Le Bolchévik nº 230

Décembre 2019

 

Défense de la Chine ! Impérialistes, bas les pattes !

Hongkong : Non aux saccages contre-révolutionnaires !

Expropriez les magnats !

L’article ci-dessous est traduit de Workers Vanguard, le journal de nos camarades de la Spartacist League/U.S. (n° 1160, 6 septembre).

* * *

2 septembre – Depuis trois mois, des émeutiers anticommunistes se déchaînent à Hongkong. Ils bloquent les routes et les transports en commun, ils tabassent les gens qui s’opposent à eux et les Chinois du continent, et ils bombardent la police avec des briques et des cocktails Molotov. « Président Trump : s’il vous plaît, libérez Hongkong », proclame une pancarte distribuée en masse et brandie par des manifestants qui entonnent l’hymne national des États-Unis et agitent des drapeaux américains. Les manifestants anti-Chine ont saccagé le siège du Conseil législatif et brandi le drapeau britannique, en réclamant le retour de l’ancien maître colonial de Hongkong. Voulant mettre fin au contrôle de la Chine sur son enclave capitaliste de Hongkong, les manifestants appellent ouvertement à une intervention impérialiste.

Le Département d’État américain a réaffirmé à plusieurs reprises son soutien aux manifestations contre-révolutionnaires. Les ministères britannique et canadien des Affaires étrangères ont fait de même. Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, réclame, de concert avec plusieurs élus républicains, une intervention des États-Unis ainsi que des sanctions législatives contre Pékin. Les dirigeants américains financent, conseillent et aident les manifestants à s’organiser, conformément à leur objectif stratégique : le renversement de la Révolution chinoise de 1949 et le retour de la Chine à un esclavage capitaliste dont ils seraient les premiers à profiter.

La Chine n’est pas un pays capitaliste mais un État ouvrier. Cependant, cet État ouvrier est déformé, depuis sa naissance, par la domination d’une caste bureaucratique parasitaire qui réprime politiquement la classe ouvrière. Depuis qu’il a pris le pouvoir au terme d’une guérilla paysanne, le Parti communiste chinois (PCC) adhère au dogme stalinien du « socialisme dans un seul pays » et à son corollaire, la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme. Le régime du PCC, depuis l’époque de Mao Zedong jusqu’à aujourd’hui, est opposé au programme internationaliste révolutionnaire du marxisme. Mais malgré la mauvaise gestion et la corruption bureaucratiques, le renversement du capitalisme a conduit à des avancées sociales historiques. Bien que quatre décennies de « réformes de marché » aient mené à des investissements étrangers à grande échelle et à l’émergence de capitalistes individuels en Chine continentale, l’économie reste sous le contrôle de Pékin, les principaux secteurs étant collectivisés et détenus par l’État.

Aujourd’hui à Hongkong, nous sommes militairement du côté des forces de l’État ouvrier déformé chinois, y compris sa police, contre les mobilisations anticommunistes. Cette position découle de notre défense militaire inconditionnelle de la Chine contre l’impérialisme et la contre-révolution intérieure. Une telle défense n’implique pas le moindre soutien politique à la bureaucratie de Pékin : celle-ci soutient le capitalisme à Hongkong conformément à la formule « un pays, deux systèmes », et de ce fait elle porte une responsabilité non négligeable dans la crise actuelle. Les trotskystes travaillent à faire prendre conscience à la classe ouvrière de sa tâche historique, instaurer un avenir socialiste ; aussi, notre perspective est la mobilisation des ouvriers de Hongkong et de Chine continentale pour barrer la route aux forces contre-révolutionnaires.

La Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste) a applaudi en 1997 lorsque les impérialistes britanniques ont dû céder leur colonie de Hongkong. En même temps, nous avions mis en garde que l’engagement du PCC à y maintenir le capitalisme est une épée de Damoclès sur l’État ouvrier chinois (voir « Les colonialistes britanniques s’en vont, enfin – Les staliniens de Pékin embrassent les financiers de Hongkong », Workers Vanguard n° 671, 11 juillet 1997). En 1984, le numéro un chinois Deng Xiaoping avait promis explicitement à la Première Ministre britannique Margaret Thatcher que « le système capitaliste existant et son mode de vie » resteraient inchangés.

