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Le Bolchévik nº 219 |
Mars 2017 |
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Lettre : Sur le protectionnisme dans les pays dépendants
Le 7 février 2017
Chers camarades,
Nous écrivons dans notre article « Mexique : Manifs de masse contre la hausse de l’essence », paru dans Workers Vanguard n° 1104 du 27 janvier [voir page 19] : « Nous, trotskystes, ne tirons pas un trait d’égalité entre le protectionnisme dans les pays néocoloniaux, où il représente une mesure d’autodéfense nationale, et le protectionnisme des impérialistes, qui attise le chauvinisme et vise à renforcer la domination d’une ou l’autre bourgeoisie impérialiste. » Cette ligne est correcte pour ce qui est de notre attitude envers le protectionnisme des impérialistes. Elle ne l’est cependant pas toujours s’agissant des pays néocoloniaux. Dans les pays néocoloniaux, le protectionnisme peut être adopté comme une mesure d’autodéfense nationale, mais aussi pour soumettre ou dominer d’autres pays néocoloniaux et, tout comme dans le cas des impérialistes, encourager le chauvinisme et soutenir les maîtres impérialistes.
Le Zimbabwe a par exemple décidé en juin 2016 d’interdire certaines importations, essentiellement des biens de consommation en provenance d’Afrique du Sud, de Zambie et du Botswana. Le régime de Robert Mugabe a justifié cette décision par la nécessité vitale de réanimer l’industrie locale. Tout en reconnaissant les déboires économiques du Zimbabwe, le gouvernement de l’Alliance tripartite dirigé par l’ANC a déclaré que le Zimbabwe ne peut pas réanimer son industrie aux dépens de l’Afrique du Sud. Dans ce but, le gouvernement sud-africain a envoyé des ultimatums et a menacé de prendre des mesures de rétorsion sous prétexte que l’interdiction violait le traité de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe). Cette dispute a provoqué de grandes manifestations des deux côtés du poste frontière de Beitbridge [entre l’Afrique du Sud et le Zimbabwe]. Les manifestants zimbabwéens craignaient surtout une pénurie de biens de consommation à cause de l’inévitable augmentation des prix que cela allait provoquer, tandis que les manifestants sud-africains étaient surtout des commerçants qui craignaient de perdre leur activité.
Certains médias sud-africains ont dépeint Mugabe et ses acolytes comme des égoïstes déconnectés de la réalité et déterminés à perpétuer à tout prix la misère des Zimbabwéens. Ils faisaient l’amalgame entre les authentiques préoccupations des Zimbabwéens et les intérêts économiques de la bourgeoisie et des petits commerçants sud-africains qui manifestement privilégient le statu quo. La bourgeoisie sud-africaine veut lever cette interdiction pour consolider sa domination économique tandis que le Zimbabwe, en interdisant ces produits (essentiellement agroalimentaires), cherche à remettre sur pied une industrie nationale vitale, ce que les Randlords [la bourgeoisie sud-africaine] font tout pour empêcher. Le fait que la bourgeoisie sud-africaine profite de l’état désastreux de l’économie zimbabwéenne a à peine été mentionné alors que cela crève les yeux. Les produits de consommation sud-africains, y compris les fruits et légumes en conserve, représentent un énorme marché au Zimbabwe.
Les immigrés zimbabwéens ayant un statut légal précaire, ils forment une main-d’uvre à bon marché qui représente une aubaine pour la bourgeoisie sud-africaine. Dans l’agriculture, le bâtiment et les services, ces travailleurs sont abominablement maltraités. Quant à la COSATU [confédération syndicale] et aux autres syndicats, ils ne cherchent absolument pas à les syndiquer. Le gouvernement de l’Alliance tripartite dirigé par l’ANC a annoncé récemment qu’il allait infliger de lourdes amendes aux entreprises qui embauchent des Zimbabwéens au lieu de Sud-Africains. Cette décision, qui va certainement encourager les pogroms contre les immigrés ou les étrangers, a manifestement pour but de tarir les transferts d’argent envoyés par les travailleurs immigrés, qui sont vitaux pour l’économie zimbabwéenne.
Il y a une autre faiblesse avec notre formulation : elle ne tient pas compte de notre attitude concernant le protectionnisme dans les pays néocoloniaux contre des Etats ouvriers déformés, notamment la Chine. Il y a déjà le fait que, en raison de la chute des prix mondiaux de l’acier ces deux dernières années, la bourgeoisie et le NUMSA [le syndicat de la métallurgie] réclament des barrières douanières contre les importations d’acier chinois. Il va sans dire que cela colle parfaitement avec la campagne impérialiste agressive et à peine voilée pour diaboliser la Chine en mer de Chine du Sud, une campagne qui vise à rien moins que la contre-révolution dans les Etats ouvriers déformés restants.
Votre camarade, Kgori
Traduit de Workers Vanguard n° 1106, 24 février
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