Le Bolchévik nº 229

Septembre 2019

 

Trump et les démocrates attisent une campagne de peur

Les impérialistes américains intensifient la guerre commerciale et technologique contre la Chine

Il faut défendre et étendre les acquis de la Révolution de 1949 !

Cet article a été publié par nos camarades américains dans Workers Vanguard n° 1157, 21 juin.

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Cela a commencé en janvier 2018 avec les droits de douane américains sur les panneaux solaires fabriqués en Chine, et c’est devenu depuis une vaste campagne visant à contrer l’essor économique et technologique de la Chine. Le 10 mai, le président Trump a annoncé une augmentation supplémentaire de 25 % des droits de douane sur les importations en provenance de Chine, à concurrence de 200 milliards de dollars. Cinq jours plus tard, il a promulgué un décret qui dans les faits bannissait la société chinoise Huawei des États-Unis pour des raisons de « sécurité nationale ». (Huawei est le leader mondial des équipements de télécommunications 5G de la prochaine génération, et le deuxième constructeur mondial de smartphones.) Le ministère du commerce a ensuite interdit aux sociétés américaines de vendre des puces électroniques et autres produits à Huawei.

Les capitalistes financiers craignent que l’usage généralisé de l’arme des droits de douane par Trump – tant contre de prétendus amis que contre des ennemis déclarés – menace les chaînes d’approvisionnement qui sont cruciales dans le secteur manufacturier moderne ; cela pourrait entraîner une récession mondiale. Pour les républicains et aussi pour les démocrates, qui soutiennent avec enthousiasme la Maison Blanche contre Pékin, ce n’est pas cher payé pour accentuer la pression sur la Chine, aujourd’hui le plus puissant des pays du monde où le régime capitaliste a été renversé. Des entreprises américaines telles que le fabricant de chaussures Steve Madden et le fabricant de caméras GoPro déplacent leur production en dehors de la Chine pour se soustraire aux droits d’importation. Les dockers du port de Los Angeles, où la Chine représente 60 % du volume commercial, manipulent déjà moins de fret.

Lors du dernier cycle de négociations commerciales, les négociateurs chinois ont refusé de s’humilier en satisfaisant les exigences de Washington, qui prévoyaient notamment que la législation chinoise soit réécrite selon les desiderata des États-Unis. Trump promet d’imposer des droits de douane sur 300 milliards de dollars de marchandises chinoises supplémentaires si Pékin ne cède pas. Dans cette guerre commerciale, les États-Unis poussent le régime du Parti communiste chinois (PCC) à renoncer au contrôle de l’économie par l’État. Cela signifierait capituler totalement devant les impérialistes. En tant que marxistes révolutionnaires, nous affirmons que la classe ouvrière américaine et internationale a un camp dans ce conflit : du côté de la Chine, un État ouvrier bureaucratiquement déformé, et contre l’impérialisme. À bas les droits de douane contre la Chine !

Le diktat de Washington contre Huawei a été préparé par une campagne de propagande prétendant que la Chine était capable d’espionner tout le monde grâce à des « portes dérobées » dans ses équipements de télécommunications. Ce sont bien entendu les États-Unis qui sont les spécialistes de ce genre de surveillance ; cela va de la surveillance des communications personnelles au piratage du réseau interne de Huawei par la National Security Agency. L’alerte aux « espions chinois » s’est intensifiée après l’arrestation à Vancouver (Canada) en décembre 2018 de Meng Wanzhou, dirigeante de Huawei, au motif que l’entreprise avait contourné les sanctions américaines contre l’Iran. Meng Wanzhou se bat actuellement contre son extradition vers les États-Unis, qui ont lancé des actes d’accusation contre Huawei pour « vol de propriété intellectuelle » et autres chefs d’inculpation concoctés de toutes pièces. La campagne contre Huawei n’est qu’un élément du complot visant à stopper la progression technologique de la Chine, qui est essentielle à sa défense militaire. La Spartacist League/U.S. se joint à la Ligue trotskyste au Québec et au Canada pour exiger : Libération de Meng Wanzhou! Pas d’extradition!