Depuis 1997, Hongkong a été intégré à la République populaire de Chine en tant que région administrative spéciale capitaliste, dans laquelle tous les rouages décisifs du gouvernement sont sous le contrôle de Pékin. L’Armée populaire de libération (APL), qui maintient une garnison dans l’enclave, en est le garant. La Loi fondamentale de Hongkong a été approuvée par le Congrès national du peuple chinois et les principaux hauts fonctionnaires du territoire sont nommés par le gouvernement central de Pékin. Les membres de sa plus haute juridiction sont à leur tour nommés par le chef de l’exécutif, lui-même approuvé par Pékin. Le PCC assume directement la responsabilité de préserver le capitalisme à Hongkong, où la classe capitaliste est organisée sur le plan politique, avec ses propres partis, journaux et autres médias. La politique de Pékin a fait de Hongkong un foyer de la contre-révolution et un avant-poste pour l’espionnage et les machinations impérialistes. Défendre les intérêts de la bourgeoisie de Hongkong contre ceux qu’elle exploite et opprime constitue de la part du PCC une trahison massive des travailleurs du territoire et de ceux du continent lui-même. Expropriez les magnats !

La lutte contre les capitalistes richissimes de Hongkong est directement liée à la lutte du prolétariat de toute la Chine contre la corruption et les inégalités encouragées par la bureaucratie stalinienne, qui sert de courroie de transmission des pressions du marché mondial capitaliste sur l’État ouvrier. Ce qu’il faut, c’est une révolution politique prolétarienne qui balaiera la bureaucratie stalinienne et donnera le pouvoir à des conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats. Un tel régime sera fondé sur la perspective de la révolution prolétarienne internationale, pour préparer le terrain à l’élimination de la pénurie dans le cadre d’un ordre socialiste mondial.

Machinations impérialistes

Qui paye les violons choisit la musique, dit le proverbe. Le National Endowment for Democracy (NED), une officine du gouvernement américain, a versé des millions de dollars aux organisations qui sont derrière les manifestations, depuis le Hong Kong Human Rights Monitor jusqu’aux partis du camp « pan-démocratique », en passant par la Hong Kong Confederation of Trade Unions [Confédération des syndicats de Honkong] affiliée à la très anticommuniste Confédération syndicale internationale. Ces organisations sont les principales composantes du Civil Human Rights Front, le principal organisateur des manifestations en cours. Joshua Wong, dont les médias occidentaux ont fait une figure emblématique des manifestations antichinoises, a également des liens avec le NED.

Comme l’a révélé le journaliste Dan Cohen dans un article intéressant publié sur le site internet Grayzone (17 août), un habitué (et soutien financier) des manifestations est Jimmy Lai, un magnat hongkongais. Surnommé le Rupert Murdoch asiatique, Lai a construit un empire médiatique basé sur les articles à scandale, les potins mondains, l’anticommunisme et la haine antichinoise. Sa presse a mené une campagne chauvine contre les « bébés ancre » de Chine continentale [soi-disant conçus pour faciliter l’accès de leurs parents à la citoyenneté hongkongaise], qui présente les Chinois de l’intérieur comme des hordes de sauterelles fondant sur Hongkong pour dévorer ses ressources. En juillet dernier, Lai s’est rendu aux États-Unis où il a été reçu, en autres, par le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, le vice-président Mike Pence et le secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères) Mike Pompeo, à qui il a réclamé que les États-Unis continuent à soutenir la « résistance » à Pékin. Il a par la suite déclaré : « À Hongkong, nous nous battons pour les valeurs des États-Unis, que nous partageons, contre la Chine. Nous menons leur guerre dans le camp ennemi » (CNN, 28 août).

