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Le Bolchévik nº 173

septembre 2005

Pourquoi la Chine n’est pas capitaliste

Il faut défendre et étendre les acquis de la Révolution de 1949 !

Pour une révolution politique ouvrière pour chasser la bureaucratie stalinienne !

Nous reproduisons ci-dessous la traduction, revue pour publication, d’un article publié d’abord dans le n° 30 (avril) de Spartacist Japon, journal du Groupe spartaciste du Japon, section de la LCI.

Depuis plusieurs années, tous les jours, au moins un quotidien, un magazine ou un journal télévisé bourgeois présente un sujet ou un article sur la Chine. On nous a dit que l’économie chinoise se développait à un rythme frénétique, sans qu’on puisse dire combien de temps cela va durer ; qu’elle a dépassé le Japon selon plusieurs indicateurs économiques importants, et qu’elle va bientôt devenir une « superpuissance » ; qu’elle est sur le point d’« accaparer » des ressources naturelles qui « appartiennent au peuple japonais » ; qu’alors même que l’économie japonaise a redémarré grâce au commerce avec la Chine, la cause du niveau élevé du chômage au Japon est que son industrie est « petit à petit » vidée de sa substance, la plus grande partie se réinstallant en Chine en quête de profits plus élevés ; que bientôt la Chine remplacera le Japon diplomatiquement, politiquement et militairement comme le « pays le plus important et le plus influent d’Asie ». Pour accompagner cette campagne de propagande bourgeoise, l’impérialisme japonais, qui a publié en décembre dernier un nouveau livre blanc sur la défense, est en train de redéployer son armée, et a aussi signé des accords de défense avec les impérialistes américains, dont l’un a pour but de défendre Taïwan pour « contrer la menace militaire chinoise » (voir la « Déclaration commune du Groupe spartaciste du Japon et de la Spartacist League/U.S. : A bas l’alliance contre-révolutionnaire USA/Japon ! Défense des Etats ouvriers déformés chinois et nord-coréen ! », Workers Vanguard n° 844, 18 mars).

C’est dans ce contexte que le groupe prétendument trotskyste Kakehashi (les camarades japonais de la LCR en France) a publié une brochure qui affirme que le capitalisme a été restauré en Chine. Dans cette brochure, Kakehashi escamote le rôle des zaibatsu japonais et du capital financier international dans l’exploitation des ouvriers chinois et dans le travail de sape qui mine les acquis de la Révolution chinoise de 1949. Les investissements directs de l’impérialisme japonais s’élevaient en 2004 à plus de 5,45 milliards de dollars (China Daily, 25 mars). Ces investissements ne sont plus confinés aux régions autrefois colonisées par le Japon, comme la Mandchourie, mais se sont étendus à la pointe sud de la Chine. Kakehashi ne souffle mot des provocations militaires du Japon à l’encontre de la Chine, et tente de justifier sa trahison des intérêts de classe du prolétariat et sa réconciliation avec le capitalisme en niant la nature ouvrière de l’Etat ouvrier déformé chinois. En résumé, ce qui manque, c’est une perspective prolétarienne internationaliste et le rôle d’un parti d’avant-garde conscient, c’est-à-dire léniniste, pour diriger le prolétariat.

La Chine au bord du gouffre

La Révolution chinoise de 1949, malgré de profondes déformations bureaucratiques, était une révolution sociale de portée mondiale. Des centaines de millions de paysans se sont soulevés et ont pris possession de la terre sur laquelle leurs ancêtres avaient été cruellement exploités depuis la nuit des temps. Le pouvoir des seigneurs de guerre sanguinaires et des usuriers parasites, des propriétaires fonciers rapaces et de la lamentable bourgeoisie chinoise a été détruit. La révolution a fait faire aux femmes un bond gigantesque par rapport à leur ancien statut misérable, symbolisé historiquement par la pratique barbare du bandage des pieds. Une nation qui depuis un siècle avait été ravagée et divisée par les puissances étrangères était unifiée et libérée du joug impérialiste.

Contrairement à la Révolution d’octobre 1917 en Russie, qui avait été accomplie par un prolétariat doté d’une conscience de classe, guidé par l’internationalisme prolétarien des bolchéviks dirigés par Lénine et Trotsky, la Révolution chinoise fut le résultat d’une guerre de guérilla paysanne dirigée par les forces nationalistes staliniennes de Mao Zedong. Calqué sur la bureaucratie stalinienne de l’URSS, le régime de Mao prêchait la notion profondément antimarxiste que le socialisme – une société sans classes égalitaire basée sur l’abondance matérielle – pouvait être construit dans un seul pays. En pratique, le « socialisme dans un seul pays » signifiait l’opposition à la perspective de la révolution ouvrière au niveau international – par exemple au Japon voisin – et une politique de conciliation de l’impérialisme mondial.

Dans les années 1950, la République populaire de Chine (RPC) a instauré une économie planifiée et socialisée, et l’agriculture a été collectivisée. Un monopole d’Etat du commerce extérieur protégeait l’économie socialisée en l’empêchant d’être sapée par des importations bon marché en provenance de pays capitalistes-impérialistes de loin plus développés. Sous Deng Xiaoping [au début des années 1980], la bureaucratie chinoise s’est ralliée au « socialisme de marché », en suivant les exemples de la Yougoslavie et de la Hongrie. Les administrateurs et responsables économiques étaient récompensés ou pénalisés sur la base de la rentabilité évaluée par le marché. La menace de fermetures d’usines et de licenciements servait aussi de moyen pour faire respecter la discipline du travail par les ouvriers. En même temps, l’agriculture était décollectivisée et remplacée par le « système de responsabilité des ménages », c’est-à-dire la petite propriété paysanne.

