République ouvrière nº 1

Automne/hiver 2017-2018

 

Menace de guerre nucléaire des impérialistes américains

Défense de la Corée du Nord !

Dans leur détermination à détruire l’État ouvrier déformé nord-coréen, les impérialistes américains fauteurs de guerre amènent le monde au bord du conflit nucléaire. Le 8 août, Donald Trump a menacé de déclencher « du feu et de la fureur comme le monde n’en a encore jamais vus », ajoutant peu après que l’armée américaine est prête à tirer sur la gâchette. Ce n’est pas une menace en l’air. Les armées américaines et japonaises ont déjà lancé des exercices militaires massifs. Dans quelques jours, c’est littéralement l’invasion de la Corée du Nord que vont simuler les armées américaines et sud-coréennes. Quant au Canada, la ministre des Affaires étrangères a affirmé fortement son soutien aux États-Unis. Nous reproduisons ci-dessous la traduction, légèrement adaptée, d’un article publié le 24 mars 2017 par nos camarades de la Spartacist League/U.S. dans Workers Vanguard (no 1108).

Les impérialistes américains, avec le soutien d’Ottawa, prétextent les récents essais militaires et balistiques du régime de Pyongyang pour multiplier les menaces contre la Corée du Nord et la Chine. Les États-Unis ont entamé le 7 mars le déploiement en Corée du Sud du THAAD (Terminal High Altitude Area Defense), un système de défense antimissiles dernier cri comprenant des batteries de missiles et un puissant radar de poursuite. Moins d’une semaine plus tard, Washington annonçait que des drones de surveillance et d’attaque Gray Eagle seraient également stationnés en permanence en Corée du Sud. Le Secrétaire d’État [ministre des Affaires étrangères] Rex Tillerson a menacé la Corée du Nord d’une attaque militaire, déclarant le 17 mars depuis Séoul que « toutes les options sont sur la table ».

L’administration Trump, suivie par les médias capitalistes, prétend que le déploiement du THAAD et d’autres mesures similaires ont pour but de protéger la Corée du Sud, un État client de Washington, d’une apocalypse nucléaire qui serait soi-disant sur le point d’être déclenchée par la Corée du Nord. En fait, ce sont les impérialistes américains qui ont le Nord en ligne de mire. Quelque 320 000 soldats américains et sud-coréens conduisent actuellement des manœuvres militaires conjointes dont l’un des scénarios inclut des raids « de décapitation » ayant pour objectif de « liquider les dirigeants de la Corée du Nord » (Korea Herald, 13 mars). Participent à ces jeux de guerre le porte-avions américain Carl Vinson positionné dans le port de Busan, des chasseurs furtifs F‑35B, ainsi que la Team Six des SEAL (commandos d’élite de l’US Navy), les tueurs d’élite qui ont assassiné Oussama Ben Laden. Simultanément, des navires de guerre japonais, américains et sud-coréens effectuent depuis le 14 mars des exercices militaires coordonnés près des côtes nord-coréennes.

S’ajoute à cela le fait que le Conseil national de sécurité américain envisagerait de redéployer ouvertement des armes nucléaires en Corée du Sud. Si la Corée du Nord est directement dans la ligne de mire des impérialistes américains, leur cible ultime est la Chine, le plus grand et le plus puissant pays restant où la domination capitaliste a été renversée. Les experts militaires font remarquer que les batteries du THAAD ne seraient d’aucune utilité contre d’hypothétiques tirs de missile nord-coréens à basse altitude dirigés contre le Sud. En revanche, son radar de poursuite couvrirait la majeure partie de l’Est de la Chine, permettant ainsi aux États-Unis de dégrader la capacité de dissuasion nucléaire de Pékin. Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que « la Chine prendra résolument les mesures nécessaires pour défendre ses propres intérêts de sécurité » et a donné un avertissement aux États-Unis et à la Corée du Sud les appelant « à ne pas emprunter ce mauvais chemin ».

