République ouvrière nº 2

Printemps/été 2018

 

Documents de la bataille dans la Ligue trotskyste


Spartacist Canada sur la grève des contrôleurs aériens de 1976 : une capitulation devant l’anglo-chauvinisme

24 octobre 2016

Nous réimprimons ci-dessous une traduction du document écrit par trois camarades québécois critiquant l’article de SC sur la grève des contrôleurs aériens de 1976, document qui a véritablement lancé la discussion sur la question nationale dans notre organisation. Le document a d’abord été écrit en anglais, cherchant surtout à convaincre les camarades anglophones de la section. Comme nous l’expliquons dans l’article en première page de ce numéro, les camarades québécois ont su gagner d’autres cadres à leur opposition à l’anglo-chauvinisme sur la base de ce document, et ont eux-mêmes été gagnés par la suite à la position en faveur d’une seule langue de l’air (et à la position que la grève de la CATCA/CALPA était défendable), jetant ainsi les bases pour la bataille principielle qui s’en est suivie.

Chers camarades,

En réexaminant de vieux numéros de SC, nous sommes tombés sur l’article « La controverse sur le bilinguisme pour le contrôle du trafic aérien enflamme le Canada » (SC no 8). Nous pensons que la ligne que nous avons sur cette grève est erronée, que cet article capitule devant l’anglo-chauvinisme et que nous devrions le répudier.

La grève de la CATCA et de la CALPA en 1976 était une grève contre le bilinguisme que la LT/TL n’aurait pas dû soutenir. Les travailleurs français demandaient simplement l’application du bilinguisme. La revendication des contrôleurs aériens québécois d’utiliser l’anglais et le français au travail est un droit démocratique que la LT/TL aurait dû défendre.

L’hystérie sur la sécurité était juste un prétexte pour nier les droits démocratiques fondamentaux des travailleurs québécois. Comme le reconnaît l’article, le bilinguisme dans le contrôle aérien est la politique normale de beaucoup de pays, comme la France et l’Espagne. Le bilinguisme est la politique officielle du contrôle aérien au Québec depuis 1979, quand une commission gouvernementale a conclu que c’était une pratique sûre. Autant que nous le sachions, plus de 35 ans d’utilisation de l’anglais et du français à l’aéroport international de Montréal n’ont causé aucun problème de sécurité majeur.

Capitulation devant l’anglo-chauvinisme

Cet article a été écrit pour les travailleurs canadiens-anglais et il alimente le chauvinisme à la feuille d’érable au lieu de le combattre. Tout le cadre de l’article capitule devant les tendances anti-Québécois dans le mouvement ouvrier et se moque de la juste lutte des Québécois pour pouvoir travailler en français. La petite partie sur la nécessité de s’opposer au chauvinisme anti-québécois ne signifie rien si on considère l’article dans son ensemble.

Premièrement, nous déformons la manière correcte dont Roger Demers [membre fondateur de L’Association des gens de l’air] présente la question comme « de l’esprit de clocher nationaliste ». Nous caractérisons aussi de façon incorrecte les revendications des Gens de l’air de « nationalisme philistin ». Inversement, nos critiques du dirigeant syndical traître et chauvin Jim Livingston sont très mesurées. Tout ceci dans un contexte où on disait aux contrôleurs aériens francophones qu’ils devaient « speak white », et où ils se faisaient suspendre pour avoir utilisé le français avec leurs collègues de travail francophones. Même si les Gens de l’air étaient indubitablement nationalistes, leur revendication du bilinguisme dans le contrôle aérien était correcte.

Deuxièmement, notre défense des droits linguistiques dans la courte section « Pour les droits linguistiques des Québécois » ne va pas au-delà du pseudo-bilinguisme de Trudeau.

Troisièmement, nous utilisons de façon effrontée Lénine pour présenter l’assimilation du Québec comme quelque chose de progressiste. Notre programme n’est pas de prôner l’assimilation des nations opprimées sous le capitalisme. Il manque aussi ce passage crucial à la citation :

« Le programme national des marxistes tient compte des deux tendances en défendant, en premier lieu, l’égalité des nations et des langues, l’opposition à tout privilège quel qu’il soit à cet égard (et en défendant aussi le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, ce dont nous parlerons plus loin) ; en défendant, en second lieu, le principe de l’internationalisme et de la lutte intransigeante contre la contamination du prolétariat par le nationalisme bourgeois, fût-il le plus raffiné. »

—Lénine, « Notes critiques sur la question nationale », 1913

Quatrièmement, la phrase du dernier paragraphe qui dit que « Le bilinguisme qui est approprié pour les étiquettes des pots de cornichons est inapplicable au transport aérien international » est juste dégoûtante.