Beaucoup d’acquis de la Révolution chinoise sont en train d’être oblitérés. Les pressions de la concurrence de marché ont comme résultat inéluctable l’émergence d’une petite classe de fermiers riches à côté de dizaines de millions de paysans pauvres. Pas moins de 130 millions de ruraux chinois ont émigré vers les régions côtières de l’est et du sud pour y chercher du travail. L’éducation et les soins médicaux ne sont plus gratuits. Les ouvriers n’ont plus le « bol de riz en fer » qui garantissait un emploi et des prestations sociales aux ouvriers des entreprises étatisées. Le chômage a atteint des proportions massives avec la fermeture ou la privatisation d’industries entières. Le nombre de femmes qui travaillent comme prostituées a grimpé en flèche, et l’infanticide féminin a fait sa réapparition dans les campagnes.

La bureaucratie de Pékin joue fondamentalement le rôle de courroie de transmission des pressions que le marché mondial dominé par les impérialistes exerce sur l’Etat ouvrier. Le caractère fragile et contradictoire de cette caste bureaucratique se manifeste dans le fait que face à l’agitation ouvrière, le régime actuel a souvent fait machine arrière sur certaines de ses « réformes » économiques, et qu’il a occasionnellement envoyé devant les tribunaux certains des siens pour corruption, avec parfois à la clé une exécution. Face aux protestations de masse et aux émeutes paysannes qui se sont multipliées l’année dernière, le récent Congrès national populaire a annoncé que d’ici deux ans, dans les zones rurales, tous les enfants de paysans bénéficieraient d’une éducation primaire gratuite. Un peu plus tôt en début d’année, les bureaucrates ont promis qu’avant la fin de l’année l’impôt agricole de base serait supprimé dans la plupart des provinces chinoises.

En affirmant que la Chine est toujours un Etat ouvrier déformé, nous ne cherchons pas à nier ou à minimiser le poids social croissant à la fois des nouveaux entrepreneurs capitalistes en Chine continentale et de la vieille bourgeoisie chinoise expatriée à Taïwan et à Hongkong. Les faveurs dont bénéficient les forces favorables à la restauration du capitalisme dans le cadre d’un Etat ouvrier déformé vont déjà beaucoup plus loin en Chine que dans la Yougoslavie de Tito ou l’Union soviétique de Gorbatchev. La bureaucratie chinoise elle-même est un acteur majeur dans les joint-ventures avec des capitalistes étrangers. Elle continue à inviter dans le pays les Chinois d’outre-mer et les capitalistes étrangers, en ouvrant des régions entières à l’exploitation capitaliste. La politique économique du régime stalinien de Pékin, qui encourage les entreprises capitalistes (et l’évolution droitière concomitante de la posture idéologique officielle de la bureaucratie), affermissent de plus en plus les forces sociales qui donneront naissance à des factions et des partis soutenus par l’impérialisme et ouvertement contre-révolutionnaires quand le PCC (Parti communiste chinois) ne pourra plus maintenir son monopole actuel du pouvoir politique. On peut aujourd’hui le voir clairement dans l’enclave capitaliste de Hongkong, le seul endroit de la RPC où existent des partis d’opposition bourgeois (voir « Hongkong : Expropriez la bourgeoisie ! », le Bolchévik n° 166, décembre 2003).

Toutefois, le pouvoir politique des gros bataillons de la bureaucratie stalinienne de Pékin continue à être basé sur les éléments collectivisés qui constituent le cœur de l’économie chinoise. En outre, la politique économique du régime du PCC est encore contrainte par la peur d’une agitation sociale – particulièrement ouvrière – qui pourrait le renverser. C’est ce qui a failli se produire en 1989, quand des manifestations pour la libéralisation politique et contre la corruption centrées sur les étudiants ont été le détonateur d’une révolte ouvrière spontanée réprimée dans un bain de sang par des unités de l’armée loyales au régime.

La révolution sociale perdure dans les rapports de propriété, et dans la conscience des masses laborieuses. Les trotskystes sont pour la défense militaire inconditionnelle d’un Etat ouvrier déformé ou dégénéré, afin d’empêcher qu’il subisse une défaite militaire face à une puissance capitaliste, parce que ces Etats sont basés sur la propriété collectivisée. Simultanément, nous appelons à une révolution politique prolétarienne pour chasser la bureaucratie réactionnaire dont la politique sape la défense de l’Etat ouvrier et qui a amené la Chine au bord d’une contre-révolution capitaliste interne. A la place de l’autocratie bureaucratique, il faut créer des soviets (conseils ouvriers), organisations directes des ouvriers, des soldats et des paysans, et instruments qui leur permettront d’organiser et d’administrer leur propre Etat, dans tous les domaines.

C’est la tâche historique la plus fondamentale du prolétariat chinois. Ce qu’il faut pour l’accomplir, c’est construire un parti léniniste-trotskyste. Ce parti fera le lien entre la lutte des ouvriers dans les entreprises d’Etat et de ceux des entreprises privées, avec les luttes des ouvriers migrants, des paysans pauvres et des femmes, et il luttera contre le chauvinisme han. La Ligue communiste internationale est déterminée à apporter ce programme marxiste aux ouvriers et aux travailleurs ruraux chinois.

