Documents in: Bahasa Indonesia Deutsch Español Français Italiano Japanese Polski Português Russian Chinese Tagalog
International Communist League
Home Spartacist, theoretical and documentary repository of the ICL, incorporating Women & Revolution Workers Vanguard, biweekly organ of the Spartacist League/U.S. Periodicals and directory of the sections of the ICL ICL Declaration of Principles in multiple languages Other literature of the ICL ICL events

Abonnez-vous au Bolchévik, journal de la Ligue trotskyste de France

Archives

Version imprimable de cet article

Le Bolchévik nº 184

Juin 2008

Pour un gouvernement ouvrier centré sur les Noirs !

L’ANC de Zuma : un nouvel emballage pour l’esclavage capitaliste

Rompez avec le front populaire nationaliste ANC/SACP/COSATU !

Johannesburg, mars 2008 – Alors que cela fera bientôt 100 jours qu’il est devenu le nouveau dirigeant du Congrès national africain (ANC), Jacob Zuma travaille à consolider sa position de successeur présomptif de Thabo Mbeki comme président de l’Afrique du Sud. En décembre dernier, Zuma l’a largement emporté contre Mbeki lors du 52e Congrès national de l’ANC, à Polokwane, avec le soutien du Parti communiste sud-africain (SACP), de la direction du Congrès des syndicats sud-africains (COSATU) et de l’organisation de jeunesse de l’ANC. Il a été élu à bulletins secrets par l’un des congrès de l’ANC les plus divisés depuis 1958 où une fraction avait rompu avec le parti pour former le Pan Africanist Congress. Les six postes de direction les plus importants de l’ANC ont été raflés par des partisans de Zuma, dont le secrétaire national du SACP Gwede Mantashe.

Ceux qui, dans la gauche, prennent fait et cause pour Zuma, le présentent comme un allié des syndicats et proche des masses noires, alors que Mbeki est dépeint comme un instrument du grand patronat. Parmi les plus de 4 000 délégués présents à Polokwane, les partisans de Zuma accusaient Mbeki de concentrer le pouvoir autour de sa présidence et de s’être aliéné les militants de l’ANC, alors que Zuma était vu comme plus accessible et disposé à écouter le SACP et le COSATU, les partenaires de l’ANC au sein de l’Alliance tripartite au pouvoir. En fait, ces deux politiciens bourgeois sont déterminés à préserver le régime capitaliste de néo-apartheid.

L’élection de Zuma était le reflet déformé de la colère qui monte à la base de la société, du fait que 13 ans de régime de néo-apartheid ont bénéficié aux capitalistes blancs et à une nouvelle élite noire, qu’on appelle « ceux qui passent à la soupe » ou les « grosses légumes », aux dépens des masses pauvres. Nous appelons néo-apartheid cette situation où la ségrégation raciste rigide et l’asservissement inscrits dans la loi qui définissaient l’apartheid n’existent plus, mais où, derrière les mots creux de l’Alliance tripartite sur la « libération » et derrière l’habillage démocratique du « un homme, une voix », les fondements économiques et sociaux de la domination blanche, basée sur la surexploitation d’une main-d’œuvre essentiellement noire, demeurent intacts.

Dans la « coalition » rassemblée derrière Zuma figurent des hommes d’affaires noirs connus, et une aile de la classe capitaliste qui espère que la popularité de Zuma auprès des déshérités le rendra mieux à même de contenir leur colère dans cette société extrêmement instable. Une grande partie de la population noire se sent à juste titre flouée parce que, si l’apartheid a disparu, l’espoir d’instaurer l’égalité raciale et sociale n’a pas été satisfait. L’année dernière, sous le titre « La bombe à retardement sud-africaine », l’hebdomadaire Mail & Guardian (6 juillet 2007) observait, peu avant l’ouverture du 12e Congrès national du SACP : « C’est le milieu de l’hiver. Un vent de colère souffle sur le fossé entre riches et pauvres en Afrique du Sud. L’absence de résultats tangibles alimente des actions de protestation violentes dans des townships lugubres. La pauvreté fait monter la criminalité à des niveaux jamais atteints. Les travailleurs veulent leur part de profits qui explosent. »

Le gouvernement de l’Alliance mène aujourd’hui une répression constante contre ceux qui protestent contre les expulsions et qui réclament un logement simplement décent et un service d’eau et d’électricité. La crise actuelle de l’électricité conduit la société d’énergie Eskom à pratiquer périodiquement des coupures non seulement dans les villes et les townships, mais aussi dans les mines de platine et d’or et dans d’autres entreprises capitalistes vitales. Des milliers de mineurs risquent d’être licenciés car les patrons menacent de fermer les mines les moins productives.

En juin 2005, Mbeki avait limogé Zuma de son poste de vice-président, officiellement pour corruption. Nous notions alors que « les directions du SACP et du COSATU ont cherché à détourner la colère qui monte au sein de la classe ouvrière et des pauvres des townships contre le gouvernement vers le soutien au “camp” Zuma dans l’ANC » (« Révolution permanente contre trahison stalinienne “par étapes” », Workers Vanguard n° 875, 1er septembre 2006 ; reproduit dans Spartacist South Africa n° 5, printemps 2007). Nous, révolutionnaires trotskystes, sommes par principe opposés à l’Alliance tripartite, un front populaire nationaliste qui subordonne les intérêts des exploités et des opprimés à la classe dirigeante capitaliste. C’est un gouvernement bourgeois qui joue le rôle de comité exécutif gérant les affaires de la classe capitaliste tout entière. Nous n’accordons aucun soutien politique à aucun politicien bourgeois, que ce soit Zuma, Mbeki ou Nelson Mandela. Et nous ne nous présentons pas non plus aux élections pour les postes exécutifs de l’Etat capitaliste, comme maire ou président. Depuis le niveau local jusqu’à celui du gouvernement national, de tels postes sont responsables du commandement des détachements d’hommes armés – la police, les gardiens de prison et l’armée – qui constituent le cœur de l’Etat capitaliste.

Spartacist South Africa, section de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste) [LCI], lutte pour arracher le prolétariat et les masses opprimées à l’Alliance tripartite et à toutes les formes de collaboration de classes. Nous luttons pour construire un parti ouvrier léniniste-trotskyste sur la base de l’indépendance de classe du prolétariat. Conformément à la théorie de la révolution permanente de Léon Trotsky, nous disons que la libération des exploités et des opprimés nécessite une révolution prolétarienne pour renverser le capitalisme de néo-apartheid et instaurer un gouvernement ouvrier centré sur les Noirs qui expropriera la classe capitaliste et luttera pour étendre le pouvoir ouvrier au niveau international, en particulier aux centres impérialistes de l’Europe de l’Ouest, de l’Amérique du Nord et du Japon.