Le mépris qui est exprimé dans cette phrase fait écho au ton général de l’article.

La LT/TL devrait répudier cette position et cet article. Cela pourrait être un obstacle à gagner des travailleurs québécois, et c’est contraire à notre perspective de lutte de classe commune entre les classes ouvrières québécoise et canadienne. En réalité, cette grève est un exemple clair de comment le chauvinisme canadien-anglais a poussé les travailleurs québécois dans les bras des nationalistes bourgeois du PQ.

Cela nous préoccupe qu’un article comme celui-ci ait été publié dans WV puis dans SC. Nous devrions organiser un réexamen conscient et collectif de nos articles sur les questions nationales et linguistiques.

Pour la construction d’une LT/TL binationale !

Pontiac, Tremblay et David


La LT/TL et l’autodétermination du Québec au référendum de 1980

15 novembre 2016

Malgré notre changement de ligne sur la question nationale en 1995, où nous avons finalement pris position en faveur de l’indépendance, notre organisation n’avait jamais entrepris une critique sérieuse de sa position précédente sur le référendum de 1980. Le document suivant, écrit par le camarade Tremblay, est le premier à apporter ce correctif essentiel. En comparant notre position de 1980 aux cas où il n’y a pas de position de principe posée par la question nationale et où nous ne recommandons ni un vote pour ou contre la séparation (comme le cas de l’Écosse en 2014), ce camarade suggère déjà que notre ligne pour le boycott équivalait à nier le droit à l’autodétermination du Québec. Le document argumente correctement que le référendum n’était pas qu’une mesure pour soutenir le PQ, mais qu’il posait concrètement une question de principe pour l’autodétermination de la nation opprimée. La position léniniste correcte aurait été de voter « oui ».

Avec le tournant de la discussion actuelle dans la LT/TL vers la question nationale, j’essaie d’approfondir ma connaissance de cette question et de mieux comprendre notre approche. J’ai ainsi été lire les articles du Spartacist Canada autour de la question référendaire de 1980, ce que je n’avais, à tort, pas encore fait. Je savais que nous critiquions la ligne que nous avions puisque nous n’appelions pas à l’indépendance à cette époque, mais que nous disions avoir toujours correctement défendu la perspective léniniste du droit à l’autodétermination du Québec. Dans notre article résultant de la discussion sur l’appel à l’indépendance du Québec (« Chauvinisme : poison pour la lutte de classe — pour l’indépendance du Québec ! »), nous affirmons : « Dès sa fondation, notre organisation, la Ligue trotskyste/Trotskyist League, s’est faite activement le champion du droit du Québec à l’indépendance » (SC no 105, septembre/octobre 1995). Nous proclamons effectivement le droit à l’autodétermination de la nation québécoise dans nos articles sur cette question.

Toutefois, dans nos articles de 1980 concernant le référendum du Parti québécois, nous prenons position pour le boycott de ce référendum : « Le seul choix pour les travailleurs du Québec est de boycotter le référendum de Lévesque ! » (SC no 40, décembre 1979/janvier 1980). Je me demande pourquoi nous faisons cet appel plutôt que de ne pas prendre position. Nous écrivions sur le référendum de l’indépendance de l’Écosse : « Nous défendons le droit à l’autodétermination de l’Écosse et du pays de Galles, ce qui inclut le droit de former des États indépendants. Le référendum ne pose pas, en soi, une question de principe et nous n’appelons pas à voter pour le Oui ou le Non » (Workers Hammer no 228, automne 2014). C’est, à mon avis, l’approche appropriée que nous devons défendre lors de référendums sur la question nationale où la classe ouvrière n’a pas de côté.

Nous justifions l’appel au boycott en 1980 en énonçant que : « le référendum de Lévesque n’a rien à voir avec le droit du Québec à l’autodétermination » (SC no 40). Nous présentons le référendum comme étant simplement un moyen pour le PQ d’aller chercher un appui dans des négociations contre le gouvernement canadien. Nous écrivons dans l’article « PQ Referendum, Federalists Gloat — Levesque Loses » [Référendum du PQ : Les fédéralistes jubilent — Lévesque perd] : « En dépit des affirmations des médias de Bay Street prétendant que le référendum n’était qu’une étape de plus sur la route du Québec vers l’indépendance, Lévesque ne demandait en réalité qu’un vote de confiance en sa capacité d’aller chercher quelques pouvoirs législatifs et quelques revenus fiscaux de plus à Ottawa » (SC no 43, été 1980). De ce fait, un vote pour le oui au référendum signifiait pour nous uniquement un appui au gouvernement nationaliste du PQ.