Kakehashi contre Trotsky

Depuis une dizaine d’années, le groupe Kakehashi débat publiquement de la question de la Chine dans son journal : est-ce encore d’une manière ou d’une autre un Etat ouvrier, ou le capitalisme a-t-il été restauré ? Les militants de Kakehashi ne sont peut-être pas d’accord sur la nature de classe de la Chine, mais dans les faits leur parti s’est rangé aux côtés de forces restaurationnistes – depuis le Parti démocratique de Chine, une organisation procapitaliste, jusqu’au dalaï-lama soutenu par la CIA. En 1999, Kakehashi a organisé dans les rues de Tokyo une marche contre la visite au Japon de l’ex-Premier ministre chinois Jiang Zemin, une protestation qui ne pouvait pas manquer de séduire certains chauvins japonais anti-chinois. Le débat dans Kakehashi a été précédé et guidé par un rejet officiel de son propre programme – que cette organisation considérait comme trotskyste – et une négation de la conception marxiste d’une société de classes :

« Avec la destruction de l’Union soviétique et du bloc de l’Europe de l’Est, il s’est produit un changement fondamental de situation dans la structure du mouvement révolutionnaire international, et notre programme a aussi besoin d’être changé […]. Penser en termes de “classes” figées […] doit de façon décisive être considéré comme une méthodologie du passé. »

Sekai Kakumei, 30 octobre 1995 (Sekai Kakumei est l’ancien nom de Kakehashi)

L’été 2004, Shin Jidai Sha, la maison d’édition de Kakehashi, a publié une brochure intitulée « La “Chine capitaliste” en ébullition ; va-t-elle réussir un atterrissage en douceur en devenant une “puissance impérialiste” normale ? » Le postulat de base de cette brochure était : l’analyse trotskyste de la bureaucratie est démodée, et la période de la « révolution politique antibureaucratique est révolue ». Après une discussion avec ses camarades de Hongkong, le groupe Pioneers, Kakehashi s’est convaincu que sous le régime du Parti communiste, la bureaucratie chinoise a restauré le capitalisme pendant les années 1990, un processus qui, selon Kakehashi, a pris un certain temps. Les ouvriers chinois ont pris conscience du danger de restauration du capitalisme au milieu des années 1990. Mais à cette époque, les ouvriers avaient perdu le contrôle de la production, et ont été par conséquent incapables d’opposer la moindre résistance ; autrement dit, il était trop tard. De plus, Kakehashi cite trois raisons principales de la contre-révolution capitaliste : pendant les années 1990, la bureaucratie a commencé le processus d’« accumulation primitive du capital » ; les capitalistes ont été autorisés à adhérer au Parti communiste ; et la Constitution a été amendée pour garantir la protection de la propriété privée. Aujourd’hui, selon Kakehashi, le Parti communiste chinois est un parti politique procapitaliste du peuple, et ce qu’il faut maintenant en Chine, c’est une révolution socialiste.

Plus loin, nous expliquerons pourquoi la position de Kakehashi n’a rien à voir avec le marxisme, et est en fait profondément social-démocrate. Pour l’instant, nous noterons que deux des raisons qu’il mentionne pour justifier que la Chine serait devenue capitaliste au siècle dernier se sont en réalité produites au cours du siècle actuel. C’est en 2002 que le Parti communiste a officiellement reconnu que certain de ses membres étaient depuis de nombreuses années des capitalistes. Et l’année dernière, à la conférence du parti de mars 2004, la Constitution a été amendée pour reconnaître la propriété privée.

Ce n’est pas telle ou telle résolution adoptée par la bureaucratie, même si celles-ci représentent une évolution inquiétante, qui déterminent où va la Chine, mais le conflit social. Fonder ses conclusions quant au caractère de classe de l’Etat ouvrier déformé chinois exclusivement sur les actions de la bureaucratie relègue la classe ouvrière au rôle de simple jouet passif de la bureaucratie ou de l’impérialisme. Ce que fait Kakehashi, c’est rayer de la carte le prolétariat chinois comme acteur à part entière de la bataille contre la contre-révolution capitaliste.

Mais Kakehashi et Pioneers pensent vraiment que c’était la bureaucratie stalinienne chinoise qui amènerait le socialisme en Chine. Sous l’intertitre « Abandon de la lutte vers le socialisme », un représentant de Pioneers écrit : « En 1979, après l’arrivée au pouvoir de Deng, l’étape de l’“économie planifiée” est passée à l’“économie socialiste de marché” (lire : changée en “capitalisme”). La perspective socialiste a été complètement abandonnée » (Kakehashi, 21 mars). Mais la bureaucratie, de Mao à Hu Jintao, n’a jamais eu de « perspective socialiste » et n’en a pas aujourd’hui. Jusqu’en 1946 Mao cherchait toujours à constituer un gouvernement de coalition avec le régime nationaliste bourgeois du Guomindang de Chiang Kai-shek. Après la révolution, Mao chercha à transformer le pays pauvre qu’était la Chine en puissance mondiale « socialiste » grâce à l’autarcie économique, dans le cadre d’une économie bureaucratiquement centralisée basée sur le dogme antimarxiste du « socialisme dans un seul pays ». Cette perspective nationaliste contenait les germes de la mise en œuvre par la bureaucratie des « réformes de marché » de l’époque Deng, baptisées « socialisme avec des caractéristiques chinoises ». C’est sous Mao que la Chine a consommé son alliance avec l’impérialisme US pendant la guerre du Vietnam, et a trahi les luttes révolutionnaires, de l’Indonésie à l’Afrique. Elle a contribué à la victoire de la contre-révolution capitaliste en Union soviétique en soutenant, par exemple, les moudjahidins afghans parrainés par la CIA contre l’Armée rouge soviétique. La bureaucratie continue à préserver la propriété d’Etat, non pas parce qu’elle s’identifie subjectivement avec le socialisme, mais, comme l’écrivait Trotsky, « seulement dans la mesure où elle craint le prolétariat ».

