République ouvrière nº 3

Hiver/printemps 2019

 

Provocation impérialiste contre la Chine

Arrestation de la directrice financière de Huawei

Levée immédiate des accusations !

L’arrestation par le gouvernement Trudeau, à l’instigation de Washington, d’une haute dirigeante chinoise du secteur des télécoms montre une fois de plus à quel point son image « progressiste » sur la scène internationale est une fraude. Les propos évasifs de Trudeau selon lesquels le Canada se trouverait malheureusement coincé entre les « deux plus grandes économies du monde » sont absolument hypocrites : le Canada agit toujours comme partenaire junior des impérialistes américains et est un fidèle allié dans la campagne contre-révolutionnaire contre l’État ouvrier chinois. L’ambassadeur canadien en Chine, John McCallum, a même été congédié par Trudeau pour avoir publiquement tenu des propos qui n’étaient pas assez antichinois. La bureaucratie syndicale, pour sa part, agit comme courroie de transmission pour ce poison anticommuniste, notamment en poussant pour plus de protectionnisme dirigé contre la Chine. Ce qui est véritablement dans l’intérêt de la classe ouvrière au Canada et au Québec, c’est de défendre l’État ouvrier contre l’impérialisme et mener la lutte de classe contre les exploiteurs capitalistes. Nous imprimons ci-dessous la traduction d’un article publié dans Workers Vanguard (no 1147, 18 janvier), journal de nos camarades de la Spartacist League/U.S.

Le 1er décembre, la police canadienne a arrêté à Vancouver Meng Wanzhou, directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei, sous prétexte qu’elle aurait commis une « fraude bancaire » en violation des sanctions pénales américaines contre l’Iran. Le Canada, partenaire impérialiste junior des États-Unis, a pris cette mesure à la demande de Washington. Libérée sous caution, Meng risque maintenant l’extradition aux États-Unis. Son arrestation fait partie d’une vaste offensive impérialiste contre l’État ouvrier bureaucratiquement déformé chinois ; c’est une provocation sinistre contre la Chine. La Spartacist League/U.S. et la Ligue trotskyste au Québec et au Canada exigent : Levée immédiate des accusations !

Les États-Unis renforcent leur campagne contre-révolutionnaire contre la Chine, qui est aujourd’hui le plus puissant des pays où le capitalisme a été renversé. Sur le plan militaire, Trump met en œuvre le « pivot vers l’Asie » d’Obama, qui a été entravé par les démêlés américains au Proche-Orient. Les efforts de longue date des impérialistes américains pour encercler militairement la Chine s’intensifient avec une série d’affrontements en mer de Chine du Sud, où la Chine a pris d’importantes mesures pour renforcer ses défenses, ainsi qu’avec des ventes d’armes régulières à Taiwan. Sur le plan économique, les tarifs douaniers de Trump menacent de déboucher sur une vaste guerre commerciale.

Le but ultime de ces mesures est de restaurer le règne du capitalisme en Chine et de faire de celle-ci un immense atelier de misère sous la botte impérialiste. Les démocrates et les républicains sont parfaitement d’accord sur ces questions fondamentales, en dépit de toutes les querelles qui s’étalent actuellement à Washington entre ces deux partis capitalistes. La bureaucratie syndicale fait directement le jeu de cette campagne réactionnaire avec son protectionnisme « America First » et ses attaques anticommunistes contre la Chine.

Les travailleurs des États-Unis et du monde entier ont un intérêt de classe fondamental dans la défense de la Chine contre les impérialistes. La Révolution chinoise de 1949, menée par l’armée de guérilla paysanne de Mao Zedong, a renversé le pouvoir des capitalistes et des grands propriétaires terriens et a créé un État ouvrier, libérant le pays d’une domination impérialiste brutale. Grâce à une économie centralisée basée sur des formes de propriété collectivisées, des centaines de millions de personnes ont été tirées de la pauvreté, l’alphabétisation de masse a été réalisée et les femmes ont fait d’énormes progrès par rapport à un passé d’affreuse oppression symbolisée par le bandage des pieds. En tant que trotskystes, nous sommes pour la défense militaire inconditionnelle de la Chine contre l’impérialisme et la contre-révolution intérieure.