Il est vrai que la question au référendum de 1980 était assez ambiguë. Cependant, malgré la forme que le PQ a donnée à la question référendaire, il me semble clair qu’un vote en faveur du référendum de 1980 constituait une opposition à l’État fédéral canadien. La campagne référendaire a polarisé le Québec entier non pas sur le soutien au gouvernement provincial du PQ, mais plutôt sur la volonté d’indépendance ou d’unité des Québécois face à l’État canadien.

Les arguments utilisés pour prendre la position du boycott me semblent tout à fait contraires aux arguments qui ont permis d’élaborer la ligne de la LCI sur le référendum de Syriza en 2015. Nous avons pris position pour le Non dans le référendum en Grèce alors que la question référendaire n’était pas une opposition explicite à l’Union européenne. La question concernait plutôt l’adoption ou le refus de l’entente proposée par l’UE et nous avons correctement pris position pour un vote contre l’entente. Nous nous opposions à la politique du KKE [Parti communiste de Grèce] qui prétendait que voter négativement au référendum donnait un appui à l’entente alternative de Syriza. Le KKE, malgré une opposition en parole, n’a donc pas pris concrètement position contre l’UE lorsque la question a été posée.

Pour en revenir au référendum de 1980, il me semble que malgré le fait que nous mentionnons reconnaître le droit à l’indépendance du Québec, notre appel au boycott témoigne, selon moi, que nous n’avons pas été capables de défendre le droit à l’autodétermination lorsque la question au Québec a été pour la première fois concrètement avancée.


Le « parti ouvrier binational »

7 novembre 2016

La lettre suivante, écrite au cours de la discussion précédant la conférence canadienne de 2016 par une camarade du Secrétariat international (SI), apporte une précision importante concernant le genre de parti qu’il nous faut construire ici, particulièrement à la lumière de notre tâche stratégique pour l’indépendance du Québec. Cette perspective se reflète maintenant dans notre appel à construire un parti binational en vue de deux partis dans deux États séparés.

Chers camarades,

Le camarade Robertson a récemment souligné un problème dans le titre proposé pour l’esquisse de document de la LT/TL, « La bataille pour un parti binational ».

Je crois que c’est moi qui ai introduit l’idée que notre tâche actuelle au Canada est de construire le noyau d’un parti ouvrier binational. Il m’a semblé qu’il y avait une tendance de facto vers l’étroitesse anglo-canadienne et je voulais que les camarades comprennent le genre de parti qu’il nous faut construire maintenant, particulièrement à la lumière de notre appel pour l’indépendance du Québec et l’acquisition d’un groupe au Québec. Cependant, j’espère ne pas être la source du fait que nos camarades généralisent notre besoin présent d’un parti ouvrier binational. Le problème du Canada est que deux peuples — anglophone et francophone (ce dernier du côté opprimé) — sont coincés dans un seul État, avec le gouvernement fédéral oppressif au-dessus. Généralement, nous construisons un parti par pouvoir d’État.

Notre lutte pour un Québec indépendant est actuellement une question stratégique au Canada. Quand le Québec obtiendra son indépendance, il serait incorrect de continuer d’avoir un « parti ouvrier binational », puisque cela constituerait dans les faits un argument pour que les travailleurs québécois demeurent coincés dans un parti dominé par des anglophones. Or les anglophones forment aussi historiquement la nation oppressive. Il faut actuellement une section binationale, mais c’est, en un sens, une concession motivée par le fait que nous construisons une section dans une société où le Québec est opprimé, plutôt que de refléter notre objectif actuel pour la séparation. Dans ce cas-là, le Québec aurait son propre parti et nous aurions à construire concrètement un parti du côté anglo-canadien, en fonction de ce qui se passerait avec les régions anglophones de l’Amérique du Nord.

Même après une révolution ouvrière, le problème des nations opprimées continuera de requérir une attention particulière venant des partis des nations dominantes. Contrairement à Lénine, Staline et Ordjonikidzé envisageaient tous deux la Géorgie (et l’Ukraine) comme faisant partie d’une « union » involontaire, subordonnée à la Fédération de Russie. En 1921, ils ont effectué dans les faits un coup contre les meilleurs communistes géorgiens natifs et les ont traités de façon dégoûtante. Une investigation subséquente de Dzerjinski s’est avérée une couverture. Vers la fin de 1922, Lénine a réalisé ce qui s’était passé et a écrit une série de lettres tranchantes les 30 et 31 décembre 1922 que je recommanderais comme lectures aux camarades (« La question des nationalités ou de l’“autonomie” »). Accompagnant la plus tranchante dénonciation du chauvinisme grand-russe, il argumentait :

« Visiblement, toute cette entreprise d’‘‘autonomie’’ a été foncièrement erronée et inopportune.