L’arrogance sans bornes des États-Unis à l’égard de la Chine a déclenché une vive réaction en Chine continentale, où les souvenirs du « siècle d’humiliation » sont profondément ancrés. C’était la période qui avait commencé avec la guerre de l’Opium de 1839-1842, lorsque des puissances étrangères avaient dépecé le pays pour s’arroger chacune sa sphère d’exploitation. Cette période ne s’est terminée qu’avec la Révolution de 1949. Le président chinois Xi Jinping a annoncé que la Chine doit considérer la guerre commerciale comme une véritable guerre. Lorsque les négociations commerciales ont échoué, le réseau de télévision étatique CCTV a cessé de montrer des films hollywoodiens aux heures de grande écoute et il a diffusé des films sur l’intervention de la Chine dans la guerre de Corée de 1950-1953, connue en Chine comme la Guerre de résistance à l’Amérique et d’aide à la Corée. « La Chine sait déjà ce que c’est de souffrir sous le joug d’un maître colonial. Peu importe ce que les États-Unis ou qui que ce soit essaient de faire, cela ne se reproduira plus », pouvait-on lire dans un article du quotidien officiel China Daily (24 mai).

Pékin a riposté en imposant des droits de douane sur 60 milliards de dollars de produits américains. Mais l’impact de ces mesures de rétorsion est limité, car la Chine importe beaucoup moins des États-Unis qu’elle n’y exporte. La Chine, qui extrait et transforme la grande majorité des terres rares dans le monde, menace de suspendre l’exportation de ces matières premières, qui sont essentielles pour de nombreux produits de haute technologie, des moteurs de voitures électriques aux smartphones en passant par les systèmes de guidage de missiles.

La Chine a également vivement réagi à l’escalade des provocations militaires des États-Unis et de leurs alliés, notamment les récentes incursions de destroyers dans le détroit de Taïwan, ainsi qu’à un nombre accru d’exercices navals et de survols par des bombardiers B-52 dans la mer de Chine méridionale, plaque tournante du commerce maritime de la Chine. Lors d’une conférence militaire à Singapour le mois dernier, le ministre chinois de la Défense, Wei Fenghe, a averti Washington : « Vous voulez discuter ? Vous êtes les bienvenus. Un combat ? Nous sommes prêts. L’intimidation ? Hors de question » (Asia Times, 5 juin).

Il est essentiel que la classe ouvrière internationale prenne la défense de la Chine dans tout conflit militaire avec les impérialistes ou avec des forces agissant pour leur compte. Notre défense militaire de l’État ouvrier déformé chinois est inconditionnelle. Tout comme les travailleurs doivent toujours défendre leurs syndicats contre les patrons, malgré leurs dirigeants traîtres procapitalistes, nous défendons la Chine contre l’ennemi capitaliste, malgré notre opposition politique au régime stalinien et quelle que soit la cause immédiate du conflit.

Anti-impérialisme et Révolution chinoise

Les idéologues bourgeois décrivent faussement la confrontation américano-chinoise comme une lutte entre rivaux pour la suprématie économique et militaire. On parle souvent du « piège de Thucydide », un terme qui a été popularisé par Graham Allison, un professeur de Harvard. Allison et ses semblables font référence à la guerre entre Sparte et Athènes dans la Grèce antique, qui, comme l’expliquait l’historien Thucydide, avait pour cause l’ascension d’Athènes, puissance montante. Ils prévoient de même l’inévitabilité d’un affrontement entre la puissance montante d’aujourd’hui (la Chine) et la puissance hégémonique déclinante (les États-Unis).

Les soi-disant socialistes de Left Voice, une publication américaine associée au groupe Fraction trotskyste-Quatrième Internationale [dont les partisans en France sont au « Courant communiste révolutionnaire » du NPA], ont repris l’analyse à deux balles d’Allison. Ces réformistes décrivent la guerre commerciale comme « une compétition entre deux puissances capitalistes ». Ils estiment que « la croissance explosive et le développement technologique de la Chine poussent cette dernière à la collision avec les États-Unis pour l’hégémonie économique, politique et militaire » (« La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et la course à l’hégémonie mondiale », 12 juin). Pour sa part, le Comité pour une internationale ouvrière (Alternative socialiste aux États-Unis – en France la Gauche révolutionnaire, mélenchoniste) qualifie depuis des années la Chine non seulement de capitaliste, mais de force impérialiste montante. Les idéologues bourgeois et leurs chantres dans la gauche couvrent ainsi l’agression brutale du gouvernement américain et obscurcissent le conflit de classes qui est derrière la campagne économique et militaire des impérialistes contre la Chine.

