Le Bolchévik nº 228 |
Juin 2019 |
Le prolétariat doit repousser les attaques de Macron !
Après six mois de révolte courageuse des gilets jaunes, avec plus de deux mille blessés et dix mille arrestations, le constat est amer : le gouvernement n’a l’intention de céder sur rien du tout. Les élections européennes passées (où la liste macroniste a drainé moins d’un électeur inscrit sur huit) et les vacances d’été approchant, Macron en rajoute une nouvelle couche avec ses plans pour liquider le statut des fonctionnaires, et tout particulièrement des enseignants, et démanteler le droit à une retraite qui permette de vivre, ou tout au moins de survivre.
Les gilets jaunes ont montré que les masses veulent se battre contre Macron. Mais l’occupation des ronds-points, ou même le saccage de hauts lieux symboliques de la bourgeoisie comme le Fouquet’s ou l’Arc de triomphe à Paris, montrent le manque de puissance sociale de ces protestations, qui sont socialement et politiquement hétérogènes : elles mélangent des travailleurs éparpillés, notamment ceux des déserts syndicaux qui se multiplient (sous-traitance et « ubérisation » des emplois), avec des petits commerçants et artisans. De ce fait, la force dirigeante de la mobilisation, c’est la petite bourgeoisie. Parmi les gilets jaunes, il y a en conséquence des fascistes qui, eux, veulent écraser la classe ouvrière organisée, au milieu de pogromes racistes.
Comme nous l’écrivions dans notre tract du 6 décembre (voir Le Bolchévik n° 227, mars) : « N’ayant pas d’intérêts de classe propres, la petite bourgeoisie oscille entre les deux classes fondamentales de la société capitaliste : la bourgeoisie et la classe ouvrière. » Dans notre tract, nous faisions observer que de nombreuses revendications des gilets jaunes étaient soutenables, mais que certaines étaient ouvertement réactionnaires, notamment contre les immigrés et les minorités. Pour comble d’ironie, il y en avait qui demandaient plus de moyens pour les flics, alors même que ceux-ci se déchaînaient contre les gilets jaunes. Flics, matons et vigiles, hors des syndicats !
Depuis que Macron a commencé à agir au gouvernement, d’abord dans l’ombre de Hollande il y a sept ans, il a fait preuve d’une grande constance en ciblant les syndicats sans relâche. Ce commis en chef de la classe des capitalistes comprend bien le conflit de classe fondamental qui divise la société : d’un côté la classe capitaliste qui possède les moyens de production en propriété privée, de l’autre la classe ouvrière. Celle-ci, par son travail, produit les profits qui sont la raison d’être de la production capitaliste. C’est pour cette raison que la classe ouvrière a une puissance sociale que les gilets jaunes, en tant que tels, ne pourront jamais avoir. Quand les ouvriers des raffineries ou les dockers se mettent en grève, c’est toute l’économie capitaliste qui est menacée à court terme de paralysie.
La concurrence internationale s’aggravant inexorablement, les capitalistes tentent par tous les moyens d’accroître leur taux de profit en exploitant davantage les travailleurs. Les syndicats sont la ligne de défense élémentaire des travailleurs, en tant que classe, en tant que collectif, sur le point de production lui-même (usines, moyens de transport, etc.) face aux capitalistes. C’est pourquoi Macron, depuis qu’il est élu, s’attache à détruire les syndicats en liquidant les représentations syndicales dans les entreprises et même en attaquant physiquement les cortèges syndicaux avec une brutalité inédite depuis des décennies, y compris le Premier Mai. L’objectif de Macron, c’est que les syndicats n’aient plus la puissance pour faire reculer le gouvernement comme ils l’avaient fait en 1995 (grève des cheminots) ou en 2006 (mobilisation contre le CPE).
Aussi, la défense des syndicats est la tâche centrale qui devrait guider les travailleurs ayant une conscience de classe. C’est en partant de là qu’une riposte de classe aux attaques tous azimuts du gouvernement et des capitalistes contre tous les acquis des travailleurs peut prendre son essor. La leçon à tirer de la mobilisation des gilets jaunes, ce n’est pas que toute lutte contre le rouleau compresseur macroniste est vouée à l’échec, mais que les travailleurs ont besoin de leurs propres organisations de classe pour prendre la tête d’une lutte rassemblant tous les opprimés dans une offensive générale contre le gouvernement, et pour en fin de compte renverser le système capitaliste lui-même grâce à une révolution socialiste.
Pour une direction lutte de classe dans les syndicats !
Au début du mouvement des gilets jaunes, l’immense sympathie qu’ils suscitaient a offert une occasion en or à la classe ouvrière pour prendre la tête de la lutte. L’hostilité de certains secteurs des gilets jaunes à l’égard des syndicats aurait été vite balayée si, par exemple, les bureaucrates à la tête des syndicats CGT et FO de camionneurs avaient maintenu leur mot d’ordre de grève illimitée début décembre au lieu de le lever. Le blocage des ronds-points et des dépôts pétroliers aurait pris une tout autre ampleur. À la même époque, les lycéens des banlieues entraient dans la lutte (confrontés à une répression inouïe, comme à Mantes-la-Jolie), et le comité Justice pour Adama appelait à descendre dans la rue avec les gilets jaunes. C’était un moment exceptionnel pour que le mouvement ouvrier puisse essayer de reprendre l’initiative d’une mobilisation générale contre l’impérialisme français.