Lors de sa conférence de presse du 17 mars, Tillerson a déclaré à propos de la Corée du Nord que « la politique de patience stratégique est terminée ». Dans les faits, que ce soit sous les républicains ou les démocrates, la seule politique de l’impérialisme américain envers la Corée du Nord a toujours été de détruire sa révolution sociale — une étape vers le renversement de la révolution chinoise de 1949. De cette politique a notamment découlé la guerre de Corée, menée sous le drapeau des Nations Unies entre 1950 et 1953, et lors de laquelle les États-Unis et leurs alliés ont dévasté la péninsule coréenne. La bourgeoisie canadienne contribua à cette attaque criminelle avec 20 000 soldats.

La Chine et la Corée du Nord sont des États ouvriers bureaucratiquement déformés, où le pouvoir de la classe capitaliste a été renversé par des révolutions sociales. Le pouvoir des capitalistes et des propriétaires terriens fut renversé en Corée du Nord par des forces de guérilla agissant sous la protection de l’armée soviétique après la Deuxième Guerre mondiale. L’instauration de rapports de propriété prolétariens, collectivisés, a libéré la moitié nord du pays de la domination impérialiste. En même temps, les États ouvriers chinois et nord-coréen sont dirigés depuis leur création par des castes bureaucratiques staliniennes et nationalistes qui excluent la classe ouvrière du pouvoir politique.

En dépit de la mauvaise gestion stalinienne, l’économie planifiée de la Corée du Nord dépassait nettement le Sud capitaliste jusqu’au milieu des années 1970 et elle avait créé une infrastructure industrielle moderne. Néanmoins, le fait d’être séparée du Sud par une « zone démilitarisée » qui compte davantage d’armes au mètre carré que partout ailleurs sur terre a considérablement déformé son économie. La situation est devenue désespérée à la suite de la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique en 1991-1992, car l’URSS fournissait l’essentiel de l’aide militaire et technologique que recevait la Corée du Nord. Au milieu des années 1990, le Nord fut frappé par une terrible famine provoquée par des inondations et des sécheresses, et dont elle ne s’est jamais complètement relevée.

Il est du devoir de la classe ouvrière internationale, et particulièrement du prolétariat des États-Unis, de défendre la Chine et la Corée du Nord contre les prédateurs de la classe dirigeante américaine, leurs alliés japonais et leurs protégés sud-coréens. Le renversement et l’expropriation du capitalisme dans ces deux pays — comme dans les autres États ouvriers déformés restants que sont Cuba, le Vietnam et le Laos — constituent un acquis historique pour le prolétariat international. La défense militaire inconditionnelle de ces États contre les attaques impérialistes et la contre-révolution capitaliste est cruciale pour la cause de la révolution socialiste mondiale.

La défense de la Chine et de la Corée du Nord contre l’impérialisme implique nécessairement la possession par ces pays d’armes nucléaires et de systèmes de lancement efficaces. Les États-Unis menacent ouvertement d’une « première frappe » nucléaire ceux qu’ils considèrent comme leurs ennemis. Et de fait, les impérialistes américains sont les seuls à avoir jamais utilisé de telles armes en tuant 200 000 civils japonais à Hiroshima et Nagasaki, incinérés sous des bombes atomiques en 1945.

La menace de guerre impérialiste et d’anéantissement nucléaire de l’humanité ne peut en fin de compte être éliminée qu’avec le renversement révolutionnaire de l’ordre impérialiste mondial par la classe ouvrière. Mais aujourd’hui, face à l’hégémonie nucléaire mondiale indisputée de l’impérialisme américain, la seule véritable manière que l’on puisse avoir de garantir sa souveraineté nationale est de posséder une dissuasion nucléaire crédible. C’est une bonne chose que le Nord ait progressé dans le développement d’une telle dissuasion, avec notamment des missiles balistiques capables d’atteindre le Nord-Est de l’Asie. La Corée du Nord a aussi fait d’importants progrès dans le développement de missiles capables d’atteindre la côte Pacifique des États-Unis.