Le SACP : un parti ouvrier bourgeois

Opposé à la lutte pour la révolution socialiste, le SACP déclare que « l’Etat démocratique de l’après-1994 n’est pas intrinsèquement capitaliste, il est, en fait, une réalité de classe âprement contestée » (Bua Komanisi !, édition spéciale, mai 2006). Ce galimatias est la négation complète des enseignements de Karl Marx, de Friedrich Engels et de V.I. Lénine, qui argumentaient sans relâche qu’il n’existe pas de « démocratie » neutre du point de vue des classes, et qui combattaient les illusions que l’Etat pourrait concilier les intérêts de classe opposés de la bourgeoisie et du prolétariat. Tout Etat est un appareil de répression qui protège les intérêts sociaux et les formes de propriété de la classe dominante. Résumant les leçons de la Commune de Paris de 1871, Marx et Engels déclaraient : « la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte » (préface à l’édition allemande de 1872 du Manifeste du Parti communiste). Le prolétariat ne pourra s’émanciper qu’avec une révolution socialiste qui brisera l’Etat capitaliste et créera un Etat ouvrier – la dictature du prolétariat.

Comme sous l’apartheid, le rôle de l’Etat capitaliste dans la « nouvelle » Afrique du Sud « démocratique » est de défendre le pouvoir et les profits des « randlords » [magnats de l’industrie minière] – et les intérêts de leurs partenaires et patrons à Wall Street et dans la City de Londres – contre les travailleurs opprimés noirs, métis et indiens. La division raciste fondamentale entre la minorité blanche privilégiée, qui vit dans les conditions du « premier monde », et la masse de la population noire, qui vit la pauvreté du tiers-monde, existe toujours. Pour justifier son régime, l’Alliance tripartite promeut l’idéologie du nationalisme – l’idée fausse que les Africains noirs, brutalement opprimés par le pouvoir blanc, ont tous un intérêt commun qui transcende les divisions de classes. Le SACP emballe cette politique de collaboration de classes sous l’étiquette de la « révolution nationale démocratique », une version du programme menchévique-stalinien de « révolution par étapes ».

La fausse conscience du nationalisme, maintenant renforcée avec le remplacement de l’arrogant technocrate Mbeki par le populiste Zuma, est le ciment qui lie l’Alliance tripartite, et le plus grand obstacle pour gagner des ouvriers avancés à une vision marxiste. Un exemple d’une éclatante clarté est l’idée colportée par les dirigeants du SACP et du COSATU, ainsi que par d’autres réformistes, que dans l’Afrique du Sud de l’après-apartheid les policiers noirs seraient les amis des travailleurs. Cette illusion est renforcée par le fait que certains des flics de la « nouvelle » Afrique du Sud avaient porté les armes dans la lutte de l’ANC contre l’apartheid. Sous l’apartheid, les flics noirs étaient haïs parce qu’ils étaient considérés, à juste titre, comme au service des intérêts de l’oppresseur. Mais maintenant, la ligne de l’ANC et des réformistes qui le soutiennent est que cet Etat, avec son gouvernement « démocratique » de la majorité noire, est au service des masses. Donc un flic blanc est peut-être toujours un Boer raciste, mais un flic noir est un « camarade ». Pourtant, ils font la même chose : ils brisent des grèves et tirent des balles en caoutchouc sur les habitants des townships et les étudiants qui manifestent. Les policiers sont payés pour maintenir le pouvoir capitaliste raciste. En Afrique du Sud comme ailleurs, la LCI exige : flics, hors du mouvement ouvrier !

Le SACP, un parti réformiste avec derrière lui des dizaines d’années d’une collaboration de classes profondément enracinée, est un obstacle à la lutte pour forger une direction révolutionnaire du prolétariat et des masses opprimées. C’est ce que Lénine appelait un parti ouvrier bourgeois, avec une base ouvrière et une direction et un programme procapitalistes. Il y a de plus en plus de colère, de mécontentement et d’agitation à la base du SACP. Un parti ouvrier révolutionnaire se construira à travers une bataille politique contre le SACP et d’autres groupes réformistes, dont il faut arracher les meilleurs éléments à leur direction collaborationniste de classes pour les gagner au programme trotskyste.

Les directions du SACP et du COSATU : les lieutenants ouvriers du capitalisme

En vertu de son rôle dans la production, seul le prolétariat a la capacité de refuser de fournir sa force de travail et ainsi de fermer le robinet du profit capitaliste. Ceci lui donne le potentiel d’entraîner derrière lui tous les opprimés pour briser le système d’exploitation capitaliste, s’emparer des moyens de production et construire une économie collectivisée. La direction du SACP, qui se confond largement avec la bureaucratie du COSATU, rend à la bourgeoisie des services qui ne se limitent pas simplement au niveau électoral. Elle a puissamment contribué à contenir les luttes ouvrières, tout en fournissant des ministres et des premiers ministres de provinces dans les gouvernements dirigés par l’ANC et son appareil répressif.

La loyauté du SACP envers l’ordre bourgeois s’est manifestée clairement en 1990 pendant la grève de Mercedes-Benz Afrique du Sud à East London qui s’inscrivait dans une éruption massive de combativité ouvrière pendant les années du déclin de l’apartheid. Les ouvriers qui occupaient cette usine avaient hissé, sur les mâts de l’usine, les drapeaux de l’ANC et du SACP, autorisés depuis peu alors qu’avaient lieu les négociations sur le « partage du pouvoir » avec les dirigeants de l’apartheid. Frappé d’horreur par cette démonstration de la puissance sociale des ouvriers, le dirigeant du SACP, feu Joe Slovo, et celui du National Union of Metal Workers of South Africa (NUMSA – syndicat national sud-africain de la métallurgie), Moses Mayekiso, furent amenés sur place en avion, à la demande de la société, pour faire reprendre le travail aux grévistes. Comme nous l’écrivions dans « L’Afrique du Sud et la révolution permanente » (voir le Bolchévik n° 107 et n° 108, janvier et février 1991), le SACP, employant son capital de réputation de combativité dans la lutte contre l’apartheid, « est le véhicule par lequel les dirigeants sud-africains cherchent à dompter les combatifs syndicats noirs et à les amener à participer activement à la construction de l’Etat capitaliste de l’“après-apartheid” ».

Quelques années plus tard, le gouvernement Mandela entreprenait de mettre fin à une vague de grèves menée par des ouvriers majoritairement noirs, dont les espoirs avaient été aiguisés par le démantèlement de l’apartheid. C’était la période du « Programme de reconstruction et de développement » (RDP), élaboré par le COSATU, que le SACP, conformément à sa mythologie d’une « révolution nationale démocratique », dépeint comme un âge d’or. La politique prétendument « pro-ouvrière » du RDP aurait soi-disant été abandonnée lors de la mise en place, en 1996, du programme « Croissance, emploi et redistribution » (GEAR). Le SACP brandit le RDP comme une « preuve » qu’on peut faire pression sur un gouvernement dirigé par l’ANC pour qu’il serve les intérêts de la classe ouvrière. Il faut pour cela commencer par nier, de façon mensongère, le caractère de classe de l’Alliance tripartite : un gouvernement bourgeois qui sert les intérêts des capitalistes. Ce même conte de fées est colporté par des réformistes comme ceux du Democratic Socialist Movement [membre de la même tendance internationale qu’en France la Gauche révolutionnaire] qui prétendent qu’avant l’introduction de GEAR, l’ANC aurait pu être gagné au socialisme !