Comment une contre-révolution bourgeoise graduelle, s’étendant sur plus d’une décennie, est-elle possible ? De vrais trotskystes n’auraient pas laissé se produire une telle défaite historique sans la combattre – ou même en ne la remarquant qu’au bout de plusieurs années. Trotsky n’a pas vécu assez longtemps pour voir le capitalisme restauré en Union soviétique, et son pronostic sur le déroulement de cette restauration – par la guerre civile – ne s’est pas vérifié. Mais les militants de Kakehashi ont vécu les destructions contre-révolutionnaires de l’Union soviétique et de l’Europe de l’Est, et il savent qu’elles n’ont rien eu de graduel.

L’implosion économique et sociale sans précédent qui s’est produite dans l’ex-Union soviétique et en Europe de l’Est est la vraie mesure du caractère historiquement progressiste de l’économie planifiée et collectivisée, malgré les déformations bureaucratiques. La prédiction de Trotsky quant à quoi ressemblerait la restauration du capitalisme était correcte. Les lois du capitalisme ont provoqué un effondrement économique total et des conflits nationalistes fratricides tous azimuts. L’espérance de vie à chuté de façon spectaculaire, tombant à 57 ans et demi pour les hommes russes. En fait, pendant les six premières années après la contre-révolution en Union soviétique, le nombre de décès a dépassé celui des naissances. La malnutrition est devenue la norme chez les enfants d’âge scolaire. Les infrastructures de production, de technologie, de science, de transports, de chauffage et de traitement des eaux usées se sont désintégrées. Le produit national brut a chuté de plus de 80 % entre 1991 et 1997.

Voilà la réalité de la contre-révolution capitaliste. L’ex-Union soviétique était une puissance industrielle et militaire mondiale. Et parce que la Chine est très loin derrière là où l’Union soviétique en était arrivée économiquement, la restauration capitaliste dans ce pays serait bien pire. Elle conduirait à une paupérisation générale de la population, et non seulement provoquerait l’effondrement de l’économie, mais apporterait aussi le danger d’un éclatement du pays et d’un chaos politique sanglant. En outre, parce que l’économie chinoise est assez intégrée à l’économie mondiale, les travailleurs des quatre coins du monde subiraient des conséquences funestes. L’alliance actuelle Japon-USA contre la Chine pourrait se disloquer, les différents fauves impérialistes affamés se disputant la proie.

Le capitalisme est un frein au développement, pas un accélérateur

Le programme révolutionnaire marxiste n’est pas basé sur une aversion morale contre la guerre, l’oppression sociale, l’exploitation de classe et l’inégalité. Il est basé sur le fait objectif que le capitalisme entrave le développement des forces productives et doit être supplanté par un système économique supérieur, qui éliminera la base de tous les maux inhérents à la société capitaliste.

Kakehashi situe la contre-révolution en Chine dans la période même où la Chine a connu son taux de croissance le plus élevé, et où elle a été secouée par des luttes ouvrières et des émeutes paysannes. Ces cinq dernières années, du nord-est jusqu’à la côte et au cœur du pays, les ouvriers ont manifesté pour défendre la propriété collectivisée, qu’ils considèrent comme leur bien. Seuls des gens complètement aveuglés par leur propre défaitisme ont pu passer à côté de cela.

Depuis une vingtaine d’années, le taux de croissance de l’économie chinoise se situe entre 7 et 9 % par an, un rythme avec lequel même les grandes puissances impérialistes ne peuvent rivaliser. Entre 1998 et 2001, la part des dépenses gouvernementales dans le produit intérieur brut est passée de 12 à 20 %. Le poste le plus important des dépenses gouvernementales, et celui qui augmente le plus vite, se situe dans les investissements au niveau des infrastructures, qui se sont accrus de 81 % ces trois dernières années. En outre, ceci s’est produit à un moment où le monde capitaliste tout entier s’adonnait à l’austérité budgétaire. La Chine a traversé avec succès la crise financière et économique asiatique de 1997-1998, puis la récession générale du monde capitaliste. Si la Chine est capitaliste, et si son économie s’est développée sans contractions cycliques (lesquelles sont inhérentes au capitalisme), ceci contredirait la conception léniniste fondamentale que nous vivons à l’ère de la réaction et de la décadence capitalistes. S’il existe aujourd’hui un système capitaliste qui garantit la croissance rapide et ininterrompue des forces productives, ceci remet en question la nécessité et le caractère progressiste de la révolution prolétarienne dans les pays capitalistes ainsi que du pouvoir ouvrier.