Les dangers qu’entraîne l’absence d’une telle dissuasion ont été démontrés en Libye. En 2003, Mouammar Kadhafi avait renoncé au programme d’armement nucléaire libyen dans le cadre de son engagement dans la « guerre contre le terrorisme » du gouvernement américain, et il avait accepté la présence d’équipes d’inspecteurs impérialistes. Huit ans plus tard, Kadhafi était renversé et assassiné par des forces locales soutenues par les États-Unis et d’autres puissances impérialistes, et sa chute ouvrait la voie au chaos sanglant dans lequel le pays est plongé depuis lors. C’est une chose pour les États-Unis d’attaquer un pays néocolonial comme la Libye. Mais c’en serait une tout autre de partir en guerre contre la Corée du Nord, qui a un certain nombre de moyens de se défendre. Si nul être humain rationnel ne s’engagerait consciemment dans une telle entreprise, le système de l’impérialisme n’est pas rationnel, ni non plus ceux qui sont aux commandes de la Maison Blanche et du Pentagone.

La dévastation de la Corée par l’impérialisme américain

Aujourd’hui la plupart des commentateurs bourgeois décrivent le développement d’armes nucléaires par la Corée du Nord comme étant le produit d’une dictature étrange et sans scrupules. Il y a pas mal d’aspects bizarres dans le régime dynastique, mythifié et bureaucratique des Kim. Mais les efforts de Pyongyang pour développer des armes nucléaires constituent une politique d’autodéfense rationnelle et à vrai dire essentielle, comme le montre l’histoire de la Corée du Nord après la Deuxième Guerre mondiale.

Après la défaite du Japon (l’ancienne puissance coloniale en Corée) à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la péninsule coréenne fut divisée, au niveau du 38e parallèle, entre l’État ouvrier déformé du Nord et un État policier capitaliste sous occupation militaire américaine au Sud. Le gouvernement fantoche du Sud mena par la suite, pendant plusieurs années, des attaques incessantes contre les ouvriers et paysans insurgés, dont notamment la répression du soulèvement de Jeju en 1948-1949, lorsque près de 30 000 personnes furent massacrées.

L’invasion massive de la Corée par l’impérialisme américain fut précédée d’une guerre civile qui éclata en juin 1950, suite à l’entrée de l’armée nord-coréenne dans le Sud. Les troupes nord-coréennes atteignirent Séoul en moins d’une semaine, balayant au passage les forces sud-coréennes qui avaient été entraînées par les impérialistes japonais. Pendant leur progression, les Nord-Coréens étaient accueillis en libérateurs par les ouvriers et les paysans.

L’armée américaine se rendit coupable d’atrocités sans nom pendant cette guerre, y compris le massacre de trois millions de Nord-Coréens et de près d’un million de soldats chinois — dont l’intervention fut déterminante pour renverser le rapport de force face aux Américains et aux autres forces impérialistes. Comme l’a écrit l’historien Bruce Cumings dans son livre North Korea : Another Country (2004) :

« Les Nord-Coréens vous diront que pendant trois ans ils étaient quotidiennement sous la menace d’être brûlés au napalm ; l’un d’eux me disait en 1981 : “On ne pouvait pas y échapper”. En 1952, à peu près tout avait été entièrement détruit dans le Nord et le centre de la Corée. La population restante survivait dans des grottes. »

18 des 22 plus grandes villes coréennes furent totalement ou en grande partie détruites. Dans les dernières semaines de la guerre, les bombardiers américains détruisirent délibérément les barrages d’irrigation qui fournissaient l’eau nécessaire aux trois quarts de la production alimentaire du Nord. La guerre se termina sans vainqueur. Mais aucun traité de paix n’a jamais été signé, et depuis cette époque les États-Unis maintiennent une présence militaire massive au Sud, tout en soumettant la Corée du Nord depuis des décennies à la menace militaire et à des sanctions économiques.

