petits trafics. La commission Charbonneau, qui continue d’enquêter sur la corruption, a récemment mis en cause des personnalités du PQ, s’attirant ainsi les foudres de Marois qui lui a conseillé de « faire son travail avec prudence ».

La manifestation fut déclarée illégale après moins d’un quart d’heure. Près de 450 participants furent arrêtés, alors que la CLAC avait pourtant annoncé les points de départ et d’arrivée. La mobilisation des flics était tellement imposante et menaçante qu’un manifestant fit remarquer : « C’est presque une manifestation policière » (Le Devoir, 2 mai). La police et ses patrons politiques cherchent avec ces arrestations massives, parfois de pratiquement tous les manifestants, à diaboliser les jeunes de gauche et éliminer le droit de manifester dans la rue. Abandon de toutes les accusations !

La traîtrise de la bureaucratie syndicale

On a pu se rendre compte lors de la manifestation de la Fête internationale des travailleurs, organisée par les fédérations syndicales québécoises, qu’un mécontentement généralisé continue de couver au Québec. Mais ce qui est clair aussi c’est le rôle traitre des bureaucrates syndicaux qui continuent à canaliser ce ras-le-bol au profit du PQ. Quelques 50 000 manifestants des quatre coins de la province, en majorité des syndicalistes, se sont rassemblés à Montréal le 27 avril et ont convergé sur la Place des Festivals, lieu de certaines des grandes manifestations étudiantes un an plus tôt.

C’était pour protester contre la « réforme » de l’assurance-emploi du gouvernement fédéral conservateur, qui restreint encore un peu plus l’accès à l’assurance-emploi, surtout pour les travailleurs saisonniers dans des secteurs tels que la pêche, l’agriculture et le tourisme. Mais au lieu d’en faire une démonstration de la puissance de la classe ouvrière, les bureaucrates syndicaux du Québec avaient constitué une coalition incluant certes les syndicats, les associations étudiantes et les groupes anti-pauvreté, mais aussi l’Union des municipalités du Québec, au premier rang de laquelle figure le conseil municipal de Montréal, qui orchestre les rafles d’activistes de gauche !

Pour Lucie Martineau, présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec, « cette journée a montré qu’un très grand consensus existe au Québec contre cette réforme. Ce n’est pas seulement les organisations syndicales, mais aussi les municipalités, les travailleurs des milieux agricoles, les organisations économiques, culturelles et communautaires qui y sont opposés » (Le Devoir, 29 avril). La présidente de la Centrale des syndicats du Québec déclarait quant à elle que « la diversité de notre coalition va marquer l’histoire. A deux reprises, les quatre partis politiques de l’Assemblée nationale ont voté, à l’unanimité, contre cette réforme. Le gouvernement fédéral ne peut ignorer un tel consensus. » Il y a un an, les dirigeants syndicaux participaient aux manifestations contre le gouvernement Charest; aujourd’hui ils se réjouissent parce que ces mêmes Libéraux, désormais dans l’opposition, font partie du « consensus » anti-Harper.

Les Conservateurs de Harper sont une cible facile : presque tous les Québécois sont d’accord pour les maudire. En revanche, quand il s’agit des attaques du gouvernement péquiste, les bureaucrates syndicaux n’ont plus rien à dire. Le PQ de son côté s’est empressé de présenter l’opposition aux réformes fédérales comme une croisade nationaliste, mettant en place une « commission nationale » sur l’assurance-emploi, avec l’ancien chef du Bloc québécois Gilles Duceppe à sa tête. Les dirigeants des centrales syndicales ont poliment rencontré Marois le 1er mai, entre autres choses pour lui demander s’il-vous-plaît de résister à l’assaut fédéral contre l’assurance-emploi.

Pour une direction révolutionnaire internationaliste !

Tout au long de la grève étudiante, nous expliquions qu’on ne pouvait gagner qu’en mobilisant la puissance sociale de la classe ouvrière. De par sa position dans l’économie capitaliste, dans les usines, les mines, les transports, elle seule peut stopper la chaîne de production et le flot des profits capitalistes. L’histoire ouvrière du Québec est celle d’un combat militant, allant jusqu’à défier les injonctions des tribunaux lorsqu’ils tentèrent de briser la grève générale de 1972. Mais la combativité des syndicats a été minée par plusieurs décennies de collaboration avec l’ennemi de classe, sous la houlette d’une bureaucratie ouvrière nationaliste.

Les dirigeants syndicaux ont tout fait pour détourner la grève étudiante et la crise sociale qu’elle a déclenchée vers l’impasse du parlementarisme bourgeois. Après s’être efforcés de faire avaler un « compromis » pourri aux associations étudiantes, les bureaucrates poussèrent à des élections qu’ils présentèrent comme un retour à la « paix sociale ». A la fin de l’été, les élections dominaient déjà les grandes manifestations, et la haine des Libéraux s’est muée en soutien à l’un ou l’autre des partis nationalistes : le PQ, les populistes petits-bourgeois de Québec Solidaire (QS) et leur rhétorique gauchisante, ou les nationalistes « durs » d’Option nationale. Sans soutenir ouvertement aucun de ces partis, la CLASSE (initiée par l’ASSÉ pendant la grève et d’influence anarchiste) se rangea elle aussi derrière la politique du « moindre mal » en organisant ses manifestations autour du mot d’ordre « Néo-libéraux dehors ! ».