La direction du PCC présente officiellement la Chine comme une « économie socialiste de marché ». Ce sont les aspects « socialistes » (autrement dit collectivistes) qui sont responsables de l’évolution économique positive ces dernières années en Chine. Et ce sont les aspects de marché de l’économie chinoise qui sont responsables des évolutions négatives – le fossé sans cesse croissant entre les riches et les pauvres, la paupérisation d’une part toujours plus importante de la population, les dizaines de millions d’ouvriers licenciés par les entreprises d’Etat, et dans les villes l’armée de migrants misérables qui ne peuvent plus gagner leur vie dans les campagnes.

Aujourd’hui en Chine, les éléments collectivisés qui constituent le cœur de l’économie continuent à être dominants, bien que pas d’une manière stable et cohérente. En 2003, les entreprises d’Etat et celles contrôlées par le parti (sociétés par actions) employaient la moitié des 750 millions d’ouvriers chinois, et représentaient 57 % du produit industriel brut (McKinsey Quarterly, 2004). Mais cette simple statistique masque le caractère stratégique de l’industrie d’Etat.

Le secteur privé (y compris les entreprises étrangères) est principalement constitué d’industries légères produisant des produits manufacturés à forte intensité de main-d’œuvre. L’industrie lourde, les secteurs de haute technologie et la production d’armements modernes sont essentiellement concentrés dans les entreprises d’Etat. Ce sont ces entreprises qui ont permis à la Chine d’envoyer un homme dans l’espace. Bien plus important, c’est l’industrie d’Etat qui a permis à la Chine de construire un arsenal d’armes nucléaires et de missiles à longue portée pour contrer la menace impérialiste d’une première frappe nucléaire.

Toutes les grandes banques chinoises sont étatisées. La presque totalité de l’épargne des ménages – estimée à mille milliards de dollars – est déposée dans les quatre principales banques commerciales d’Etat. Le contrôle du système financier par le gouvernement a été un élément clé pour préserver et accroître la production dans l’industrie d’Etat, et de façon générale pour le développement du secteur d’Etat. Le maintien dans le giron de l’Etat du système financier a jusqu’à présent permis au régime de Pékin de contrôler effectivement, bien que pas totalement, les flux de capitaux financiers en entrée et en sortie de la Chine continentale. La monnaie chinoise n’est pas librement convertible ; elle n’est pas échangée (légalement) sur les marchés internationaux des devises. La convertibilité restreinte du yuan a protégé la Chine des mouvements volatiles des capitaux à court terme qui dévastent périodiquement les économies des pays néocoloniaux du tiers-monde, de l’Amérique latine à l’Extrême-Orient. En outre, le régime de Pékin maintient le yuan à un niveau de plus en plus sous-évalué (selon les critères du « marché libre »), au grand déplaisir des capitalistes américains, japonais et européens. Ce sont précisément les éléments collectivistes au cœur de l’économie chinoise que les forces de l’impérialisme mondial veulent éliminer et démanteler. Leur but ultime est de transformer la Chine en atelier géant sous le joug néocolonial.

L’arme principale à la disposition d’un Etat ouvrier nationalement isolé et relativement arriéré économiquement contre l’intervention des produits bon marché est le monopole d’Etat du commerce extérieur, c’est-à-dire le strict contrôle des importations et des exportations par le gouvernement. L’abandon par la bureaucratie de Pékin du strict monopole d’Etat du commerce extérieur contribue à faciliter les plans impérialistes. Malgré sa rapide croissance ces dernières années, l’économie chinoise est arriérée même par rapport aux puissances capitalistes-impérialistes les plus faibles. Les exportations chinoises continuent à progresser à un rythme record, mais elles sont en grande partie constituées de produits de l’industrie légère fabriqués avec des bas salaires et de faible valeur, et de produits de consommation comme les vêtements, les jouets et l’électroménager. L’accroissement de la production industrielle chinoise entre 1993 et 2002 – de 480 à 1 300 milliards de dollars – a été presque totalement compensé par l’accroissement des achats bruts de produits industriels, c’est-à-dire de machines-outils et de biens d’équipement. La réponse ultime à l’arriération économique de la Chine et la seule voie vers une société socialiste, c’est-à-dire une société égalitaire sans classes, est la révolution socialiste mondiale et l’intégration de la Chine dans une économie planifiée internationale.

« Accumulation primitive du capital »

D’après Kakehashi, pendant les années 1990 les bureaucrates qui étaient devenus managers des entreprises privatisées ont empoché les profits, se sont enrichis en achetant et en vendant des actions, aussi en achetant et en vendant les droits d’usage des terres agricoles, et licencient maintenant les ouvriers. En s’efforçant de parer ses appétits politiques d’un vernis marxiste, Kakehashi qualifie ce processus d’« accumulation primitive du capital ».

A une échelle beaucoup plus réduite, la situation décrite par Kakehashi est similaire à celle de la bureaucratie de plusieurs syndicats japonais. Prenez par exemple Jichiro [le syndicat des fonctionnaires]. Les dirigeants traîtres de ce syndicat d’un million de membres accaparent les cotisations que leurs adhérents versent chaque mois et s’enrichissent. Ils ont créé des « filiales » du syndicat dont les profits ne reviennent pas au syndicat pour améliorer les conditions de vie des adhérents ou préparer les futures batailles de classe contre le gouvernement. Une partie des profits va dans les poches de la bureaucratie syndicale. De plus, c’est la bureaucratie qui supervise la gestion des filiales, qui contrôle la production, qui licencie et renvoie les ouvriers. Kakehashi va-t-il argumenter maintenant que Jichiro est une organisation capitaliste et pas un vrai syndicat ? Que ce syndicat, dont la direction est complètement procapitaliste, ne devrait pas être défendu contre le gouvernement ?