Comme nous le notions à l’époque dans notre presse, les promesses de réformes du RDP étaient une arnaque complète (« Le régime de Mandela s’attaque aux travailleurs noirs », voir le Bolchévik n° 137, mars-avril 1996). La période prétendument progressiste du RDP coïncidait largement avec le premier régime de l’après-apartheid, le « Gouvernement d’unité nationale », une coalition entre l’Alliance tripartite et le Parti nationaliste blanc de F.W. De Klerk. C’était dans ce contexte qu’en 1995 les flics avaient tiré contre une grève combative des employés municipaux, et qu’avait eu lieu une grève nationale des infirmières. Quand les infirmières dénoncèrent en Mandela « le conducteur du train des nantis », un certain nombre de bureaucrates du SACP et du COSATU dénoncèrent leur grève comme « contre-révolutionnaire ». Cette grève fut brisée, et 6 000 infirmières furent licenciées par le gouvernement de la province du Cap-Oriental, dirigé par feu Raymond Mhlaba, qui était alors secrétaire général du SACP ! Cela fut suivi, en 2000, par l’écrasement d’une grève sauvage à l’usine Volkswagen d’Uitenhage, près de Port Elizabeth. Après que Thabo Mbeki, devant le Parlement, avait dénoncé cette grève comme « illégale et injustifiée », le dirigeant du SACP Blade Nzimande qualifia son discours de « très unificateur ». La bureaucratie du NUMSA, dominée par le SACP, se mobilisa pour briser la grève. Plus de 1 300 ouvriers furent licenciés, et 200 flics armés occupèrent les townships voisins pour réprimer toute résistance.

La grève des services publics de l’an dernier a été trahie par les dirigeants du COSATU, qui ont refusé de mobiliser des syndicats comme ceux des mineurs et de la métallurgie qui avaient la puissance sociale nécessaire pour la gagner. Ce même SACP, qui prétendait soutenir la grève, a joué le rôle de briseur de grève via ses ministres dans le gouvernement : le ministre de la Sûreté et de la Sécurité, Charles Nqakula, a envoyé l’armée et les flics contre les grévistes, tandis que le ministre des Services de renseignements Ronnie Kasrils lançait ses espions contre le syndicat des enseignants.

Léon Trotsky, codirigeant au côté de V.I. Lénine de la Révolution d’octobre 1917, écrivait dans son essai inachevé de 1940 « Les syndicats à l’époque de la décadence impérialiste » : « Les syndicats de notre époque peuvent ou bien servir comme instruments secondaires du capitalisme impérialiste pour subordonner et discipliner les travailleurs et empêcher la révolution, ou bien au contraire devenir les instruments du mouvement révolutionnaire du prolétariat. » Il faut une nouvelle direction du mouvement syndical, une direction lutte de classe qui défende l’indépendance de la classe ouvrière vis-à-vis de l’Etat capitaliste. Forger une telle direction est inséparable de la lutte pour construire un parti ouvrier révolutionnaire, en arrachant le prolétariat à l’Alliance tripartite.

Le front populaire : non pas une tactique, mais le plus grand des crimes

Lors du congrès de Polokwane, des responsables nationaux du SACP ont accédé à des responsabilités de tout premier plan au sein de l’ANC. Ce sont là les fruits de l’appel maintes fois réitéré aux travailleurs pour qu’ils viennent « grossir les rangs de l’ANC » ; cet appel joue sur les illusions que la classe ouvrière pourrait accéder à « l’hégémonie » au sein de l’Alliance tripartite. Comme ils font partie intégrante du gouvernement dirigé par l’ANC, les dirigeants du SACP portent une responsabilité pour les attaques du gouvernement contre les travailleurs et les pauvres, ainsi que pour la négligence criminelle envers les séropositifs et les malades du sida.

L’alliance ANC/SACP/COSATU est un front populaire nationaliste, une formation bourgeoise. Comme nous l’écrivions dans la brochure spartaciste The Stalin School of Falsification Revisited [L’école stalinienne de falsification revisitée] : « Le front populaire n’est rien d’autre qu’une expression des théories et des pratiques de la collaboration de classes, un bloc d’organisations et de partis, représentant plusieurs classes sur la base d’un programme commun, la défense de la démocratie bourgeoise. » Dans le front populaire, les partis ouvriers réformistes acceptent les limites du programme de leur « allié » capitaliste. L’alliance du SACP/COSATU avec l’ANC signifie la subordination des intérêts indépendants du prolétariat à ceux du nationalisme bourgeois. L’Alliance tripartite enchaîne les travailleurs à leurs ennemis de classe : les capitalistes et les élites noires sont les cavaliers, et les travailleurs les chevaux. Et cela continuera sous Zuma.

En Russie, après la Révolution de février 1917 et l’effondrement du gouvernement du tsar, les réformistes menchéviques soutenaient le gouvernement provisoire libéral bourgeois, et plus tard y ont participé, formant un gouvernement de front populaire (même si le terme n’existait pas à l’époque). Lénine mena une lutte politique impitoyable contre les menchéviks et tous ceux qui, dans le Parti bolchévique, adoptaient une attitude conciliante envers eux. Cela fut crucial pour préparer les bolchéviks à diriger la révolution d’Octobre qui créa un Etat ouvrier. C’est dans cette période que Lénine convergea en termes de programme avec Trotsky, dont la perspective de révolution permanente affirmait que la Révolution russe ne pourrait être victorieuse qu’en tant que révolution prolétarienne, soutenue par la paysannerie pauvre et luttant pour son extension internationale. Bien que trahie et finalement vendue par la bureaucratie stalinienne, qui usurpa le pouvoir politique du prolétariat à partir de 1923-1924, la révolution d’Octobre offre des leçons cruciales pour la lutte pour la révolution prolétarienne en Afrique du Sud et au niveau international (voir la nouvelle brochure en anglais de la Ligue communiste internationale, « Le développement et l’extension de la théorie de la révolution permanente de Léon Trotsky »).

L’histoire de la lutte de la classe ouvrière internationale contre l’esclavage salarié capitaliste est jonchée de trahisons perpétrées par le stalinisme, dont le dogme antimarxiste du « socialisme dans un seul pays » a signifié la poursuite du rêve illusoire d’une « coexistence pacifique » avec l’impérialisme mondial et l’opposition à la lutte pour la révolution socialiste internationale. Dans bien des cas, les travailleurs ont payé de leur sang la politique traître de leurs dirigeants, par exemple lors de la Deuxième Révolution chinoise de 1925-1927 : le Comintern de Staline avait ordonné aux communistes chinois de se liquider dans le Guomindang (GMD), un parti nationaliste bourgeois, ce qui devait conduire à un massacre sanglant des communistes et des ouvriers combatifs par le GMD. En 1935, avec l’élaboration du « front populaire » lors du Septième (et dernier) Congrès du Comintern, les staliniens embrassaient explicitement et officiellement le programme de collaboration de classes avec les bourgeoisies « démocratiques ». Des trahisons front-populistes ont été perpétrées en France et en Espagne dans les années 1930, au Chili dans les années 1970 et ailleurs. A plusieurs reprises, des occasions de révolution ouvrière ont été gaspillées par les dirigeants traîtres staliniens. En 1936, Trotsky caractérisait le front populaire comme la « question principale de la stratégie de classe prolétarienne. Il fournit aussi le meilleur critère pour la différence entre bolchévisme et menchévisme » (« Le RSAP et la Quatrième Internationale »).