Toutefois, cet État ouvrier était déformé dès sa naissance par la domination d’une bureaucratie parasitaire fondamentalement similaire à celle qui gouvernait l’Union soviétique sous Staline et ses successeurs. De l’époque de Mao jusqu’à aujourd’hui, la politique du Parti communiste chinois (PCC) est une expression du dogme nationaliste stalinien selon lequel le socialisme — une société d’abondance matérielle marquée par la disparition des classes — peut se construire dans un seul pays. Ce programme est totalement opposé au programme marxiste de la révolution prolétarienne mondiale, condition préalable à la création d’une économie planifiée à l’échelle internationale qui éliminera la pénurie, notamment en exploitant les technologies les plus sophistiquées. Nous sommes pour une révolution politique prolétarienne afin de chasser la bureaucratie stalinienne et de la remplacer par des conseils d’ouvriers et de paysans dévoués à la lutte pour le socialisme mondial.

Plusieurs alliés des États-Unis se plaignent de la guerre commerciale de Trump, mais ils sont tous unis avec Washington pour bloquer la poursuite du développement technologique de la Chine, qui s’est manifesté de façon spectaculaire avec le récent alunissage de la sonde Chang’e-4 sur la face cachée de la lune, une première mondiale. L’une des préoccupations des impérialistes est de s’assurer que la technologie de pointe reste avant tout leur domaine. Trump a intensifié les mesures de l’administration Obama pour bloquer les investissements chinois dans des entreprises américaines donnant accès à des technologies de pointe. L’Allemagne est également saisie de paranoïa concernant les prises de contrôle chinoises, notamment à la suite de l’acquisition du fabricant allemand de robotique KUKA par le conglomérat chinois Midea. Huawei est le leader mondial de la technologie de réseau pour la prochaine génération de téléphonie mobile (la « 5G »), et le deuxième fabricant mondial de smartphones (devant Apple). Meng, dont le père est un ancien ingénieur de l’Armée populaire de libération qui a fondé l’entreprise, est le visage public de Huawei.

Les autorités américaines s’inquiètent du fait que la domination de Huawei dans le développement de la technologie 5G confère à Pékin de vastes pouvoirs de surveillance mondiale. Cela ne manque pas de culot venant de Washington, les maîtres de l’espionnage gouvernemental. Il y a six ans, Edward Snowden a publié des documents montrant que le gouvernement américain espionne de tous côtés ses propres citoyens, des étrangers et même des chefs d’État alliés. Comme l’a révélé Snowden, la National Security Agency (Agence de sécurité nationale) implante systématiquement des portes dérobées dans les routeurs Cisco et dans d’autres équipements réseau expédiés à l’étranger. Elle a également piraté le réseau informatique interne de Huawei et accédé à ses archives de courrier électronique, à sa liste de clients et au code source de ses logiciels.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont associées aux États-Unis pour tenter d’interdire l’utilisation des produits Huawei dans le déploiement de la 5G. En décembre dernier, le Japon a interdit à Huawei l’obtention de contrats gouvernementaux. British Telecom a annoncé qu’elle allait retirer de ses réseaux les équipements Huawei existants et qu’elle n’allait pas déployer la commutation Huawei 5G, bien que le centre d’espionnage britannique GCHQ ait approuvé des produits Huawei à plusieurs reprises. En même temps, un certain nombre de fournisseurs de services sans fil en Europe ayant passé des accords avec Huawei continuent de tester ses produits en vue du déploiement de la 5G.

Des représentants américains se sont répandus dans toute l’Europe pour intimider les gouvernements ainsi que les fournisseurs de pièces de Huawei ; les autorités polonaises ont alors arrêté pour espionnage le 8 janvier un directeur des ventes de Huawei et un autre employé du secteur des télécoms. Parallèlement aux arrestations, le ministre de la Sécurité publique polonais a proclamé que l’Union européenne et l’OTAN devraient envisager d’exclure conjointement Huawei de leurs marchés. Pékin a réagi à l’arrestation de Meng en arrêtant deux citoyens canadiens et en les accusant d’atteinte à la sécurité nationale. Le 14 janvier, un Canadien a été condamné à mort en Chine pour trafic de drogue. La Chine, comme les États-Unis, est tristement connue pour avoir recours à la peine de mort, une peine barbare.