Ce que font les bureaucrates en Chine est certainement criminel du point de vue des travailleurs, mais ce n’est pas ce que Marx entendait par « accumulation primitive du capital ». Quand Marx parlait d’accumulation primitive du capital, il faisait référence à la phase initiale du développement capitaliste en Europe de l’Ouest, à l’époque où le surplus économique massif approprié par la bourgeoisie ne provenait pas encore du travail salarié mais de la paysannerie et du travail des esclaves dans les colonies. Cette richesse a été ensuite transformée en capital et utilisée pour le financement initial de l’industrialisation européenne (voir le Capital et Théories sur la plus-value). Pour appréhender ce que Marx entendait par accumulation primitive du capital, pensez à l’impôt foncier de 1873, institué au début de la période Meiji [au Japon]. A cette époque, les dirigeants Meiji ont maintenu un niveau exceptionnellement élevé d’exploitation de la paysannerie, et ont utilisé le surplus économique ainsi dégagé pour la construction accélérée d’un complexe militaro-industriel.

Dans la mesure où le surplus économique que s’approprie le bureaucrate-devenu-entrepreneur chinois est utilisé pour sa consommation ou sa spéculation personnelle, par exemple dans l’immobilier, c’est l’antithèse de l’accumulation du capital. C’est plutôt le gaspillage des richesses productives de la société, une forme de parasitisme social. En Chine, depuis une vingtaine d’années, une large part de l’industrie d’Etat – aussi bien en termes de nombre d’entreprises, de main-d’œuvre employée ou de volume de production – a été privatisée. La plupart des petites entreprises ont été tout simplement vendues à des individus, généralement aux cadres qui les dirigeaient. Quant aux entreprises de plus grande taille, elles ont été « privatisées » grâce à un système d’actionnariat. Quand, il y a environ une dizaine d’années, la Chine a ouvert sa première Bourse des valeurs, la plupart des médias bourgeois ont salué cet événement comme une preuve que la Chine « communiste » avait fait un pas décisif sur la voie du capitalisme. Mais que s’est-il réellement passé ?

Sur les 1 253 sociétés cotées dans les deux principales bourses chinoises, le gouvernement détient soit une majorité des actions, soit une forte participation minoritaire. Mais même dans ce dernier cas, celles-ci restent de fait contrôlées par le gouvernement, parce que le PCC conserve le monopole du pouvoir politique. D’après le Financial Times du 28 mars, « Seul un tiers des actions émises par les sociétés cotées constitue le capital flottant négociable en Bourse. Le reste est pour l’essentiel la propriété directe de l’Etat ou de ses sociétés […]. L’autorisation d’introduire une société en Bourse est donnée d’abord et avant tout aux sociétés d’Etat, ce qui prive les entreprises privées de financements facilement accessibles. » Il n’y a pas de démocratie ouvrière en Chine – mais il n’y a pas non plus de démocratie des actionnaires. Les actionnaires des sociétés chinoises n’ont pas de droits de propriété au sens capitaliste. Ils ont le droit aux revenus de leurs actifs financiers, et ils peuvent vendre leurs actions. Mais ils ne peuvent pas déterminer, ni même influencer, la gestion et la politique des entreprises. Celles-ci sont déterminées par des pressions politiques et économiques diverses et souvent conflictuelles.

Des capitalistes dans un parti communiste

Depuis l’introduction des « réformes » orientées vers le marché par le régime de Deng, au début des années 1980, l’opinion bourgeoise et certains militants de gauche soutiennent que le Parti communiste lui-même est en train de restaurer progressivement le capitalisme en Chine, tout en maintenant fermement son emprise sur le pouvoir politique. Cette position a été annoncée haut et fort en 2002, quand le 16e Congrès du PCC a légitimé l’adhésion d’entrepreneurs capitalistes au parti. En fait, ce congrès n’a pas introduit de changement significatif ni dans la composition sociale du PCC, qui a 66 millions de membres, ni dans son idéologie fonctionnelle. D’après un recensement officiel, sur les deux millions de propriétaires d’une affaire privée que compte la Chine, 600 000 sont membres du parti ou l’ont été à un moment ou un autre. Parmi ceux-ci, une écrasante majorité est composée de cadres d’entreprise membres de longue date du PCC, qui avaient pris possession, ces dernières années, des petites entreprises d’Etat qu’ils dirigeaient au moment de leur privatisation.

Kakehashi affirme que « Le Parti communiste chinois est officiellement devenu un parti politique procapitaliste du peuple, et sous le régime de parti unique du Parti communiste, l’Etat chinois est officiellement devenu un Etat bourgeois. » Il est probable que beaucoup de gens dans la bureaucratie aspirent à une place dans la classe dirigeante d’une Chine capitaliste pour eux-mêmes et leurs enfants. Mais ceci nécessiterait une contre-révolution sociale qui détruirait l’Etat ouvrier et créerait un nouvel Etat bourgeois. En Europe de l’Est et en Union soviétique, la bureaucratie, en tant que caste, ne s’est pas transformée en classe capitaliste. Elle s’est désintégrée, ainsi que ses instruments politiques, les partis communistes au pouvoir. Différents éléments de la bureaucratie se sont ensuite regroupés en factions politiques hostiles, et dans de nombreux cas se sont unis avec d’anciens « dissidents » anticommunistes qu’ils avaient auparavant réprimés. Les nouvelles classes capitalistes en Europe de l’Est et dans l’ex-Union soviétique dérivent, avec des poids différents dans les différents pays, d’éléments de la bureaucratie et aussi de l’intelligentsia, dont beaucoup n’étaient pas des privilégiés, du moins économiquement. Une contre-révolution capitaliste en Chine s’accompagnerait de l’effondrement du bonapartisme stalinien et de l’éclatement politique du Parti communiste au pouvoir.

