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Supplément au Bolchévik nº 174

15 mars 2006

A bas la loi raciste sur l’« égalité des chances » visant les jeunes des banlieues !

A bas le CPE !

PCF, LCR veulent canaliser les protestations vers l’élection d’un nouveau « front populaire » capitaliste

15 mars – La répression policière et l’intimidation contre les manifestants anti-CPE s’intensifient de jour en jour, avec un nombre croissant d’arrestations. Libération immédiate de tous les manifestants emprisonnés ! Levée des inculpations ! Les CRS attaquent les étudiants au gaz lacrymogène et à la matraque d’une manière qui rappelle l’offensive de l’Etat en novembre qui visait alors les jeunes d’origine africaine et maghrébine des banlieues ouvrières qui se révoltaient contre leur oppression raciste quotidienne et la mort de deux jeunes fuyant une rafle policière à Clichy-sous-Bois. Nous exigeons la libération de ces jeunes aussi et la levée de toutes les inculpations !

Le Contrat première embauche (CPE) instaurerait un système à deux vitesses pour les travailleurs, avec une période d’essai de deux ans pour les jeunes de moins de 26 ans. Les jeunes travailleurs, quelle que soit leur origine ethnique ou sociale, seraient ainsi à la merci des patrons : s’ils refusent une seule fois de faire des heures supplémentaires, s’ils font grève une seule fois, s’ils sont vus en train de discuter avec un militant syndical, si pour les femmes elles tombent enceintes, etc., ils risquent de se retrouver à la porte. Si cette attaque passe, elle sera généralisée à l’ensemble des travailleurs pour faciliter les licenciements. Cette mesure vise à affaiblir encore plus le mouvement ouvrier et à préparer de nouvelles attaques visant l’ensemble des travailleurs, et c’est pourquoi l’ensemble de la classe ouvrière est directement concernée à repousser cette nouvelle attaque.

Les premiers visés par le CPE sont les jeunes de banlieue, soumis à un chômage massif, à la ségrégation raciste permanente à l’embauche, à l’école et dans le logement, et aux brutaux contrôles d’identité au faciès par les flics. La loi sur l’« égalité des chances », dont le CPE n’est qu’une composante, prévoit également la suspension, voire la suppression des allocations familiales pour les parents de jeunes faisant preuve d’absentéisme scolaire ou « pour toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale ». Autrement dit cette loi vise les couches les plus pauvres de la population, surtout d’origine ouvrière et en particulier des familles monoparentales d’origine immigrée. Dans son intervention télévisée le 12 mars de Villepin l’a dit en substance, cherchant à rassurer les étudiants et plus généralement à diviser les jeunes en déclarant que cette mesure visait les jeunes chômeurs des banlieues, alors que les étudiants (blancs), avec leurs qualifications, continueraient ( ? !) à obtenir des contrats à durée indéterminée. A bas le CPE ! A bas la loi raciste sur l’« égalité des chances » ! A bas les contrôles policiers racistes de Vigipirate ! Le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes des banlieues !

Avec le CPE il s’agit de porter atteinte à l’intégrité de la classe ouvrière en renforçant la division entre jeunes et vieux, jeunes d’origine non européenne à la peau plus foncée et jeunes d’origine européenne. Le CPE représente une tentative de manier les jeunes, notamment ceux des banlieues, contre les syndicats eux-mêmes. Pour repousser cette attaque le mouvement ouvrier doit dépasser les étroites limites du syndicalisme et prendre à bras le corps la question de lutter contre l’oppression spécifique des immigrés et des jeunes Français d’ascendance maghrébine ou africaine. Il faut lutter contre la ségrégation dans le logement, l’éducation et l’emploi. Pour le partage du travail entre toutes les mains, sans diminution de salaire, avec des contrats à durée indéterminée ! Le système capitaliste non seulement est incapable de résoudre le chômage, c’est lui-même qui le sécrète en permanence pour renforcer l’exploitation de l’ensemble des travailleurs. Aussi toute lutte sérieuse contre le chômage pose la question de renverser l’ensemble de ce système capitaliste par une révolution ouvrière.