Us et abus des questions de race et de classe en Afrique du Sud

Le SACP utilise le fait qu’historiquement race et classe se recoupent en Afrique du Sud, pour justifier son alliance de collaboration de classes avec l’ANC ; cette alliance remonte à des décisions prises lors du Sixième Congrès de l’Internationale communiste stalinisée, en 1928. Ce phénomène provient du fait que la classe dirigeante de colons européens n’a pas permis le développement d’une classe de propriétaires africains noirs. Après la découverte de diamants et d’or dans la seconde moitié du XIXe siècle, la classe capitaliste a fait des profits fabuleux dans les mines et d’autres industries grâce à l’exploitation brutale des travailleurs noirs, métis et indiens.

Ce n’est que dans les années 1980, à l’apogée de la lutte anti-apartheid, particulièrement marquée par la combativité des travailleurs noirs, que la classe dirigeante blanche a compris l’importance de développer une petite-bourgeoisie noire comme tampon entre la majorité noire misérable et la minorité blanche privilégiée. Ceci a commencé à se mettre en place avant que ne se profilent les nouveaux privilégiés jouissant des faveurs de l’ANC, dans l’après-1994. L’aspiration d’une couche de Noirs à se faire intégrer dans la classe capitaliste blanche dominante était manifeste lors de la fondation en 1912 de l’ANC, dominée par des chefs tribaux, des avocats et autres représentants de l’élite noire.

La « Charte de la liberté » de l’ANC de 1955, que beaucoup de militants du SACP présentent comme un document « socialiste », ne fait aucunement référence au socialisme ou à la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Elle avançait des revendications démocratiques de base comme « un homme, une voix » et l’égalité devant la loi, et appelait à ce que les richesses minières du pays, les banques et les monopoles « soient transférés à la propriété du peuple tout entier ». Même si beaucoup de gens présentent cela comme une revendication de nationalisation de l’industrie et de la terre, c’était un mot d’ordre nationaliste-populiste qui n’avait rien à voir avec l’expropriation socialiste de la classe capitaliste. Au fond, la Charte cherchait à promouvoir la création d’une classe capitaliste noire. En tout cas, Mandela et Cie ont abandonné toute mention des nationalisations peu après le démarrage des négociations sur le « partage du pouvoir ». Aujourd’hui, alors que le gouvernement de l’Alliance claironne ses plans pour « faire accéder les Noirs au pouvoir économique », les « millionnaires à carte de crédit » noirs restent lourdement endettés auprès des banques et de leurs sponsors blancs. De sorte que la corruption est devenue la principale voie d’accumulation du capital pour la petite couche des exploiteurs noirs.

Pendant les années 1980, il y a eu d’immenses affrontements entre le régime d’apartheid et les masses opprimées. Tout en défendant ceux qui se battaient courageusement contre l’apartheid et la répression d’Etat, nous insistions que « la politique de l’ANC, qui consiste à “rendre les townships ingouvernables”, est destinée à faire pression sur la classe dirigeante blanche, et non à la renverser » (« Ecrasez l’apartheid ! Pour une révolution ouvrière ! », Workers Vanguard n° 395, 17 janvier 1986). Simultanément, l’ANC s’était lancé dans une campagne pour persuader les capitalistes occidentaux de retirer leurs investissements d’Afrique du Sud. En 1994, l’ANC a réalisé ses aspirations à partager le pouvoir avec la classe dirigeante blanche raciste. Beaucoup se plaignent aujourd’hui que l’ANC au pouvoir aurait abandonné son passé « révolutionnaire ». Mais ce que fait l’ANC est le résultat logique de son programme nationaliste bourgeois. En supervisant l’exploitation de « ses » travailleurs, il s’est comporté d’une manière qui n’est pas qualitativement différente de ce qu’ont fait d’autres anciens mouvements de libération nationale bourgeois, comme ceux d’Algérie ou du Zimbabwe.

Un facteur clé dans l’accès au pouvoir de la coalition dirigée par l’ANC a été, en 1991-1992, la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique, qui pendant des décennies avait soutenu matériellement et diplomatiquement l’ANC. Avec l’écroulement du régime stalinien de Mikhaïl Gorbatchev, et dans le contexte de luttes ouvrières combatives en Afrique du Sud, l’ANC a adopté le « partage du pouvoir » avec la bourgeoisie raciste de l’apartheid, dont une aile acceptait l’idée que l’ANC au pouvoir ne menaçait plus l’oligarchie économique blanche.

Avec sa théorie de la révolution permanente, Trotsky a exposé la voie vers une libération nationale et sociale authentique en Afrique du Sud . Cette théorie se base sur la compréhension que la bourgeoisie des pays à développement capitaliste retardataire est trop faible, trop dépendante des impérialistes et trop effrayée par les masses pour mener à bien les tâches démocratiques associées aux révolutions bourgeoises classiques qui eurent lieu en Angleterre et en France. Seule la révolution socialiste prolétarienne peut satisfaire les besoins de justice sociale et économique que ressent avec acuité la majorité opprimée. Cette perspective s’exprime avec force dans la lettre qu’envoya Trotsky le 20 avril 1935 à ses partisans en Afrique du Sud : « Dans la mesure où la révolution victorieuse changera radicalement les rapports non seulement entre les classes, mais aussi entre les races, et assurera aux Noirs la place dans l’Etat qui correspond à leur nombre, la révolution sociale en Afrique du Sud aura également un caractère national. »

La tâche d’émancipation nationale nécessite que le prolétariat s’empare du pouvoir et instaure un gouvernement ouvrier centré sur les Noirs qui luttera farouchement pour étendre la révolution socialiste au niveau international. « Centré sur les Noirs » signifie précisément qu’il ne sera pas racialement exclusif, mais qu’il accordera une place à part entière et les droits démocratiques aux Métis, aux Indiens et à ceux parmi les Blancs qui seront prêts à vivre sous un gouvernement centralement basé sur les travailleurs africains noirs. Comme nous l’avons noté :

« Au lieu des famines massives et des conflits tribaux fratricides qui ont marqué les Etats néocoloniaux “indépendants” d’Afrique noire, un pouvoir de classe prolétarien en Afrique du Sud ouvrira la voie à une construction socialiste, sur la base du niveau le plus élevé de l’industrie et de la culture, dans laquelle les Blancs auront aussi forcément leur place […]. L’Afrique du Sud est le seul endroit en Afrique sub-saharienne où existe la possibilité d’un Etat ouvrier, parce que dans ce pays la population noire a été partiellement absorbée, par le bas, dans une société industrialisée moderne qui peut, sur la base de la réorganisation révolutionnaire de la société, offrir une vie décente à ses citoyens. »

– « L’Afrique du Sud : sur le fil du rasoir », Workers Vanguard n° 376 (5 avril 1985), reproduit dans Black History and the Class Struggle n° 8 (juillet 1991)

