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Supplément au Bolchévik nº 173

5 novembre 2005

Libération immédiate de tous les jeunes emprisonnés !

Les flics racistes provoquent une révolte massive des jeunes d’origine immigrée

5 novembre – Le 27 octobre à Clichy-sous-Bois, près de Paris, deux jeunes d’origine africaine, Ziad Benna et Bouna Traoré, ont été tués dans un transformateur électrique où ils cherchaient refuge contre une rafle policière. Depuis plus d’une semaine les cités et les quartiers immigrés sont en feu. Des milliers de voitures, des entrepôts et des magasins ont brûlé. Cette agitation sans précédent continue de s’étendre dans toute la France. Le gouvernement, quant à lui, continue à attiser la colère en envoyant des milliers de CRS investir les quartiers pauvres. Des centaines de jeunes ont été arrêtés, plusieurs ont déjà été condamnés à des mois de prison ferme. Nous exigeons la libération immédiate de tous les jeunes emprisonnés et la levée de toutes les inculpations. A bas la terreur policière raciste contre les cités immigrées ! Nous nous opposons aussi à Vigipirate, un plan consistant à envoyer des patrouilles communes de la police et de l’armée dans les gares, les stations de métro et les aéroports, et qui est au « niveau rouge » depuis cinq mois maintenant.

L’explosion a commencé à Clichy-sous-Bois, une cité délabrée avec un taux de chômage officiel de 25 %, ce qui veut probablement dire plus de 50 % pour les jeunes. Pas étonnant que Clichy ait explosé. La bourgeoisie n’a pas grand-chose à offrir à ces jeunes à part des patrouilles de police, la prison et la mort – dans certaines prisons environ 80 % des prisonniers sont de culture musulmane, contre moins de 10 % dans la population. Une récente étude sociologique documente ce qu’on y appelle « l’apartheid scolaire », avec une ségrégation raciste qui est maintenant encore plus intense que dans le logement. Ce qui en résulte c’est que ces jeunes ont peu ou pas de perspective de finir l’école ou trouver un travail. Et cela va de mal en pis depuis 20 ans, sous des gouvernements de droite comme de « gauche ». Le racisme est inhérent au capitalisme, et en France il est également enraciné dans son passé colonial : la bourgeoisie française continue d’être rongée par le ressentiment contre sa défaite dans la lutte de libération algérienne il y a plus de 40 ans. Pour lutter efficacement contre le racisme il faut lutter pour renverser l’ensemble du système capitaliste.

Des émeutes comme celles-ci sont l’expression du désespoir de jeunes au chômage, si marginalisés qu’ils n’ont aucun pouvoir pour changer quoi que ce soit dans la société. Ces émeutes ont donné lieu à des attaques indiscriminées contre des individus qui ne faisaient que se trouver là au mauvais moment, et pour l’essentiel elles dévastent encore plus les quartiers où doivent vivre ces jeunes. Pourtant, malgré toute l’énergie dépensée et la dévastation infligée, ce genre d’explosion n’apporte en général aucun changement. C’est pourquoi il est tellement important que les travailleurs se battent pour améliorer les conditions de vie dans ces quartiers. La classe ouvrière est la force sociale qui a objectivement l’intérêt et le pouvoir de renverser tout ce système capitaliste d’exploitation, de racisme et de misère. Aulnay-sous-Bois est une autre ville du 9-3 qui était en pointe dans les émeutes récentes. A Aulnay il y a aussi une grosse usine Citroën où en mars des jeunes travailleurs, principalement d’origine immigrée d’Afrique du Nord et de l’Ouest, ont démarré une grève qui a gagné. Des dizaines de milliers de jeunes de la région ont des boulots sur l’aéroport voisin de Roissy, l’un des plus grands d’Europe. Il est possible de déchaîner la puissance de la classe ouvrière multiethnique de la zone, française et immigrée, pour lutter contre les terribles conditions de vie dans les cités et en défense des jeunes qui s’y révoltent. Mais pour cela ce qu’il faut c’est une lutte sans relâche contre la bureaucratie syndicale chauvine, qui met un frein aux luttes de la classe ouvrière et les trahit, car au fond elle partage les préoccupations de la bourgeoisie voulant que le capitalisme français soit plus « compétitif » contre ses rivaux internationaux.