Les États-Unis et les autres puissances impérialistes appliquent une stratégie à plusieurs volets pour la contre-révolution capitaliste en Chine. Une des approches consiste à financer et à soutenir des mobilisations réactionnaires comme les manifestations à Hongkong. Washington cherche également à utiliser sa puissance économique pour porter des coups de boutoir à la Chine, par exemple dans la guerre actuelle des droits de douane ; l’administration Trump, pleinement soutenue par les démocrates, cherche avec cette guerre à contrecarrer le développement économique et technologique de la Chine (voir « Les impérialistes américains intensifient la guerre commerciale et technologique contre la Chine », Le Bolchévik n° 229, septembre). En même temps, les États-Unis accroissent la pression militaire contre la Chine en organisant régulièrement des manœuvres près des côtes chinoises, en faisant voler des bombardiers au-dessus de la mer de Chine du Sud et en envoyant de façon répétée des navires de guerre dans le détroit de Taïwan. Tout ceci fait partie intégrante d’une stratégie d’encerclement militaire de la Chine par les États-Unis et leurs alliés.

Le Département d’État a récemment approuvé l’acquisition par Taïwan de chars et de missiles d’une valeur de 2,2 milliards de dollars, et d’avions de combat dernier cri pour un montant de 8 milliards de dollars. Depuis la Révolution de 1949, lorsque le régime capitaliste chinois s’est réfugié à Taïwan, et le début de la guerre de Corée l’année suivante, les États-Unis considèrent cette île comme leur « porte-avions insubmersible », la ligne de front d’une future guerre. La LCI est pour la réunification révolutionnaire de Taïwan avec la Chine, au moyen d’une révolution sociale à Taïwan qui renversera le capitalisme et d’une révolution politique prolétarienne contre la bureaucratie du PCC sur le continent.

Révolutionnaire au sein même de la puissance impérialiste prédominante dans le monde, la Spartacist League/U.S. est déterminée à forger un parti léniniste d’avant-garde capable de diriger la classe ouvrière américaine multiraciale dans la lutte pour un gouvernement ouvrier qui expropriera les exploiteurs capitalistes. Dans cette perspective, il est essentiel de convaincre les couches les plus avancées du prolétariat de s’opposer aux machinations des impérialistes américains dans le monde entier, notamment à celles dirigées contre l’État ouvrier déformé chinois. Les ouvriers ne peuvent pas arracher de nouveaux acquis sans défendre ceux qui ont déjà été gagnés !

« Un pays, deux systèmes » : un danger pour la Révolution chinoise

Pour lancer la vague actuelle de manifestations antichinoises, ses organisateurs se sont saisis, à la fin du printemps, d’un projet de loi sur l’extradition en cours de discussion au Conseil législatif de Hongkong, en affirmant que cette loi porterait atteinte à l’autonomie du territoire. La loi proposée n’aurait rien fait de tel. La mesure en question, suspendue en juin dernier, aurait simplement mis en place un processus d’extradition – non seulement entre Hongkong et le reste de la Chine, mais également entre Hongkong et tous les pays du monde n’ayant pas encore signé un tel accord. En traitant la Chine continentale comme un pays étranger, cette loi s’inscrivait pleinement dans le cadre donné par le PCC, c’est-à-dire maintenir une administration capitaliste distincte à Hongkong. La LCI n’a pas pris position sur ce projet de loi, car notre objectif n’est pas de conseiller la bureaucratie de Pékin sur la meilleure façon d’administrer le capitalisme à Hongkong : nous nous opposons à ce que ce territoire demeure une enclave capitaliste.

Les manifestants de Hongkong et leurs relais de propagande dans les médias bourgeois poussent les hauts cris à propos de la prétendue violence policière. De la part de journaux comme le New York Times, c’est de la pure hypocrisie. En réalité, la police de Hongkong a fait preuve de beaucoup de retenue, s’employant à contenir et à disperser les manifestations plutôt qu’à les empêcher. Comparez leur conduite avec le brutal état de siège policier qui a été imposé à Ferguson, dans le Missouri, après les manifestations qui avaient suivi le meurtre raciste de Michael Brown par la police en 2014 !