« On prétend qu’il fallait absolument unifier l’appareil. D’où émanait ces affirmations ? N’est-ce pas de ce même appareil de Russie, que, comme je l’ai déjà dit dans un numéro précédent de mon journal, nous avons emprunté au tsarisme en nous bornant à le badigeonner légèrement d’un vernis soviétique ? »

Salutations communistes,

S. Coelho


Motions adoptées à la conférence historique de la LT/TL contre l’anglo-chauvinisme

19 novembre 2016

Ces deux motions ont été adoptées à la conférence canadienne de 2016 et codifient les résultats de la bataille. La première revient sur la discussion autour du contrôle aérien et l’accord principiel qui s’en est suivi. La motion soulève également la question de quelle langue serait la plus appropriée comme langage de l’air, question finalement tranchée à la Septième Conférence internationale de la LCI en faveur de l’espagnol (du Mexique).

La seconde motion caractérise les précédentes capitulations à l’anglo-chauvinisme qui ont marqué notre organisation avant et après 1995. Elle a été écrite en opposition au document de conférence proposé, qui faisait disparaître le problème central de la section sur la question nationale au Québec. La motion fait notamment référence à une discussion autour du sommet du G20 de 2010 à Toronto, où la section a refusé de soulever l’oppression spécifique des militants québécois qui étaient particulièrement visés par les forces de répression de l’État bourgeois. La politique qui l’a emporté lors de cette conférence a jeté les bases pour l’extension de cette bataille dans notre internationale, au cours de laquelle certaines positions se sont précisées davantage. Ainsi, la motion contient encore notre précédente opposition à la loi 101, alors que nous y accordons maintenant un soutien critique (pour notre changement de position, voir l’article en première page de ce numéro, et le Spartacist édition française no 43).

Motion : Les camarades Pontiac, David et Tremblay avaient raison de s’opposer au traitement de l’oppression nationale vis-à-vis les Québécois dans SC no 8, « La controverse sur le bilinguisme pour le contrôle du traffic aérien enflamme le Canada ». Comme ils ont noté (24 octobre) : « Cet article a été écrit pour les travailleurs canadiens-anglais et il alimente le chauvinisme à la feuille d’érable au lieu de le combattre. Tout le cadre de l’article capitule devant les tendances anti-Québécois dans le mouvement ouvrier et se moque de la juste lutte des Québécois pour pouvoir travailler en français. » Cependant, la juste lutte des travailleurs francophones pour utiliser leur langue est une question distincte de la langue du contrôle du trafic aérien. Sur la base de la sécurité aérienne, la grève de la CATCA/CALPA était défendable.

La question essentielle pour nous en tant qu’avant-garde est qu’il y ait une langue de l’air. Alors que cette langue est actuellement basée sur l’anglais, la question de ce sur quoi elle devrait être basée est une question ouverte et technique. Il y a de bons arguments pour qu’elle soit fondée sur le français ou l’espagnol, compte tenu de la portée actuelle de ces langues, du fait qu’elles sont relativement faciles à apprendre et à comprendre, et que ce serait un renversement de la domination des États-Unis dans le monde. Le chinois n’est pas facilement compréhensible d’une région à l’autre et sa portée géographique est limitée, malgré la forte population chinoise.

Motion : Nous rejetons le document « La bataille pour un parti binational — Vers deux sections dans deux États » (bien que nous soyons d’accord avec le titre), car il néglige les questions programmatiques centrales qui ont été mises en lumière par la discussion des derniers mois. La tâche centrale de la conférence est de reconnaître la lacune historique de la LT/TL sur la question nationale, et de jeter les bases pour la formation de deux sections dans deux États.

