Le Bolchévik nº 227 |
Mars 2019 |
Défense de la Corée du Nord et de la Chine contre l'impérialisme !
Levée des inculpations contre Benoît Quennedey !
Benoît Quennedey a été mis en examen fin novembre pour trahison et « intelligence avec une puissance étrangère » après quatre jours d’interrogatoire à la DGSI. Ses avocats ont déclaré qu’aucun document sensible n’a été produit à l’appui de l’accusation. Quennedey est maintenant interdit de sortie du territoire et suspendu de son poste d’administrateur au Sénat responsable « de l’Architecture, du Patrimoine et des Jardins », un placard où il avait été mis précisément à cause de son intérêt pour la Corée du Nord. Il risque 15 ans d’emprisonnement.
Quennedey, ex-secrétaire national du Parti radical de gauche, préside l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC), dont le but est la « réunification pacifique et indépendante de la nation coréenne, conformément à son aspiration légitime et à l’intérêt de la sécurité et de la paix dans le monde ». Quennedey n’est certainement pas communiste. Il est clair qu’il défend la Corée du Nord contre l’agression impérialiste, mais il promeut en même temps de dangereuses illusions que l’impérialisme français pourrait faire contrepoids pacifiquement, à la gaulliste, face à ses homologues américain et japonais. La chasse aux sorcières dont il est actuellement victime montre à elle seule que c’est du délire.
La LTF exige la levée immédiate des inculpations visant Benoît Quennedey. Il n’existe aucune preuve qu’il ait jamais fourni le moindre renseignement pouvant aider l’Etat ouvrier déformé nord-coréen à se défendre contre l’impérialisme français. Mais si c’était le cas, il aurait rendu un fier service au prolétariat mondial.
Cela fait des années que ses collègues énarques, qui jonchent les couloirs du Sénat réactionnaire, considèrent Quennedey comme un inoffensif « ami » de la Corée du Nord légèrement cinglé. Un laquais de Macron, André Gattolin (ardent partisan de l’Union européenne, ce consortium anti-ouvrier, et ex-membre des Verts), a été choisi pour faire le tour des médias afin d’y prononcer Quennedey coupable : « Il critiquait vivement la politique de la France à l’égard de la Corée du Nord, ce qui est totalement déplacé au regard de sa fonction d’administrateur du Sénat. »
Non aux sanctions impérialistes ! Pour la réunification révolutionnaire de la Corée !
Quennedey critique effectivement l’impérialisme français, et plus directement les impérialismes américain et japonais, qui représentent la plus grave menace pour l’Etat ouvrier déformé nord-coréen. Il a publié en novembre 2017 la Corée du Nord, cette inconnue, un livre où il attaque le « blocus, aux effets meurtriers sur les populations » des sanctions de l’ONU soutenues par l’impérialisme français à chaque étape, et que Quennedey décrit à juste titre comme « la guerre par d’autres moyens ». Il argumente aussi contre le désarmement nucléaire de la Corée du Nord : « Les dirigeants d’autres pays, comme l’Irakien Saddam Hussein et le Libyen Mouammar Kadhafi, ont commis cette erreur et ont finalement été liquidés. »
Les promesses des impérialistes ont moins de valeur que le papier sur lequel elles ont été couchées : on a vu récemment comment Trump a sabordé l’accord avec l’Iran sur le nucléaire. Abandonner la dissuasion nucléaire, comme l’exigent Macron et Trump, constituerait une criminelle trahison des travailleurs coréens, et signerait le suicide politique du régime de Kim. Face à l’hégémonie nucléaire globale de Washington, la possession d’armes nucléaires, et de vecteurs pour les lancer, est un moyen nécessaire et rationnel de dissuasion contre les attaques impérialistes. Nous exigeons la levée des sanctions impérialistes contre la Corée du Nord et le retrait de toutes les troupes américaines de la péninsule coréenne. Les trotskystes sont pour la défense militaire inconditionnelle de la Corée du Nord, de la Chine et des autres Etats ouvriers déformés (Vietnam, Laos et Cuba) contre l’impérialisme et la contre-révolution.