L’objectif stratégique des États-Unis et des autres puissances capitalistes est de renverser la Révolution de 1949, qui a détruit le régime capitaliste et arraché la Chine à leurs griffes rapaces. Après des années de guérilla paysanne, le PCC dirigé par Mao Zedong arriva au pouvoir et les forces réactionnaires en déroute du Guomindang de Chiang Kai-shek, soutenues par les États-Unis, se réfugièrent à Taïwan. Le nouveau régime distribua les biens des propriétaires terriens aux paysans, puis expropria les capitalistes et construisit une économie collectivisée avec une planification centralisée. Bien que marquée par l’arbitraire bureaucratique, la socialisation de l’économie a entraîné d’énormes progrès pour les travailleurs et les paysans dans un pays jusque-là terriblement pauvre. Ce qu’ont apporté quarante ans de « réformes de marché », ce sont d’importants investissements capitalistes étrangers, une corruption officielle galopante et une bourgeoisie indigène naissante, mais aussi une croissance économique significative. Néanmoins, l’économie chinoise reste basée centralement sur l’industrie et le secteur bancaire nationalisés.

La Révolution de 1949 a été un acquis historique pour le prolétariat mondial. Mais l’État ouvrier qui en est issu est déformé par le pouvoir de la bureaucratie parasitaire du PCC, qui depuis le début réprime politiquement la classe ouvrière. Le régime du PCC est calqué depuis l’époque de Mao sur la bureaucratie stalinienne dans l’ex-Union soviétique. Il sème l’illusion que la Chine peut parvenir d’elle-même au socialisme, c’est-à-dire une société d’abondance matérielle, si seulement on lui en laisse le temps. Le corollaire nécessaire de ce dogme du « socialisme dans un seul pays », c’est la « coexistence pacifique » avec le monde capitaliste, en particulier avec les puissances impérialistes. Le programme stalinien, perversion nationaliste du marxisme, est à la fois utopique et réactionnaire : il s’oppose à la lutte pour la révolution ouvrière sur le plan international, dans le but d’amadouer les impérialistes.

Nous, trotskystes de la Ligue communiste internationale, appelons à la révolution politique ouvrière pour chasser la bureaucratie du PCC et mettre en place un régime de démocratie prolétarienne : le pouvoir des conseils ouvriers et paysans. Pour défendre et étendre les acquis de la Révolution de 1949, un tel régime renforcerait la planification économique centrale et rétablirait le monopole d’État sur le commerce extérieur, tout en renégociant les conditions des investissements étrangers pour que les travailleurs en profitent davantage. Nous appelons également à la réunification de la Chine par la révolution socialiste à Taïwan et la révolution politique en Chine continentale, ainsi qu’à l’expropriation des magnats de Hong Kong, qui fait partie intégrante de la Chine. Notre perspective s’articule sur la lutte pour une révolution ouvrière aux États-Unis et dans les autres pays capitalistes, qui mettrait fin à la domination impérialiste une fois pour toutes et jetterait les bases d’un ordre socialiste mondial.

Le régime du PCC et le marché capitaliste mondial

La guerre commerciale et technologique contre la Chine illustre les contradictions d’un État ouvrier dirigé par des staliniens, opérant dans un monde dominé par une poignée de pays capitalistes (impérialistes) avancés. Prenons, par exemple, le programme « Made in China 2025 » du PCC. Il a pour objectif que la Chine, qui dépend actuellement de fabricants étrangers pour 90 % des puces électroniques à haute vitesse utilisées dans ses usines, fabrique elle-même ces articles. Une bonne partie de ce développement proviendrait d’acquisitions à l’étranger et de transactions commerciales. Mais comme le montre la campagne contre Huawei, les États-Unis sont résolus à lui bloquer la route. En réponse, Pékin, à ce qu’il paraît, renforce le contrôle de l’État sur son secteur technologique et Huawei envisagerait de créer son propre système d’exploitation pour smartphone, destiné à remplacer l’Android de Google.

Les impérialistes ont leurs propres contradictions dans leurs relations avec la Chine. Il y a une différence entre ce qu’on qualifie souvent de « nouvelle guerre froide » et la guerre froide contre l’État ouvrier dégénéré d’Union soviétique au siècle dernier : il s’agit maintenant d’une confrontation avec un partenaire commercial majeur des pays capitalistes. Cela donne à Pékin une marge de manœuvre, jusqu’à un certain point. Certains alliés des Américains ont décidé d’interdire Huawei, mais l’Allemagne continue jusqu’à présent de compter sur cette société pour construire son réseau 5G. En même temps l’Allemagne, qui est un producteur majeur de machines-outils de précision, s’est indignée quand une entreprise chinoise a racheté en 2016 la société allemande de robotique Kuka, qui équipe des usines automobiles dans le monde entier. En même temps, l’Allemagne et la France ont pris des mesures pour empêcher la Chine d’acheter davantage de ports et autres infrastructures en Europe dans le cadre de son programme de Nouvelle Route de la soie visant à développer massivement les voies d’accès commerciales.

