Spartacist, édition française, numéro 40 |
Automne 2011 |
Lettre de James Robertson au Comité politique du SWP en 1960
Non au silence public sur la trahison du LSSP!
New York,
le 8 août 1960
Au Comité politique
Chers camarades,
Je m’adresse à vous à propos du silence public de notre parti concernant la trahison récente et persistante, par le Lanka Sama Samaja Party, de la classe ouvrière de Ceylan et du mouvement trotskyste mondial. Je parle bien sûr de l’entrée de ce parti dans un pacte électoral de « front populaire » avec le parti stalinien et avec le parti nationaliste bourgeois de gauche représenté par la veuve Bandaranaike.
Lorsque j’ai soulevé cette question en privé avec plusieurs membres de votre instance, on m’a dit que des lettres avaient été envoyées aux camarades de Ceylan et que vous pensiez que pour l’instant il y a plus à gagner pour les marxistes révolutionnaires dans le LSSP si nous n’en parlons pas publiquement. Je ne peux qu’être en désaccord et vous demande instamment de reconsidérer cette décision.
Quand j’ai été informé par le New York Times du pacte électoral et ensuite des élections, et que j’ai finalement lu que le LSSP continuait à donner son soutien au nouveau gouvernement capitaliste, mes inquiétudes à propos de cette classique capitulation social-démocrate étaient atténuées par deux considérations : 1) d’abord, que la construction d’un parti trotskyste authentique dans l’île pourrait peut-être émerger de ce désastre, et 2) que maintenant on pourrait vraiment coincer Pablo, non pas sur un vote obscur de ses partisans dans une réunion provinciale du Parti travailliste britannique, mais sur un acte bien défini et de dimension historique commis par un parti important, un acte sur lequel les organes centraux de la Quatrième Internationale auraient à prendre position, et cela en se prononçant pour ou contre les principes révolutionnaires élémentaires.
Mais le silence du Militant tempère l’un comme l’autre de ces espoirs. A Ceylan même si notre silence préserve temporairement notre « respectabilité » quand les dirigeants parlent de nous, il leur met aussi dans les mains une arme redoutable contre tous les militants qu’ils pourraient trouver en face d’eux : « Même les Américains ne sont troublés qu’en privé et traitent cela comme une affaire entre camarades. » Et en ce qui concerne la stature de Pablo dans le mouvement mondial, chaque jour de retard lui permet de dire en substance : « Vous aussi vous êtes des magouilleurs qui subordonnez vos principes aux tactiques. »
Camarades, que vous condamniez les ex-trotskystes de Ceylan, je n’en doute pas, mais le fait que vous ne souleviez pas cette question publiquement et avec la gravité qu’elle mérite rend un mauvais service au mouvement international.
Salutations communistes,
James Robertson