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Supplément au Bolchévik nº 205 |
29 octobre 2013 |
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Leonarda Dibrani, Khatchik Kachatryan et tous les autres
A bas les expulsions racistes !
Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés !
29 octobre Lorsque nous avions appelé à ne pas voter pour Hollande l’année dernière, nous avions insisté, entre autres, sur ses déclarations qu’il mènerait une lutte « implacable » contre les sans-papiers et pour « éviter que nous connaissions cette circulation encore et encore » des Roms (le Bolchévik n° 199, mars 2012) il voulait les empêcher de pouvoir circuler en France et il voulait « qu’il y ait des camps qui puissent être ceux de notre propre décision » (le Monde, 15 février 2012). Son flic en chef Valls n’a fait qu’appliquer ses promesses électorales en allant jusque dans un car scolaire pour chercher Leonarda Dibrani le 9 octobre et la déporter définitivement au Kosovo ; elle ne parle ni l’albanais ni le serbe, contrairement au français ! Leonarda a courageusement dénoncé la proposition de Hollande de la laisser rentrer en France, mais sans sa famille.
La conclusion que Valls tire de cette affaire, c’est d’accélérer la procédure d’examen des demandes d’asile dans le but avoué de pouvoir expulser les gens avant qu’ils aient le temps de souffler et de s’installer dans le « pays des droits de l’homme ». Les réactionnaires et les fascistes de tout poil se sont engouffrés dans la brèche pour maintenant exiger la révision du droit du sol, qui donne sous certaines conditions la citoyenneté à ceux qui sont nés sur le territoire français.
A peu près au même moment, les flics expulsaient vers l’Arménie Khatchik Kachatryan, le premier lycéen parisien expulsé depuis 2006 quand Sarkozy s’occupait directement du ministère de la police. Nous exigeons le retour immédiat de Leonarda et de toute sa famille, ainsi que de Khatchik, et avec des papiers : Pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici ! A bas la chasse aux sorcières raciste contre les Roms !
A bas les campagnes racistes du gouvernement Valls/Duflot !
L’affaire Leonarda couronne une violente campagne du gouvernement contre les Roms, plus que jamais désignés comme un bouc émissaire en cette période de profonde crise économique, dans le but d’empêcher une riposte prolétarienne. Les Roms des Balkans sont au plus quelques dizaines de milliers en France, et ils sont dans l’ensemble exclus du prolétariat. Mais accepter les attaques contre les Roms rendrait le mouvement ouvrier directement vulnérable aux tentatives de division de la classe ouvrière elle-même selon des critères ethniques, raciaux ou sexuels, tout en renforçant l’arsenal policier contre les travailleurs.
Manuel Valls, perpétuellement en quête d’une nouvelle provocation raciste, a déclaré que les Roms étaient incapables de « s’intégrer » dans une société « civilisée » comme la France. Pendant la Deuxième Guerre mondiale les nazis les traitaient de « sous-hommes », mais ici en France ce sont en fait des lois datant de la Troisième République, avant l’occupation nazie, qui ont permis leur enfermement dans des camps sous le régime de Vichy ; certains restèrent internés, jusqu’en 1946, par des gouvernements capitalistes comprenant gaullistes, chrétiens-démocrates, sociaux-démocrates de la SFIO et staliniens du PCF (voir notre article paru dans le Bolchévik n° 193, septembre 2010).
Cela fait des siècles que les Roms sont persécutés et chassés d’un pays à l’autre. Dans l’économie précapitaliste les Tsiganes occupaient une niche économique marginale en tant qu’artisans, colporteurs et artistes. Avec le développement du capitalisme ils ont été rejetés complètement aux marges de la société, victimes de persécutions qui ont culminé avec l’extermination de centaines de milliers de Tsiganes par les nazis. La vérité c’est que le capitalisme pourrissant est incapable d’« intégrer » les Roms, et encore moins en période de crise. L’Etat français, y compris ses maires PCF, les chasse d’un bidonville à l’autre, et prend ensuite prétexte du fait qu’ils ne sont pas résidents pour refuser d’inscrire les enfants à l’école. Et quand les enfants, en dépit des difficultés, parviennent comme Léonarda à se scolariser, il les expulse. Il leur refuse le droit au travail, et les accuse ensuite de vivre d’expédients ! A bas les restrictions au droit de travailler imposées par l’Union européenne aux citoyens de Bulgarie et Roumanie !