Mais surtout, il y a le « rêve chinois » annoncé par Xi Jinping lors de son entrée en fonction en 2012 : la Chine a pour but de devenir une société xiaokang (moyennement prospère) à court terme, et elle espère qu’elle atteindra finalement la parité avec les économies capitalistes avancées pour le centième anniversaire de la Révolution de 1949. La République populaire de Chine a connu un énorme développement, comme on peut le voir aujourd’hui dans tous les secteurs, de la fabrication d’acier et de voitures électriques à son vaste réseau ferroviaire à grande vitesse, et même aux techniques médicales et spatiales. Ces progrès témoignent de la supériorité d’une économie collectivisée par rapport au système de production capitaliste basé sur le profit, avec ses cycles d’expansion-récession.

Il existe cependant toujours un fossé qualitatif entre les économies capitalistes avancées et l’économie chinoise. En décembre 2018, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine représentait 57 % de celui des États-Unis, une hausse énorme par rapport à il y a 20 ans, où il dépassait à peine 10 %. Mais le PIB actuel par habitant de la Chine, qui a quatre fois plus d’habitants que les États-Unis, ne représente que le septième de celui des États-Unis. Ce chiffre donne une vraie mesure de l’énorme différence de productivité du travail entre les deux pays. Cette disparité tient en grande partie au fait que, malgré l’urbanisation rapide de ces derniers temps, un peu moins de la moitié de la population chinoise vit toujours à la campagne, utilisant des méthodes agricoles relativement arriérées.

De Marx et Engels à Lénine et Trotsky, les communistes ont toujours su que, pour réaliser le socialisme, il faut dépasser la productivité maximale du travail sous le capitalisme afin d’éliminer la pénurie et, ainsi, toutes les divisions de classe. Pour effectuer un tel bond en avant, il faut balayer les classes dirigeantes capitalistes par des révolutions ouvrières et avoir recours à la technique la plus moderne dans une économie planifiée au niveau mondial.

La caste bureaucratique du PCC, qui s’oppose à cette perspective, joue un jeu d’équilibre délicat : elle repose de manière parasitaire sur l’État ouvrier, dont elle tire ses privilèges, tout en servant de courroie de transmission aux pressions du marché capitaliste mondial sur la Chine. Ainsi, si le régime de Xi cède aux impérialistes, cela pourrait provoquer une éruption de colère en Chine même. Déjà, chaque année le PCC fait face à des milliers de grèves et de manifestations, principalement à cause des effets des « réformes de marché ». La bureaucratie redoute le spectre du « Printemps de Pékin » de 1989, lorsque les manifestations étudiantes sur la place Tiananmen ont débouché sur un soulèvement de la classe ouvrière. Ce qui manquait essentiellement dans cette révolution politique naissante, c’était un parti léniniste-trotskyste capable de conduire les travailleurs au pouvoir (voir « La vérité sur le soulèvement de Tiananmen », reproduit dans Workers Vanguard n° 1157).

Les Chinois aux États-Unis cibles d’un harcèlement raciste

Avec la guerre économique qui s’intensifie, Pékin a averti au mois de juin les citoyens chinois que les forces de l’ordre américaines harcelaient les ressortissants chinois « avec des interrogatoires à la frontière, des visites surprise et divers autres moyens ». Les Chinois vivant aux États-Unis sont effectivement confrontés à un racisme virulent attisé par le gouvernement. En février 2018, le directeur du FBI, Christopher Wray, s’est attaqué à des scientifiques, des professeurs et des étudiants chinois aux États-Unis, les accusant d’être des espions chinois en puissance. Alors que la Maison Blanche ajoute des restrictions à leurs visas, des étudiants chinois sur les campus américains se font harceler simplement parce qu’ils parlent leur langue maternelle. Un reportage sur le harcèlement des personnes parlant chinois à la Duke University, publié sur un site internet en Chine, a été vu par des millions d’internautes. Nous disons : Gouvernement américain, pas touche aux étudiants, chercheurs et touristes chinois !

Le Comité des 100, une organisation d’élite composée de Chinois américains appartenant au monde des affaires, au gouvernement et au monde universitaire, a fort à propos comparé les déclarations de Wray, faites pour semer la peur, aux campagnes racistes du passé, comme l’internement des Américains d’origine japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale ou comme le coup monté contre le scientifique d’origine taïwanaise Wen Ho Lee dans les années 1990. (Sur ce dernier point, voir « L’hystérie sur l’espionnage chinois attise le racisme contre les Asiatiques », Workers Vanguard n° 719, 17 septembre 1999.) Ces atrocités ont été perpétrées avec les démocrates au gouvernement, sous Franklin Roosevelt et Bill Clinton.

