Spartacist, édition en français, numéro 44 |
Printemps 2019 |
La LCI exclut des membres de sa section polonaise
Déclaration du Comité exécutif international
Au mois de mars, deux membres du Spartakusowska Grupa Polski (SGP) ont été exclus de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste) pour violation du centralisme démocratique. L’un d’eux avait communiqué des griefs politiques internes à un non-membre, et les deux membres ont ensuite défendu cette violation des principes élémentaires du léninisme. Ces actes étaient une violation flagrante des « Statuts et directives organisationnelles » de la LCI, qui précisent que la « collaboration politique avec des non-membres de la LCI doit être formellement autorisée par l’organisation du parti ayant compétence » (Spartacist édition française no 32, printemps 1998). Notre minuscule groupe polonais, qui était une section sympathisante de la LCI, n’existe plus.
Comme l’explique la lettre d’exclusion écrite par le Secrétariat international (SI) de la LCI, l’opposition de ces désormais ex-camarades à notre programme trotskyste a culminé dans leur rejet du centralisme démocratique léniniste :
« Il existe depuis longtemps des divergences politiques entre les camarades du SGP et la direction de l’Internationale : vous penchez systématiquement vers la stalinophobie, vous ne défendez pas notre programme sur la question femmes et la question juive et, plus généralement, vous avez plié sous la pression du nationalisme polonais anticommuniste. Ces dernières années, la direction de l’Internationale a mené une lutte assidue pour vous gagner aux positions de la LCI, mais votre récente violation du centralisme démocratique met vos actions politiques en pleine conformité avec votre conscience politique. »
Une motion du SI excluant les membres du SGP a ensuite été approuvée à l’unanimité par notre Comité exécutif international (CEI).
Le SGP, né d’une fusion entre le Mouvement de la jeune gauche de Pologne et la LCI, avait été fondé en 1990 sur la base d’une opposition farouche à la réaction nationaliste catholique polonaise, dont l’organisation contre-révolutionnaire Solidarność était le fer de lance. Le SGP avait été dissous par le CEI en 2001, puis refondé comme section sympathisante lors de la Cinquième Conférence internationale de la LCI en 2007. Le SGP refondé s’est avéré en grande mesure incapable de formuler par ses propres moyens une politique et une propagande qui soient trotskystes. Il est donc demeuré une section sympathisante, ce qui nécessitait que ses publications soient approuvées par le SI. La LCI avait espéré que la formation et la discussion internes transformeraient l’accord politique déclaré en une compréhension et un accord dans les faits. Mais, ces dernières années, les divergences du SGP se sont qualitativement accentuées sous la pression sociale de la réaction politique qui s’est intensifiée dans la Pologne du parti Droit et justice (PiS), explicitement chauvin et clérical, arrivé au pouvoir en 2015.
Le document adopté en 2017 par notre Septième Conférence internationale, « La bataille contre l’Hydre chauvine », décrit les luttes incessantes menées contre l’adaptation du SGP au nationalisme polonais. Il énumère plusieurs manifestations de cette arriération, notamment le refus initial d’exclure un individu qui, en démissionnant de notre organisation, avait annoncé qu’il était raciste anti-immigrants et antimusulmans ; l’Internationale a dû insister pour qu’il soit exclu. Le document relate aussi une bataille avec un membre qui n’avait rien vu de mal à arborer un drapeau polonais en écusson sur sa chemise.
Le document de conférence mentionne aussi une motion adoptée en 2015, lors d’une réunion du SGP à laquelle assistaient des membres du CEI, condamnant la trajectoire du SGP d’adaptation à l’anticommunisme :
« Tel que cela se reflète dans plusieurs incidents récents, il y a eu une dégénérescence politique alarmante dans le SGP en direction du nationalisme polonais stalinophobe. Cela est montré dans le récent projet d’article titré “Empreinte du stalinisme en Pologne”, dont la ligne sur le massacre de Katyń en 1940 et sur l’insurrection de Varsovie en 1944 allait à l’encontre des positions établies de la LCI. »
Les membres du SGP faisaient écho à la propagande anticommuniste des nationalistes polonais contre l’Armée rouge soviétique qui a libéré la Pologne des nazis et de leurs collaborateurs. C’est à la suite de la victoire de l’Armée rouge que le capitalisme a été renversé en Pologne et qu’un État ouvrier bureaucratiquement déformé y a été créé.
Les membres du SGP ont également insisté à plusieurs reprises pour enlever des expressions telles que « classe capitaliste », « le grand dirigeant bolchévique Lénine », « État ouvrier déformé ou dégénéré » et « impérialisme américain sanguinaire » dans les traductions d’articles de la LCI publiées dans leur journal Platforma Spartakusowców. Ils sont devenus ouvertement hostiles lorsque des camarades de la LCI se sont opposés à leur volonté d’abandonner les termes marxistes et de s’adapter à l’opinion anticommuniste. Ils étaient également hostiles face aux critiques de leur attitude méprisante envers les manifestations du « lundi noir » d’octobre 2016 pour le droit à l’avortement, une question explosive dans la Pologne catholique.