A Hongkong, la retenue de la police correspond à la politique de la bureaucratie du PCC. Les organisateurs des manifestations ont pour objectif le renversement de l’État ouvrier déformé chinois. Mais Pékin prend soin de respecter l’autonomie théorique de Hongkong, qui est inscrite dans le pacte « un pays, deux systèmes » conclu avec les capitalistes de l’enclave et avec leurs maîtres impérialistes. Mais au lieu d’apaiser les manifestants, les concessions des bureaucrates du PCC ne font que les enhardir.

La bourgeoisie de Hongkong n’est pas unanime au sujet des manifestations. Alors que Jimmy Lai et les bourgeois de son acabit soutiennent ouvertement les mobilisations, Li Ka-shing, l’homme le plus riche de Hongkong, ainsi que plusieurs magnats de l’immobilier et des banques, ont récemment lancé un appel au calme. Ils craignent que les troubles causés par les manifestations soient mauvais pour les affaires. Plus généralement, plusieurs analystes financiers bourgeois mettent en garde contre le risque qu’une intervention de l’APL (ou de la Police armée du peuple postée de l’autre côté de la frontière à Shenzhen) pour mettre fin aux troubles ne provoque une fuite des capitaux et d’autres dommages pour l’économie de Hongkong.

Hongkong, sous la coupe des magnats, mérite bien sa réputation d’atelier de surexploitation de cols blancs, avec des employés qui triment régulièrement 12 heures par jour payées 8. Avec la bénédiction du PCC, une spéculation foncière effrénée a entraîné une hausse des loyers, au point que des adultes qui ont un emploi sont incapables de quitter le domicile de leurs parents et souvent partagent à plusieurs de petites chambres. Dans l’une des villes les plus chères du monde, qui regorge de boutiques de vêtements de marque et d’hôtels de luxe, un cinquième de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Les « immigrés » originaires du continent constituent l’une des couches les plus opprimées de la population. Et le sort des centaines de milliers d’employés de maison, majoritairement originaires des Philippines et d’Indonésie, jette une lumière particulièrement crue sur les clivages de classe dans l’enclave. Parallèlement, les bureaucrates corrompus du PCC, leurs amis et leurs relations utilisent Hongkong pour planquer leur argent ou le sortir de Chine, ainsi que pour faire du shopping.

Les travailleurs de Hongkong devraient être un allié naturel du prolétariat puissant et combatif du continent. Un authentique parti communiste en Chine mobiliserait la classe ouvrière contre les manifestations contre-révolutionnaires, sur la base des intérêts de classe des travailleurs, en défendant également les intérêts de la petite bourgeoisie opprimée. L’expropriation des magnats et la conversion de leurs biens immobiliers en logements sociaux à loyer modéré auraient un énorme impact dans la population, tout comme le remplacement des boutiques et restaurants de luxe par des cantines et des coopératives gérées par et pour les travailleurs.

Ces revendications vont à l’encontre de la collaboration de classe entre le PCC et la bourgeoisie de Hongkong, qui est la base politique des peu nombreuses contre-manifestations prochinoises qui ont eu lieu à Hongkong et dans le reste du monde. Ces contre-manifestations sont conçues pour être compatibles avec les intérêts des magnats, dont le « patriotisme » repose sur leur capacité à tirer des bénéfices de leurs investissements sur le continent. Le PCC en appelle également au patriotisme en demandant la fin des manifestations. Les staliniens n’en appellent pas à la classe ouvrière pour agir : en tant que caste dirigeante fragile, la bureaucratie de Pékin redoute que la mobilisation des travailleurs ne représente une menace pour son propre régime.