Durant la guerre, les États-Unis menacèrent à plusieurs reprises de mener des frappes nucléaires mais ils n’osèrent pas le faire de peur de représailles de la part de l’Union soviétique, qui avait développé sa propre capacité nucléaire. Si l’Union soviétique n’avait pas possédé un arsenal nucléaire, les impérialistes américains auraient très bien pu transformer la Corée du Nord et la Chine en un tas de ruines radioactives. Les États-Unis ont déployé des armes nucléaires dans leurs bases en Corée du Sud depuis 1958 et ne les ont officiellement retirées qu’en 1991, au moment de l’effondrement de l’URSS. Aujourd’hui encore, 30 000 soldats américains sont stationnés en permanence dans ce pays — une menace quotidienne non seulement pour la Corée du Nord et la Chine mais aussi pour la combative classe ouvrière sud-coréenne. Toutes les forces et bases militaires américaines hors de Corée du Sud !

Menaces impérialistes et trahisons staliniennes

Comme la Chine est considérablement plus puissante que la Corée du Nord (tant militairement qu’économiquement), les impérialistes américains invoquent souvent des menaces supposées de la part du régime de Pyongyang pour justifier leurs opérations militaires en Asie orientale, opérations qui visent principalement Pékin. Steve Bannon, le stratège en chef de Trump, déclarait ainsi l’année dernière : « Nous ferons la guerre en mer de Chine du Sud dans cinq ou dix ans. » Plus récemment, Tillerson a menacé que les États-Unis et leurs alliés pourraient bloquer l’accès de la Chine aux îles et aux îlots artificiels en construction en mer de Chine méridionale. La construction par la Chine de récifs et d’îles dans cette zone constitue une importante mesure de défense contre l’encerclement impérialiste. Avec cette déclaration, Tillerson menace d’attaquer la Chine au cœur de la route commerciale maritime la plus fréquentée du monde.

Le renforcement de la présence militaire de Washington en Extrême-Orient est une politique commune aux républicains et aux démocrates. C’est le président démocrate Barack Obama qui a préparé le déploiement du THAAD, dans le cadre d’une escalade de la pression militaire sur la Chine et la Corée du Nord faisant suite à sa déclaration, en 2010, qu’il fallait effectuer un « pivot vers l’Asie ». Obama a fortement augmenté le nombre de soldats américains dans la région Asie-Pacifique ; il a supervisé des opérations navales agressives à répétition en mer de Chine méridionale et il a mis en place un programme de guerre informatique et électronique visant à entraver les essais de missiles nord-coréens. Au moment de quitter ses fonctions, il aurait instamment conseillé à Trump de faire de la Corée du Nord sa « principale priorité de sécurité nationale ». Aujourd’hui, Trump veut augmenter de plusieurs dizaines de milliards de dollars le budget du Pentagone.

Le régime de Pékin a riposté au déploiement du THAAD par les États-Unis en faisant fermer des établissements commerciaux sud-coréens en Chine et en interdisant les vols nolisés vers la Corée du Sud. Ces mesures pourraient avoir un réel impact sur l’économie déjà vacillante de la Corée du Sud car la Chine est de loin le principal partenaire commercial du pays et son principal pourvoyeur de touristes étrangers. Ces sanctions économiques contre les auxiliaires sud-coréens de Washington sont fondées et défendables — tout au contraire du soutien répété et entièrement indéfendable du régime de Pékin aux sanctions contre la Corée du Nord.

En 2013 et l’année dernière encore, la Chine a aidé les États-Unis à rédiger des résolutions de l’ONU qui instauraient des sanctions contre la Corée du Nord suite à ses essais nucléaires. Washington a quelquefois été frustré par la mauvaise volonté de la Chine dans l’application concrète de ces sanctions. Le gouvernement chinois a toutefois annoncé en février dernier qu’il suspendrait les importations de charbon en provenance de la Corée du Nord, une mesure qui, si elle était appliquée, serait profondément dommageable pour une économie nord-coréenne déjà en grande difficulté. Ce genre de trahison n’est pas une première de la part des bureaucrates staliniens de Pékin qui, en 1992 déjà, avaient arrêté les livraisons de pétrole bon marché au Nord afin de renforcer leurs relations diplomatiques et économiques avec la Corée du Sud.