En 2017, lors de la discussion de pré-conférence internationale, Wartecki, l’un des membres aujourd’hui exclus, a déclaré que l’hébreu était « la langue la plus stupide qui soit ». Après avoir été critiqué pour avoir fait écho aux préjugés anti-Juifs notoires de la société capitaliste polonaise, il a tenté de dissimuler le problème en affirmant qu’il s’agissait d’un malentendu. Pourtant, les deux membres du SGP ont ensuite déversé un torrent de calomnies contre la LCI, l’accusant – avec une logique perverse – de préjugés arriérés anti-Polonais parce que nous avions parlé de la prévalence du poison anti-Juif en Pologne !
Le document de notre Conférence internationale concluait à propos du SGP : « Cette conduite et la politique qui va avec sont étrangères à la LCI. L’existence du SGP comme section de la LCI est en question. » Jedniak, le délégué du SGP à la conférence, a voté en faveur du document. Mais cet accord formel n’a entraîné aucun changement fondamental, un mode de fonctionnement ô combien familier pour les camarades qui se battaient avec la section polonaise.
Début 2018, le gouvernement du PiS a promulgué une loi interdisant d’évoquer la complicité de la Pologne dans l’Holocauste. Il fallait de toute évidence que le groupe de la LCI en Pologne – un pays au cœur de l’Holocauste – produise une déclaration condamnant cette loi contre les Juifs et disant la vérité sur la complicité de la bourgeoisie polonaise dans les massacres de Juifs et d’autres sous l’occupation nazie. Quelques mois et trois projets plus tard, le SGP continuait à réduire son opposition à la loi à la défense du droit au « débat historique », à présenter la complicité polonaise en termes de culpabilité collective sans axe de classe et à minimiser le rôle que les nationalistes polonais et l’Armée de l’intérieur, bourgeoise, anticommuniste et antijuive, ont joué dans l’extermination des Juifs par les nazis.
Les trotskystes dignes de ce nom saluent avec fierté la libération de l’Europe centrale et orientale du fléau fasciste par l’Armée rouge soviétique. Mais, dans ses projets d’article, le SGP passait pratiquement sous le tapis le rôle de l’Armée rouge et omettait notre programme trotskyste de défense militaire inconditionnelle de l’État ouvrier dégénéré soviétique d’alors et des États ouvriers déformés – y compris la République populaire de Pologne ! – contre les attaques impérialistes et la contre-révolution interne. Le crime historique du stalinisme polonais, c’est d’avoir au fil des années poussé le prolétariat polonais, qui était historiquement socialiste, dans les bras de la réaction catholique. Les trotskystes appelaient à une révolution politique pour chasser la bureaucratie stalinienne parasitaire. Signe révélateur de la stalinophobie du SGP, un des projets d’article n’avançait cet appel qu’en prélude à des sous-entendus, faux, que les staliniens polonais avaient été responsables de pogromes anti-Juifs immédiatement après la Seconde Guerre mondiale : ces pogromes avaient en fait été commis par des forces nationalistes polonaises anticommunistes.
Nous avons été obligés de nous en remettre à des camarades en dehors de Pologne pour finalement écrire l’article (« Pologne : le pouvoir capitaliste fait l’éloge de pogromistes anti-Juifs », Workers Vanguard no 1145, 30 novembre 2018). Nous y écrivions : « La Ligue communiste internationale est déterminée à forger un parti révolutionnaire internationaliste du prolétariat polonais. Une des tâches impératives du SGP dans cette lutte, c’est de chercher à graver dans la conscience de la classe ouvrière le fait que la bourgeoisie polonaise a été complice de l’extermination des Juifs par les nazis. » C’est à cette dernière phrase que le SGP s’est le plus farouchement opposé après la publication, avec son accord, de l’article.
Nous avions au sein de la LCI une opposition stalinophobe de plus en plus endurcie qui capitulait devant le nationalisme polonais et s’adaptait à ses corollaires : l’anticommunisme, les préjugés anti-Juifs, antifemmes et anti-immigrants. Nous étions prêts à poursuivre la bataille avec intransigeance contre les positions politiques du groupe. Mais ces ex-membres ont rendu caduque toute poursuite de la lutte à l’intérieur de la LCI en portant des questions politiques internes à l’extérieur de la LCI, puis en défendant cette action.
Notre Internationale est régie par le centralisme démocratique. L’un des objectifs du centralisme démocratique est de protéger le parti dans son ensemble de l’influence des éléments extérieurs au parti qui ont un niveau de conscience plus bas. Le centralisme démocratique international permet également à des camarades d’une autre section, qui ne subissent pas les mêmes pressions sociales, de contrer l’esprit de clocher des sections nationales et de corriger leurs adaptations politiques. Nous sommes contre une Internationale fédérée, où chaque section serait autorisée à capituler devant les pressions de sa propre société. Nous avons perdu une petite fenêtre sur un pays important d’Europe centrale, ce qui est regrettable. Mais mieux vaut cela que de tolérer le programme et la pratique antiléninistes de ceux qui constituaient notre ancienne section polonaise.
31 mars 2019