Pour le PCC, la préservation du capitalisme à Hongkong sert à encourager les investissements étrangers sur le continent en rassurant les capitalistes étrangers que faire des affaires avec la Chine est sans danger. Hongkong reste un carrefour majeur entre la Chine et l’économie capitaliste mondiale. La politique de Pékin à l’égard de Hongkong va de pair avec l’ouverture de régions entières de la Chine aux investissements de la bourgeoisie chinoise d’outre-mer et des puissances impérialistes, y compris dans les zones économiques spéciales.

Tout État ouvrier isolé aurait à rechercher des investissements étrangers. Sous une direction révolutionnaire, cela se ferait sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière organisée en soviets (conseils), appuyés dans des pays comme la Chine par des conseils de paysans. Un gouvernement ouvrier et paysan révolutionnaire en Chine renégocierait dans l’intérêt des travailleurs les termes des investissements étrangers. Pour leur part, les capitalistes domestiques seraient simplement expropriés et leurs propriétés utilisées dans l’intérêt de la société tout entière. Pour défendre et étendre les acquis de la Révolution de 1949, un tel régime renforcerait la planification économique centralisée et rétablirait le monopole d’État sur le commerce extérieur.

Quelle classe exercera le pouvoir ?

À Hongkong, l’un des plus ardents défenseurs de la contre-révolution « démocratique » est le groupe Socialist Action (SA), qui se fait passer frauduleusement pour trotskyste. (Comme Socialist Alternative aux États-Unis, SA fait partie de la majorité autoproclamée du Comité pour une internationale ouvrière [CIO], qui vient de subir une scission [et auquel est affiliée en France la Gauche révolutionnaire, par ailleurs immergée dans la France insoumise, un parti bourgeois].) SA, qui considère la Chine comme un pays capitaliste, a publié une série de tracts offrant des conseils tactiques aux organisateurs de la manifestation et appelant « à une lutte de masse unie du peuple de Hongkong et de Chine contre la dictature du PCC » (chinaworker.info, 19 juillet). La principale « contribution » de SA a consisté à faire de l’agitation pour une journée de grève générale pour faire tomber le gouvernement hongkongais et vaincre le régime du PCC. Bref, leur programme consiste à vendre les travailleurs à leurs ennemis de classe directs : la bourgeoisie de Hongkong et ses parrains impérialistes.

En fait, les manifestations contre-révolutionnaires sont dans leur écrasante majorité basées sur la petite bourgeoisie et elles sont hostiles à la classe ouvrière. La « grève générale » tant vantée du 5 août, qui avait été précédée par une « grève des banquiers » le 1er août, était principalement une mobilisation d’étudiants, d’avocats, de comptables, d’enseignants et autres professions libérales. De nombreux employeurs avaient encouragé leur personnel à prendre une journée de congé et à y participer. La ville était paralysée, les manifestants ayant bloqué la circulation et arrêté les transports en commun en menaçant les salariés des transports. De même, des travailleurs ont été attaqués lors de l’occupation de l’aéroport du 12 au 13 août, qui a provoqué l’annulation de plusieurs centaines de vols dans l’un des aéroports les plus fréquentés du monde. Les manifestants ont également saccagé les bureaux de la Fédération hongkongaise des syndicats, pro-Pékin.

En soutenant l’appel à des élections libres, qui vise à renverser l’administration locale fidèle à Pékin, SA s’est placée résolument dans le camp de la contre-révolution à Hongkong. Elle se retrouve là en compagnie de gens qui réclament que l’enclave devienne un protectorat de l’impérialisme américain ou revienne à l’époque de la domination britannique, quand la masse de la population chinoise vivait dans des taudis sordides, réduite à l’état d’ouvriers miséreux obligés de trimer comme des forçats, tandis que les communistes et les militants syndicalistes étaient systématiquement réprimés. Ce n’est qu’à la veille de la rétrocession à la Chine que les impérialistes britanniques accordèrent quelques droits démocratiques pour qu’ils servent d’arme contre l’État ouvrier chinois.

