Spartacist, édition française, numéro 38 |
été 2008 |
Refondation du Groupe spartaciste de Pologne
Pour de nouvelles révolutions d’Octobre !
Reforgeons la Quatrième Internationale !
TRADUIT DE SPARTACIST (EDITION ANGLAISE) no 60, AUTOMNE 2007
L’article qui suit a été traduit et adapté de Platforma Spartakusowców (PS) no 23 (mai 2007), journal du Spartakusowska Grupa Polski (SGP, Groupe spartaciste de Pologne), diffusé à la manifestation du Premier Mai 2007 à Varsovie. L’article original en polonais a été traduit et publié dans son entièreté en anglais dans Workers Vanguard no 892 (11 mai 2007), et en allemand dans Spartakist no 167 (été 2007).
Nous sommes fiers d’annoncer la refondation du Groupe spartaciste de Pologne comme section sympathisante de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste). Le SGP fera partie de notre internationale démocratiquement centralisée et sera sous sa discipline. Notre objectif est de nous battre pour de nouvelles révolutions d’Octobre dans le monde entier, et pour une société socialiste internationale qui remettra toute la richesse du monde à la disposition de l’humanité. La décision de refonder le SGP a été prise début 2007 par les délégués de la Cinquième Conférence internationale de la LCI.
Le SGP avait été fondé une première fois en octobre 1990 lorsque le Mouvement de la jeunesse de gauche (RML) de Pologne avait fusionné avec la LCI, dans la foulée de la réunification capitaliste de l’Allemagne et de la lutte de la LCI contre la contre-révolution.
Quand, en décembre 1981, le général Wojciech Jaruzelski a réprimé la tentative de prise du pouvoir par Solidarność, la TSI (tendance spartaciste internationale, prédécesseur de la LCI) a soutenu cette mesure. En même temps, elle avertissait que les staliniens étaient capables de trahir l’Etat ouvrier polonais et de le remettre aux mains des capitalistes, ce qu’ils ont finalement fait en 1989-1990. Avec sa position, la TSI appliquait directement le programme trotskyste : défense militaire inconditionnelle de l’Etat ouvrier bureaucratiquement déformé contre la contre-révolution interne et externe, et révolution politique prolétarienne pour balayer les castes bureaucratiques parasitaires au pouvoir et les remplacer par des conseils ouvriers démocratiquement élus, s’engageant à défendre les formes de propriété collectivisées, l’économie planifiée et une perspective internationaliste.
La rupture du RML avec le stalinisme a commencé sous l’impact des événements en Pologne. Les camarades du RML ont redécouvert et défendu une excellente tradition de l’Internationale communiste des premières années, qui avait été presque oubliée en Pologne à la fin des années 1980 : rendre hommage, au mois de janvier, aux « Trois L », Vladimir Ilitch Lénine, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, dirigeants de premier plan du communisme russe, polonais et allemand. En rendant hommage aux Trois L, le RML rompait dans les faits avec le nationalisme polonais promu par la bureaucratie stalinienne et se distinguait du reste des organisations de gauche qui, à l’époque, avaient activement soutenu la contre-révolution de Solidarność.
Ce qui attirait particulièrement le RML vers la LCI, c’est la lutte de la LCI pour une Allemagne rouge des conseils ouvriers dans une Europe socialiste, que la LCI avait menée au cours de la révolution politique prolétarienne qui se développait en République démocratique allemande [Allemagne de l’Est] en 1989-1990. La LCI était la seule organisation au niveau international à lutter contre la réunification capitaliste de l’Allemagne. La « Lettre aux ouvriers polonais » de mai 1990 publiée par le Parti ouvrier spartakiste d’Allemagne (SpAD), section allemande de la LCI, montrait clairement l’opposition sans faille de la LCI à la contre-révolution de Solidarność. Le RML partageait cette conception et adhéra au programme trotskyste de la LCI.
En 2001, le Comité exécutif international de la LCI décida de dissoudre le SGP. La situation politique objective en Pologne était perçue à tort comme étant peu encourageante pour la LCI en comparaison des luttes ouvrières et autres luttes sociales qui avaient lieu en Europe de l’Ouest à l’époque. Cependant, la Quatrième Conférence de la LCI en 2003 a réexaminé de façon critique les problèmes internes provenant de l’impact de la contre-révolution capitaliste sur notre organisation. Après notre conférence de 2003, nous avons continué à réévaluer certaines questions et pratiques politiques du passé [voir Spartacist édition française no 36, été 2004].
L’une des questions que nous avons réexaminées était notre propagande sur Solidarność dans les années 1990. Solidarność, une fois l’Etat ouvrier déformé polonais détruit en 1989-1990, avait rempli son rôle de fer de lance de la contre-révolution capitaliste. Son secteur paysan et beaucoup d’intellectuels la quittèrent pour fonder leurs propres partis bourgeois. Solidarność (de même que ses sous-produits comme Solidarność 80 et Sierpien 80) se mit donc à ressembler davantage à un syndicat dans sa composition sociale. Pendant le premier gouvernement dirigé par le SLD (les ex-staliniens devenus sociaux-démocrates) dans la Pologne issue de la contre-révolution, nous avons noté que le « syndicat Solidarność officiel se fait maintenant passer pour un grand défenseur des intérêts de la classe ouvrière tout en intensifiant sa démagogie anticommuniste et en faisant des ouvertures à des forces fascisantes reconnues (PS no 5, printemps 1995).