Les dirigeants du PCC utilisent le développement impressionnant de la Chine ces dernières décennies pour promouvoir l’idée fausse qu’ils peuvent faire de la Chine la superpuissance mondiale du XXIe siècle en commerçant et en collaborant avec les impérialistes, qui dominent le marché mondial. C’est un article de foi inviolable pour les bureaucrates staliniens, remontant à Staline lui-même, de croire que la « coexistence pacifique » avec les impérialistes est réalisable. Dans un article paru le 18 décembre, le Global Times, un journal gouvernemental chinois, insistait sur le fait que « le secteur des technologies de pointe en Chine n’est pas vulnérable » en raison des liens économiques étroits qui unissent la Chine et les États-Unis.

Contrairement à ces illusions, les impérialistes américains ont démontré leur capacité de paralyser les géants chinois de la technologie. L’administration Trump a bloqué l’année dernière pendant un certain temps l’exportation de microprocesseurs avancés fabriqués par des entreprises américaines à destination d’un autre fabricant de télécommunications chinois, ZTE, ce qui a mis en péril l’existence même de celui-ci. Environ 90 % des puces utilisées en Chine sont soit importées, soit fabriquées en Chine par des sociétés étrangères, alors même que la Chine fabrique 90 % du matériel informatique mondial. La technologie de pointe dans les puces est un moteur de l’économie mondiale d’aujourd’hui et une clé pour les prouesses militaires. Trump n’a levé l’interdiction pesant sur ZTE que pour pouvoir utiliser le sort de celui-ci comme monnaie d’échange dans son bras de fer commercial avec la Chine.

La Chine est une expression concentrée des contradictions inhérentes à un État ouvrier dirigé par une caste bureaucratique privilégiée. D’une part, elle est devenue la deuxième économie du monde, créant un prolétariat massif et combatif. Preuve de la supériorité d’une économie collectivisée, la production chinoise a continué de croître alors que le monde capitaliste plongeait dans la crise économique il y a dix ans.

D’autre part, la Chine a un niveau moyen de productivité du travail bien inférieur à celui des pays capitalistes avancés. C’est flagrant dans les campagnes, où vit près de la moitié de la population et qui fournissent la majeure partie de l’armée de travailleurs migrants du pays. Des décennies de réformes de marché par le PCC ont énormément accru les inégalités. Pour maintenir leur pouvoir, les bureaucrates staliniens répriment vigoureusement toute expression politique indépendante des travailleurs chinois, qui poursuivent les manifestations et les grèves à grande échelle.

La bureaucratie du PCC au pouvoir doit être chassée par une révolution politique prolétarienne afin d’instaurer un régime de démocratie ouvrière. Un régime de conseils ouvriers et paysans se battrait pour préserver et étendre les formes de propriété de la classe ouvrière et mener la lutte pour le socialisme dans le monde entier. La modernisation égalitaire tous azimuts de la Chine dépend du partage, de l’allocation et du développement ultérieur des ressources mondiales qui seront rendus possibles par des révolutions socialistes dans les pays capitalistes avancés.

Seule la mise en place d’une économie planifiée internationale peut libérer les forces productives nécessaires pour éliminer la misère et jeter les bases d’une société socialiste. Pour apporter cette compréhension au prolétariat et le doter d’une direction dans la lutte, il faut un parti révolutionnaire international, avec des sections dans des pays du monde entier. Un tel parti doit s’appuyer sur les leçons de la Révolution russe d’octobre 1917 dirigée par les bolchéviks de Lénine et Trotsky, celles des quatre premiers congrès de l’Internationale communiste, et celles de la lutte ultérieure de Trotsky pour forger la Quatrième Internationale en tant que parti mondial de la révolution socialiste. C’est la perspective de la Ligue communiste internationale.