Le programme de SA pour Hongkong et la Chine est conforme à l’histoire sordide du CIO, qui a soutenu avec enthousiasme les campagnes des impérialistes contre l’État ouvrier dégénéré soviétique. En août-septembre 1991, les prédécesseurs du CIO, qui étaient alors dans la tendance Militant, rejoignirent les partisans de la restauration du capitalisme sur les barricades de Boris Eltsine à Moscou. À l’opposé, notre tendance internationale trotskyste s’est battue pour la défense de l’État ouvrier, et nous avons distribué des dizaines de milliers de tracts appelant les ouvriers soviétiques à écraser les forces contre-révolutionnaires dirigées par Eltsine et soutenues par la Maison Blanche de George Bush.

La question posée par la crise de Hongkong n’est pas « la dictature ou la démocratie » mais « quelle classe exercera le pouvoir ? ». En faisant campagne pour détruire l’Union soviétique et les États ouvriers bureaucratiquement déformés d’Europe centrale et orientale, les impérialistes ont encouragé toutes sortes de forces réactionnaires, notamment celles qui brandissaient l’étendard de la « démocratie » contre le « totalitarisme » stalinien. L’objectif était de renverser les régimes communistes par tous les moyens, y compris en utilisant des élections où les paysans et autres couches petites-bourgeoises, ainsi que des ouvriers politiquement arriérés, pouvaient être mobilisés contre les États ouvriers.

Pour avoir un aperçu de ce qui attend les masses laborieuses chinoises si la Révolution de 1949 venait à être renversée, il suffit aujourd’hui de regarder les pays de l’ancien bloc soviétique, où le niveau de vie a massivement diminué et où la « démocratie » existante n’est qu’une mince couche de vernis sur la dictature de classe qui définit toutes les sociétés capitalistes. Un quart de siècle après la contre-révolution capitaliste en Union soviétique, la Chine est le plus grand des pays restants où la domination du capitalisme a été renversée. Une contre-révolution capitaliste en Chine serait une nouvelle victoire massive pour l’impérialisme mondial et une défaite pour les travailleurs et les opprimés du monde entier.

Appeler à la démocratie bourgeoise, c’est appeler à la contre-révolution. Nous sommes pour la démocratie prolétarienne – un gouvernement des conseils élus d’ouvriers, de paysans et de soldats, qui prendra les décisions concernant le développement de l’économie et l’organisation de la société. Sous la direction de l’immense classe ouvrière chinoise, les couches non prolétariennes comme les paysans et les employés de bureau de Hongkong auraient en fait beaucoup plus d’influence sur la gestion de la société que dans n’importe quelle république capitaliste. Comme Lénine l’expliquait à propos de la Révolution d’octobre 1917 qui a mené la classe ouvrière au pouvoir en Russie :

« On a brisé entièrement l’appareil bureaucratique, on n’en a pas laissé pierre sur pierre, on a chassé tous les anciens magistrats, dispersé le parlement bourgeois ; et l’on a donné une représentation beaucoup plus accessible justement aux ouvriers et aux paysans ; leurs Soviets ont remplacé les fonctionnaires, ou bien leurs Soviets ont été placés au-dessus des fonctionnaires ; ce sont leurs Soviets qui élisent les juges. Ce fait à lui seul suffit pour que toutes les classes opprimées reconnaissent que le pouvoir des Soviets, c’est-à-dire cette forme de la dictature du prolétariat, est un million de fois plus démocratique que la plus démocratique des républiques bourgeoises. »

– La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky (1918)

Le véritable héritage de Tiananmen

SA et l’ensemble des manifestants soutenus par la CIA associent faussement leurs menées contre-révolutionnaires au spectre du « 4 juin », le soulèvement prolétarien de 1989 centré sur la place Tiananmen de Pékin, qui fut réprimé dans le sang par le régime du PCC de Deng Xiaoping. SA et compagnie présentent le soulèvement de 1989 comme un mouvement de masse pour la démocratie (bourgeoise). Il n’en était rien ! Les événements avaient commencé par des étudiants qui réclamaient plus de libertés politiques et qui protestaient contre la corruption des hauts bureaucrates du PCC. Les manifestants furent rejoints d’abord par des ouvriers arrivés individuellement, puis par des cortèges venant d’usines et d’autres lieux de travail. Les ouvriers étaient poussés à l’action par la forte inflation et les inégalités croissantes qui accompagnaient le programme du PCC de construction du « socialisme » par des réformes de marché. Même si certains jeunes se tournaient vers la démocratie capitaliste à l’occidentale, les manifestations étaient dominées par l’Internationale, l’hymne international de la classe ouvrière, et par d’autres expressions de conscience prosocialiste.