Les taux de croissance économique élevés que la Chine a connus ces dernières années ont engendré une forme de triomphalisme chez la direction du PCC, ses cadres et l’intelligentsia qui lui est affiliée. L’état d’esprit est certainement différent chez les millions d’ouvriers licenciés des entreprises d’Etat, les migrants misérables venant des campagnes et les paysans pauvres qui survivent péniblement en s’échinant à cultiver de minuscules lopins de terre avec un matériel rudimentaire. Hu et ses acolytes sont en proie à une folie des grandeurs qui dépasse même les élucubrations les plus fumeuses du président Mao.

Les dirigeants actuels du PCC croient qu’ils peuvent moderniser la Chine, la transformer en grande puissance mondiale – et même en faire la superpuissance planétaire du XXIe siècle – au moyen d’une intégration toujours plus poussée à l’économie capitaliste mondiale. Ils croient vraiment qu’ils peuvent contrôler et manipuler la Citybank, la Banque de Tokyo-Mitsubishi et la Deutsche Bank, pour qu’elles les aident à développer la Chine, de sorte qu’en une génération ou deux elle dépassera les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne. Ils se croient en train de transformer la Chine en superpuissance mondiale, alors qu’ils aident à la ramener à l’asservissement impérialiste débridé de l’époque pré-révolutionnaire.

Des amendements constitutionnels ne peuvent pas changer la nature de classe d’un Etat

Au cours du Congrès national populaire de 2004, les bureaucrates ont amendé la Constitution chinoise en ces termes : « La propriété privée légalement obtenue des citoyens ne peut pas être violée. » Pour tenter d’apaiser le peuple, le gouvernement chinois annonçait que cet amendement aiderait à empêcher les hauts fonctionnaires de réquisitionner la propriété et les biens privés. Cet amendement est assurément une dangereuse évolution, et une partie des travailleurs chinois le perçoivent comme tel. Il avait été proposé deux ans auparavant, au 16e Congrès, et avait provoqué une assez vive réaction de la population.

Cet amendement est l’une des raisons invoquées par Kakehashi pour décréter que le capitalisme a été restauré en Chine. Essayant malhonnêtement de se donner une couverture trotskyste orthodoxe, Kakehashi cite même la Révolution trahie de Trotsky. Cela était malhonnête car le chapitre de la Révolution trahie qui suit immédiatement la citation utilisée est consacré à la Constitution soviétique de 1936, qui incluait le droit d’hériter et la « garantie de la propriété personnelle ». Trotsky savait que cette nouvelle clause de la Constitution serait utilisée au bénéfice des bureaucrates, et non des masses laborieuses soviétiques :

« […] la loi qui protège l’isba, la vache et le sommaire mobilier du paysan, de l’ouvrier, de l’employé, légalise l’hôtel particulier du bureaucrate, sa villa, son auto et les autres “articles de consommation personnelle ou commodités” qu’il s’est appropriés grâce au principe socialiste : “de chacun selon ses forces, à chacun selon son travail”. Et l’auto du bureaucrate sera mieux défendue, n’en doutons pas, par la loi fondamentale, que la charrette du paysan. »

Trotsky expliquait ensuite que « Consacrant l’absolutisme “hors classe”, la nouvelle Constitution crée les conditions politiques de la renaissance d’une nouvelle classe possédante. » Mais il écrivait aussi :

« Si ces rapports, encore tout à fait récents, se stabilisaient, se légalisaient, devenaient normaux sans résistance ou contre la résistance des travailleurs, ils finiraient par la liquidation complète des conquêtes de la révolution prolétarienne. Mais cette hypothèse est encore prématurée. Le prolétariat n’a pas encore dit son dernier mot. » [souligné par nous]

Le nouvel amendement est un reflet d’une réalité qui existe déjà. La propriété privée existe en Chine depuis des années. L’héritage existe depuis 1982. Avec cet amendement, la bureaucratie essaie d’assurer ses privilèges en reconnaissant légalement la propriété privée et le droit d’hériter. Fin novembre 2003, il y avait 2,97 millions de sociétés privées, avec des capitaux de plus de 40,5 milliards de dollars (site web de l’ambassade chinoise). Cela donne l’impression d’une énorme somme, mais cela représente en moyenne 13 636 dollars par société. La plupart des ouvriers japonais ont plusieurs fois cette somme sur leur livret d’épargne retraite.

La propriété privée en Chine est aussi instable que la bureaucratie elle-même. La propriété privée et les capitalistes existent en Chine aujourd’hui dans la mesure où la bureaucratie, agissant sous les pressions d’une part de l’impérialisme, de l’autre du prolétariat, les autorise à exister. L’« inviolabilité » de la propriété privée sera décidée non par la Constitution, mais par les conflits sociaux. Il est possible que la propriété privée « inviolable » sera violée par la bureaucratie sous l’impact des luttes prolétariennes et/ou des menaces contre-révolutionnaires ouvertes des impérialistes et de la bourgeoisie ou, plus fondamentalement, par une classe ouvrière ascendante en lutte pour le pouvoir politique.