Les dirigeants syndicaux et les sociaux-démocrates (principalement le PS mais aussi le PC) s’opposent au CPE, tout en cherchant à freiner des actions grévistes des travailleurs. C’est la raison pour laquelle la deuxième grande journée de mobilisation syndicale est appelée pour le 18 mars, un samedi. Mais en novembre, ces mêmes bureaucrates syndicaux n’ont pas levé le petit doigt pour défendre les jeunes assiégés dans les banlieues. Quant au PS et au PC, au plus haut de la révolte ils appelaient l’Etat bourgeois à « rétablir l’ordre », le PS soutenant même ouvertement l’état d’urgence pour défendre « leur » République. Donc maintenant quand ces mêmes dirigeants traîtres dénoncent avec colère les attaques anti-jeunes de Sarkozy et de Villepin ainsi que l’envoi des CRS par le gouvernement contre les manifestants étudiants, cela ne fait que souligner une nouvelle fois leur grossière hypocrisie, leur opportunisme et leur conciliation de l’oppression raciste. En fait c’était leur soutien au gouvernement contre la révolte des jeunes des banlieues qui a encouragé de Villepin à lancer le CPE et la loi sur l’« inégalité des chances » en janvier.

Derrière le radicalisme anti-CPE des dirigeants sociaux-démocrates se profilent bien sûr leurs ambitions électorales pour 2007. Finalement ils voient un moyen d’essayer d’effacer la mémoire de la « gauche plurielle » de Jospin, le précédent gouvernement de front populaire (c’est-à-dire un gouvernement PS-PC avec de petits partis bourgeois comme les chevènementistes, les Radicaux de gauche et les Verts). Celui-ci à l’époque avait introduit sa propre variété d’emplois-jeunes au SMIC, mis en place la « réforme » universitaire du LMD et relancé les contrôles racistes de Vigipirate. Les sociaux-démocrates, tout particulièrement le PC, colportent le mensonge que soi-disant ils ont appris la leçon, et que s’ils sont élus ils se mettront à défendre les intérêts des travailleurs, des immigrés et des jeunes. Mais d’administrer le capitalisme cela veut dire d’abord et avant tout défendre les intérêts de leur « propre » bourgeoisie et son taux de profit contre ses rivaux capitalistes étrangers – ce qui veut dire une exploitation renforcée des travailleurs et encore plus d’oppression ici, dans les ex-colonies, en Europe de l’Est et ailleurs.

Les étudiants doivent se tourner vers la classe ouvrière. Et ils auraient tort de se fier aux déclarations anti-CPE de quelques présidents d’université : ces derniers mettent en pratique les ordres du ministère, y compris les restrictions budgétaires, les licenciements et privatisations de services annexes, ils embauchent les vigiles et appellent les flics, etc. : les alliés potentiels sur la fac des étudiants sont les travailleurs et les enseignants, pas les présidents, qui représentent les capitalistes sur les campus. Le capitalisme n’est pas un ensemble de politiques parmi lesquelles ses dirigeants peuvent faire un choix. C’est un système enraciné dans l’exploitation d’une classe par une autre, et la classe dirigeante manie ses CRS, ses tribunaux et ses prisons pour essayer d’assurer que le rapport des forces reste en l’état. Le rôle des universités est de former la prochaine génération d’idéologues et de techniciens pour faire tourner le système capitaliste. Les étudiants ont le choix de s’y conformer – ou de se rallier à la cause de la révolution socialiste.

Le CPE est le dernier en date d’une série d’attaques anti-ouvrières et anti-jeunes, et il faut le repousser. Mais même dans ce cas les capitalistes reviendraient à la charge avec de nouvelles attaques. Pour en finir une bonne fois pour toutes avec de telles mesures de « flexibilité » inhérentes au capitalisme, c’est ce système capitaliste lui-même qu’il faut détruire. Nous luttons pour construire un parti ouvrier révolutionnaire, multiethnique et internationaliste, dont le but sera de diriger la classe ouvrière à une révolution socialiste. Et pour cela il faut combattre la politique de ceux, y compris de nombreux activistes étudiants de la JC et de l’UNEF, qui aujourd’hui font du blabla pour battre la droite afin de paver la voie demain à encore un gouvernement capitaliste de front populaire dirigé par le PS et le PC.

En Mai 68 les actions des étudiants avaient été l’étincelle d’une grève générale ouvrière de trois semaines, mobilisant des millions de travailleurs dans les rues mais aussi, de façon cruciale au début, dans des occupations d’usines. Ce sont ces grèves et occupations qui avaient secoué non seulement la classe dirigeante ici en France mais dans le monde entier. Mais, en l’absence d’un parti révolutionnaire, les grèves avaient été démobilisées et trahies, essentiellement par le Parti communiste stalinien, qui grâce à son influence dans la classe ouvrière avait fini par sauver la peau de la bourgeoisie française.