Seule la révolution socialiste rendra possible la pleine intégration des Roms dans la société, avec les mêmes droits. C’est ce qu’avait montré la Révolution prolétarienne d’octobre 1917 en Russie : en renversant le capitalisme, elle avait détruit la « prison des peuples » tsariste et jeté les bases pour libérer du chauvinisme grand-russe les nations opprimées et les minorités ethniques, dont les Roms.
La Roumanie, y compris sous le grotesque régime stalinien de Ceausescu, et de même la Yougoslavie de Tito (dont est originaire la famille de Leonarda), étaient des Etats ouvriers bureaucratiquement déformés. La classe dirigeante capitaliste avait été chassée, et du coup l’économie collectivisée et nationalisée garantissait aux Roms un niveau de vie et d’intégration ethnique et nationale sans précédent ; leur niveau d’éducation tendait à se rapprocher de celui du reste de la population, et ils avaient non seulement un travail mais aussi un logement et la sécurité sociale. Les Roms étaient reconnus comme minorité nationale, et ils avaient droit à l’instruction dans leur propre langue ; sédentaires, ils étaient relativement intégrés dans le prolétariat, dans l’armée et l’appareil d’Etat. Il y avait au Kosovo à l’époque yougoslave des émissions de radio et des programmes télévisés en langue romani.
C’est la destruction contre-révolutionnaire de ces Etats ouvriers qui a fait des Balkans, de l’Europe de l’Est et de l’ex-Union soviétique un enfer, avec massacres interethniques, nationalisme génocidaire et misère complète. L’émigration des Roms depuis la Roumanie ou le Kosovo représente souvent une tentative désespérée de fuir d’horribles persécutions racistes et une misère sans nom. Notre organisation, la Ligue communiste internationale (LCI), s’est battue jusqu’au bout pour la défense militaire inconditionnelle des Etats ouvriers déformés et de l’URSS contre la contre-révolution capitaliste, et pour une révolution politique prolétarienne pour remplacer la bureaucratie stalinienne par un gouvernement des conseils ouvriers (soviets).
Et nous ne pouvons considérer sans une amère ironie les groupes comme Lutte ouvrière et le NPA (ex-« Ligue communiste révolutionnaire »), qui aujourd’hui se lamentent de la persécution des Roms mais qui ont soutenu tel ou tel champion de la « démocratie » capitaliste en Pologne ou en Union soviétique. La victoire finale de la contre-révolution entre 1989 et 1992 a amené de nouvelles épreuves aussi terribles aux Roms d’Europe de l’Est et des Balkans.
Immigration et capitalisme
Leonarda et Khatchik ont été expulsés, mais combien de demandeurs d’asile et réfugiés divers ne parviennent même pas jusque sur le continent européen ? On estime à plus de 6 000 le nombre de personnes qui se sont noyées en vingt ans rien que dans les eaux de la petite île italienne de Lampedusa en essayant de pénétrer dans la forteresse Europe raciste.
Les capitalistes organisent les flux d’immigration selon leurs propres besoins de main-d’uvre. En période d’expansion ils vont chercher des travailleurs à l’étranger, en période de crise ils ferment le robinet. Avec la récession qui ne cesse de s’aggraver dans l’Union européenne, notamment en Grèce, au Portugal et en Europe de l’Est opprimés par les impérialistes allemands et français et leurs banques, même les récents drames de Lampedusa ne sont pour les impérialistes que des prétextes pour renforcer encore les barrières policières à l’immigration (les flics de l’agence européenne de surveilance « Frontex » qui maraudent en Méditerranée, les murs d’enceinte à la frontière gréco-turque). A bas l’Union européenne impérialiste ! A bas son instrument financier, l’euro !
Pourtant les réformistes comme le PCF n’ont pour seule perspective que de demander de nouvelles lois pour réglementer l’immigration un peu différemment. Dans le même ordre d’idées il y avait eu il y a quelques années, en 2009-2010, une longue grève de plusieurs milliers de travailleurs sans papiers, notamment en région parisienne. Ces travailleurs s’étaient souvent mis en grève seuls, alors que rien ou presque n’était fait pour que leurs collègues avec des papiers partent en grève avec eux. Les bureaucrates syndicaux qui supervisaient l’opération, à la CGT ou au SUD, avaient pour toute perspective de demander une circulaire pour homogénéiser les critères d’appréciation des dossiers de régularisation en préfecture : ils voulaient des critères de régularisation « par le travail », donc de tous les travailleurs sans-papiers et leur famille autrement dit, tant pis pour les sans-travail, les Roms comme Leonarda, les lycéens majeurs comme Khatchik.