La collaboration de la Chine avec Washington sur les sanctions contre la Corée du Nord, même si elle est partielle, est un exemple répugnant de la politique stalinienne de « coexistence pacifique » avec l’impérialisme. Ce genre de trahison porte préjudice à la défense de la Chine elle-même. De Pékin à Pyongyang et La Havane, la « coexistence pacifique » est inhérente au dogme stalinien du « socialisme dans un seul pays ». Ce programme signifie poursuivre des intérêts étroitement nationalistes en s’opposant à la lutte pour la révolution ouvrière mondiale, y compris dans les pays capitalistes avancés, alors que c’est la seule voie pour construire une société socialiste d’abondance matérielle.
Il y a une ligne de classe entre la Corée du Nord et le Sud capitaliste. Nous appelons à la réunification révolutionnaire de la Corée par la révolution socialiste au Sud et la révolution politique ouvrière au Nord pour chasser la bureaucratie stalinienne parasitaire et instaurer un gouvernement basé sur la démocratie ouvrière et l’internationalisme révolutionnaire.
L’impérialisme français a les capacités nucléaires pour anéantir la Corée du Nord, mais son rôle dans la région est subordonné aux Etats-Unis. Il y a 28 000 soldats américains en Corée du Sud, avec un système de défense contre les missiles balistiques, le THAAD. Ce système américain installé en Corée du Sud vise la Corée du Nord et la Chine. La France a peut-être un rôle secondaire, mais elle ne manque pas pour autant de zèle anticommuniste pour essayer de renverser le régime nord-coréen et restaurer le capitalisme. La France demeure l’un des seuls pays européens ayant refusé de reconnaître diplomatiquement la Corée du Nord, prétextant les violations des « droits de l’homme » par le régime.
Pendant la guerre de Corée, le ministre socialiste de la guerre Jules Moch avait envoyé un contingent de 1 000 soldats combattre avec les troupes américaines sous l’égide des Nations Unies. Au total, près de 3 500 soldats français furent engagés dans les combats. Dans cette guerre, les impérialistes des « droits de l’homme » massacrèrent quatre millions de personnes, dont un million de soldats chinois. C’est la mobilisation de l’armée chinoise qui fut cruciale pour repousser les envahisseurs impérialistes. Ceux-ci ne parvinrent pas à écraser la révolution sociale ni l’Etat ouvrier déformé qui avait été créé dans le Nord de la Corée sous la protection des troupes soviétiques.
Quennedey raconte dans son livre que, malgré les démentis du Quai d’Orsay à l’époque, l’impérialisme français avait participé sous la présidence de Hollande aux manuvres militaires américano-sud-coréennes « Key Resolve » et « Foal Eagle », des exercices d’invasion de la Corée du Nord. La marine française multiplie aussi les opérations contre la Chine en mer de Chine du Sud et dans le Pacifique. La frégate française Vendémiaire va participer en avril à des opérations aéronavales américano-japonaises pour imposer les sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord et plus largement pour menacer la Chine (voir aussi notre article page 7). Troupes américaines, troupes françaises, hors du Pacifique ! Hors de mer de Chine du Sud !
Macron : petit McCarthy « à la française »
Fin janvier, Mediapart a publié un article détaillant les soi-disant « révélations » de l’« enquête » ayant conduit à l’inculpation de Quennedey pour espionnage pour le compte de la Corée du Nord. Elles soulignent l’arrogance de Macron et compagnie qui prennent les masses pour des « illettrés » en pensant que quelqu’un va gober ces absurdités. Mais le cas de Quennedey montre aussi la dangereuse escalade de l’Etat français. Partant de la batterie de lois « antiterroristes » adoptées sous Macron et ses prédécesseurs, ils veulent pouvoir faire condamner toute personne critiquant le capitalisme français en l’accusant de délit d’opinion : l’« intention de commettre » un méfait. Les implications sont sinistres pour le mouvement ouvrier. Si Macron réussit à faire condamner Quennedey, cela servirait de précédent pour enfermer tout opposant réel ou perçu aux opérations militaires, économiques ou diplomatiques de l’impérialisme français à l’étranger. Le mouvement ouvrier doit se mobiliser pour défendre Benoît Quennedey.