Mais la préoccupation de la direction de la CGT a été, une nouvelle fois, de stabiliser l’ordre capitaliste en trahissant ses propres troupes et en aggravant le déclin de la CGT elle-même. Philippe Martinez a multiplié les déclarations traitant de fachos tous les gilets jaunes et dénonçant toutes les violences, c’est-à-dire les violences non pas des flics mais principalement des gilets jaunes contre des institutions ou endroits symboliques de l’ordre bourgeois. Lénine parlait il y a cent ans de ces chefs ouvriers traîtres comme de « lieutenants ouvriers du capital », achetés pour quelques pièces par la bourgeoisie impérialiste. Tous ces bureaucrates acceptent l’idée que le capitalisme serait un horizon indépassable, et d’autant plus depuis la chute de l’Union soviétique, avec pour conséquence qu’ils soutiennent leur propre bourgeoisie en espérant quelques faveurs en retour.
Le résultat de cette trahison, c’est que certains militants syndicaux se sont mis à chercher une direction dans le mouvement amorphe, politiquement, des gilets jaunes. Au lieu de cortèges syndicaux combatifs, on voit ceux-ci s’amenuiser au fur et à mesure que les militants, rendus impatients par l’inaction et le sabotage de leur direction, se tournent vers les gilets jaunes, le « cortège de tête » ou le black bloc. Ce qu’il faut au contraire, c’est lutter pour l’hégémonie politique du mouvement ouvrier sur la lutte contre le gouvernement. Pour cela, il est nécessaire de remplacer les bureaucrates syndicaux par une direction lutte de classe des syndicats. Pour des syndicats industriels, regroupant tous les travailleurs d’une industrie, y compris les sous-traitants, dans un seul syndicat !
Le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes des quartiers !
Les attaques de la bourgeoisie contre les syndicats ne cessent de s’aggraver depuis que l’état d’urgence a été déclaré fin 2015, suite aux attentats criminels qui avaient ensanglanté Paris. L’état d’urgence est, depuis, passé dans la législation ordinaire, et la gauche s’en lamente de temps à autre. Mais à l’époque nous avions été bien seuls à nous y opposer, dénonçant le caractère raciste de ces mesures d’exception :
« Nous protestons par avance contre l’utilisation que va faire le gouvernement capitaliste de Hollande de ces crimes pour justifier des mesures de plus en plus répressives contre les musulmans et la population à la peau foncée de ce pays et pour renforcer les mesures de surveillance généralisées de toute la population. Ces mesures d’État-policier, comme nous ne cessons de le dire, visent en dernier ressort la classe ouvrière car elle est la seule classe qui ait l’intérêt historique et la puissance sociale pour prendre la tête de tous les opprimés dans une lutte pour renverser ce système capitaliste qui de jour en jour s’enfonce davantage dans la barbarie. Nous disons : À bas l’état d’urgence ! À bas Vigipirate et Sentinelle ! Troupes françaises, hors du Proche-Orient et hors d’Afrique ! »
– Déclaration de la LTF, 14 novembre 2015 (Le Bolchévik n° 214, décembre 2015)
La répression des manifestations contre la loi El Khomri au printemps 2016 est maintenant devenue de la routine, et pire. La bourgeoisie s’en prend d’abord aux plus vulnérables pour ensuite généraliser ses attaques. La « Brigade anticriminalité » a d’abord été constituée pour « traiter » les émeutes de quartier, maintenant elle est régulièrement envoyée contre les gilets jaunes et les syndicalistes, maniant le flash-ball et les grenades avec une sauvagerie particulière.
Cela souligne une fois de plus que le mouvement ouvrier doit se mobiliser pour défendre les jeunes des quartiers face à la terreur raciste des flics. Beaucoup de ces jeunes sont en fait les enfants de travailleurs intégrés en masse dans le prolétariat et à la base des syndicats. Leur défense est cruciale pour l’unité du prolétariat contre la classe capitaliste, y compris quand ces jeunes sont encore à l’école ou au chômage. Mais la lutte pour les défendre se heurte au chauvinisme des directions syndicales.
En fait, les attaques multiformes du gouvernement ne peuvent pas être stoppées uniquement par des mobilisations syndicales, aussi nécessaires que soient celles-ci : il faut forger dans la lutte un parti ouvrier léniniste d’avant-garde afin de mobiliser la classe ouvrière contre toutes les formes d’oppression. Un tel parti pourra brosser un tableau général du système d’exploitation capitaliste et mobiliser tous les opprimés, derrière la puissance sociale du prolétariat, pour renverser tout ce système une bonne fois pour toutes par une révolution ouvrière.