Nous avons défendu notre mot d’ordre de gouvernement ouvrier centré sur les Noirs contre la Workers International Vanguard League, une organisation basée au Cap-Occidental caractérisée par une sorte de « nationalisme métis » et qui avale le grand mensonge que la libération nationale et l’égalité raciale pourraient être réalisées sous le capitalisme (voir « Une réponse à la Workers International Vanguard League », dans notre brochure de 1998, Hate Trotskyism, Hate the Spartacists n° 1, édition sud-africaine). Contre la politique de diviser pour régner des capitalistes, qui dresse les unes contre les autres des couches de la classe ouvrière, selon des lignes de clivage de couleur, de nation et de tribu, notre mot d’ordre encourage l’unité de classe du prolétariat, depuis les mineurs noirs jusqu’à la forte concentration d’ouvriers métis au Cap-Occidental et indiens dans la ville de Durban et ses environs. Il combat aussi les divisions tribales entre Africains noirs, qui ont été artificiellement maintenues et renforcées sous l’apartheid mais qui continuent à se manifester. On en a récemment vu un exemple inquiétant à Welkom, dans l’Etat libre d’Orange, quand le National Union of Mineworkers, le plus puissant syndicat industriel d’Afrique du Sud, s’est profondément divisé suivant des clivages tribaux.

En mettant à nouveau en avant le mot d’ordre de gouvernement ouvrier centré sur les Noirs, nous notons que nous avions, à tort, arrêté de l’utiliser après 2001. Ceci nous a privé d’une arme cruciale pour combattre l’illusion que la « révolution démocratique nationale » aurait créé une « nation arc-en-ciel » sur la base de la doctrine « non raciale » tant vantée de l’ANC. Pas un jour ne se passe dans la « nouvelle » Afrique du Sud sans un horrible exemple de la continuation de l’oppression raciste. A la mi-janvier, un jeune Blanc de 18 ans a tué quatre Noirs et en a blessé neuf autres au cours d’une fusillade dans le camp de squatters de Skierlik, dans la province du Nord-Ouest. Plus récemment a été révélée l’existence d’une vidéo tournée l’an dernier par quatre étudiants blancs de l’université de l’Etat libre, un bastion des Afrikaners de droite, qui les montrait en train d’humilier ignominieusement des travailleurs noirs âgés sur le campus, notamment en leur faisant manger des aliments arrosés d’urine. Ceci faisait partie d’une campagne qui dure depuis plus de dix ans contre l’intégration raciale des résidences universitaires.

L’ANC et le capitalisme de néo-apartheid

En mobilisant pour Zuma, les dirigeants traîtres du SACP et du COSATU mettent en avant ses origines populaires et son passé de dirigeant central d’Umkhonto we Sizwe, l’aile militaire de l’ANC, pendant la lutte anti-apartheid. Zuma, qui a passé dix ans à Robben Island comme prisonnier politique, chante souvent l’hymne d’Umkhonto, « Awuleth’ Umshini Wami » (apporte-moi ma mitraillette) lors de ses apparitions publiques.

Après avoir été chassé de son poste de vice-président, Zuma a commencé à jouer sur la colère que les purges d’opposants perpétrées par Mbeki, et les tentatives de les réduire au silence, ont provoquée parmi la base de l’ANC. Zuma se présentait comme préoccupé du sort des travailleurs et des pauvres. Alors que Mbeki est considéré comme quelqu’un qui souhaite se diriger vers une rupture de l’ANC avec le SACP et le COSATU, Zuma a maintes fois réaffirmé l’importance de maintenir l’Alliance tripartite. L’année dernière, lors du dernier congrès du SACP, il a cité de longs passages du Manifeste du Parti communiste et a remercié le parti pour avoir aidé à le former. Zwelinzima Vavi, le secrétaire général du COSATU, déclarait récemment au Mail & Guardian (29 février) : « Nous n’avons jamais présenté Zuma comme un socialiste qui conduira une révolution socialiste, ou un messie avec une baguette magique. Mais nous apprécions son style de leadership ; il est humble et accessible. »

Dans la période qui a précédé le congrès de Polokwane, Zuma a voyagé aux quatre coins du monde pour tenter de rassurer les capitalistes qu’il ne changerait pas la politique du gouvernement. Plus récemment, il a suggéré au Financial Mail, un organe des capitalistes, que l’Afrique du Sud pourrait avoir besoin de réformer sa législation du travail – autrement dit, pressurer encore davantage les travailleurs. Après des réactions négatives des directions syndicales, il a fait volte-face pour déclarer qu’il « donnerait sa vie » pour les travailleurs. Mais quand la grève du service public a polarisé le pays, en juin 2007, Zuma n’a même pas exprimé son soutien aux grévistes.

Zuma est un politicien bourgeois populiste qui prétend représenter les intérêts du peuple. Mais « le peuple » est divisé en classes aux intérêts opposés. Les deux classes fondamentales de la société moderne sont la bourgeoisie, dont Zuma représente les intérêts, et le prolétariat. Si Zuma devient président, il sera à la tête de l’Etat capitaliste dont la raison d’être est de réprimer la classe ouvrière et les pauvres pour le compte des patrons.

Même dans le cadre de la politique bourgeoise, il n’y a rien d’intrinsèquement progressiste dans le populisme. Le discours populiste est fréquemment imprégné de préjugés, s’adressant aux attitudes arriérées, qui sont omniprésentes dans la société capitaliste. Ainsi, Zuma exprime ouvertement son mépris des femmes et des homosexuels. Pendant son procès pour viol en 2006, où il a été acquitté, il a notoirement étalé son ignorance en déclarant qu’il avait pris une douche, après avoir eu des relations sexuelles avec une femme séropositive, pour ne pas être infecté ! Mbeki, de son côté, est tristement célèbre pour avoir nié que le VIH est la cause du sida.

Zuma a aussi appelé à la fermeté contre le crime, ce que nous, communistes, comprenons comme un langage codé pour préparer l’opinion publique à des attaques encore plus violentes contre les pauvres et les chômeurs, et en particulier les immigrés. Il a dit qu’il devrait y avoir un référendum sur le rétablissement de la peine de mort si suffisamment de Sud-Africains sont pour – une question auparavant tabou parmi les dirigeants de l’ANC, étant donné l’horreur des exécutions comme instrument de répression sous l’apartheid. En outre, la peine de mort serait utilisée comme une arme contre ceux que la bourgeoisie percevrait comme des opposants politiques, au bout du compte le prolétariat et son avant-garde. Nous sommes opposés par principe à la peine de mort. Nous n’accordons pas à l’Etat le droit de déterminer qui va vivre et qui va mourir.

Zuma s’adonne aussi à des pratiques traditionnelles zouloues comme la polygamie et conserve des liens avec la famille royale zouloue. Beaucoup de Zoulous, et d’autres Sud-Africains, ont interprété le limogeage de Zuma en 2005 comme un complot anti-zoulou de la part de Mbeki et d’autres dirigeants xhosas hauts placés de l’ANC. L’ANC n’est pas une organisation tribaliste ; il représente les intérêts de la classe capitaliste (blanche dans son écrasante majorité) contre les travailleurs de tous les groupes raciaux et ethniques : Zoulous, Xhosas et autres Africains noirs, Indiens, Métis et Blancs. Toutefois, le fonctionnement du capitalisme fait en sorte que les divisions tribales sont maintenues et exacerbées sous le gouvernement ANC-SACP-COSATU.