Cette campagne a reçu à l’époque un soutien sans ambiguïté de Lutte ouvrière et autres groupes réformistes ; ils voulaient « humaniser » un peu la politique de Sarkozy, qui déclarait ouvertement vouloir réguler l’immigration selon les besoins en main-d’uvre des capitalistes. Nous sommes au contraire pour les pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici.
Le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes des banlieues !
Il est réjouissant de voir, dans le contexte de cette campagne anti-Roms, que les lycéens se battent, avec raison, pour obtenir le retour de Leonarda et Khatchik. Souvent les lycéens et les étudiants ont représenté l’étincelle qui a fait partir le prolétariat en lutte. Mais ce n’est pas la fermeture des lycées, même pendant des semaines, qui affectera les capitalistes en faisant baisser leurs profits. Le mouvement contre le CPE en 2006 n’avait été victorieux contre l’acharnement de Chirac à imposer des sous-contrats aux jeunes travailleurs que parce que des centaines de milliers de travailleurs, de plus en plus nombreux, se mettaient en grève et descendaient dans la rue. Seule la classe ouvrière a la puissance sociale pour bloquer le pays les usines, les transports, l’électricité , faire reculer les patrons, et en dernier ressort en finir avec leur ordre décadent.
Et la lutte en défense des sans-papiers est cruciale pour l’unité du prolétariat, notamment dans le bâtiment et en général dans les secteurs ayant recours à l’intérim à grande échelle. Plus généralement, le prolétariat doit lutter contre toutes les manuvres des capitalistes et de leur gouvernement pour diviser les travailleurs selon l’appartenance ethnique ou raciale, le sexe ou l’orientation sexuelle. La plupart des lycéens de banlieue en butte aux violences policières racistes ont des papiers français et sont nés en France. Leurs grands frères et leurs grandes surs sont nombreux dans le prolétariat, concentrés dans les emplois les plus précaires, les plus mal payés et les plus mal considérés.
Cela pose directement la question de la lutte pour des emplois en CDI et à plein temps pour tous, en répartissant le travail disponible entre toutes les mains, sans perte de salaire. Et cela pose la nécessité d’une nouvelle direction dans les syndicats, une direction qui ne va pas se coucher devant les patrons et accepter encore de nouveaux sacrifices pour « sauver l’industrie française ». Il faut une direction révolutionnaire dans les syndicats, forgée en opposition aux vendus qui ont appelé à voter Hollande. Une telle direction refuserait de jouer selon les règles édictées par les patrons et de se limiter à ce que les patrons sont prêts à céder : elle lutterait pour satisfaire les besoins vitaux de la classe ouvrière. Si le capitalisme ne peut satisfaire ces demandes, qu’il périsse ! Le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes des banlieues ! Pour des mobilisations ouvrières/immigrées pour écraser les fascistes !
En tant que marxistes révolutionnaires nous considérons que notre tâche n’est pas de conseiller ou supplier le gouvernement d’infléchir sa politique en faveur des travailleurs et des opprimés. Mais nous prenons tout acquis que les travailleurs peuvent parvenir à arracher dans la lutte aux capitalistes. Notre tâche, c’est de lutter pour construire un parti ouvrier, selon le modèle du Parti bolchévique de Lénine qui a mené la seule révolution socialiste victorieuse jusqu’à présent dans l’histoire, un parti « tribun du peuple » dénonçant toutes les formes d’oppression, quelles que soient les classes ou les couches sociales qui en sont les victimes y compris les Roms, les homosexuels, etc. La LCI lutte pour la révolution socialiste et son extension internationale. C’est la seule voie pour construire une société d’abondance pour tout le monde, basée sur une économie collectivisée et planifiée et le pouvoir des conseils ouvriers. Seule la révolution socialiste permettra d’en finir une fois pour toutes avec l’exploitation, la misère et l’oppression raciste. Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe !
Ligue trotskyste de France |
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