Le Bolchévik nº 230

Décembre 2019

 

L’État espagnol condamne les dirigeants catalans

Libération immédiate de tous les indépendantistes !

Indépendance pour la Catalogne ! Pour une république ouvrière !

L’article suivant a été publié le 19 octobre sous forme de tract en catalan, en français et en espagnol par la Ligue trotskyste de France. La version en catalan a depuis été diffusée à plusieurs milliers d’exemplaires en Catalogne.

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19 octobre – La colère a éclaté le 14 octobre en Catalogne, avec des manifestations massives contre la condamnation des politiciens et militants catalans à des peines allant de 9 à 13 ans de prison. Des dirigeants de partis nationalistes catalans, y compris Oriol Junqueras, ancien vice-président de la Generalitat de Catalogne (le gouvernement autonome), et Carme Forcadell, ex-présidente du Parlament, ont été condamnés, pour avoir organisé le référendum d’indépendance en octobre 2017, lors d’un procès-spectacle qui a donné lieu à un déchaînement de chauvinisme castillan contre les Catalans. Les accusations sont scandaleuses : « sédition », « désobéissance », « détournement de fonds ». Non seulement 9 des 12 accusés ont été condamnés, mais aussi la Cour suprême a réactivé un mandat d’arrêt européen contre Carles Puigdemont, l’ancien président de la Generalitat qui s’était réfugié en Belgique en octobre 2017. Ces condamnations et la persécution de politiciens bourgeois catalans de premier plan constituent une sinistre menace, à l’attention des nations catalane, basque et galicienne opprimées, que « l’unité indissoluble » de la prison des peuples espagnole n’est pas négociable.

Dans les heures qui ont suivi les condamnations, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue à Barcelone et dans d’autres villes de Catalogne, y compris à Perpinyà (Perpignan). Il y a aussi des manifestations de solidarité à Donostia (Pays basque), en Corse et en Bretagne. Un rassemblement monstre visant à bloquer l’aéroport de Barcelone a été brutalement attaqué par des unités conjointes de la police nationale espagnole et des Mossos d’Esquadra, la police autonome catalane. Des dizaines de manifestants ont été blessés ; un jeune de 22 ans a perdu un œil après un tir de flashball des flics. Les manifestations indépendantistes ont culminé dans une grève générale – la quatrième en deux ans – avec une manifestation de plus de 500 000 personnes à Barcelone le 18 octobre, qui a elle aussi été attaquée par les flics ; près de 200 personnes ont été envoyées à l’hôpital. La moitié des transports publics était bloquée par la grève, qui était particulièrement forte à l’université et dans les services publics. Les dockers notamment ont fait grève et ont manifesté.

Animée par l’internationalisme prolétarien, la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste) exige la libération immédiate de tous ceux qui ont été emprisonnés et arrêtés parce qu’ils soutiennent la juste cause de l’indépendance de la Catalogne. Libération de tous les prisonniers nationalistes basques et catalans emprisonnés en Espagne et en France ! Bas les pattes devant Carles Puigdemont ! Il existe une nation basque unique et une nation catalane unique, divisées et opprimées par ces deux États capitalistes. Le mouvement dans la partie « espagnole » pour l’indépendance de la Catalogne menace aussi la « République une et indivisible » de l’impérialisme français. Aussi, la bourgeoisie française n’est pas moins que la bourgeoisie espagnole hostile à l’indépendance de ces deux nations. Macron déclarait ainsi en octobre 2017 : « Il y a un État de droit en Espagne, avec des règles constitutionnelles. Il [le Premier ministre espagnol] veut les faire respecter et il a mon plein soutien » (Libération, 14 octobre). Indépendance pour la Catalogne et Euskal Herria, au Nord et au Sud ! Pour le droit à l’indépendance de la Galice !

Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), dirigé par Pedro Sánchez, qui est actuellement à la tête de l’État espagnol, est le principal orchestrateur de la répression. Il a procédé à des arrestations préventives ces dernières semaines sous couvert d’absurdes accusations de terrorisme. L’Audiencia Nacional (organe du ministère de la justice) a accusé de « terrorisme » le groupe Tsunami democràtic, dont le seul « crime » est d’avoir joué un grand rôle dans les dernières manifestations. Sánchez menace de réactiver l’article 155 de la Constitution pour supprimer toute trace d’autonomie catalane, comme l’avait fait son prédécesseur du PP néofranquiste Mariano Rajoy en 2017. Les sociaux-démocrates, loyaux à mort à la monarchie espagnole, jouent depuis toujours un rôle central pour attiser le chauvinisme anticatalan parmi les travailleurs et les opprimés dans tout l’État espagnol. À bas la monarchie ! Les dirigeants espagnols traîtres des confédérations syndicales CC.OO. et UGT jouent aussi un rôle central dans la diffusion du chauvinisme castillan ; ils ont refusé de soutenir la grève générale en Catalogne !

Pour l’indépendance politique du mouvement ouvrier !

Les politiciens bourgeois catalans ont toute confiance dans l’Union européenne, mais les travailleurs ne doivent se faire aucune illusion que celle-ci pourrait venir en aide à la Catalogne contre la répression de l’État espagnol. L’UE n’est pas un État supranational, mais un cartel de banquiers et de patrons, dominé par l’impérialisme allemand (et français en deuxième ligne). Sa raison d’être, c’est de maximiser les profits des capitalistes en maximisant l’exploitation des travailleurs dans toute l’Europe. Il s’agit aussi pour les impérialistes de fouler aux pieds la souveraineté nationale des pays membres plus faibles. L’UE est par essence profondément hostile aux luttes des nations opprimées pour leur émancipation. En réponse à la condamnation des dirigeants catalans, la Commission européenne a déclaré qu’elle respectait pleinement l’ordre constitutionnel espagnol, « y compris les décisions judiciaires espagnoles » (euobserver.com, 15 octobre). À bas l’UE ! Pour des États-Unis socialistes d’Europe, unis de leur plein gré !

La Catalogne ne dispose d’aucun des attributs propres à un État – essentiellement des forces armées – pour pouvoir résister à l’État espagnol. On ne peut pas confier la cause de l’indépendance catalane à la bourgeoisie catalane, qui plaide pour le « dialogue » avec le gouvernement espagnol. Les gouvernements catalans successifs, dirigés par le parti bourgeois de droite PDeCAT (Parti démocrate européen catalan) et son prédécesseur le CiU, agissent de concert avec Madrid, et en collusion à l’occasion avec l’Esquerra republicana (Gauche républicaine) et la CUP (Candidature d’unité populaire), pour mettre en œuvre l’austérité anti­ouvrière et pour attaquer sauvagement les syndicats, y compris en envoyant les Mossos contre les ouvriers en grève et contre les militants indépendantistes.

Nous luttons pour faire du combat pour l’émancipation nationale une force motrice de la révolution prolétarienne. La classe ouvrière, en mobilisant son énorme force sociale à la tête de tous les opprimés, peut faire de l’indépendance une réalité. Il faut lutter pour faire comprendre aux travailleurs dans toute l’Espagne et dans toute la France que le combat pour l’indépendance catalane et l’indépendance basque est crucial pour leur propre émancipation de l’esclavage salarié capitaliste. Il faut mener cette bataille contre la direction actuelle vendue de la classe ouvrière, dans le cadre de la lutte pour forger des partis léninistes-trotskystes, sections d’une IVe Internationale reforgée, l’instrument indispensable pour mener la classe ouvrière au pouvoir.