République ouvrière nº 1 |
Automne/hiver 2017-2018 |
La dictature des capitalistes casse la grève de la construction
Pendant huit jours, du 24 au 31 mai, les travailleurs et travailleuses de la construction ont tenu les boss par la gorge, donnant un aperçu de l’énorme puissance sociale de la classe ouvrière. Sans surprise, les libéraux de Couillard sont venus à la rescousse des patrons en cassant la grève avec une loi spéciale. Cette loi prévoit que si aucune entente n’est signée et entérinée avant le 30 octobre, un arbitre tranchera. Cela n’est pas une bonne nouvelle : les arbitres de l’État sont là d’abord et avant tout pour garantir les intérêts des patrons. En attendant, les travailleurs sont plongés dans l’incertitude quant à leurs conditions de travail.
Nous reproduisons ci-dessous un tract de République ouvrière qui a été distribué tout au long de la grève, notamment lors de la manifestation nationale à Québec du 29 mai, au cours de laquelle 25 abonnements à notre journal ont été vendus. Beaucoup d’ouvriers rencontrés lors de la grève par République ouvrière ont comparé le gouvernement à une « dictature ». Ils ont raison. L’État actuel est la dictature des capitalistes, que ce soit les libéraux ou le PQ au pouvoir.
Jusqu’à l’imposition de la loi spéciale, les directions syndicales laissaient entendre qu’une telle loi serait « anticonstitutionnelle ». Puis lors de son imposition, plutôt que de tenter de mobiliser tout le mouvement ouvrier en défense de la grève, les dirigeants syndicaux avaient comme unique tactique de poursuivre la lutte… devant les tribunaux. Mais sous le capitalisme, la « justice » n’est rien d’autre que la justice des patrons.
Pour justifier leur approche, les représentants syndicaux citaient souvent le cas de la Saskatchewan. En 2015, un jugement de la Cour suprême du Canada avait statué que la loi sur les « services essentiels » du gouvernement saskatchewanais contrevenait au droit de grève supposément défendu par la constitution canadienne. Ce jugement provenait d’une contestation par de nombreux syndicats saskatchewanais, déposée en 2008. Le jugement a donc pris 7 ans à être émis — et tout ce qu’il a accompli est d’avoir légèrement modifié la loi sur les services essentiels. Maintenant, les syndicats en Saskatchewan ont le « droit » d’aider le gouvernement à décider quels services publics doivent se voir interdire le droit de grève. Voilà le genre de « victoire » que les juges concèdent aux travailleurs de temps en temps pour garantir la « paix sociale ».
Ce n’est pas en s’appuyant sur l’État capitaliste, ses juges ou ses arbitres ou alors par des « négociations de bonne foi » que les syndicats se sont bâtis, mais bien par des luttes de classe dures. Pour être victorieux, il faut des dirigeants qui comprennent que les ouvriers ne peuvent compter que sur leurs propres forces : celles de leur classe sociale, au-delà des divisions d’ethnicité, de sexe ou de corps de métier.
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23 mai 2017 — 175 000 travailleurs de la construction du Québec préparent la grève pour le 24 mai. Les organisations patronales rapaces et corrompues demandent aux travailleurs de sacrifier des horaires stables et s’opposent farouchement aux demandes légitimes de l’Alliance syndicale pour la bonification des salaires, des retraites et des assurances collectives. N’étant pas contraints à payer des augmentations rétroactives, ils retardent délibérément les négociations pour empocher encore plus de profit. La lutte des syndicats de la construction est la lutte de tous les travailleurs du Québec, tous confrontés aux attaques antisyndicales, à l’austérité et à la précarité. Tout le mouvement ouvrier doit se tenir derrière les travailleurs de la construction !
Suite au cassage de la grève de 2013 par le gouvernement du PQ, les patrons sont maintenant encore plus déterminés à « flexibiliser » le travail des ouvriers syndiqués. Sous prétexte de ne pas « indisposer » leurs clients commerciaux, par exemple, ils veulent imposer des horaires brutaux qui forceraient certains travailleurs à commencer dès cinq heures le matin, ou à travailler jusqu’à tard le soir. Ils exigent aussi que les travailleurs rentrent le samedi sans payer aucune heure supplémentaire ! Ils veulent que les ouvriers travaillent plus longtemps, pour moins d’argent, juste pour empocher encore plus de profits, et ce, dans une industrie qui en rapporte déjà des milliards. L’ensemble du mouvement ouvrier subit depuis des années des attaques contre ses conditions de travail, ses salaires, ses avantages sociaux. Assez ! C’est le temps de renverser la vapeur !
Loin d’être un « arbitre neutre », l’État capitaliste — tribunaux, prisons, police — est un outil d’oppression au service des patrons. Tous les gouvernements qui se succèdent au Québec, libéraux ou péquistes (et l’Union nationale dans le passé) sont avant tout motivés par le maintien de l’exploitation capitaliste des travailleurs. Pour cela, ils utilisent les lois, les injonctions, la matraque. (Même chose au fédéral, qui maintient aussi le Québec de force dans un « Canada uni ».) Le gouvernement Couillard a ainsi déjà déclaré « qu’il ne resterait pas les bras croisés sans agir », laissant entendre qu’il préparait déjà une loi de retour au travail. Mais les travailleurs ne doivent pas se laisser intimider — le mouvement ouvrier a le pouvoir de lui renvoyer sa loi au visage.