Dernièrement, Zuma a couru d’un tribunal à l’autre pour repousser de nouvelles accusations plus larges de corruption, de racket, de blanchiment d’argent et d’escroquerie. Ces accusations ont suivi de peu sa victoire à Polokwane, alimentant le soupçon que Mbeki utilise les institutions étatiques pour se venger de sa défaite. Le COSATU et le SACP ont fait bloc derrière Zuma dans cette affaire, en appelant à l’abandon des poursuites. Si Zuma est condamné à l’audience prévue en août, il pourrait se voir empêché d’accéder à la présidence de l’Afrique du Sud après les élections législatives de 2009. On entend déjà dire que l’ANC pourrait le remplacer par son adjoint, Kgalema Motlanthe, si cela se produit.

Notre position est que la classe ouvrière n’a aucun intérêt à prendre une position sur les accusations visant Zuma, en tant que telles. Toute cette affaire pue l’hypocrisie bourgeoise. Le gouvernement sud-africain est corrompu de haut en bas, comme tous les autres gouvernements capitalistes sur cette terre. De notre point de vue marxiste, la pire des corruptions est la corruption politique représentée par les dirigeants traîtres du SACP/COSATU qui enchaînent le prolétariat à son ennemi de classe au nom de la « révolution démocratique nationale ».

La gauche à la remorque de l’Alliance tripartite

Spartacist South Africa se distingue en appelant à rompre avec l’Alliance tripartite et à construire un parti ouvrier bolchévique. Au contraire, l’activité de la gauche réformiste se situe fermement dans les limites de l’Alliance, renforçant ainsi les chaînes politiques qui lient les masses au capitalisme de néo-apartheid.

Lors du 12e Congrès national du SACP, des dissidents surtout originaires des provinces de Gauteng et du Cap-Oriental ,ont présenté une résolution qui appelait le parti à présenter ses propres candidats, séparément des listes de l’ANC, aux élections législatives de 2009. L’argument que ceci représenterait une forme d’indépendance de la classe ouvrière était une tromperie. Cette résolution affirmait explicitement que l’« alliance révolutionnaire dirigée par l’ANC » est « une alliance historique et importante qui doit être préservée ». Ceci signifiait que le SACP aurait continué à servir dans le gouvernement capitaliste, mais dans le cadre d’une coalition avec l’ANC plutôt que comme ministres de l’ANC. Parmi les partisans de cette résolution figuraient des cadres du SACP qui prétendent s’opposer à l’ANC mais qui ont activement réprimé des luttes ouvrières pour le compte de l’Alliance, en particulier en aidant à briser la grève de Volkswagen de 2000.

Certains groupes de gauche critiquent le SACP pour son ralliement enthousiaste à Zuma, tout en appelant à une pression de masse sur l’ANC de Zuma, soi-disant pour le contraindre à tenir compte des travailleurs et des pauvres. Ce point de vue est partagé par certains éléments du journal Amandla qui a des liens à la fois avec le SACP et avec des universitaires bourgeois comme Noam Chomsky et d’autres porte-parole du Forum social mondial (FSM) front-populiste. Un éditorial d’Amandla (20 janvier) sur le congrès de Polokwane regrettait que « la lutte pour la direction n’a produit aucun candidat avec une alternative aux politiques social-libérales ou pro-marché mises en œuvre par Mbeki ». Escamotant le caractère bourgeois de l’ANC, l’éditorial affirmait encore qu’un « tsunami populaire » était nécessaire pour « détacher l’ANC des multiples liens qui enchaînent l’organisation, certains de ses membres dirigeants, et sa politique, au grand patronat ». Au lieu d’appeler à rompre avec l’ANC, Amandla cherche simplement à faire pression sur cette organisation nationaliste bourgeoise pour la réformer.

C’est fondamentalement la même ligne qui est proposée par l’Anti-Privatisation Forum (APF), également affilié au FSM, par l’organisation Keep Left ! [Restez à gauche !] associée au Socialist Workers Party britannique de feu Tony Cliff, et par le Democratic Socialist Movement (DSM) du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) de Peter Taaffe. L’APF, auquel Keep Left ! est affiliée, et qui compte parmi ses pontes Trevor Ngwane et l’ex-militant du SACP Dale McKinley, est financé par des institutions capitalistes comme Oxfam (Canada) et War on Want [Guerre à la misère], qui reçoivent des fonds des impérialistes de l’Union européenne. C’est dans le droit fil du Forum social mondial qui compte parmi ses sponsors des piliers de l’ordre capitaliste comme la Fondation Ford et un certain nombre de dirigeants de gouvernements bourgeois. L’APF a toujours joué le rôle d’appendice de gauche de l’Alliance tripartite, en la conseillant comment gérer le capitalisme prétendument à visage humain.

Lors de la « journée d’action » du FSM qui s’est tenue le 26 janvier à Johannesburg, Alan Goatley, dirigeant de Keep Left !, a partagé la tribune avec Zico Tamela, secrétaire du SACP pour la province de Gauteng, et avec d’autres. Sans un mot de critique, ils se sont félicités de leur unité renouvelée après le congrès de l’ANC. Keep Left ! a voté pour le gouvernement de l’Alliance tripartite en 1994 et en 1999, et pratiquait à cette époque un entrisme dans le SACP qui n’a pas duré. Ces cliffistes étaient entrés dans le SACP sur la base de leur ralliement commun au régime de néo-apartheid et de l’idée que puisque l’Union soviétique n’existait plus, ils pouvaient maintenant mêler leur drapeau à celui du parti stalinien. Ces anticommunistes sans vergogne ont soutenu avec enthousiasme la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique.

La servilité des réformistes envers l’Alliance tripartite s’est manifestée le 23 février, au cours d’un meeting qui réunissait à Soweto des orateurs du Socialist Group, affilié à l’APF, du Soweto Electricity Crisis Committee, de la circonscription du SACP de la région du grand Johannesburg, de Keep Left ! et du DSM. Alors que le titre du meeting était « Jacob Zuma est-il une réponse aux luttes des travailleurs ? », la seule réponse « Non ! » clairement exprimée l’a été par les partisans de Spartacist et quelques autres qui sont intervenus depuis la salle pendant le tour de discussion. Au contraire, Claire Ceruti, la porte-parole de Keep Left !, s’est vantée que « nous avons fait tomber Mbeki » et a proclamé que sans actions de protestation de masse, Zuma « nous trahira presque sûrement ».