La Chine a également à plusieurs reprises fait pression sur la Corée du Nord pour que celle-ci mette un terme au développement de son armement nucléaire. En faisant cela, les staliniens au pouvoir en Chine crachent sur la mémoire des soldats chinois qui sont morts en combattant l’impérialisme pendant la guerre de Corée. La collaboration de Pékin avec Washington contre Pyongyang nuit à la défense de la Chine elle-même. Une contre-révolution capitaliste en Corée du Nord amènerait les forces américaines directement à la frontière chinoise, ce qui intensifierait énormément la menace militaire impérialiste. De leur côté, les héritiers successifs de la dynastie Kim en Corée du Nord ont à l’occasion montré qu’ils étaient prêts à abandonner leurs efforts pour obtenir une capacité de dissuasion en échange d’une assistance économique de la part des impérialistes américains.

Un aspect capital de la défense des États ouvriers déformés est la lutte pour une révolution politique ouvrière pour balayer les bureaucraties dirigeantes nationalistes. Si ces castes bureaucratiques parasites privilégiées offrent leurs services aux impérialistes, c’est qu’elles sont à la recherche d’une chimérique « coexistence pacifique » avec l’ordre capitaliste mondial. Les impérialistes, de leur côté, peuvent accepter de négocier à court terme mais ils n’abandonneront jamais leur hostilité à la survie d’un pouvoir prolétarien où que ce soit sur terre. Si ces États ouvriers avaient des gouvernements basés sur la démocratie ouvrière et l’internationalisme révolutionnaire, ils forgeraient l’unité communiste contre les impérialistes, y compris au moyen d’une planification économique régionale et en soutenant les luttes des travailleurs et des opprimés dans les autres pays.

Agitation sociale en Corée du Sud

La précipitation de Washington à déployer le bouclier antimissile THAAD coïncide avec une vague d’agitation sociale en Corée du Sud. Depuis octobre 2016, près de deux millions de manifestants sont descendus dans la rue, à Séoul et dans d’autres villes, pour exiger le départ de la présidente Park Geun-hye, une fervente anticommuniste qui a mené des attaques de grande envergure contre les syndicats et les droits démocratiques, en même temps qu’elle affichait une position particulièrement belliciste vis-à-vis de la Corée du Nord. Park Geun-hye est la fille de Park Chung-hye, le dictateur soutenu par les États-Unis et ancien collaborateur des Japonais qui a dirigé la Corée du Sud dans les années 1960 et 1970 au moyen d’une répression féroce. La classe dirigeante sud-coréenne s’est parée d’un mince vernis « démocratique » à la fin des années 1980 mais elle a continué à réprimer les luttes ouvrières combatives et les groupes qui expriment la moindre forme de soutien envers le Nord.

Accusée de corruption et faisant face à la destitution, Park Geun-hye a été éjectée de son poste juste trois jours après le début du déploiement du THAAD. Si Park et son remplaçant par intérim soutiennent fortement le bouclier antimissile de Washington, du côté de l’opposition le Parti démocrate de Corée (Minjoo) a appelé les États-Unis à retarder son installation. Comme l’opposition est largement en tête dans les sondages, les États-Unis se sont empressés de faire du THAAD un fait accompli avant les élections présidentielles du mois de mai [finalement remportées par l’opposition].