Mais pratiquement toute la gauche française, et particulièrement le PCF, le NPA et Lutte ouvrière, a refusé de prononcer le moindre mot sur l’affaire Quennedey et encore moins de le défendre. Cela ne peut qu’enhardir Macron à utiliser des mesures de ce genre. Cela montre aussi la capitulation de ces organisations devant leurs propres dirigeants impérialistes. Elles refusent de reconnaître, sans parler de défendre, le fait que le capitalisme a été renversé dans l’Etat ouvrier déformé nord-coréen.
Parmi les « révélations » incriminant Quennedey, il aurait rédigé des projets de notes sur l’actualité politique française et pris des photos d’une manifestation publique d’anticommunistes en France qui dénonçaient les « violations des droits de l’homme » en Corée du Nord ; l’Etat déclare que Quennedey en aurait fait part à la petite délégation nord-coréenne à Paris. C’est censé prouver qu’il était en train d’être formé pour devenir un jour un véritable espion
Autre « révélation » : sur le site internet de l’Association d’amitié franco-coréenne, Quennedey aurait déclaré en 2011 avoir envoyé à Pyongyang « de la documentation technique dans les domaines de l’architecture et des chemins de fer » pour permettre à la Corée du Nord « d’atteindre son objectif de bâtir un pays puissant et prospère ». Il s’agit de documentation accessible d’un clic de souris. On le condamne aussi pour avoir donné des semences de betterave à l’Institut nord-coréen d’agriculture. Agent 007 à la française
La « preuve » décisive de l’espionnage de Quennedey, là aussi, est une histoire qui sent le coup fourré de l’Etat français. Il est accusé d’avoir aidé l’Etat nord-coréen à localiser l’un de ses étudiants à Paris en 2014. Cet étudiant, un certain « Han », qui serait le fils d’un opposant de Kim Jong Un, aurait essayé d’échapper à des tentatives de Kim pour le kidnapper et le ramener en Corée du Nord. Après une brève excitation médiatique contre le régime « cinglé » de Pyongyang, la justice française a donné pour instruction à la presse de faire disparaître cette histoire parce que l’étudiant « disparu » n’avait pas du tout disparu : il était entre les mains des forces de sécurité françaises. Si cet étudiant était un opposant de gauche du régime de Kim (et nous n’avons pas la moindre idée si c’est le cas ou pas), Quennedey devrait rendre des comptes pour ses actes, mais devant la classe ouvrière et certainement pas devant les impérialistes français (souvenons-nous du kidnapping et de la disparition de Mehdi Ben Barka).
Il est possible que l’arrestation de Quennedey en novembre soit en lien avec ses virulentes critiques de Macron. Un mois avant son arrestation, alors que l’impérialisme français courtisait le Japon dans le contexte de rivalités inter-impérialistes croissantes, un bulletin de l’AAFC avait condamné l’alignement de Macron derrière le refus du Japon de « négocier » avec la Corée du Nord, « soutenant sans réserves Shinzo Abe dans sa douteuse politique inspirée par le racisme anti-coréen ». Dans un autre communiqué sur le sommet d’octobre dernier entre Macron et le président sud-coréen Moon Jae-in, Macron était décrit comme « Monsieur Niet » ; il était comparé à John Bolton, le néoconservateur américain qui a refusé d’approuver les tentatives de dialogue de Trump pour désarmer la Corée du Nord.
Les Etats-Unis, le Japon et la France sont tous trois déterminés à restaurer le capitalisme et à revenir à une exploitation capitaliste sans frein en Corée du Nord et dans les autres Etats ouvriers déformés. Le renversement du capitalisme et son expropriation dans ces pays représentent des acquis historiques pour la classe ouvrière du monde, en dépit des castes bureaucratiques staliniennes qui excluent la classe ouvrière du pouvoir.
A l’époque de l’impérialisme, le partage du monde entre les grandes puissances capitalistes a été mené à bien. En dernier ressort, les conflits et guerres interimpérialistes pour un repartage sont inévitables. La Ligue trotskyste de France, avec ses camarades ailleurs dans le monde, lutte pour construire des partis ouvriers d’avant-garde multiraciaux qui pourront diriger la colère et la frustration des travailleurs et des minorités opprimées vers le renversement du capitalisme. La révolution socialiste est le seul espoir pour que l’humanité ait un avenir face à la barbarie de l’impérialisme et au spectre de l’anéantissement nucléaire.