Diverses organisations d’ouvriers apparues lors des manifestations avaient le caractère d’organes embryonnaires du pouvoir ouvrier. Les « corps de piquets ouvriers » et les groupes d’usine « oser mourir », organisés pour protéger les étudiants contre la répression, défièrent la proclamation de la loi martiale par Deng. Des groupes ouvriers commencèrent à assumer la responsabilité de la sécurité publique après la quasi-disparition du gouvernement de Pékin et la disparition de la police dans les rues. C’est l’entrée du prolétariat chinois dans les manifestations, à Pékin et dans tout le pays, qui marqua le début d’une révolution politique prolétarienne. Après des semaines de paralysie, le régime du PCC déclencha une répression sanglante le 3 et 4 juin à Pékin ; il était poussé par la peur, non pas des manifestants étudiants, mais de la classe ouvrière mobilisée. Même après le massacre, des millions d’ouvriers continuèrent dans toute la Chine à faire grève et à manifester.

Les ouvriers firent preuve d’énormément de courage et de combativité, et ils nouèrent des liens avec des soldats qui se considéraient comme les défenseurs du socialisme. Sept officiers supérieurs de l’APL signèrent une pétition s’opposant aux mesures de la loi martiale imposées contre la population. Cependant, la classe ouvrière ne pouvait pas comprendre d’elle-même la nécessité d’une révolution politique pour renverser le régime déformant de la bureaucratie. Pour inculquer cette conscience à la classe ouvrière, l’intervention d’un parti d’avant-garde marxiste révolutionnaire est nécessaire. Nous honorons la mémoire des héros prolétariens de 1989, dont la lutte a illustré de manière éclatante le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière.

SA et ses semblables crachent sur l’héritage de Tiananmen et sont au service de la campagne impérialiste pour la contre-révolution capitaliste en Chine. Soixante-dix ans après sa révolution, la Chine n’est pas le pays qu’elle était en 1949 – une société affreusement arriérée, paysanne dans son écrasante majorité, pillée par les puissances impérialistes et ravagée par des décennies de guerre civile. Pourtant, malgré les énormes progrès réalisés par la Chine depuis lors, elle reste à beaucoup d’égards économiquement arriérée en comparaison avec les pays impérialistes qui dominent l’économie mondiale. Avec son programme de conciliation des impérialistes et de la bourgeoisie chinoise, et sa répression politique du prolétariat, la bureaucratie du PCC mine constamment les acquis de la Révolution de 1949.

La réalisation du socialisme – une société sans classes basée sur l’abondance matérielle – nécessite une économie planifiée internationale qui maîtrisera et dépassera de très loin la technologie et la capacité productive des pays capitalistes les plus avancés d’aujourd’hui. La voie qui mène au socialisme passe par des révolutions prolétariennes dans tout le monde capitaliste, et notamment de façon cruciale dans les centres impérialistes que sont les États-Unis, le Japon et l’Europe de l’Ouest. Cette perspective est nécessairement liée à la lutte pour mobiliser le prolétariat chinois afin de balayer les bureaucrates traîtres. Mais la lutte révolutionnaire requiert une direction révolutionnaire. Notre modèle historique est le Parti bolchévique qui, sous Lénine et Trotsky, dirigea la Révolution russe d’octobre 1917, la première salve de la lutte pour la révolution prolétarienne mondiale. La LCI est résolue à reforger la IVe Internationale de Trotsky pour porter en avant l’étendard du bolchévisme.