L’attaque brutale du gouvernement contre toute une génération de jeunes a pour but d’attiser la division dans la classe ouvrière multiethnique du pays, dans un contexte d’attaques féroces contre l’ensemble du prolétariat et d’une résistance ouvrière croissante. Après que les marins de la SNCM ont perdu leur grève, poignardés dans le dos par la direction de la CGT (voir notre tract « Victoire à la grève de la SNCM et des dockers ! »), le gouvernement essaie de briser une grève des transports publics qui dure depuis un mois, avec un arrêt anti-grève du tribunal. Il y a un appel à la grève de tous les principaux syndicats de la SNCF qui commence le 21 novembre. C’est pourquoi il est d’autant plus urgent pour le mouvement ouvrier organisé de s’opposer à l’attaque raciste du gouvernement. C’est une question de vie ou de mort pour que la classe ouvrière soit unie et repousse les attaques contre son niveau de vie et les services publics. Comme nous le disions dans le dernier numéro du Bolchévik (septembre) :

« Une attaque contre un est une attaque contre tous. Le mouvement ouvrier tout entier […] doit se mobiliser en défense de ses frères de classe plus vulnérables, les travailleurs originaires d’Afrique du Nord et de l’Ouest notamment, qui forment une composante stratégique du prolétariat de ce pays, que ce soit dans le bâtiment, dans l’industrie automobile ou parmi les éboueurs de la ville de Paris. Il faudrait une campagne de syndicalisation des intérimaires, CDD et “contrat nouvelle embauche”. A bas Vigipirate ! A bas les expulsions racistes et les charters ! Pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici ! Troupes françaises, hors d’Afrique ! »

Police de proximité ou CRS : chiens de garde de l’ordre bourgeois

Mais les bureaucrates syndicaux et les partis réformistes ont honteusement refusé de protester contre l’attaque raciste du gouvernement à Clichy-sous-Bois et dans d’autres quartiers. Ils se plaignent surtout de Sarkozy, le ministre de la police, comme d’un cinglé qui poursuit seulement sa carrière présidentielle. Ils donnent ainsi un soutien par la bande à son rival, le Premier ministre de Villepin qui est fortement pro-Chirac, et qui a même augmenté le niveau de répression policière depuis qu’il a repris le dossier après les premiers jours d’émeute. Les réformistes critiquent fortement Sarkozy pour avoir envoyé les CRS dans des opérations coup-de-poing contre les ghettos où vivent les minorités. Au lieu des raids de Sarkozy ils préconisent la soi-disant bonne vieille « police de proximité », mise en place par l’ex-gouvernement de front populaire de Jospin et Buffet, actuellement dirigeante du Parti communiste (PCF) ; le PCF et Lutte ouvrière ont même attaqué Sarkozy pour avoir réduit les effectifs policiers travaillant au quotidien dans les cités. Ainsi LO écrit (Lutte Ouvrière, 8 juillet) :

« En contradiction complète avec ses promesses, le ministre Sarkozy a mené dans son domaine la même politique que ses collègues : tours de passe-passe sur les effectifs pour cacher leur baisse, fermetures de postes de police, budgets non pourvus. »

La « police de proximité » était un concept favori de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la police dans le gouvernement Jospin, et qui est encore partout détesté par les sans-papiers et par les jeunes des banlieues qu’il aimait appeler « sauvageons ». C’est lui qui a mis en place de nouvelles lois pour poursuivre en justice quiconque aiderait des travailleurs sans-papiers. Le fait que le PS et le PCF veuillent en revenir à la « police de proximité » de Jospin et Chevènement est un présage funeste pour les immigrés et les jeunes. C’était les flics de Jospin qui ont tué Habib Ould Mohamed à Toulouse en 1998, provoquant une émeute pendant trois jours entiers dans le quartier du Mirail ; cette émeute a été étouffée par une mobilisation massive des CRS exactement comme le font maintenant Sarkozy et de Villepin. A nouveau en avril 2000, une patrouille de proximité a tué Ryad Hamlaoui près de Lille, provoquant une nouvelle vague de protestations.

