|
|
Le Bolchévik nº 199 |
Mars 2012 |
|
|
Attaques antisyndicales en Tunisie Islamistes, gouvernement, bas les pattes devant l’UGTT !
4 mars Le soi-disant « printemps arabe » chanté par les sociaux-démocrates est en train de tourner au cauchemar pour les travailleurs, et notamment pour les travailleurs tunisiens qui avaient été à l’avant-garde de la lutte il y a un an pour renverser la dictature policière de Ben Ali. Alors que la crise économique continue de s’aggraver, les travailleurs tunisiens luttent pour défendre leurs maigres acquis contre les capitalistes tunisiens et impérialistes qui cherchent à profiter de la récession pour multiplier leurs attaques. Une importante grève de quatre jours des travailleurs municipaux, et notamment des éboueurs, à partir du 20 février, a ainsi fait l’objet d’attaques conjointes des nervis islamistes et des flics. Les locaux de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) sont attaqués, non seulement en province mais y compris le siège de l’UGTT à Tunis. Le mausolée de Ferhat Hached, fondateur de l’UGTT et héros de la lutte pour l’indépendance assassiné par le pouvoir colonial français en 1952, a été profané en face du poste de police de la Kasbah. Une grande manifestation appelée par l’UGTT le 25 février contre ces attaques antisyndicales s’est elle-même terminée par une sanglante répression policière (l’Humanité, 27 février). A bas les attaques contre l’UGTT ! Victoire aux éboueurs ! Pour des groupes de défense ouvriers pour repousser les attaques des nervis islamistes contre les militants syndicaux, les femmes dévoilées !
Un an après le soulèvement contre Ben Ali, il faut tirer les leçons politiques qui s’imposent pour pouvoir aller de l’avant. La montée de l’islamisme dans toute la région, les menaces contre les femmes, mais aussi la persistance de l’assujettissement à l’impérialisme, l’appauvrissement des paysans et des travailleurs et l’aggravation du chômage, tout cela montre que les aspirations des masses tunisiennes à la démocratie, à l’émancipation des femmes et à l’éradication de la pauvreté urbaine et rurale, ne peuvent pas trouver de réponse sans le renversement de l’ordre capitaliste et sans un gouvernement ouvrier et paysan. La classe ouvrière est la seule classe qui ait la puissance sociale nécessaire pour renverser le capitalisme et instaurer son propre Etat en opposition à la bourgeoisie et ses islamistes.
C’est le programme trotskyste de la révolution permanente, dont la justesse avait été spectaculairement démontrée par la Révolution russe d’octobre 1917 qui avait mis la classe ouvrière au pouvoir pour la première fois. Les travailleurs doivent prendre le pouvoir à Tunis, au Caire et ailleurs et étendre la révolution aux métropoles impérialistes, notamment à Paris. Il faut, pour cela, construire des partis ouvriers révolutionnaires qui feront le lien entre la lutte pour des fédérations socialistes de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient et le combat pour la révolution prolétarienne dans les métropoles impérialistes.
Dans cette perspective, nous disions en février de l’année dernière que la classe ouvrière tunisienne avait besoin de ses propres organes de pouvoir : comités de grève, comités d’usine et, finalement, soviets. Cet appel était en contradiction avec la perspective de toute la gauche, y compris le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, d’origine maoïste), de canaliser le soulèvement dans le cadre de la démocratie bourgeoise vers l’élection d’une assemblée constituante, un organe parlementaire bourgeois avec les résultats qu’on sait (voir aussi à propos du mot d’ordre de l’assemblée constituante notre article sur l’Egypte dans ce numéro).
Les islamistes ont aujourd’hui l’audace de s’attaquer ouvertement à un syndicat comme l’UGTT qui a joué un rôle clé dans la chute du régime de Ben Ali. Mais notre solidarité avec les travailleurs tunisiens nous oblige aussi à rappeler que dès le mois de mars de l’année dernière, le Bolchévik s’indignait que l’UGTT eût rejoint le « Conseil national pour la sauvegarde de la révolution ». Ce conseil était une instance nationaliste de collaboration de classes entre des réformistes et des formations bourgeoises y compris Ennahdha, un parti islamiste réactionnaire. Les petites organisations réformistes de gauche de la classe ouvrière tunisienne (PCOT et Ligue de la gauche ouvrière LGO associée au NPA d’Olivier Besancenot en France) avaient également pris part à ce bloc. Nous disions : « En enchaînant ainsi les travailleurs à leur ennemi de classe, les bureaucrates syndicaux et les réformistes pavent la voie à une défaite sanglante pour les travailleurs et les opprimés. Il faut rompre avec la collaboration de classes ! » (le Bolchévik n° 195, mars 2011)
UGTT, PCOT, LGO ont ainsi fabriqué un pedigree soi-disant révolutionnaire aux islamistes alors que ceux-ci, qui n’avaient joué aucun rôle dans le soulèvement contre Ben Ali, ne dissimulaient guère leurs visées réactionnaires notamment contre les droits des femmes ni le soutien que leur prodiguaient les impérialistes dans la perspective de rétablir l’ordre capitaliste. Ce frauduleux certificat de bonne conduite « révolutionnaire » octroyé par la gauche à Ennahdha a grandement servi aux islamistes pour remporter les élections quelques mois plus tard, au milieu d’une abstention massive.
Aujourd’hui Walid Bennani, un porte-parole d’Ennahdha, se permet même de traiter les ouvriers en lutte de « forces antirévolutionnaires qui essaient de faire en sorte que les difficultés perdurent » (la Presse de Tunisie.tn, 27 février). Mais les bureaucrates n’ont rien appris de leurs précédentes trahisons, car ils sont incapables d’envisager toute autre perspective que le cadre capitaliste oppresseur (d’ailleurs la direction de l’UGTT avait été benaliste pratiquement jusqu’à la fin) ; ainsi Sami Tahri, porte-parole de l’UGTT, déclarait que « l’intérêt supérieur du pays impose à Ennahdha et à l’Ugtt de coopérer et de travailler ensemble. Nous sommes obligés en tant que syndicalistes d’avoir un partenaire avec lequel nous allons négocier, d’autant plus que l’étape nous commande de nous pencher sur les problèmes, tels que l’emploi, le développement, la hausse vertigineuse des prix, etc. » (ibid.) En abdiquant ainsi l’indépendance politique de la classe ouvrière, les bureaucrates syndicaux et les organisations réformistes mènent les femmes tunisiennes et les travailleurs droit à une catastrophe. Il faut lutter dans les syndicats pour remplacer les bureaucrates traîtres par une direction révolutionnaire !
La solidarité de classe en France avec les travailleurs tunisiens exige de lutter de même pour l’indépendance de classe face aux partis capitalistes et leurs agents réformistes dans le mouvement ouvrier, et de lutter pour le renversement de l’ordre capitaliste et impérialiste en France, qui parraine le nouveau régime islamique « de coalition » du Palais de Carthage. Les millions de personnes en France d’origine maghrébine, concentrées dans le prolétariat et les couches les plus opprimées de la population, forment un lien vivant pour la révolution socialiste entre les pays d’Afrique du Nord et la France. Une révolution prolétarienne en Tunisie aurait immédiatement un impact gigantesque en France et vice-versa. Nous luttons pour forger des partis révolutionnaires internationalistes pour mener la classe ouvrière au pouvoir des deux côtés de la Méditerranée. A bas les attaques des islamistes et du gouvernement contre l’UGTT ! Pour la révolution permanente dans toute l’Afrique du Nord !
|
|
|
|
|