L’anglo-chauvinisme qui domine l’Etat canadien produit et ne cesse de renforcer l’emprise du nationalisme au Québec. Les syndicats au Canada anglais soutiennent en général les sociaux-démocrates de droite du NPD, voire même les Libéraux bourgeois, deux partis dont l’hostilité aux droits nationaux du Québec n’est plus à démontrer. Sur ce point le NPD s’est encore distingué récemment, en s’opposant à un projet de loi du Bloc destiné à abolir la Loi sur la clarté adoptée en 2000 par le gouvernement fédéral (alors libéral), et interdisant au Québec d’exercer son droit démocratique à l’autodétermination nationale.

Tout ceci divise profondément la classe ouvrière selon des clivages nationaux, compromettant grandement les possibilités de lutte de classes unie contre les exploiteurs, qu’ils soient anglo-canadiens ou québécois. C’est pourquoi nous, marxistes, sommes pour l’indépendance du Québec. Nous le faisons en tant qu’internationalistes prolétariens : l’élimination de la question nationale permettra aux travailleurs de voir que « leurs » capitalistes nationaux ne sont pas des alliés, mais les ennemis de leur classe.

Ce qui s’est passé avec la grève étudiante et les récentes manifestations témoigne aussi de cette division au sein de la classe ouvrière. La lutte des étudiants québécois n’a rencontré que peu d’écho sur les campus canadiens anglais. Et bien que tous les travailleurs soient concernés par les attaques de Harper contre l’assurance-emploi, il n’y a quasiment pas eu de manifestations en dehors du Québec. Entre les dizaines de milliers de travailleurs qui sont descendus dans les rues de Montréal pour la manifestation syndicale du Premier mai, et la poignée de rassemblements qui ont eu lieu au Canada anglais, le contraste est saisissant. A Toronto, le plus gros rassemblement sur la place de l’Hôtel de Ville ne comptait guère plus de 1000 personnes.

Québec Solidaire : l’impasse populiste

Les travailleurs ont désespérément besoin de s’unir contre les déprédations des exploiteurs au pouvoir. On ne pourra forger cette unité qu’à travers une lutte sans relâche contre tous les aspects de l’oppression capitaliste : l’oppression nationale au Québec, la chasse aux sorcières contre les immigrants et autres minorités, les attaques contre les autochtones. Pour atteindre cet objectif, il faut une nouvelle direction prolétarienne : un parti ouvrier révolutionnaire et binational qui prenne fait et cause pour tous les opprimés.

Mais ces buts ne sont pas ceux de la grande majorité des groupes qui s’autoproclament « socialistes », et qui se sont enterrés chez les nationaux-populistes de Québec Solidaire, une organisation qui ne fait même pas semblant d’être socialiste. Tout en cherchant à attirer les jeunes révoltés, QS n’est au fond qu’une zone de transit pour péquistes déçus et anciens gauchistes en voie de droitisation. A la veille des élections de l’année dernière, Françoise David (une ancienne maoïste) s’est engagée à soutenir le PQ dans l’éventualité où il aurait à former un gouvernement minoritaire. Aujourd’hui, alors que l’impopularité du PQ augmente avec chaque mois qui passe, les dirigeants de QS font tout ce qu’ils peuvent pour se façonner une image modérée sur fond de propositions économiques « crédibles ».

Le congrès de QS en mai a adopté une résolution affirmant que QS est « un parti apte à gouverner défendant le bien commun et seule alternative aux politiques néolibérales ». De plus, ce parti est directement – et généreusement – subventionné par l’Etat capitaliste, en fonction de ses résultats électoraux.

Les groupes réformistes comme Gauche socialiste, La Riposte (Fightback) et Alternative socialiste qui soutiennent, sans guère de critiques en général, cette formation petite-bourgeoise aident en fait à construire un obstacle à la lutte des classes et à la naissance d’une conscience prolétarienne. Et quand ils formulent quelques critiques, ce n’est évidemment pas d’un point de vue marxiste. Par exemple un article sur le site internet de La Riposte (7 février) critique les dirigeants de QS parce qu’ils cherchent à s’allier avec les autres partis nationalistes, mais c’est pour argumenter que « ce devrait être avec les organisations traditionnelles des masses, c’est-à-dire le Nouveau parti démocratique et les différentes centrales syndicales, que se déroulent des discussions sur d’éventuelles alliances ». Pour La Riposte, cette orientation vers le NPD s’accorde parfaitement avec sa position rétrograde sur la question nationale, puisqu’elle s’oppose à la revendication d’indépendance du Québec.

La grève étudiante a été l’occasion pour de nombreux jeunes militants d’apprendre quelques vérités élémentaires sur le capitalisme. Ils ont été directement confrontés au rôle répressif de l’Etat capitaliste, à ses flics et ses tribunaux, comme lorsqu’ils ont été arrêtés ou qu’ils ont subi les brutalités policières. Aujourd’hui ces jeunes ne peuvent que se rendre à l’évidence : abstraction faite de la rhétorique nationaliste, le PQ au pouvoir ne se distingue guère des Libéraux. Pour aller de l’avant, il faut assimiler les leçons des luttes d’hier, au Québec et dans le monde entier, et rejoindre la lutte pour construire une direction marxiste révolutionnaire pour la classe ouvrière. Voilà la perspective que nous poursuivons dans la Ligue trotskyste/Trotskyist League, section canadienne de la Ligue communiste internationale, en nous battant pour reforger la Quatrième Internationale, parti mondial de la révolution socialiste.