Cependant, en ne prenant en compte que ce dernier aspect, nous avons unilatéralement argumenté, dans un article de 1998 de PS, que « le rôle de Solidarność n’a rien à voir avec une forme quelconque de “syndicalisme”, “combatif” ou autre ». Suite à une discussion internationale dans la LCI, nous avons corrigé cette formulation dans un article de 2005 (« La droite gagne les élections en Pologne », PS no 13, décembre 2005), notant que nous avions eu tort de ne pas tenir compte du fait que Solidarność est à la fois un syndicat et une organisation cléricale réactionnaire : « [Solidarność] organise les ouvriers sur le lieu de production, dirigeant parfois des luttes économiques défensives ; en même temps, c’est un mouvement politique allié étroitement à la hiérarchie catholique et à des partis nationalistes explicitement de droite. » Cet article, écrit en étroite collaboration entre la LCI et ses sympathisants et partisans en Pologne, évoquait fièrement la lutte de la LCI contre la contre-révolution, alors que les festivités réactionnaires pour le 25e anniversaire de Solidarność battaient leur plein.
Malgré la dissolution du SGP, la LCI, en particulier par l’intermédiaire du SpAD, a continué à intervenir dans les activités de la gauche et la lutte de classe en Pologne, et elle a poursuivi les discussions avec les militants qui s’intéressaient à notre programme et qui étaient dégoûtés par le ralliement de la gauche polonaise à l’anticommunisme et au nationalisme polonais. Ce travail a été facilité en grande partie par un cadre fondateur du SGP qui a continué à collaborer étroitement avec la LCI.
Nos nouveaux membres ont pu être recrutés principalement parce que la LCI a lutté si vaillamment face à la contre-révolution capitaliste et qu’elle s’est battue pour le trotskysme en Pologne. Un de nos camarades a rencontré la LCI à une manifestation pour les droits des femmes lors de la Journée internationale des femmes ; il a été attiré par la LCI parce que nous luttions pour la libération des femmes par la révolution socialiste, et pour les pleins droits démocratiques pour les homosexuels. Nos opposants dans la gauche ne parlent aux ouvriers en grève que de revendications économiques et refusent de combattre les préjugés réactionnaires comme l’antisémitisme, le machisme et l’homophobie ; lorsque ces opportunistes vont aux manifestations pour les droits des femmes, ils y défendent les idées féministes bourgeoises. Nous par contre, nous intervenons dans toutes les luttes et parmi toutes les couches de la société avec le programme révolutionnaire. Nous disons aux ouvriers en grève que, pour que le prolétariat avance, il doit activement défendre les droits des opprimés, et nous disons à celles et ceux qui luttent pour les droits des femmes qu’ils doivent se tourner vers le prolétariat, car lui seul a la puissance sociale et l’intérêt objectif pour renverser le système capitaliste, et que l’oppression des femmes est inhérente à ce système. Nous nous battons pour construire un parti révolutionnaire qui doit être, selon les mots de Lénine, un tribun du peuple.
Dans les discussions en vue de rétablir une section polonaise de la LCI, nous avons soulevé la position trotskyste sur la Deuxième Guerre mondiale. Les propagandistes cyniques de la classe capitaliste présentent la Deuxième Guerre mondiale comme une guerre entre la démocratie et le fascisme. Rien n’est plus faux ! En fait, la Deuxième Guerre mondiale était une guerre entre des bandes rivales de brigands impérialistes. Nos prédécesseurs révolutionnaires de la Quatrième Internationale de Trotsky n’ont pris aucun côté dans la guerre entre les puissances impérialistes de l’Axe (Allemagne nazie, Italie et Japon) et les Alliés impérialistes (Grande-Bretagne, France et USA), dont le discours « démocratique » dissimulait leurs prétentions à l’hégémonie mondiale et à l’exploitation impérialiste débridée des colonies. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la bourgeoisie polonaise était un laquais des impérialismes français et britannique. C’est pour cette raison que les trotskystes n’ont pas choisi de côté en 1939 dans la guerre entre l’Allemagne impérialiste et la Pologne, qui n’était, pour utiliser l’expression de Trotsky, qu’« un “gangster” estropié de l’impérialisme ». En clarifiant cette question, nous avons fait référence au brillant article de 1938 de Trotsky intitulé « Une leçon toute fraîche », écrit au moment des accords de Munich grâce auxquels les troupes de Hitler ont démembré et annexé la partie tchèque de la Tchécoslovaquie :
« Même si l’on laisse de côté ses liaisons internationales, la Tchécoslovaquie représente un Etat absolument impérialiste. [ ]. La guerre, même de la part de la Tchécoslovaquie isolée, eût été menée ainsi, non pas pour l’indépendance nationale, mais pour le maintien et, si possible, l’élargissement des frontières de l’exploitation impérialiste. [ ]
« La guerre impérialiste, quel que soit l’endroit où elle ait commencé, sera faite, non pour quelque “indépendance nationale”, mais en vue du repartage du monde selon les intérêts des diverses cliques du capital financier. »
Mais dans la guerre entre l’Allemagne nazie et l’Union soviétique, nous avions très clairement un côté. Nous nous réclamons de la tradition des courageux trotskystes du ghetto juif de Varsovie qui proclamaient : « Nous défendons l’Etat ouvrier, malgré le régime stalinien, comme nous défendons toute organisation ouvrière contre les coups de l’ennemi de classe, malgré le régime réformiste qui la domine VIVE L’ARMEE ROUGE ! VIVE LA REVOLUTION RUSSE ! VIVE LA REVOLUTION INTERNATIONALE ! » (Czerwony Sztandar [Drapeau rouge] no 6, juillet 1941).
Le rétablissement du SGP donne à la LCI une importante fenêtre sur l’Europe de l’Est. C’est un pas important pour reforger la Quatrième Internationale, parti mondial de la révolution socialiste. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! Pour de nouvelles révolutions d’Octobre ! Rejoignez-nous !