Les manifestations de masse contre la présidente aujourd’hui déchue ont rassemblé les étudiants, les travailleurs de la KCTU (Confédération coréenne des syndicats) et les agriculteurs, dont les conditions de vie ont été dévastées par le traité de libre-échange de 2012 entre les États-Unis et la Corée du Sud ; des partis bourgeois d’opposition ont pris part également à ces manifestations. La classe ouvrière sud-coréenne a montré à maintes reprises son potentiel, notamment lors des luttes de masse des années 1970 et 1980 qui ont brisé le carcan des syndicats corporatistes soutenus par la CIA et qui ont donné naissance à des syndicats indépendants, aujourd’hui regroupés au sein de la KCTU. Pendant l’agitation des derniers six mois, la KCTU a mené des grèves chez Hyundai Motor et parmi les routiers et cheminots, ainsi que d’autres arrêts de travail à grande échelle.

Mais la direction de la KCTU canalise depuis longtemps la combativité de la classe ouvrière vers un soutien à l’aile libérale de la bourgeoisie sud-coréenne. En 1998, elle a soutenu l’élection de Kim Dae-jung, un politicien capitaliste qui avait fait fortune dans le transport maritime et la presse, et dont la « sunshine policy » [« politique du rayon de soleil »] de rapprochement avec le régime de Pyongyang visait à saper l’État ouvrier déformé au moyen d’une pénétration économique capitaliste.

Le candidat probable du Minjoo, Moon Jae-in [qui a été élu président le 9 mai], cherche aujourd’hui à ressusciter ces politiques. Il se définit aussi comme un « ami de l’Amérique » et il ajoute : « Si nécessaire, nous devrons renforcer les sanctions davantage encore, mais le but des sanctions doit être de ramener la Corée du Nord à la table de négociation. » Lors des dernières élections présidentielles [de décembre 2012], les sympathisants sud-coréens du Socialist Workers Party (SWP) britannique ont appelé à voter pour ce politicien bourgeois en prétendant que « donner un soutien critique à Moon » était un « compromis tactique » (« Déclaration de Tous Ensemble sur les élections présidentielles sud-coréennes », 10 décembre 2012).

Un tel soutien à un représentant de l’ennemi de classe est une trahison flagrante des intérêts des travailleurs. Mais s’acoquiner avec des éléments de la bourgeoisie sud-coréenne n’est pas une nouveauté pour le SWP et ses partisans coréens, dont le groupe s’appelle aujourd’hui Solidarité ouvrière. Le fondateur du SWP Tony Cliff et ses fidèles avaient rompu avec la Quatrième Internationale trotskyste en 1950 quand ils refusèrent de défendre l’Union soviétique, la Chine et la Corée du Nord pendant la guerre de Corée. Imprégnés de l’anticommunisme de la guerre froide, les cliffistes ont soutenu absolument toutes les forces réactionnaires dressées contre l’Union soviétique au nom de l’« antistalinisme » et ils se sont félicités de la contre-révolution qui a finalement détruit l’URSS.

La classe ouvrière sud-coréenne ne peut faire avancer sa lutte que si elle rompt totalement avec toutes les ailes de l’ennemi de classe capitaliste et si elle prend position pour la défense du Nord contre la contre-révolution. Il faut forger un parti léniniste-trotskyste capable de diriger la lutte pour la réunification de la Corée : une révolution socialiste pour renverser la bourgeoisie rapace et exproprier les chaebols capitalistes (les conglomérats qui dominent l’économie au Sud), combinée avec une révolution politique ouvrière pour chasser les bureaucrates staliniens au Nord.

La lutte pour la réunification révolutionnaire doit être liée au combat pour la révolution politique prolétarienne en Chine et pour l’extension du pouvoir ouvrier aux centres de l’impérialisme mondial, c’est-à-dire les États-Unis, l’Europe de l’Ouest et le Japon. Pour venir à bout de la machine de guerre impérialiste américaine, il faudra une révolution ouvrière américaine. La Spartacist League est déterminée à construire le parti qui pourra diriger une telle lutte, en tant que section aux États-Unis d’une Quatrième Internationale reforgée, le parti mondial de la révolution socialiste.