Le Bolchévik nº 228

Juin 2019

 

Accès interdit au dirigeant catalan par l’État canadien

Puigdemont doit pouvoir entrer au Québec !

Déclaration de la Ligue trotskyste au Québec et au Canada

Le 29 avril, les médias bourgeois annonçaient que le gouvernement de l’anti-Québécois Justin Trudeau venait d’interdire d’entrée au Québec Carles Puigdemont, l’ex-président de la Generalitat et leader indépendantiste catalan. Vivant en exil depuis 2017 en raison de la répression néo-franquiste de l’État espagnol chauvin, il avait été invité par les nationalistes de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et devait entre autres faire une tournée du Québec, prononcer des discours sur la lutte de l’indépendance catalane et visiter l’Assemblée nationale. Puigdemont est un leader d’une nation opprimée qui lutte pour se libérer de sa nation oppressive, et il trouve sympathie au Québec. Cette mesure de Trudeau est non seulement une insulte à la figure du peuple catalan, mais vise en fait aussi le droit du Québec à l’autodétermination. Pour le gouvernement impérialiste canadien, toute lutte pour l’indépendance est une menace indirecte à sa propre existence ; et pas question de laisser s’exprimer la solidarité entre indépendantistes.

L’avocat montréalais de Carles Puigdemont a entrepris des démarches pour lever l’interdiction de visite, et le gouvernement Trudeau pourrait bien flancher sous la pression politique en cette année électorale. Mais peu importe le résultat une chose est claire : le Canada soi-disant « multiculturel » et « libéral » (en fait une monarchie réactionnaire, tout comme l’Espagne) est 100 % solidaire de l’État capitaliste castillan espagnol, prison des peuples catalan, basque et galicien.

Après avoir tenté d’étouffer par la répression le référendum légitime pour l’indépendance de la Catalogne de 2017 – remporté à 90 % par le « oui » – Madrid s’acharne sur les dirigeants catalans. Une douzaine d’entre eux pourrissent maintenant dans les geôles du gouvernement capitaliste social-démocrate PSOE de Pedro Sánchez (qui a pris les rênes en 2018), faisant face à des procès-spectacles pouvant les mener à des peines de dizaines d’années d’emprisonnement. C’est pour éviter le même sort que Puigdemont et des collègues parlementaires ont dû s’exiler. Nous appelons à l’indépendance de la Catalogne et du Pays basque des deux côtés de la frontière franco-espagnole et disons : À bas la répression contre les indépendantistes ! Libérez-les immédiatement et levez toutes les accusations qui pèsent contre eux !

Tout comme les Québécois, les Catalans forment une nation basée sur une langue et une culture distincte, et nous appelons à leur indépendance sans condition. De plus, le coup que porterait l’indépendance de ces nations aux États réactionnaires espagnol et canadien serait dans l’intérêt de tous les travailleurs. Les marxistes sont des champions des luttes pour la libération nationale, et nous voyons dans la lutte pour l’indépendance une potentielle force motrice pour des révolutions socialistes portant au pouvoir la classe ouvrière, la seule force capable d’assurer une véritable libération nationale et sociale de tous les peuples de la terre.

Cette perspective est radicalement opposée à celle du PQ, du Bloc ou de Québec solidaire qui partagent en commun avec le PDeCAT de Puigdemont un programme nationaliste-bourgeois, soit la fausse conception que la bourgeoisie et la classe ouvrière d’une nation donnée partageraient des intérêts communs. Les directions nationalistes actuelles font tout pour maintenir la lutte de libération nationale dans le cadre du capitalisme « démocratique », alors que les capitalistes nationalistes ne souhaitent un État indépendant que pour mieux exploiter leurs « propres » travailleurs. Le PQ et ses alliés (soutenus par les bureaucraties syndicales du Québec), qui ont toujours supporté [soutenu] l’ALÉNA, l’OTAN et toutes les autres magouilles des impérialistes, se contentent à chaque référendum de ramper devant les banquiers de Wall Street pour les « assurer » qu’un Québec indépendant serait docile et soumis à leurs diktats, ce qui n’empêcherait aucunement l’impérialisme américain d’écraser le Québec. De même, les nationalistes catalans prêchent des illusions fatales dans l’Union européenne, à laquelle nous sommes absolument opposés. L’UE est un conglomérat d’États capitalistes dominé aujourd’hui par l’impérialisme allemand, et en second lieu par l’impérialisme français, tous deux ardemment contre l’indépendance de la Catalogne.

Les évènements des deux dernières années en Catalogne ont démontré que l’indépendance n’y sera pas réalisée par les manœuvres parlementaires des indépendantistes bourgeois, qui plaident pour des accords avec Madrid. Et contrairement aux dires de Puigdemont, le Canada n’est certainement pas plus démocratique que l’Espagne du fait qu’il ait toléré deux référendums sur l’indépendance du Québec. Comme l’ont démontré l’occupation militaire du Québec en octobre 1970, les menaces militaires et économiques entourant les référendums de 1980 et 1995 et la Loi sur la clarté référendaire qui, dans les faits, rend illégale la séparation du Québec, il est clair que, même après un hypothétique troisième référendum gagnant, l’indépendance n’est aucunement garantie.

En définitive, seule la classe ouvrière possède la puissance sociale pour réaliser la véritable libération nationale et créer une société socialiste libérée de l’oppression, de la misère et de l’exploitation à l’échelle mondiale. Pour déchaîner cette puissance sociale, il faut construire des partis léninistes tribuns des opprimés qui luttent contre toutes formes d’oppression, et pour l’indépendance politique du mouvement ouvrier. Dans les nations oppressives, cela signifie gagner à la lutte pour la libération nationale les travailleurs castillans et canadiens-anglais contre leurs directions réformistes chauvines, qu’elles soient pro-libéraux ou pro-NPD au Canada, ou pro-PSOE ou autres sociaux-démocrates et petits-bourgeois chauvins (comme Podemos) en Espagne. Cela signifie aussi lutter contre les illusions des travailleurs des nations opprimées dans les directions nationalistes-bourgeoises (PQ, Bloc et QS au Québec ; PDeCAT, ERC et CUP en Catalogne). Ce que la Ligue trotskyste cherche à construire ici au Québec et au Canada c’est un parti léniniste binational, en lien avec notre lutte pour étendre notre programme révolutionnaire, prolétarien et internationaliste avec nos camarades de la Ligue communiste internationale. Pour une république ouvrière du Québec ! Per una república obrera catalana !

– Ligue trotskyste au Québec et au Canada, section binationale de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste), 14 mai