Cette fois-ci, les démocrates apportent leur aide zélée aux républicains de Trump pour attiser l’hystérie contre la Chine. Ils visent en particulier la China Railway Rolling Stock Corporation (CRRC), une entreprise d’État chinoise qui produit des wagons pour Boston, Chicago et d’autres villes. CRRC est le plus grand fabricant mondial de wagons de chemin de fer, que les États-Unis ne fabriquent plus depuis des décennies. Il y a une usine de la CRRC depuis l’année dernière à Springfield (Massachusetts), fabriquant des voitures pour le métro de Boston (MBTA). John Scavotto, un responsable local du Syndicat des travailleurs de la tôlerie (Local Sheet Workers Section 63), a exprimé, après le démarrage de l’usine, sa crainte que la campagne de Trump contre la Chine ne conduise à la fermeture de l’usine. « Il y a plus de 120 syndicalistes à Springfield », déclarait-il à la radio WGBH en octobre. « Vous allez peut-être les mettre au chômage. »

C’est vrai. Mais ce n’est pas seulement Trump. En mars, un groupe de sénateurs des deux partis a présenté un projet de loi qui interdirait aux régies de transport d’utiliser des fonds fédéraux pour acheter des wagons ou des bus fabriqués par des sociétés liées au gouvernement chinois. La CRRC a également remporté un concours pour concevoir la modernisation des voitures du métro de New York. Quiconque travaille ou voyage dans ce métro décrépit, que les capitalistes privent de financements depuis des décennies, sait qu’on a terriblement besoin du savoir-faire de cette société. Mais voilà qu’arrive le sénateur démocrate new-yorkais Charles Schumer, qui exige un réexamen « de fond en comble » pour vérifier que la CRRC n’y installe pas de dispositifs d’espionnage ! Lors de la précédente guerre froide on parlait de « rouges cachés sous les lits ». Aujourd’hui, ce sont les caméras d’espionnage dans les trains de la ligne A.

Aussi ridicules que soient les tirades de Schumer, elles ont un but. Les contes à dormir debout sur l’espionnage chinois font partie d’une offensive idéologique visant à gagner les travailleurs américains et la population dans son ensemble à la campagne pour la contre-révolution capitaliste en Chine. La classe qui mène cette campagne est la même classe capitaliste américaine qui fait la guerre aux travailleurs américains depuis des décennies, dans le même but d’augmenter ses profits scandaleux et de renforcer son pouvoir. Un collègue démocrate de Schumer, le sénateur Chris Coons du Delaware, faisait remarquer que le fait d’être un faucon contre la Chine aujourd’hui est « comparable aux années 1950 quand il n’y avait aucun inconvénient, politiquement, à être antisoviétique » (Economist, 18 mai).

La croisade contre la Chine est soutenue par les traîtres à la classe ouvrière qui sont à la tête de la bureaucratie syndicale, comme la direction du Syndicat des métallos, qui a très tôt applaudi à l’imposition de tarifs douaniers sur l’acier chinois. Les bureaucrates syndicaux américains sont fidèles au système capitaliste et à l’impérialisme américain ; ils voient comme une menace l’expansion massive de la production industrielle en Chine ces dernières décennies. Ce dont le mouvement ouvrier a besoin, c’est d’une direction basée sur un programme de lutte de classe, en opposition aux partis capitalistes démocrate et républicain et en solidarité militante avec les travailleurs à l’étranger. Une telle direction se féliciterait de la croissance de l’industrie chinoise, car elle augmente le potentiel d’une économie planifiée avec une division rationnelle du travail sous le pouvoir des travailleurs.

Marx et Engels concluaient le Manifeste du Parti communiste de 1848 avec cet appel : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Ce n’était pas un vœu pieux. C’était une déclaration que le capitalisme, en étendant sa domination à l’échelle mondiale, créait un prolétariat international ayant un intérêt commun à remplacer le système de production pour le profit par une économie collectivisée. La Révolution russe d’octobre 1917, menée par le Parti bolchévique de Lénine et Trotsky, était le coup d’envoi de la lutte pour accomplir cet objectif. Pour l’atteindre, il faut aujourd’hui une révolution socialiste aux États-Unis et dans d’autres pays capitalistes, ainsi qu’une révolution politique prolétarienne en Chine et dans le reste des États ouvriers déformés. La LCI se consacre à reforger la Quatrième Internationale de Trotsky pour poursuivre cette lutte.