Weizman Hamilton, porte-parole du DSM, a décrit comment son organisation avait passé près de 20 ans, en tant que Marxist Workers Tendency, à l’intérieur du parti bourgeois qu’est l’ANC, qu’ils n’ont quitté qu’en 1996 quand, a-t-il dit, l’adoption de GEAR aurait prétendument marqué le « tournant dans la transformation de l’ANC en agent conscient du capital ». Le soutien politique accordé par le DSM/CIO aux partis et aux gouvernements capitalistes s’étend jusqu’à l’homme fort populiste nationaliste Hugo Chávez au Venezuela, au parti bourgeois des Verts aux Etats-Unis, et bien au-delà. Hamilton a cyniquement déclaré que l’ANC n’a jamais été une organisation ouvrière. Comme l’a déclaré un Noir d’un certain âge pendant la discussion, pourquoi nous dit-on maintenant, après toutes ces années passées à soutenir l’ANC, qu’il est capitaliste, et qu’il nous faut le socialisme ?

Hamilton a appelé à plusieurs reprises le COSATU à former un « parti ouvrier de masse ». Ce n’est pas un appel à rompre avec la collaboration de classes, mais à créer un nouveau parti réformiste. Les bureaucrates du COSATU ont déjà un « parti ouvrier de masse » : le SACP. Ensemble, ils contrôlent la classe ouvrière et les masses des townships pour le compte des capitalistes au pouvoir. Depuis la salle, Trevor Ngwane, de Socialist Group, a fait écho à l’appel du DSM et a déclaré qu’un tel parti pourrait principalement représenter une alternative électorale à l’Alliance tripartite.

Les camarades de Spartacist sont intervenus pour mettre en avant notre opposition programmatique au front populaire nationaliste et à la gauche réformiste qui se place à sa remorque. Une des camarades a noté que l’attitude de la bourgeoisie face aux oppositions n’est pas seulement la répression, mais aussi la cooptation. Désignant le FSM/APF comme un exemple de la deuxième option, elle a décrit ces coalitions comme les produits de la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique et de l’idéologie de la « mort du communisme ».

Un autre porte-parole de Spartacist a dénoncé la ligne de Keep Left ! que les flics seraient des travailleurs, en déclarant que ceci foulait aux pieds la conception marxiste de l’Etat capitaliste. Ceruti a répondu en montrant du doigt un membre du principal « syndicat » de policiers dans l’assistance, et en disant : « Je suis très contente que ce camarade du POPCRU soit ici », et « les policiers sont aussi des gens ». Le DSM est connu pour soutenir les grèves des agents de sécurité, des gardiens de prison et des flics, tandis qu’un certain nombre de dissidents du SACP qui jurent fidélité à la dictature du prolétariat sont impliqués dans l’organisation de « syndicats » de policiers.

Le parti léniniste, tribun du peuple

En luttant pour construire un parti ouvrier révolutionnaire, nous avançons des revendications transitoires qui font le lien entre les besoins immédiats ressentis par les masses et la prise du pouvoir d’Etat par le prolétariat. De telles revendications peuvent faire le lien entre les pauvres des townships, qui sont souvent les plus combatifs quand ils luttent pour leurs besoins, mais qui sont dépourvus de puissance sociale, et le prolétariat industriel, qui a directement entre ses mains les moyens de production. Les dirigeants trompeurs du SACP et du COSATU maintiennent traîtreusement les protestations des townships isolées des luttes ouvrières, ce qui n’est pas surprenant puisqu’ils font partie intégrante du gouvernement qui impose la coupure des services.

Pour faire face au taux astronomique du chômage, notamment parmi les Africains noirs, nous exigeons un programme massif de travaux publics, et le partage du travail disponible entre tous ceux capables de travailler, avec une semaine de travail réduite sans perte de salaire. De telles revendications sont vitales dans un pays où des millions de personnes n’ont pas l’électricité, le téléphone, l’eau courante ou même le tout-à-l’égout. Le nombre de personnes qui survivent avec moins d’un dollar américain par jour a doublé entre 1996 et 2005. Les prix des produits de première nécessité s’envolent. Nous luttons pour une échelle mobile des salaires, pour assurer une pleine protection contre l’augmentation du coût de la vie ! Comme l’écrivait Trotsky en 1938 dans le Programme de transition : « Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu’il a lui-même engendrés, qu’il périsse ! »

Certaines personnes, depuis 1996, sont sur les listes d’attente pour les maisons minuscules et de mauvaise qualité du « Programme de reconstruction et de développement », et cette accumulation de demandes est devenue totalement ingérable. Nationaliser les terrains privés dans les zones urbaines jetterait les bases pour construire des quartiers d’habitation racialement intégrés, abattre les vieux murs de l’apartheid et résoudre le problème de la masse des sans-abri parmi les pauvres qui vivent dans des cabanes et des camps de squatters sordides. Pour finalement réparer l’injustice de l’expropriation des terres par les fermiers blancs, codifiée dans la Loi sur la terre de 1913, et la relégation des Noirs des zones rurales dans les ex-bantoustans inhospitaliers, un régime prolétarien exproprierait les grandes fermes commerciales et encouragerait la collectivisation et l’agriculture étatisée, sous le contrôle des ouvriers agricoles.

Quelque 1 000 personnes meurent actuellement chaque jour à cause de la négligence criminelle du gouvernement de l’Alliance tripartite quant au sida. La revendication de l’expropriation des sociétés pharmaceutiques est cruciale dans la bataille pour fournir des médicaments antirétroviraux gratuits aux séropositifs et aux malades du sida. Consacrer des ressources massives à la recherche pour trouver un remède est une nécessité internationale. Un parti ouvrier révolutionnaire réclamerait la nationalisation de tous les hôpitaux et de toutes les cliniques privés, un pas vers des soins médicaux gratuits et de qualité pour tous !

Un parti trotskyste en Afrique du Sud se fera le champion de l’égalité des femmes, en exigeant un salaire égal pour un travail égal et l’intégration complète des femmes dans le monde du travail, ainsi que l’avortement libre et gratuit dans de bonnes conditions de sécurité sanitaire, et la fin des pratiques tribales patriarcales comme la lobola (le prix de l’épousée) et la polygamie. Les femmes non seulement ont participé, mais ont souvent joué un rôle de premier plan, dans les premiers mouvements syndicaux, les luttes contre les lois du « pass » (passeport intérieur) et la répression dans les townships à l’époque de l’apartheid, et elles ont été violées et humiliées de multiples manières par les forces de sécurité de l’apartheid. Comme le notait Lénine dans son adresse au Premier Congrès panrusse des femmes ouvrières, un an après la Révolution bolchévique : « Il ne peut y avoir de révolution socialiste si de nombreuses ouvrières n’y jouent pas un rôle important. »

La fin de la dernière année scolaire et le début de l’actuelle, en janvier dernier, a été marquée, à l’Université Wits à Johannesburg, à l’Université de technologie de Durban, à l’Université de technologie Tshwane à Pretoria et sur d’autres facs par des luttes acharnées des étudiants qui défendent leur droit à l’instruction. Le gouvernement de l’Alliance a répondu par la répression : des masses d’étudiants ont été arrêtés, beaucoup d’autres ont reçu des balles en caoutchouc. Une éducation gratuite et de qualité de niveau universitaire, avec des bourses qui permettent de vivre pour tous les étudiants, et la nationalisation des écoles et des universités privées : c’est notre réponse aux exclusions financières auxquelles sont confrontés les étudiants de milieu pauvre et ouvrier.