Pour réaliser des gains, il est essentiel que le mouvement ouvrier lutte indépendamment, en fonction de ses intérêts de classe. Souvenez-vous de la grève générale spontanée de 1972, qui a donné un avant-goût du potentiel immense qui repose dans les mains de la classe ouvrière québécoise. Les gains chèrement acquis par les travailleurs ne l’ont pas été par la « négociation de bonne foi », mais par des luttes de classe dures contre les attaques des capitalistes et de leurs gouvernements.
Les syndicats de la construction demandent d’être couverts par les dispositions « anti-scabs » du Code du travail du Québec. Mais la meilleure façon d’arrêter les briseurs de grève, c’est de les stopper net par des lignes de piquetage massives, solides et unitaires. Sous couvert de « régulariser » les luttes des travailleurs, le gouvernement capitaliste cherche tout simplement à les rendre inefficaces et, ultimement, à les casser. S’appuyer sur les lois des patrons pour protéger les travailleurs est une recette pour la défaite. C’est la puissance sociale du mouvement ouvrier organisé qui est son véritable arsenal.
Pour renforcer les lignes de piquetage, il faut chercher l’appui du reste du mouvement ouvrier. Le syndicat des Teamsters, par exemple, a déclaré dans une lettre d’appui aux syndiqués qu’il serait à leurs « côtés tout au long des négociations et de la grève, si cela était nécessaire ». En passant de la parole aux actes, l’unité du mouvement ouvrier peut former un puissant rempart contre les assauts capitalistes. Pour des lignes de piquetage que personne n’ose traverser !
Les syndiqués sont particulièrement furieux de la menace qui les forcerait à travailler le samedi ou à des heures ridicules. La vie en dehors du travail est un droit chèrement acquis par la classe ouvrière qui autrefois se trouvait à l’ouvrage dix à douze heures par jour, six ou sept jours par semaine. Aujourd’hui, avec l’automatisation et le chômage de masse, les travailleurs doivent exiger des semaines plus courtes sans pertes de salaire, en partageant le travail disponible entre toutes les mains. Pour que les travailleurs et travailleuses avec familles puissent profiter de leurs temps libres, on doit aussi se battre pour des garderies gratuites ouvertes 24 heures sur 24. Si le système capitaliste n’est pas en mesure de répondre à ces demandes, qu’il crève !
Les travailleurs doivent prendre contrôle de la production !
Les patrons et leurs porte-paroles essaient de créer une hystérie collective par rapport aux récentes inondations en tentant d’opposer les sinistrés aux travailleurs. La bourgeoisie, avec ses compagnies d’assurance vampires, ses gouvernements et ses municipalités indifférentes qui laissent pourrir les installations d’infrastructure comme les égouts et digues, veulent maintenant blâmer ceux qui font le vrai travail : les ouvriers.
L’Alliance syndicale encourage les grévistes à se porter volontaires pour aider les sinistrés — autant pour les mensonges des boss. En fait, la crise des inondations démontre à quel point le capitalisme n’est plus en mesure, et depuis longtemps, de répondre aux vrais besoins de la population. Pendant que les grands chefs d’entreprises de construction, de production industrielle, des mines, des banques, etc., roulent sur les milliards, pour la vaste majorité de la population c’est l’exploitation et le système D. Les syndicats devraient en fait prendre en charge l’entièreté de l’organisation du secours aux sinistrés — et par le fait même bouter dehors les militaires impérialistes canadiens. Pour bâtir une société meilleure, pour subvenir aux besoins de la population entière, pour rebâtir les habitations détruites par des inondations et les taudis dans les villes, il faut contrôler la production.
Le secteur de la construction est le plus mortel au Québec — 80 morts en 2016 seulement ! En ce moment, il est du ressort individuel de l’ouvrier de signaler les situations potentiellement dangereuses en milieu de travail et de faire valoir son refus de travailler. Il faut que les syndicats puissent eux-mêmes arrêter les chantiers dangereux. Pour le contrôle syndical de la santé et la sécurité au travail !
En dirigeant l’organisation du travail, la classe ouvrière saura répartir les ressources et la main-d’œuvre nécessaires pour réparer, rebâtir et créer. Mais pour cela, il faudra confronter directement la classe capitaliste décadente et ses droits de propriété « sacrés ». Ces parasites n’ont plus rien à apporter à la société, sinon le vol pur et simple des richesses produites par la classe ouvrière qu’ils entassent dans leurs comptes de banque, leurs propriétés de luxe, leurs « Touch »... Le système capitaliste pourri conduit à l’anarchie de la production, aux crises à répétition, au chômage massif et aux guerres sans fin un peu partout dans le monde. Ce qu’il faut, c’est une économie collective et planifiée à l’échelle internationale, où chaque main disponible sera mise à l’ouvrage dans l’intérêt de la société, et où tous auront des temps libres pour les loisirs, l’éducation, la poursuite d’une vie meilleure.
Les travailleurs de la construction du Québec possèdent un pouvoir social extraordinaire — c’est bien pour ça que le patronat est terrifié par la grève. Canaliser cette puissance sociale vers la transformation révolutionnaire de la société demandera l’établissement d’un parti des travailleurs, indépendant des partis bourgeois — libéraux, CAQ, PQ, et même Québec solidaire, qui ne cherche au fond qu’à lui-même un jour administrer l’État capitaliste. Un tel parti sera un tribun du peuple, c’est-à-dire qu’il luttera contre toute manifestation d’oppression du capitalisme à l’endroit des minorités ethniques, des femmes, des jeunes, etc. — pour la république ouvrière du Québec !
Une victoire des travailleurs de la construction serait dans l’intérêt de tout le peuple travailleur et donnerait l’exemple du genre de luttes de classe nécessaires pour gagner. Victoire pour les travailleurs de la construction !