Ceux qui argumentent que la Chine est capitaliste doivent rejeter un ou plusieurs éléments fondamentaux du marxisme classique, généralement la théorie de l’Etat. Si un Etat ouvrier, aussi déformé soit-il, peut devenir un Etat capitaliste par un amendement constitutionnel, comme le prétend Kakehashi, alors logiquement l’inverse doit aussi être vrai. Autrement dit, un Etat capitaliste, comme le Japon, pourrait être transformé en Etat ouvrier en procédant à des changements dans la Constitution japonaise. Ceci signifierait qu’il n’y aurait pas besoin d’une révolution ouvrière qui détruise l’appareil d’Etat capitaliste – la police, les tribunaux, l’armée –, exproprie les zaibatsu et les autres capitalistes, et crée les organes du pouvoir ouvrier. Par conséquent, il n’y aurait pas besoin d’un parti similaire à celui que Lénine et Trotsky avaient construit, capable de diriger le prolétariat. C’est la position historique de la social-démocratie, dans laquelle Kakehashi peut aujourd’hui être totalement le bienvenu, maintenant qu’il a abandonné ses dernières prétensions au trotskysme.

Le combat pour le trotskysme authentique

Depuis quarante ans, la LCI dénonce les imposteurs qui se font passer pour trotskystes alors qu’ils abandonnent toutes les positions de principe que Trotsky défendait, et avant tout le combat pour une avant-garde trotskyste indépendante. Ceux qui ont applaudi les forces de la contre-révolution anticommuniste portent une part de responsabilité dans la liquidation des acquis pour lesquels la classe ouvrière avait dû lutter avec tant d’acharnement. Ils se sont révélés être ce qu’ils sont : non pas des trotskystes, mais des traîtres à la révolution d’Octobre.

L’organisation internationale à laquelle appartient Kakehashi, le Secrétariat unifié (SU), a soutenu tous les mouvements contre-révolutionnaires et nationalistes en URSS et en Europe de l’Est. Il a applaudi les cléricaux-nationalistes polonais de Solidarnos’c’ comme un modèle de mouvement ouvrier révolutionnaire. Le SU a acclamé la frange fascisante des mouvements nationalistes baltes, qui cherchaient la restauration capitaliste sous couvert d’« indépendance ». Un champ de bataille clé de la contre-révolution capitaliste a été le combat pour l’Allemagne de l’Est (RDA) en 1989-1990. L’enjeu immédiat était : soit une révolution politique prolétarienne, en liaison avec une révolution socialiste en Allemagne de l’Ouest, soit la réunification capitaliste renforçant un Quatrième Reich impérialiste. A ce tournant critique, le SU était politiquement paralysé. Ses militants ne pouvaient pas se mettre d’accord pour savoir si la réunification capitaliste devait être accueillie avec du champagne ou de l’aspirine. Au contraire, nous avons jeté toutes nos forces dans la bataille pour une révolution politique prolétarienne en RDA avant qu’il soit trop tard, car c’était la seule manière de défendre les conquêtes anticapitalistes du prolétariat mondial, de Berlin à Pékin. Nous avons perdu, mais les leçons de cette bataille seront importantes pour les futures luttes du prolétariat international.

L’événement central de la contre-révolution russe a été le « contre-coup d’Etat » d’Eltsine, en août 1991, contre l’inepte « coup d’Etat de la perestroïka » des has-been staliniens du « comité pour l’état d’urgence ». La consolidation de la tentative de prise du pouvoir d’Eltsine, au nom de la « démocratie », en l’absence de résistance de masse aux menées de la contre-révolution capitaliste de la part d’une classe ouvrière atomisée et démoralisée par des décennies de pouvoir stalinien, a signifié la destruction de l’Etat ouvrier dégénéré soviétique. Sur cette question, le SU était uni : ses membres étaient les premiers sur les barricades de la contre-révolution. L’organisation japonaise du SU est allée jusqu’à soutenir la purge anticommuniste dirigée contre l’ex-Parti communiste. « Le PCUS devait être démantelé et doit être démantelé, ce qui est le point de départ de luttes pour établir une démocratie politique minimale » (Sekai Kakumei, 16 septembre 1991).

Le sort de la République populaire de Chine – révolution politique prolétarienne ou contre-révolution capitaliste – est d’une immense importance pour la classe ouvrière du monde entier. Les ouvriers et les paysans chinois ont mené de nombreuses luttes au cours des dix dernières années, mais ils sont atomisés, sans une direction qui ait comme perspective de renverser le pouvoir politique des bureaucrates et de remettre le pouvoir aux mains de soviets d’ouvriers, de soldats et de paysans. Un parti trotskyste international coordonnera et dirigera les luttes ouvrières spontanées et locales ; il établira aussi un lien entre la lutte contre la bureaucratie corrompue en Chine et celles des ouvriers nord-coréens et vietnamiens contre leurs dirigeants staliniens. Un tel parti travaillera de concert avec ses camarades du Japon en lutte pour une révolution ouvrière, et avec les luttes de classe des ouvriers combatifs des Philippines et de Corée du Sud contre leurs bourgeoisies. Seule une révolution socialiste dans la métropole impérialiste qu’est le Japon pourra jeter les bases du développement d’une Asie socialiste.

Le Bolchévik nº 173

Le Bolchévik nº 173

septembre 2005

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