Contre le mythe que le pouvoir de néo-apartheid serait en train de rassembler une nation sur les fondations laissées par le régime de la suprématie blanche, nous disons que l’Afrique du Sud n’est pas une nation. Les frontières de presque tous les Etats africains, y compris l’Afrique du Sud, ont été tracées arbitrairement par les impérialistes, et n’ont aucune légitimité nationale. La société Anglo American et les autres « randlords » dominent non seulement l’Afrique du Sud mais aussi beaucoup de pays plus au Nord. Notre mot d’ordre de gouvernement ouvrier centré sur les Noirs fait partie intégrante de la lutte que nous menons pour une fédération socialiste de l’Afrique australe.

Un large pourcentage des ouvriers des mines et des autres industries d’Afrique du Sud sont originaires des pays voisins, et ont fait partie intégrante de la construction de l’économie et du mouvement syndical. Le dirigeant du premier syndicat industriel d’ouvriers non blancs, l’Industrial and Commercial Workers Union [syndicat ouvrier industriel et commercial], était Clements Kadalie, un immigré originaire de ce qui est aujourd’hui le Malawi. Nous exigeons la citoyenneté sud-africaine pleine et entière pour tous les travailleurs nés à l’étranger et leurs familles, et pour quiconque a réussi à arriver dans ce pays !

C’est dans cet esprit que nous exprimons notre indignation face à la descente nocturne brutale de la police, dans le plus pur style de l’apartheid, contre des demandeurs d’asile du Zimbabwe et d’autres immigrés dans l’église méthodiste centrale de Johannesburg en janvier dernier. Les flics ont arrêté environ 1 500 personnes, ont volé des documents d’identité et d’autres biens personnels et ont agressé les personnes présentes, dont l’archevêque Paul Verryn. Les ouvriers agricoles « clandestins » originaires du Zimbabwe se font régulièrement rafler et emprisonner, souvent sans qu’on leur paye leur travail épuisant. Le gouvernement de l’Alliance tripartite utilise les immigrés comme boucs émissaires de la pauvreté et du chômage endémiques, et les attaques meurtrières contre des commerçants somaliens et d’autres immigrés se multiplient dans les townships noires.

Les travailleurs sud-africains doivent défendre les droits des immigrés, et ce combat fait partie intégrante de la lutte pour leurs propres intérêts. C’est totalement à l’opposé de la campagne protectionniste « achetez sud-africain » de la direction du COSATU. Nous luttons pour construire un parti ouvrier révolutionnaire qui jouera le rôle de tribun du peuple, qui se fera le champion des droits de tous les exploités et de tous les opprimés – depuis les travailleurs immigrés et les chômeurs jusqu’aux femmes et aux homosexuels – contre l’ennemi commun capitaliste. C’est crucial pour que le prolétariat cesse d’être une classe en elle-même et devienne une classe pour elle-même – c’est-à-dire prenne conscience de sa tâche historique de fossoyeur du capitalisme.

Pour l’internationalisme révolutionnaire !

On ne pourra pas libérer les Noirs et les autres masses non blanches sans le renversement du capitalisme sud-africain, un système basé sur le privilège blanc et la surexploitation du travail noir. Un gouvernement ouvrier centré sur les Noirs arrachera l’économie des mains des conglomérats fabuleusement riches qui sont les véritables maîtres du capitalisme de néo-apartheid. Il expropriera sans compensation les industries, les mines et les banques – l’antithèse complète des « sunset clauses » [dispositions de temporisation] de feu le dirigeant du SACP Joe Slovo pour la transition « démocratique », qui garantissaient les privilèges d’une population blanche qui possédait tout, tandis que les Noirs ne possédaient rien. L’expropriation de la bourgeoisie commencera à jeter les bases matérielles de l’égalité sociale. Mais cette perspective ne peut être pleinement réalisée qu’avec l’extension de la révolution socialiste aux pays capitalistes les plus avancés, et l’instauration d’une économie mondiale collectivisée et planifiée.

Beaucoup de militants en Afrique du Sud croient qu’une révolution ouvrière serait inévitablement écrasée par les impérialistes, et ils écartent la possibilité que les ouvriers d’Amérique du Nord, d’Europe ou du Japon puissent jamais renverser « leurs » dirigeants capitalistes. Personne ne niera que les Etats-Unis et les autres puissances capitalistes représentent un obstacle formidable pour des révolutions prolétariennes. Mais les luttes des travailleurs dans les puissances impérialistes contre les patrons capitalistes – par exemple la grève des transports en 2005 à New York, en défiance de la loi ; la grève des cheminots français l’année dernière ; les grèves de la fonction publique ce mois-ci en Allemagne – confirment ce que nous écrivions dans la quatrième partie de notre article « Le développement et l’extension de la théorie de la révolution permanente de Léon Trotsky » :

« Les pays impérialistes sont des sociétés divisées en classes, avec des mécontentements profonds et des contradictions insolubles, qui conduisent nécessairement à des luttes de classe et à d’autres luttes sociales. A travers la lutte de classe acharnée et par l’action d’un parti révolutionnaire qui éduque patiemment la classe ouvrière pour lui faire prendre conscience non seulement de sa puissance sociale mais aussi de ses intérêts historiques, les ouvriers prendront conscience d’eux-mêmes comme étant une classe qui se bat pour elle-même et pour tous les opprimés contre l’ordre capitaliste […].

« La lutte que nous menons pour forger des partis d’avant-garde léninistes se base sur la conviction que quand de tels partis seront enracinés dans la classe ouvrière, ceci reflètera un changement qualitatif de la conscience politique du prolétariat. »

Une révolution prolétarienne en Afrique du Sud aura un puissant écho parmi les travailleurs du monde entier, depuis les ouvriers du pétrole du Nigeria et les masses laborieuses d’Afrique du Nord jusqu’aux travailleurs du Brésil, des Etats-Unis, d’Italie, de Grèce et d’ailleurs. Inversement, la prise du pouvoir d’Etat par le prolétariat dans un des pays impérialistes aura d’énormes répercussions révolutionnaires en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Tout ceci souligne le fait que le combat pour construire un parti ouvrier bolchévique en Afrique du Sud doit être mené dans le cadre de la lutte pour reforger la Quatrième Internationale de Trotsky, le parti mondial de la révolution socialiste.

– Traduit de Workers Vanguard n° 911, 28 mars

 

Le Bolchévik nº 184

Le Bolchévik nº 184

Juin 2008

·

A bas les rafles racistes ! Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés !

·

Campagne internationale du Partisan Defense Committee

Rassemblements pour exiger la libération de Mumia

·

Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! Aucune déportation !

Afrique du Sud : il faut mobiliser les syndicats contre la terreur anti-immigrés !

·

Pour un gouvernement ouvrier centré sur les Noirs !

L'ANC de Zuma : un nouvel emballage pour l'esclavage capitaliste

·

Lettre ouverte à tous ceux qui luttent pour la libération de Mumia

Pour des mobilisations ouvrières de masse pour libérer Mumia Abu-Jamal ! Pour des actions de front unique !