De 1975 à 1995, la section n’avait pas un programme léniniste sur la question nationale. Les articles annonçant la fondation de la TLC [Trotskyist League of Canada, ancien nom de la Ligue trotskyste] et le lancement de son journal, publiés dans SC no 1 (octobre 1975), ne saisissent pas la nature stratégique de la question nationale. En fait, ils n’en font même pas mention. Puis, dans les moments historiques importants qui ont suivi au Québec, comme la grève des contrôleurs aériens de 1976, l’élection du PQ la même année, le référendum sur l’indépendance du Québec de 1980 et les batailles linguistiques dans les années 1970 et 1980, c’est-à-dire lorsque cela comptait, la TLC a capitulé à l’anglo-chauvinisme. Malgré leurs professions de foi en défense du droit à l’autodétermination du Québec, les articles relatifs à ces évènements font écho à l’hystérie anglo-chauvine plutôt que de s’y opposer ; et ce, entre autres, en argumentant pour l’assimilation du Québec dans l’Amérique du Nord.

L’article « La controverse sur le bilinguisme pour le contrôle du trafic aérien enflamme le Canada » (SC no 8), bien qu’il défende une ligne correcte sur la langue de l’air et la grève de la CATCA/CALPA, fait écho à l’hystérie chauvine anglo-canadienne. L’année suivante, un mémorandum à la suite d’une discussion interne (« Nationalisme québécois et lutte de classe », SC no 12, janvier 1977), a explicitement rejeté l’appel à l’indépendance du Québec. Nos articles sur le référendum de 1980 nient dans les faits le droit à l’autodétermination, caractérisent ce référendum comme n’ayant « rien à voir avec le droit du Québec à l’autodétermination » (SC no 40) et affirment que même si la question avait été claire, nous nous serions opposés à l’indépendance. En fait, la position correcte aurait été de voter « oui ». L’article de 1988, « Nationalisme, racisme et la gauche au Québec » (SC no 72, automne 1988), fait l’amalgame entre le mouvement de défense de la loi 101 (à laquelle nous sommes opposés) et le fascisme.

De plus, durant toute cette période, nous polémiquions avec les opposants contre des mots d’ordre appelant à un Québec indépendant sous le socialisme, les qualifiant de réactionnaires, utopiques et capitulant au nationalisme. Dans le même ordre d’idées, nous n’avons jamais spécifié que notre position pour l’indépendance s’applique tout autant après la révolution qu’avant. De plus, l’appel à « la révolution socialiste nord-américaine » efface les distinctions nationales entre le Québec, l’Amérique du Nord anglophone et le Mexique. Cette conférence rejette ce dernier mot d’ordre, et affirme qu’un mot d’ordre tel que « Pour la république ouvrière du Québec » est principiel.

Appeler à l’indépendance du Québec à partir de 1995 a représenté une amélioration qualitative de notre programme sur la question nationale, mais n’a pas brisé l’étroitesse canadienne-anglaise qui caractérise la section. Cette dernière a continué de s’adapter aux pressions du Canada anglais et à minimiser l’importance stratégique de la question nationale, comme le démontre la discussion sur le G20 de 2010. L’une des expressions de cette approche a été le peu d’efforts déployés pour établir une présence dans la nation opprimée et rompre avec le caractère déformant d’une présence limitée au Canada anglais. Lors de la grève étudiante de 2005 au Québec, la section canadienne n’est pas intervenue et l’évènement est à peine mentionné dans les pages de SC. En 2012, l’intervention dans le plus grand mouvement de grève étudiante au Québec a été traitée initialement comme la neuvième priorité de la direction canadienne. Il a fallu une forte intervention du SI pour que la section y intervienne plus sérieusement.

L’établissement d’un local à Montréal nous donnait enfin une possibilité concrète pour construire un parti binational. Mais cette extension cruciale dans la nation opprimée n’a pas été considérée comme le noyau d’une future section québécoise, mais simplement comme « le troisième local » canadien. Il n’y a pas eu d’effort pour faire de l’éducation des nouveaux camarades une priorité réelle, notamment sur la question nationale. De plus, les nouveaux camarades de Montréal n’avaient jamais lu certains articles clés de la section sur cette question, notamment l’article sur la grève des contrôleurs aériens.

La tâche de produire de la propagande en français a été négligée par la direction centrale et a été subordonnée à la production de la presse du Canada anglais. Un organe de presse francophone est essentiel à la perspective de construire deux sections dans deux États.

Vu l’oppression historique de la nation québécoise au sein du Canada, la LT/TL doit aspirer à être composée à 70 % de Québécois et de gens issus de minorités. La direction a fait très peu pour intégrer les camarades québécois à des postes de direction. Le recrutement d’un groupe de camarades à Montréal, qui aurait dû être considéré comme une fusion, aurait dû mener à une reconfiguration des organes dirigeants. Plusieurs camarades québécois devraient désormais être à la direction de la section.