Mais aujourd’hui on n’est pas en 1968. Maintenant que l’Etat ouvrier dégénéré soviétique a été détruit en 1991-1992, les capitalistes dans le monde entier redoublent leurs attaques pour démolir les acquis ouvriers, y compris ceux obtenus dans la foulée de Mai 68, le CPE lui-même faisant simplement partie d’un assaut généralisé pour augmenter le taux de profit des capitalistes français contre leurs rivaux. La contre-révolution dans l’ex-URSS a amené avec elle une énorme démoralisation politique parmi les travailleurs, renforcée en France par des années de gouvernements capitalistes d’austérité dirigés par des fronts populaires (Mitterrand, Jospin), si bien que la classe ouvrière en ce moment ne voit pas le socialisme révolutionnaire comme une alternative viable au capitalisme.

Ce n’était pas le communisme, mais sa parodie, le stalinisme, qui est arrivé à une impasse. Malgré sa dégénérescence stalinienne nous avons défendu l’Union soviétique contre l’impérialisme et la contre-révolution ; nous luttions pour une révolution politique prolétarienne pour virer la bureaucratie stalinienne. En RDA par exemple fin 1989 et début 1990 nous avons jeté toutes nos forces pour lutter pour une Allemagne rouge des conseils ouvriers, à l’Est et à l’Ouest, et contre une réunification capitaliste, à l’opposé des soi-disant militants « de gauche » de la LCR, de LO etc. qui ont soutenu la contre-révolution et qui aujourd’hui se lamentent sur le CPE et autres conséquences de la restauration capitaliste en URSS.

Pour briser le cercle vicieux des gouvernements capitalistes de droite et des gouvernements capitalistes de front populaire il faut rompre avec les réformistes et démasquer ces traîtres. Au lieu de cela la LCR soi-disant d’« extrême gauche » passe son temps à essayer de monter de nouvelles réunions unitaires et autres propositions inconditionnelles d’union dans la lutte avec les Hollande et Buffet. Le 11 mars, immédiatement après l’assaut des CRS contre la Sorbonne, Besancenot a à nouveau fait appel à ces mêmes forces : « La jeunesse mobilisée contre le CPE a besoin de soutien et de la solidarité de l’ensemble des forces de gauche, notamment contre l’arbitraire et l’intransigeance du gouvernement. Nous vous proposons une réunion dans les plus brefs délais pour envisager une riposte unitaire à ces nouvelles attaques gouvernementales. » Quand la LCR rampe ainsi devant le PS et autres « forces de gauche » comme les chevènementistes bourgeois pour les rendre plus combatifs, elle ne fait qu’alimenter parmi les travailleurs et les jeunes militants les pires illusions dans les traîtres sociaux-démocrates, et elle donne une couverture de gauche à leurs ambitions de tirer parti en 2007 de la campagne anti-CPE. Le prix de l’appel de la LCR à l’unité avec le PS et compagnie aujourd’hui, c’est de faire disparaître le caractère raciste de la « loi sur l’inégalité des chances » et le fait que sa cible principale c’est les jeunes d’origine immigrée et ouvrière dans les banlieues.

Aujourd’hui la LCR travaille pour le prochain gouvernement PS-PC, mais en avril-mai 2002 elle avait utilisé son influence dans les manifestations massives et multiethniques de la jeunesse anti-Le Pen pour appeler à voter pour Chirac. Ils portent ainsi leur part de responsabilité pour ce gouvernement de droite réactionnaire. LO s’était opposée au vote Chirac, mais leur soutien à la loi raciste contre le foulard et l’économisme étroit de leur intervention dans la classe ouvrière facilite les attaques de Chirac, de Villepin et Sarkozy. Ces organisations réformistes ne peuvent pas lutter contre l’oppression raciste, et encore moins mener la classe ouvrière à son émancipation sociale, parce que toute leur perspective est basée sur la collaboration de classes.

Un parti ouvrier révolutionnaire combattrait une telle collaboration de classes. Une direction révolutionnaire des syndicats chercherait à mobiliser la classe ouvrière de ce pays contre le CPE et la répression policière contre les manifestants. La classe ouvrière est la source de tous les profits que s’approprie pour elle-même la classe capitaliste, et quand les ouvriers arrêtent le travail et se mettent en grève ils ont la puissance d’arrêter la production et d’arrêter le flot des profits. A travers les luttes de classe défensives en Europe de l’Ouest et dans d’autres parties du monde, la classe ouvrière doit à nouveau comprendre et faire sien le marxisme, qui est la théorie du socialisme scientifique et de la révolution prolétarienne. Nous luttons pour construire des partis ouvriers révolutionnaires internationaux pour diriger les travailleurs à de nouvelles révolutions victorieuses, comme en octobre 1917 en Russie.