Le PCF a fait une déclaration spéciale sur Clichy, dans laquelle il demande de : « Mettre la police au service de toute la nation, ce qui implique : démocratisation, formation, proximité, moyens adaptés » (l’Humanité, 4 novembre). L’éditorial de LO sur Clichy mentionne l’immigration ou le racisme une seule fois, et ceci pour mettre en garde que la démagogie de Sarkozy « encourage les attitudes les plus répressives de la police et le racisme de nombre de ses éléments » (Lutte Ouvrière, 4 novembre). Comme si avec un autre ministre des flics, ou si on se débarrassait de quelques mauvais éléments dans la police, on pouvait avoir une « bonne » police républicaine. Tous ces réformistes essaient de réhabiliter la police aux yeux des jeunes opprimés, alimentant ainsi des illusions mortelles dans la République bourgeoise. On ne peut pas réformer la police pour qu’elle serve la population. Ce qui distingue les réformistes des révolutionnaires c’est que les réformistes répandent le mensonge qu’on peut la réformer. Comme les autres bandes d’hommes armés qui constituent le noyau de l’Etat (les gardiens de prison, l’armée), les flics ont pour fonction de protéger la propriété privée des moyens de production dans les mains des capitalistes. Ils ont un monopole légal sur les armes afin de maintenir le système capitaliste : ils sont les chiens de garde de la bourgeoisie, et non des « travailleurs en uniforme » : Police, gardiens de prison, hors des syndicats !

PCF, LCR, etc. magouillent pour un nouveau « front populaire »

Dans sa déclaration le PC accuse Sarkozy : « Le gouvernement se montre incapable de garantir l’ordre public » (l’Humanité, ibid.) Le PS et le PC utilisent les émeutes actuelles pour redorer leur blason bien terni, et pour se présenter comme ceux qui sont capables de maintenir l’ordre dans les quartiers immigrés, et que la bourgeoisie peut donc leur faire confiance pour faire tourner l’Etat bourgeois avec moins d’à-coups.

Au fond la question pour le PC c’est de mettre en avant une nouvelle coalition, comprenant des partis bourgeois comme les Verts, les chevènementistes et les Radicaux de gauche, pour gagner les élections de 2007. Et la LCR ainsi que LO (bien que de façon moins directe) les aident. La « gauche », comprenant le PC et les pseudo-trotskystes de la LCR et de LO, partagent une tribune le 8 novembre à Paris avec deux petits partis bourgeois pro-chevènementistes, le MARS et le MRC, soi-disant contre la privatisation d’EDF. Ainsi la LCR et LO nourrissent les illusions que l’on pourrait combattre l’assaut capitaliste en faisant l’unité avec des partis capitalistes !

A bas Vigipirate et la campagne raciste « contre le terrorisme » !

Début octobre à l’aéroport de Roissy, les bagagistes sont partis en grève pour l’embauche des CDD et pour les salaires (suite à la privatisation d’Air France sous le gouvernement précédent de Jospin/Buffet). La grève a été brisée par le gouvernement qui a utilisé Vigipirate et une soi-disant menace terroriste si les bagages n’étaient pas triés. Cela montre de façon très concrète ce que nous disons depuis des années : Vigipirate vise tous les immigrés, tous les jeunes d’origine immigrée et la classe ouvrière dans son ensemble. Il pourrait de nouveau être utilisé dans les semaines qui viennent si une grande grève démarre à la SNCF.

LO a refusé depuis le premier jour de s’opposer à Vigipirate, et cela va de pair avec leur rôle dirigeant dans la campagne pour exclure des écoles les jeunes femmes portant le foulard islamique. En France l’islam est une religion des opprimés et des cités ghettos. Le foulard représente un programme social réactionnaire qui confine les femmes à la maison dans un état de servitude. Mais renvoyer du lycée des filles musulmanes ne peut que renforcer leur isolement et leur oppression ; et cela alimente le racisme contre tous les immigrés. Nous nous opposons à ces campagnes racistes et nous défendons les jeunes femmes qui portent le foulard contre l’Etat bourgeois. LO au contraire a salué la loi Chirac qui interdisait le foulard, une loi raciste qui fait partie intégrante du harcèlement quotidien contre les musulmans, et Arlette Laguiller a même manifesté le 6 mars 2004 bras dessus, bras dessous avec Nicole Guedj (UMP), alors secrétaire d’Etat à la construction des prisons.

Il est vrai que LO se mobilise pour les sans-papiers, tout comme de nombreux libéraux bourgeois qui croient que la République française doit être capable d’intégrer ces immigrés qui souvent sont en France depuis des années et ont fondé une famille ici. Cependant le racisme contre les jeunes des cités va très profond, jusqu’au cœur de ce qu’est le capitalisme français, et divise profondément la classe ouvrière dans ce pays. LO évacue consciemment la question, parlant seulement des « quartiers populaires » et évitant la question de l’oppression raciale. Ce qu’il faut c’est forger l’unité révolutionnaire de la classe ouvrière, en commençant par des mobilisations ouvrières contre la terreur policière raciste. Nous luttons pour construire un parti ouvrier révolutionnaire multiethnique, déterminé à diriger le prolétariat de ce pays vers une révolution socialiste.